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Le champion du monde King Edward Ress vu par sa groom, Louise Barraud

King Edward
lundi 29 août 2022 Mélina Massias

D’abord responsable des protégés de Janika Sprunger, Louise Barraud a pris la suite de Tiia Karhu aux côtés d’Henrik von Eckermann en début d’année. La sympathique Franco-suédoise a ainsi suivi l'ascension d’un certain King Edward Ress, lancé sur la scène internationale par l’amazone suisse, puis propulsé dans une nouvelle ère par son compagnon. Double champion du monde en titre, et champion olympique par équipe, le petit alezan au coup de saut phénoménal et au talent indéniable défraie la chronique depuis de nombreux mois. Pour Studforlife, sa groom décrypte ce phénomène gentil, facile, et sensible.

À haut niveau, derrière chaque cheval, se cache un groom. Le champion du monde King Edward Ress ne fait pas exception. Depuis le début de l’année, le crack, doublement couronné d’or à Herning mi-août avec le Suédois Henrik von Eckermann, traverse l’Europe aux côtés de Louise Barraud. Avant de prendre la suite de Tiia Karhu, la jeune femme avait déjà choyé le roi des écuries Cyor, lorsqu’il évoluait sous la selle de la Suissesse Janika Sprunger. “Lorsque j’ai commencé ma semaine d’essai chez Janika, il y a trois ans, c’est le premier cheval que j’ai monté. Avant même de rencontrer Janika, j’étais à cheval sur King Edward”, s’amuse d’emblée la Franco-suédoise. “À le voir dans son box, King Edward donne l’impression d’un cheval plutôt normal. Il est gentil et facile. J’ai toujours eu des chevaux gentils lorsque je travaillais pour Janika. Edi (le surnom de l’alezan, ndlr) en faisait et en fait toujours partie.”

Vivant une vie tout à fait classique, au plus près de ses besoins, le BWP de douze ans a ses petites habitudes. “Il adore aller se promener en forêt et aller au paddock. Il aime bien être le premier à sortir le matin et l’après-midi. Lorsque ce n’est pas le cas, il nous regarde un peu bizarrement. Il raffole des bonbons goût mangue papaye, ce sont vraiment ses préférés. Si on lui dit ‘mango papaya’, il commence à faire la grimace et sait qu’il va avoir des friandises. Finalement, il reste assez simple comme cheval. Il a ses petites manies, mais ce sont des manies de roi (rires)”, poursuit Louise. “Je dirais que c’est un peu un grumpy man. Il n’est pas vraiment de mauvaise humeur, mais aime bien avoir de l’attention seulement lorsqu’il l’a décidé. Il n’aime vraiment pas être brossé, mais, cela mis à part, il est fantastique. Il a vraiment grandi avec son nom. Désormais, nous savons pourquoi il s’appelle comme cela. Et je pense qu’il le sait lui-même. Son nom lui va comme un gant.”

Louise Barraud, King Edward et Janika Sprunger en sortie de piste, en juin 2020, à l'Hubside Jumping de Grimaud. © Sportfot



“Lors de ses premiers Grands Prix 3 et 4* avec Janika Sprunger, King Edward sautait avec une facilité fantastique”, Louise Barraud

S’il a décroché une médaille d’or individuelle tant attendue cet été à Herning, King Edward n’était pourtant pas forcément destiné à devenir le meilleur cheval du monde. Né chez Wim Impens, en Belgique, l’alezan présente des origines modestes pour le saut d’obstacles, entre Edward 27, son père, Feo de Lauzelle, son grand-père maternel, et Gribaldi II, son arrière-grand-père maternel. Repéré par Inès de Vos, qui souhaitait former un cheval pour son plaisir, l’exceptionnel hongre finit par être cédé à Janika Sprunger, début 2019. Tombée sous le charme du futur crack, la Suissesse n’a pas eu besoin de réfléchir bien longtemps avant de ramener son nouveau complice à ses côtés. “Lors de ses premiers Grands Prix 3 et 4* avec Janika, il sautait avec une facilité fantastique. Nous avions parfois du temps dépassé, ou n’étions pas les plus rapides au barrage, mais King était presque toujours double sans-faute. Nous avions remporté le Grand Prix 4* de Poznan, le 1er décembre 2019 (huit mois après les débuts internationaux de l’alezan, ndlr). Cela faisait quelques mois que nous travaillions ensemble et Edi avait déjà tout d’un champion, cela se voyait. Nous étions sûrs qu’il allait faire de belles choses. Ensuite, il s’était classé dans les Coupes du monde de Bâle et Göteborg. Je me doutais qu’il allait aller loin”, retrace Louise Barraud.

King Edward et Janika Sprunger à Valkenswaard en mai 2019, lors de l'une de leur premières apparitions internationales. © Sportfot

L’année suivante, écourtée par le Covid, voit King Edward poursuivre sa route, d’abord avec sa fidèle cavalière, puis aux rênes d’Henrik von Eckermann. Janika Sprunger attendant un heureux événement, son compagnon prend alors les commandes du surdoué, en août 2020. “Henrik a commencé à le monter pendant la grossesse de Janika. Il a pris son temps avec lui, sans brûler les étapes, parce qu’il savait aussi qu’il avait un crack entre les mains. Lorsqu’on sent toutes ces qualités, j’imagine qu’il est difficile de ne pas aller trop vite. Malgré tout, Henrik a pris le temps de le connaître et de finir son apprentissage, initié par Janika. Aujourd’hui, King Edward et Henrik se connaissent par cœur et se font confiance mutuellement”, salue la bonne fée du nouveau champion du monde. “Je pense qu’ils savent tous les deux que, lorsqu’ils sont l’un avec l’autre, ils forment l’un des couples phare du sport. Quand Henrik commence à le monter, Edi comprend : il est détendu, a les oreilles en avant et a l’air de dire ‘ouais, c’est moi !’ Il se promène un peu comme quelqu’un qui roulerait des mécaniques. C’est une star, et il le sait.”

Après Tokyo, la revanche de Herning

À peine un an après leurs débuts communs en compétition, Henrik von Eckermann et King Edward prouvent au monde entier leur qualité, en devenant le troisième couple de l’histoire à conclure les Jeux olympiques sans renverser la moindre barre. C’était à Tokyo, en 2021, et les deux complices avaient laissé échapper une médaille individuelle, terminant quatrièmes après un barrage à six. Un regret pour le Suédois, qui a pris sa revanche au Danemark, à Herning.

À Tokyo, King Edward était accompagné de Tiia Karhu, qui prend toujours des nouvelles de son ancien protégé. © Sportfot

“Même avant de prendre le départ pour les Mondiaux, j’étais très stressée”, confie Louise. “C’était mon premier championnat, et, même s’il faut l’appréhender comme un concours classique, la pression est différente. [...] Lors de la warm-up, Edi était comme à son habitude ; il sautait de façon fantastique. Mercredi, lors de la Chasse, Henrik voulait aller vite, pour être dans une position idéale pour la suite du championnat. J’étais un peu angoissée, même si je savais qu’à moins qu’il y ait un incident, rien ne pourrait les arrêter. Je savais qu’ils étaient en grande forme, et ils l’ont prouvé. Le lendemain, il fallait qu’ils soient sans-faute et dans le temps. Ce n’est pas facile à faire, mais c’était dans les cordes du cheval et du cavalier. Je pense que mon niveau de stress n’a pas diminué au fil de la semaine, si ce n’est augmenté ! Je pensais à Tokyo. Même si je n’y étais pas, j’avais suivi les épreuves et je savais que le cheval était capable d'enchaîner les sans-faute. J’espérais qu’il tiendrait la distance pour qu’il puisse prouver que c’était lui, le King. Dimanche, je n’ai pas arrêté de trembler de la journée. Tous les jours, je me suis retenue de pleurer, mais là, ce n’était plus possible. C’était trop d’émotions ! Lorsque je revois des images, des vidéos, les larmes me montent encore aux yeux. C’est tellement incroyable et si fort à vivre. Je pense qu’Henrik avait une envie de revanche après sa quatrième place aux Jeux olympiques. Là, il a pris plus qu’une revanche.”

La joie d'Henrik von Eckermann après son sacre à Herning. © Sportfot



Tout au long de la semaine, le champion a bénéficié de ses soins habituels, entre sorties en main, glace sur ses membres, et autres massages. “À Herning, nous n’avions qu’un cheval. Alors, j’ai essayé de ne pas trop l’embêter. On a envie de faire beaucoup, mais je pense que nos chevaux en ont parfois marre de nous voir et veulent être tranquilles. Edi aime bien aller se promener, visiter. Le premier jour en concours, il est toujours très enthousiaste : il marche vite, regarder un peu partout. Ensuite, il est très calme. Lorsque nous avons des moments de pause, je me mets devant lui sur ma chaise. Il aime bien être juste devant, sa tête au-dessus, sans bouger. Ce n’est pas un cheval qui va venir nous faire des papouilles ou qui cherche les câlins, mais il aime qu’on soit proche de lui. Une fois qu’il a décidé que c’était l’heure de sortir ou de faire quelque chose, il va nous le faire savoir, en nous réveillant par exemple”, sourit la groom. Pour autant, sous ses airs de grand guerrier, King Edward révèle une personnalité plus émotive. “Lorsqu’il y a beaucoup de bruit ou d’agitation, il n’est pas très à l’aise. Avant d’entrer en piste, il peut lui arriver de faire demi-tour s’il y a beaucoup d’ambiance. Il reste très sensible, mais une fois en piste et que le ton est donné, il n’y a plus rien d’autre qui compte. Il y va. Je pense qu’il a confiance en lui et qu’il sait qu’il peut le faire. Il sait qu’il est capable de réussir n’importe quel défi ou parcours qui se dresse face à lui”, détaille Louise.

King Edward et Louise Barraud à Doha en début d'année. © Sportfot

Stratosphérique

En décrochant cette médaille d’or individuelle au Danemark, King Edward a complété une collection déjà bien remplie. En somme, il ne lui manquait plus qu’une grande récompense en solo. À Tokyo, pour son premier grand championnat, l’alezan s’était paré d’or par équipe, au terme d’une compétition dominée de bout en bout. À Herning, il a été tout aussi exceptionnel, si ce n’est plus, terminant avec deux breloques d’or autour du cou. L’aboutissement d’une saison brillante. Cette année, il n’y a bien qu’à Cannes que le hongre de douze ans est passé à côté. Cinquième puis deuxième des deux Grands Prix 5* de Doha en mars, deuxième du Saut Hermès, vainqueur à l’Hubside Jumping de Grimaud en avril, quatrième du temps fort de Windsor, deuxième de celui du Longines Global Champions Tour de Stockholm, double sans-faute dans la Coupe des nations de Knokke et septième du Grand Prix associé… Le BWP n’a rien manqué, participant un peu plus à faire de lui le cheval du moment.

Le trio magique en sortie de piste à Knokke. © Sportfot

Comment gère-t-on la pression lorsqu’on s’occupe d’un tel crack ? “J’essaye de ne pas trop penser à cela, sinon, je pense que je n’oserais plus toucher Edi”, répond sa groom. “Inconsciemment, on fait peut-être encore plus attention qu’avec d’autres chevaux. Mais comme pour tous, s’il lui arrivait quoi que ce soit, je m’en voudrais terriblement. Avec tout ce qui se dit sur lui en ce moment, on essaye forcément de le garder en sécurité le plus possible. Cependant, ça reste des animaux et on ne peut pas tout maîtriser. On fait toujours au mieux pour les chevaux, sans exagérer. Tant que tout fonctionne bien, je pense qu’il ne faut pas essayer de trop en faire. Il faut conserver notre routine et surtout s’assurer que les chevaux restent en bonne santé physique et mentale.”

Avec les Européens de Milan en ligne de mire l’année prochaine, seule échéance à laquelle le BWP n’ait pas encore participé, et surtout les Jeux olympiques de Paris 2024, la folle épopée du King est loin d’être terminée. Au contraire, elle ne fait probablement que commencer. “Il y a toujours des rêves et des objectifs, mais je souhaite avant tout qu’Edi reste sain et qu’il continue de prouver au monde qu’il est l’un des meilleurs chevaux. Je profite de tous ces moments, de la chance d’être à leurs côtés. Nous allons essayer de continuer comme nous l’avons toujours fait et espérer que nos efforts continuent de payer”, avoue sobrement Louise Barraud. Une chose est sûre, s’il fallait choisir un mot pour qualifier King Edward, ce serait bien “stratosphérique”.

Emotions partagées entre Henrik von Eckermann et Louise Barraud en sortir de piste après le titre de champion du monde décroché par King Edward ! © Sportfot

Photo à la Une : Louise Barraud, au plus près de King Edward Ress et Henrik von Eckermann. © Mélina Massias