Romain Duguet connaît bien Omaha. Lors de la dernière finale de la Coupe du monde Longines organisée dans le Nebraska, le Suisse s’était emparé de la deuxième place, à une courte longueur de McLain Ward et son inoxydable HH Azur Garden’s Horses. S’il ne sera pas du voyage cette année, celui qui a posé ses valises en Normandie livrera sa précieuse analyse à Studforlife tout au long de la compétition. Dans le deuxième épisode de cette saga, le plus normand des représentants helvétiques revient sur les enseignements des deux premières nuits de compétition et la gestion des deux journées de repos observées par les prétendants au titre.
Qu’avez-vous pensé des deux premiers morceaux de cette quarante-troisième édition de la finale de la Coupe du monde ?
Les hostilités ont débuté avec Henrik von Eckermann, qui a survolé la Chasse, comme prévu. Il était le grand favori et a gagné d’entrée de jeu. Lors de la deuxième étape, il a, en revanche, concédé une faute. Toutefois, il reste en position pour remporter cette finale. Ensuite, je trouve que le cheval de Pius (Schwizer, Vancouver de Lanlore, en tête ex-aequo au général, ndlr) saute très bien. Connaissant la détermination du pilote, je pense que cela peut aller au bout. Andreas Schou (lui aussi aux commandes, avec un score vierge, ndlr) est très régulier à ce niveau-là et il peut aussi tout à fait prétendre à remporter ce championnat, ou du mois à figurer sur le podium. En revanche, j’ai été plus surpris des trois fautes de la jument grise (Cicci BJN, ndlr) de Wilma Hellström. C’est assez inhabituel pour elles. Wilma s’est-elle mis la pression ? Je ne sais pas, mais sa jument n’est pas coutumière de ce genre de résultat. Derrière, je pense que c’en est fini pour Kevin Staut, Martin Fuchs, Edouard Schmitz et Marcus Ehning. Ils n’ont plus vraiment de chances. Concernant Julien Epaillard, je ne sais pas si le fait de gagner la deuxième étape lui aurait permis de revenir dans la course pour le podium, mais je pense qu’il devait être très déçu de sa Chasse et qu’il a abordé cette deuxième journée dans l’optique de remporter un Grand Prix (finalement, le Normand a écopé de huit points au barrage avec Donatello d’Auge et pointe actuellement au quinzième rang, à treize unités de la tête, ndlr). Il y a eu beaucoup de surprises depuis le début de la finale. C’est bien et cela offre une compétition ouverte et pas répétitive. Rien n’est fait et beaucoup de choses sont encore possibles. Certains leaders sont passés à trappe et je trouve cela plutôt chouette pour le suspense. Nous avons vu de beaux parcours, malgré la taille de la piste. Le chef de piste (Bernardo Costa Cabral, ndlr) semble avoir vraiment essayé de proposer des tracés aussi aérés que possible, ce qui n’est pas chose aisée à ce niveau, et encore moins au vu de l’étroitesse de son terrain de jeu à Omaha. Jusque-là, nous assistons à une belle finale et je pense qu’il y aura encore des rebondissements d’ici le dénouement.
“L’abandon de Daniel Deusser et les douze points de Scott Brash prouvent qu’ils sont aussi humains”
Parmi les surprises négatives de la deuxième étape de cette échéance, il y a eu les contre-performances de Scott Brash, sorti de piste avec douze points sur Hello Jefferson (ex Jerenmias van het Hulstenhof), et surtout l’abandon de Daniel Deusser et Tobago…
À mon sens, Daniel est dans une passe moins fructueuse que l’année dernière. À une période, il ne faisait pas tomber la moindre barre. Cette saison, il a déjà abandonné à Bois-le-Duc, ce qui s’est de nouveau produit à Omaha. Son écurie est peut-être un peu vieillissante. Comme toujours dans notre sport, il y a des cycles. Concernant Scott, et comme pour Wilma, son cheval ne commet pas souvent ce score. Le classement du deuxième jour est très important. De fait, lorsqu’on a déjà une faute au compteur, on essaie sûrement de grappiller quelques places avec un bon chronomètre. Cela peut alors engendrer une autre faute. Puis, une fois à huit points, on sait que nos chances sont vaines. Alors, il peut y avoir une baisse de motivation qui, par ricochet, entraîne une troisième erreur. Peut-être que Jefferson était un peu moins en forme que d’habitude. Sans être sur place, il est difficile d’analyser cela car beaucoup d’éléments nous échappent. Toutefois, une finale de la Coupe du monde reste un championnat, avec son lot de surprises. L’abandon de Daniel et les douze points de Scott en font partie. Finalement, cela prouve qu’ils sont aussi humains, que les chevaux sont des êtres vivants et que rien n’est acquis dans notre sport.
À l’issue de la Chasse, Henrik von Eckermann et Daniel Deusser notamment, ont regretté la qualité du sol. Avez-vous eu des échos à ce sujet ?
Non, je n’ai eu personne au téléphone. Le décalage horaire n’aide pas et, dans tous les cas, lorsqu’on dispute une finale, pour l’avoir vécu moi-même, on n’a pas toujours envie d’être embêté. Je sais que je préfère rester concentré, dans ma bulle, et suivre mon plan sans distraction. Je n’ai donc pas envie de déranger les autres. En revanche, si tous deux ont fait cette remarque, c’est dommage. C’est quand même une finale de la Coupe du monde !
“Les performances de Yuri Mansur ne sont pas du tout une surprise”
Parmi les belles prestations, outre celle de Richard Vogel, qui s’est imposé dans la deuxième manche, Yuri Mansur et Hunter Holloway confirment avec Vitiki et Pepita Con Spita. Êtes-vous surpris ?
Le classement d’Hunter Holloway est peut-être un petit peu plus une surprise, mais ce n’est pas du tout le cas pour Yuri. Si l’on regarde sa saison sur la ligue d’Europe occidentale, avec Vitiki, qui n’a plus rien à prouver non plus, il faisait clairement partie des candidats pour un podium, et ce avant même le début de la compétition. Yuri est toujours là et Vitiki est un super cheval. C’est le cheval de cœur de Yuri, qui avait été très affecté par sa blessure à Aix-la-Chapelle. C’est une chouette histoire et son cheval revient en super forme. Il a réalisé une belle saison hivernale et ce n’est pas une surprise de le voir aux avants postes.
Les compétiteurs, humains et équins, ont profité d’une journée de repos. Comment gère-t-on ce moment ?
Pour les chevaux, c’est en général bénéfique. En général, l’idée est de tout faire pour que les chevaux récupèrent au mieux. Pour nous, cavaliers, cela peut être long ! Pendant ce temps mort, il est facile de tergiverser et de cogiter. Il faut donc trouver comment s’occuper pour tuer le temps. D’autant plus qu’à Omaha, il n’y a pas grand-chose à faire. (rires) Il n’y a pas dix mille choses à visiter dans la ville et le concours en lui-même est assez classique. Toutefois, à ce niveau-là, tous les cavaliers sont des athlètes de haut niveau. Devoir attendre quarante-huit heures pour la grande finale fait partie du sport.
Après les enseignements de ces deux premières épreuves, qui voyez-vous monter sur le podium cette nuit ?
Je pense que cinq ou six premiers couples sont plutôt bien partis. Cependant, je pense que le classement va encore bouger, même si le podium semble se dessiner en haut de tableau. Il est difficile de prédire qui va l’emporter à la fin, puisque les cavaliers ne vont rien lâcher. Cela va se jouer à des détails et une barre va coûter cher.
Photo à la Une : Le superbe Vancouver de Lanlore, pépite de l’élevage d’Anne Dafflon, face à son cavalier. © Sportfot