Philippe Le Jeune, 4 ans plus tard! Finalement, qu'est-ce que ce titre a changé dans votre vie ? P.L.J. : « En fait, je suis assez vite retourné à ce que j'aime faire : ma passion, c'est toujours de monter des chevaux, de les fabriquer, de les améliorer. Ma soif d'apprendre n'a pas changé depuis que j'ai quatorze ans et que j'étais chez George Calmont et Necco Pessoa. J'ai toujours autant envie d'apprendre et de monter. Ma vie, c'est ça ! Ma vie n'est pas d'aller de grand concours en grand concours et d'être pilote de formule un et d'avoir quatre chevaux de Grand Prix. J'aimerais bien mais ce n'est pas mon truc. Philippe Le Jeune et l'un de ses poulains par Querlybet Hero.
J'ai une journée comme aujourd'hui où je fais sauter mon fils, sa copine, un autre gamin français de 13 ans qui a sauté un parcours de 80-90cm. J'adore apprendre aux autres, j'adore enseigner … mais à petites doses car je m'investis beaucoup. J'y mets beaucoup d'émotion et de passion et cela me fatigue très vite. Alors, je ne pourrai pas donner des leçons de 8h du matin à 18h, le soir ! Mon métier comprend en fait beaucoup de choses : j'aime monter mes chevaux le matin mais je veux rester petit car j'aime bien de faire tout moi-même. Chaque matin, je vais voir mes poulains, je leur donne du foin et je regarde comment ils sont. Lorsqu'on les rentre et qu'on les vermifuge, c'est moi qui m'en occupe. Je ne m'occupe pas tous les jours des saillies de Vigo mais souvent, je vais chez le vétérinaire avec mes chevaux. Si on doit faire une ferrure spéciale à un de mes chevaux, je prends la camionnette et je vais moi-même avec eux … bref, je suis toujours occupé car c'est ça ma vraie passion.
Sinon, je pense que cela m'a apporté, au niveau mondial, peut-être plus de reconnaissance. Je pense que j'ai un petit peu choqué le monde car personne ne m'attendait. Je suis particulièrement fier d'avoir tout fait sans-faute que ce soit avec mon cheval ou avec les autres, je pense que ça n'a jamais été fait avant, dans un championnat précédent. Je pense que c'est Eric Navet qui se rapproche le plus de tout ça. Je suis vraiment très fier. Et voilà, cela reste un souvenir dans ma tête et j'ai continué à aller de l'avant. Je pense que si j'avais été champion du monde en montant pour la France, la Grande Bretagne ou l'Allemagne, cela aurait apporté d'autres choses mais nous sommes un petit pays et cela n'a pas débloqué ce que l'on aurait peut-être pu penser. J'ai eu, néanmoins, des sponsors que je remercie. J'en ai encore certains, d'autres ont arrêtés car les contrats étaient comme ça mais cela m'a apporté financièrement des petites choses et matériellement d'autres choses comme la carrière de d&m Demol qui est très agréable et très utile car on monte tous les jours dessus et c'est important pour les chevaux d'avoir un bon terrain pour s'entrainer.
J'ai une camionnette mise à disposition pendant encore deux ans par la carrosserie MC Guillaume, j'ai une chouette voiture Hyundai, j'ai reçu un camion durant deux années de Stephex. Donc, voilà, ce sont des choses très appréciables qui m'ont aidé dans ma vie au quotidien, d'autant que je n'avais pas l'argent pour acheter tout ça. Ce n'était que du positif. » Poulain par Filou de Muze Y a-t-il par contre des choses que vous pensiez que ça allait changer mais qui n'ont pas changé ou pas comme vous l'auriez voulu ? P.L.J. : « Non, je n'ai rien demandé. J'ai juste été un peu déçu vis-à-vis des concours mais cela fait partie d'un tout que ce soit les organisateurs, la FEI, le ranking, … , c'est tout un système. En fait, j'étais automatiquement qualifié pour tous les Grand Prix mais finalement en quatre ans, il y a très peu de Grand Prix où je n'aurais pas, de toute façon, été qualifié par mes performances aux épreuves. Il y a juste quelques concours où je me la suis coulé douce et où ça n'a pas bien fonctionné : j'ai fait 8 points, je n'étais pas qualifié et comme j'étais champion du monde, j'ai pu quand même monter pour le Grand Prix. Je pense que j'ai continué à monter comme toujours et que je ne me suis pas mis dans la tête que j'étais champion du monde, à faire « moi, je » « moi, je ». Ce titre, c'est ma satisfaction personnelle et pour le reste, j'ai continué à faire mon travail comme je le pensais. J'ai toujours eu une grande gueule. Avant aussi. Quand j'ai quelque chose à dire sur le c?ur, je le disais et ce n'est pas parce que j'ai eu ce titre que je me suis permis d'en faire plus. Au contraire, des gens se sont dit que j'allais me faire leur ambassadeur pour toute sorte de réclamations mais ce n'est pas ma manière de faire. Je vais réclamer si je pense que c'est nécessaire mais certainement pas parce que j'ai un statut. Ce n'est pas mon rôle et je ne l'ai jamais pris comme ça non plus. Par contre, c'est vrai qu'on avait certainement tendance à plus m'écouter lorsque j'avais quelque chose à dire. D'ailleurs, au niveau du jury, lors de la coupe des nations à La Baule, je donne une distance qui n'était pas très bonne à mon cheval qui du coup a voulu partir une foulée trop tôt lors de la seconde manche après avoir été sans-faute en première … et au moment où il est parti, il a vu que ce n'était pas juste et s'est laissé tomber dans l'obstacle. Nous l'avons traversé et le jury a sonné comme un refus. Je me suis arrêté mais j'ai fait un signe que je n'étais pas d'accord avec leur décision, j'ai dû resauter l'oxer puis il y avait encore le triple final et à la place de me retrouver avec 4 points, je termine avec quelque chose comme 9 points … ce qui nous coûtait la victoire. Je suis allé porter réclamation au jury où le juge étranger est un juge allemand et il m'a dit : « C'est parce que j'ai beaucoup de respect pour ce que vous avez fait au championnat que j'accepte de vous écouter ». J'ai ensuite expliqué ma version et il y avait deux vidéos : une de face et une de dos. C'était discutable. Beaucoup de juges et de steward, notamment en France, m'ont témoigné beaucoup de respect et ça, c'est grâce à la façon dont j'ai construit ma carrière ainsi que la manière dont j'ai monté lors de cette finale. Je pense que ça a éveillé beaucoup d'émotion chez plein de gens. » La suite, c'est demain !