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Philippe Le Jeune, 4 ans plus tard

Reportages vendredi 22 août 2014 Julien Counet

Philippe Le Jeune, 4 ans plus tard! Après Londres, est-ce qu'il y a un moment donné où vous avez pensé ressortir Vigo quelques concours pour montrer que le cheval était en forme avant sa retraite définitive ?  P.L.J.  : « L'envie était là. Ça me brûle les doigts d'encore refaire un concours pour montrer à tout le monde qu'il est encore en pleine forme … mais dans ma tête, on allait l'arrêter … et je suis très content car le cheval est très heureux comme cela. Il reste à vie ici pour mon plus grand plaisir. C'est quand même un cheval très particulier, très dominant. Tous les jours, c'est un peu différent. Il faut toujours faire attention à lui. Il peut être un peu agressif au boxe ou avec d'autres chevaux. Parfois, il ne mange pas, parfois il fait l'imbécile et se blesse, … Il fait toujours des conneries et on est toujours occupé avec lui.

Il aime ça, il demande ça, il veut avoir une attention particulière. Des fois, on n'a pas trop le temps, il va promener mais on sent que ça l'agace. Alors, je remets son pelham des championnats du monde, je le selle, je mets mes éperons, je fais un parcours d'un mètre cinquante, je monte deux tours, on le lave, on le soigne, on lui met une paire de bandage et pendant une semaine, c'est un toutou ! Il est comme ça. Il y a quelques semaines, Thibaut est parti se faire plaisir à Dinard sur un deux étoiles avec sa copine et quelques élèves à lui, je devais être là puis j'ai eu une invitation pour un autre concours et nous avions un problème car Vigo devait saillir. J'ai demandé à Joris s'il ne voulait pas le prendre chez lui 4-5 jours.Il m'a répondu : «Hors de question ! ». Il saurait très bien gérer mais il sait que le cheval est spécial et il y a tellement de chevaux là-bas qu'ils n'ont pas le temps : les étalons saillissent et vont au boxe. Pour Vigo, c'est délicat de le laisser au paddock, il faut toujours jeter un ?il dessus. Vous devez, toutes les 10 minutes, aller voir ce qu'il fait parce qu'il peut manger puis se mettre à galoper comme un malade et vous devez le rentrer sinon vous allez à l'accident. C'est la même chose au boxe, le matin ou le soir, il peut charger et attaquer son caoutchouc. Je crie dessus et il se calme mais si personne ne dit rien, il risque de se faire mal. Tout le monde dit que Vigo n'a pas trop de sang mais c'est un lion. »

Vivre avec lui au quotidien, c'est une belle récompense ?

P.L.J.  : « C'est la plus belle récompense. Certaines personnes n'ont pas compris le fait que je puisse offrir mes médailles à Joris de Brabander … mais je ne regrette vraiment rien. Il m'a offert le plus beau des cadeaux en me laissant Vigo à la retraite. Regarder mes médailles dans mon salon ne me procurerait pas autant de plaisir que de voir Vigo de ma cuisine dès le matin, d'aller le caresser tous les jours … 

L'autre jour, je le faisais brouter dans la pelouse que nous n'avions pas tondue … puis finalement, je l'ai lâché et j'ai commencé à préparer mon barbecue puis il est venu me retrouver : il fait vraiment partie de la famille ! Mon fils, Thibaut, le connait aujourd'hui assez bien et c'est quasiment défendu que, si je ne suis pas là, Thibaut parte et qu'on laisse le cheval tout seul la journée ! »

Filou de Muze, c'est le grand espoir des écuries …

P.L.J.  : « Je crois que si je n'avais pas Filou, j'aurais arrêté de monter au haut niveau. C'est Filou qui a gardé l'espoir. Après les championnats du monde, pour moi, tout était fait. J'avais réalisé mon rêve, atteint quelque chose que je voulais personnellement … et après, tout m'était un peu égal. Je veux monter à cheval parce que c'est ma passion. J'adore monter des chevaux différents : je monte des 4 ans, je monte mon 5 ans, je vais voir mes poulains en attendant avec impatience qu'ils grandissent et qu'ils aient trois ans pour pouvoir les débourrer car on fait ça nous-même avec plein de plaisir. Filou avait 5-6 ans lors des championnats du monde et aujourd'hui, il vient de faire ses premiers Grand Prix. Il a sauté son premier Grand Prix quatre étoiles à Dinard où tout était à 1m60 et il a sauté extraordinaire. Il fait faute sur la rivière, une faute qu'il ne fait jamais mais depuis l'année dernière, il ne l'avait plus sautée. Je ne l'avais pas entrainé et il a été un peu surpris. Le concours suivant, c'était La Corogne et là, dans le Grand Prix, il y avait un peu lui et les autres. C'était du n'importe quoi ! Il a sauté tous les jours sans-faute. C'était la folie, on nous a offert beaucoup d'argent mais il n'est pas à vendre. Joris ne veut pas le vendre non plus. Je tiens d'ailleurs également à remercier mes sponsors Loro Piana dont les deux patrons de la maison de vêtements de luxe italien Aldo et Sergio sont des passionnés de saut d'obstacles et qu'ils ont décidé de me soutenir malgré le retrait de Vigo d'Arsouilles et alors que je suis en train de former mon prochain phénomène Loro Piana Filou de Muze, raison pour laquelle je suis très fier et honoré de monter sous les couleurs bleu et jaune.

Filou, c'est exactement le croisement entre Nistria et Vigo d'Arsouilles. Nistria est le cheval que j'ai monté qui a le plus de respect et de qualité sur les barres qui était une jument avec une technique extraordinaire, une rapidité, une frappe énorme. Filou a ça, avec les moyens de Vigo et Nabab. C'est la même chose mais c'est un cheval tellement respectueux qu'il est vraiment en arrière d'autres chevaux de son âge qui arrivent au plus haut niveau à neuf ans. En fait, il sautait beaucoup trop haut, avec un tel respect… J'ai décidé de retourner chez Necco Pessoa fin de l'année passée car j'avais un vrai problème dans les combinaisons. Il sautait beaucoup trop haut, trop loin et à un moment, il n'arrivait plus ! Avec Necco, nous avons juste fait des petites gymnastiques, des petites combinaisons. Oxer-vertical, vertical-oxer, 4 foulées, deux foulées … et le cheval s'est vraiment calé là-dedans et aujourd'hui, il saute vraiment formidable, comme l'un des deux Grand Prix à Gijon. Il arrive maintenant à maturité… Juste un peu trop tard pour les JEM. Il a eu une blessure car une nouvelle fois, c'est un étalon très dominant et il était à côté de Vigo. Ils ont dû faire les imbéciles dans leur boxe et il a dû se taper le postérieur gauche dans son postérieur droit. Il s'est déchiré un petit morceau de cartilage. Il n'y avait pas de soin à faire mais il fallait qu'il reste au repos durant 4 mois. Ça a mis du temps et nous avons perdu du temps. Si c'était en hiver, cela n'aurait pas eu de grosses conséquences mais comme cela s'est passé en janvier, il n'a pu recommencer que fin mai. En plus, c'est un grand cheval qui avait perdu sa musculature, comme il ne marchait qu'au pas.Il a fallu prendre le temps de le remettre en condition. Puis après deux mois, quand ils retravaillent, les chevaux ont toujours un petit coup de blues car les muscles ont recommencé à travailler et c'est un peu douloureux. Donc ça a mis du temps ! C'est dommage car je voulais vraiment remonter aux championnats du monde, c'était un peu mon objectif. Je crois que j'avais le cheval pour … mais c'est comme ça. J'ai toujours dit que le cheval passait avant l'envie de concours. Ce n'est pas terminé. Je vais mettre mes idées sur le championnat de Belgique avec lui cette année et peut-être les championnats d'Europe l'an prochain. Mon objectif, désormais, est de me faire plaisir.

Je n'ai plus du tout envie d'avoir des discussions, que ce soit avec le chef d'équipe, la fédération, les organisateurs … Je suis invité, je suis invité, je suis sélectionné, c'est bon et si je ne le suis pas, ce sera bon aussi car il y a beaucoup de beaux concours où je peux m'amuser avec mon cheval. Je ne critique pas les autres, je n'ai pas envie qu'on me critique ou qu'on pense ceci ou cela. Je vais avant tout monter pour me faire plaisir mais quand je vais montrer mes résultats, je pense que ce sera difficile de me mettre dehors de la sélection. »

Cette année, le fait de ne pas aller aux championnats du monde laisse la porte ouverte à Calgary ?

P.L.J.  : « Oui … mais c'est trop tôt pour lui. Dans ma tête, j'ai un petit planning. Je vais faire le Grand Prix trois étoiles de Macon puis la semaine des championnats du monde, je vais regarder cela devant ma télévision, n'étant pas sélectionné et n'ayant pas été invité. Puis après, j'attends une invitation pour l'étape du Riders Tour de Padderborn puis ce sera le championnat de Belgique. Si je trouve qu'il fait vraiment bien sur ces trois étapes, je serai candidat pour la finale de Barcelone. J'aurai trois/quatre concours de plus dans les jambes. C'est un cheval qui fait très peu de fautes donc ce sera un cheval très sûr au niveau coupe des nations car il a tous les moyens et tout le respect. Il lui manque encore quelques kilomètres d'expérience mais je pense que ça va vraiment être un cheval sur lequel l'équipe va pouvoir compter. » La fin, c'est demain !