Romain Duguet connaît bien Omaha. Lors de la dernière finale de la Coupe du monde Longines organisée dans le Nebraska, le Suisse s’était emparé de la deuxième place, à une courte longueur de McLain Ward et son inoxydable HH Azur Garden’s Horses. S’il ne sera pas du voyage cette année, celui qui a posé ses valises en Normandie livrera sa précieuse analyse à Studforlife tout au long de la compétition. Pour le premier des trois épisodes de cette saga, le jeune quadra évoque les spécificités de l’étroite piste indoor américaine, revient sur les enseignements de la saison hivernale et se livre à un premier pronostic.
Qu’avez-vous pensé des différentes étapes qualificatives pour la finale de la Coupe du monde Longines cette saison ? Des faits vous ont-ils marqué plus que d’autres ?
J’ai suivi le circuit dans les grandes lignes. Nous avons vu quelques nouveaux visages s’emparer des Grands Prix qualificatifs, comme Wilm Vermeir, qui s’est imposé chez lui, à Malines. Il méritait de gagner à ce niveau depuis quelque temps déjà. C’est un cavalier régulier, qui a un cheval très en forme (malheureusement, le Belge a échoué à se qualifier, laissant le Plat-Pays sans aucun représentant aux Etats-Unis, ndlr). J’ai trouvé que les étapes qualificatives étaient un peu plus ouvertes cet hiver (elles ont notamment permis de faire émerger Richard Vogel, lauréat à Stuttgart, ou encore Janne Friederike Meyer-Zimmermann et Gerrit Nieberg, qui n’avait encore jamais triomphé sur ce circuit, ndlr).
L’Allemagne et les Etats-Unis sont les deux nations les plus représentées. Cela peut-il leur conférer un avantage ?
Les Etats-Unis comptent toujours beaucoup de cavaliers, mais certains apparaissent souvent à la peine. Ils sont toujours nombreux, avec une ou deux têtes d’affiche, mais je ne pense pas que cela soit représentatif. Je trouve que leur système qualificatif n’est pas très bien fait. Ils ont par exemple des CSI 3* en extérieur qui leur permettent d'engranger des points, ce qui n’est quand même pas comparable avec un 5*, en indoor, sur le circuit d’Europe occidentale. Ensuite, l’Allemagne est toujours une nation très forte, mais la Suisse compte aussi trois cavaliers très au point en ce moment. Dans tous les cas, les finales de la Coupe du monde sont toujours assez ouvertes.
Votre compatriote Martin Fuchs était automatiquement qualifié pour l’édition 2023 de cette finale, grâce à sa victoire acquise l’an dernier. De fait, il a rapidement opté pour retourner concourir sur de grandes pistes extérieures en début d’année. Pensez-vous qu’il soit en mesure de conserver son titre ?
Oui, je le pense ! Leone Jei (né Hay El Desta Ali, ndlr) n’a plus rien à prouver. Thomas (Fuchs, son oncle et coach, ndlr) que je connais pour m’être entraîné avec lui, aime laisser sauter les chevaux à l’extérieur, sur de grandes pistes en herbe, même avant une échéance indoor. Cela ne le dérange pas. Au contraire, il estime que cela est mieux pour le mental des chevaux. Le plan de préparation qu’ils ont suivi pour cette finale ne m’étonne donc pas. Martin fait bien sûr partie des favoris.
“Julien Epaillard et Henrik von Eckermann vont aborder cette échéance avec des chevaux à leur plus haut pic de forme de l’année”
Plusieurs cavaliers ont déjà annoncé faire de cette finale un objectif majeur de leur saison, puisqu’ils devraient faire l’impasse sur les championnats d’Europe de Milan cette année, qui se courront sur herbe. C’est notamment le cas de Julien Epaillard et Henrik von Eckermann, qui sont présents à Omaha avec leurs meilleurs chevaux, Donatello d’Auge et King Edward Ress, le champion du monde en titre. Pensez-vous que cela ait pu accentuer encore davantage leur motivation et leur préparation ?
Bien sûr. La France comme la Suède sont déjà qualifiées pour les Jeux olympiques l’année prochaine. De fait, ces deux pays vont sans doute offrir un ticket à deux ou trois couples cet été, afin qu’ils puissent s’aguerrir et faire leurs preuves dans un grand championnat. Forcément, avoir comme point de mire de l’année la finale de la Coupe du monde change tout. On met plus d’intensité dans cet événement, avant de laisser souffler son cheval par la suite. Ces cavaliers vont sûrement aborder cette échéance avec des chevaux à leur plus haut pic de forme de l’année.
À quoi ressemblent les infrastructures à Omaha ?
Les installations sont regroupées dans un très grand hall, où se trouvent les boxes des chevaux. Il y a deux paddocks d’entraînement, un petit pour monter sur le plat, ainsi qu’un second, plus spacieux, pour sauter. Ensuite, il y a la piste, le tout dans un seul hall. Elle n’est pas très grande et a une forme assez particulière. Une des extrémités de la piste est plus étroite que l’autre. Il faut donc des montures agiles, puisque cette arène fait partie des plus petites du circuit. Quelques chevaux peuvent être un peu désavantagés, même si à ce niveau-là, la plupart sont très bons et rodés à l'exercice. Il ne devrait donc pas y avoir trop de soucis sur ce point-là.
Les cavaliers et chevaux installés en Europe ont voyagé en avion jusqu’à Omaha, où le décalage horaire est important. Pensez-vous que cela puisse jouer un rôle dans la compétition ?
Non, je ne pense pas. Concernant les chevaux, les grooms les ont accompagnés et ont géré leurs sorties pendant deux ou trois jours, lors de la période de quarantaine, en attendant l’arrivée des cavaliers. De plus, ils sont, pour la plupart, habitués à voyager en avion. Ils sont arrivés cinq ou six jours avant la première épreuve, ce qui leur a laissé le temps de s’acclimater. Et puis, les chevaux arrivent en forme. Ils sont rarement là pour prendre de l’expérience !
“Edouard Schmitz est dans une super dynamique”
La traditionnelle épreuve de Chasse ouvrira les hostilités dans la nuit. Cette première mise en bouche, qui sera suivie d’un format Grand Prix avec une manche plus barrage, est souvent délicate et décisive. À quoi peut-on s’attendre et quelles seront les clefs pour réussir son entrée en matière ?
Dans une Chasse, il est plus aisé de tout perdre que de tout gagner. Comme on l’a vu dans les derniers grands championnats et autres finales de la Coupe du monde, les cavaliers qui terminent sur le podium sont souvent placés entre les troisième et la sixième place après la première épreuve. Je pense qu’il ne faut pas essayer de tout gagner avec la Chasse. Il faut en garder un peu sous le pied, puisque la semaine est encore longue après cela. D’un autre côté, si on ne tente pas sa chance, qu’on ne prend pas quelques risques, on se retrouve vite douze ou quinzième à ce niveau-là. Et, si tel est le cas, les chances de se hisser sur le podium final sont minces. Sur une piste étroite comme celle d’Omaha, tout le monde devrait avoir un schéma de parcours similaire. Cela se jouera donc à des détails. L’épreuve suivante sera, elle aussi, très importante. Le calcul des points est différent de celui des autres championnats, donc cela peut rebattre les cartes.
Enfin, quel est votre pronostic pour cette finale ?
Oulah ! (rires) C’est dur à dire. Martin fait évidemment partie des favoris. Le cheval de Pius (Schwizer, ndlr), Vancouver de Lanlore, a très bien sauté lors de ses trois ou quatre derniers concours (le bai, né chez Anne Dafflon, a notamment terminé troisième des temps forts des CSI 5*-W de Bâle et Leipzig, puis deuxième de celui de Göteborg, ndlr). Il peut tout à fait prétendre à un podium. Henrik, avec King Edward, sera clairement l’homme à battre. Tous deux sont les grands favoris, mais tout reste ouvert.
Et parmi les outsiders, sur qui faut-il garder un œil selon vous ?
Si je devais parier sur un outsider, je mettrais bien une petite pièce sur Edouard Schmitz, qui a enregistré plein de bons résultats avec son cheval (Gamin van’t Naastveldhof, dont Studforlife a dressé le portrait, ndlr). Il est dans une super dynamique en ce moment et est aussi un prétendant au podium, même si une première finale est toujours délicate à aborder.
La liste complète des engagés ici.
Photo à la Une : Romain Duguet. © Scoopdyga