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Philippe Le Jeune, 4 ans plus tard

Reportages jeudi 21 août 2014 Julien Counet

Philippe Le Jeune, 4 ans plus tard! Après ce titre de champion du monde, il y a eu l'objectif des Jeux Olympiques qui s'est finalement soldé par une déception.  P.L.J.  : « La plus grande déception de ma carrière ! Ça a été très dur. En fait, déjà l'année après les championnats du monde, Vigo est revenu en grande forme. Nous sommes partis sur les chapeaux de roue avec La Baule, Rome et Saint Gall… et mon cheval devait aussi saillir car c'est l'arrangement que j'ai avec Joris de Brabander, depuis des années. Je savais que je devais faire attention à cela et nous nous étions entendus pour ne faire que trois coupes des nations … Malheureusement après cela, nous n'étions pas très riche dans les points et on m'a demandé d'aller à Aix la Chapelle où il a déjà eu une baisse de forme. Philippe Guerdat m'a dit : «Il faut quand même que tu ailles à Dublin » où il a été le seul double sans-faute de la coupe des nations. Là, j'aurais vraiment voulu aller à Calgary car Vigo était vraiment un cheval pour être devant sur ce terrain. Le niveau financier est quand même important et, même si dernièrement j'en vis moins, à cette époque je devais vivre de mes gains en concours… La fédération a fait pression pour me dire qu'en tant que champion du monde, il fallait quand même que je participe aux championnats d'Europe à Madrid … On a encore demandé qu'il aille à Rotterdam où le cheval n'était plus du tout en forme. Il a fait 4 et 8 et pour Vigo, c'est un drame ! Et là, moi qui ai une grande gueule et qui ai mon caractère, je me suis dit : en tant que champion du monde, je vais la fermer. Je vais rester plus humble que d'habitude et je vais dire oui pour le sport, oui pour ci, oui pour là … et j'ai commencé à écouter ce qu'on me disait au lieu d'écouter mon cheval comme je l'ai toujours fait d'habitude, durant toute ma carrière. J'aurais dû dire : « Non, allez vous faire foutre. Je ne vais pas aux championnats d'Europe  mais à Calgary qui était un peu plus tard et qui m'aurait permis de donner un peu de repos à mon cheval ». En plus, nous sommes arrivés, il faisait très chaud et nous nous sommes retrouvés en plein soleil alors que tous les autres étaient sous les arbres dans l'ombre. Je suis rentré directement après la coupe des nations, je ne suis même pas resté pour la finale, j'étais dégouté. J'ai laissé mon cheval se reposer. Il a juste sauté à Genève durant l'hiver. Puis il est reparti l'année d'après, qui était l'année des Jeux Olympiques, dans une condition extraordinaire. A La Baule, il est double sans-faute et on gagne la coupe des nations puis il est deuxième du Grand Prix. Il commençait à être beaucoup plus rapide dans les barrages. Mais après La Baule, j'ai reçu un coup de marteau sur la tête ! Philippe Guerdat m'a dit « Toi, tu es déjà sûr d'aller aux Jeux Olympiques. Ton cheval est en pleine forme, tu sais comment tu dois le gérer… j'ai besoin des autres super league pour faire le reste de mon équipe ! » Il faut quand même se mettre en tête que j'étais qualifié d'office pour tous ces Grand Prix, que j'avais un cheval qui était en pleine forme … Je connaissais mon cheval, je n'allais donc pas en faire de trop … mais je devais aussi en vivre ! Je n'ai pas pu aller à Aix, ni à Saint Gall … nulle part ! J'ai pu aller à Alost où il était deuxième du Grand Prix en sautant fantastique. J'ai encore fait Vichy et un autre concours ! Cela m'a quand même démoralisé fortement. J'aurais quand même pu aller en tant que 5 ème à Aix-la-Chapelle : j'aurais fait deux épreuves avec mon cheval et j'allais attendre mon Grand Prix … mais ce n'était pas bon non plus.

Un jour, j'ai eu une discussion avec Philippe qui m'a dit « Oui, mais les Jeux …  » j'ai répondu : « Tu sais quoi, si j'ai le choix entre les jeux ou l'accès à deux Global Tour et Calgary, le choix, il est vite fait : je ne vais pas aux Jeux car comme ça, ça ne m'intéresse pas ! »

Comme je n'arrivais pas à avoir de sélection, j'avais contacté Cannes pour voir si je ne pourrais pas avoir une Wild Card comme chaque organisateur d'un Global a une ou deux invitations … et on m'a répondu que c'était 25.000 euros ! Ensuite, j'avais fait un tas de plaisir aux organisateurs de Chantilly. La même année, j'avais recommencé la saison extérieure de Vigo là-bas, il était deuxième du Grand Prix et sautait formidable. J'avais laissé les sponsors du concours venir pour faire des séances photos avec Vigo, boire un verre de champagne … etc. Je m'étais prêté à tous ces jeux car je pense que pour la publicité, pour notre sport, c'est important. Je me suis toujours prêté à tout ça puis les organisateurs de Chantilly m'avaient dit « Si on peut faire quelque chose pour toi, n'hésite pas. » La saison passe … puis, comme je n'ai pas de sélections, le Global de Chantilly arrive. Je téléphone aux organisateurs en leur expliquant que j'ai besoin de leur aide car je n'ai pas eu la chance de faire trop de concours et j'aimerais vraiment refaire un gros concours avant d'aller aux Jeux pour le remettre sur la hauteur et pas seulement me contenter de faire des deux et trois étoiles. Mais là, on m'a dit : « On est désolé mais on ne saurait pas te donner la Wild Card, on l'a donnée à Edouard de Rothchild ». Pfff … Quand on demande à deux concours qui sont deux terribles concours et il se fait que j'adore ces deux concours et que d'un côté, c'est 25.000 et de l'autre, il faut laisser aller M. Rothchild parce qu'il a payé le terrain… Je veux bien comprendre tout ça, mais…

Avec tout cela, je suis parti aux Jeux Olympiques à moitié motivé. J'arrive là, l'échauffement se passe bien puis lors de la première qualificative, le cheval fait sans-faute mais il n'était pas bien. J'avais dû refaire des foulées alors que d'habitude, j'enlève des foulées avec Vigo. Le lendemain, le cheval n'était pas bien du tout. Le cheval ne boitait pas mais je sentais qu'il n'était pas bien, je n'avais plus de galop à droite, c'était catastrophique. On avait beau me dire qu'il trottait bien et qu'il n'avait rien, je connaissais assez mon cheval, mieux que n'importe qui d'autres ! Cela faisait sept ans que je le montais … J'ai néanmoins dû partir dans la coupe des nations mais j'étais terrorisé car c'était le dernier concours de Vigo et le plus important pour moi, c'était qu'il ne sorte pas de piste boiteux sinon je n'aurais plus pu me regarder dans une glace. Je sais que ce que je lui ai demandé là, il l'a fait pour moi mais ce n'était pas bien. Le cheval a sauté dans la douleur. Joris, qui ne vient jamais habituellement car il me fait confiance et il a d'autres choses, est venu au boxe et il m'a dit « Ouh, il n'est pas bien, il a mal. » Pourtant, il allait bien, il n'était pas boiteux, je le répète. On n'a finalement jamais su ce qu'il s'était fait car les radios étaient bonnes. C'était peut-être un ligament ??? Lorsqu'il est rentré des Jeux, il est resté deux mois au pas. Il est guéri totalement et depuis, il n'a plus jamais rien eu. J'étais vraiment dégouté. Pendant deux, trois semaines, je n'ai plus voulu voir personne. Je suis rentré ici et je ne m'occupais que de mon cheval. Ça me chagrinait très fort. Puis j'ai décidé de faire mon chemin tout seul et de faire mon truc. Il y avait beaucoup de pressions, pas mal de gens m'attendaient avec mon titre de champion du monde d'autant que Vigo avait montré à La Baule qu'il était en super forme. Même Nick Skelton m'avait mis dans son pronostique pour le podium. Je ne veux pas chercher des coupables et dire que c'est la faute d'un tel ou un tel, c'est un ensemble de choses qui ne se sont pas déroulées comme prévu. Je me suis dit que finalement, les championnats du monde, je m'en serais bien passé si c'était pour faire ça … Du coup, les championnats du monde, ça reste pour moi, mon cheval, ma famille : de manière personnelle. Je ne vais pas dire que c'était mauvais après les championnats du monde mais juste qu'il y a des circonstances où je pensais que ça aurait été mieux. L'argent, c'est le nerf de la guerre. C'est très bien d'avoir aujourd'hui le Qatar, les Emirats Arabes, l'Ukraine et d'autres pays qui vont encore arriver où l'on peut vendre des chevaux. C'est parfait, c'est positif … d'autant qu'il y a de plus en plus de chevaux. On se demande ce qu'on va en faire, à la fin, avec tous ces chevaux. C'est énorme quand même. Quand on voit qu'il y a trois concours par week-end, que tout est plein et que tout le monde refuse du monde, avec des listes d'attente de 50 cavaliers par concours. On ne va plus savoir qu'en faire de tous ces chevaux. On continue à élever. Quand je vois ce que Vigo doit saillir, ce que d'autres cracks comme Kannan, Cornet Obolensky et ces 15-20 cracks chevaux étalons, on se demande qui va monter tout ça ! C'est néanmoins très positif tout cela … mais il faudrait remettre le cheval à sa place, c'est-à-dire tout en haut, devant et pas le faire passer en troisième ou quatrième position derrière l'argent, le pouvoir … Il faudrait que le sport redevienne un peu plus sport ! Sur World of Show Jumping, Steve Guerdat déclarait en parlant du concours de Munster : « enfin un concours avec des justes valeurs et non le show, les VIP, etc. » On voit bien que beaucoup de cavaliers s'en rendent compte. En fait, ce qui fait beaucoup de bien … et beaucoup de tort, c'est le Global Champions Tour ! C'est un produit de marketing remarquable, très bien géré par un professionnel. C'est bien organisé pour ses clients, tout en trouvant le juste milieu, en invitant les trente premiers mondiaux pour être sûr d'offrir un beau spectacle … Mais en fait, ça reste des concours pour les privilégiés et pas pour tous les autres bons cavaliers, les mecs qui ont soif, qui montent bien mais qui n'ont qu'un bon cheval. De plus, je trouve que les amateurs qui ne sont pas bons assez pour le mètre cinquante, si ils veulent payer pour monter sur la même piste et être dans ce milieu, pas de soucis … mais la FEI devrait quand même catégoriser les épreuves. Ce n'est pas parce qu'on a de l'argent, qu'en une fois, on peut grimper au dernier échelon alors que les autres sont obligés de monter pas à pas en étant obligés de montrer des résultats alors que d'autres, sous prétexte qu'ils ont des millions, achètent un cheval trois-quatre millions, achètent les VIP et montent le Global dans les épreuves 1m50 ! Quelque part, ce n'est pas juste : le sport, ce n'est pas ça : nulle part ! Alors on me dit « Oui, mais c'est comme ça maintenant ». Ok, j'accepte … mais je ne trouve pas ça juste. C'est ingrat quand même. »  La suite, c'est demain !