“Les émotions que nous procure Touardo Blue n’ont pas de prix”, Hugues Delattre (2/2)
Touardo Blue. Voilà un nom qui capte l'attention. Sous la selle de Nathan Budd, l’attachant étalon bai arrive à maturité. À l’aube de ses douze ans, le fils de Toulon déploie ses ailes et prouve qu’il est taillé pour les plus grands événements de la planète jumping. Né chez Céline Rousselet et Philippe Mattelin, l’étalon Zangersheide s’est très vite imposé comme une évidence aux yeux d’Alexandra Sobkowiak et Hugues Delattre, qui l’ont acquis à un an. Désormais associé au haras des Rosiers sur la carte de propriétaires de son protégé, le couple vit un rêve éveillé. Auteur de deux performances remarquables et remarquées aux CSI 4* de Liège et 5*-W de Lyon, Touardo Blue est bien loin d’avoir dit son dernier mot. Son cavalier, son éleveuse et son co-propriétaire content l’histoire de cette force tranquille aux origines de premier ordre, qui excelle autant en piste qu’à l’élevage. Portrait.
La première partie de article est à (re)lire ici.
“Lorsque j’ai rencontré Touardo pour la première fois, il revenait d’une petite pause. Il m’était donc difficile d’émettre un avis sur son potentiel”, se souvient Nathan Budd. “On voyait qu’il avait une vraie qualité de saut et des moyens, mais de nombreux éléments ne fonctionnaient pas comme je le voulais. Malgré tout, je l’aimais beaucoup. J’ai alors demandé à le garder au travail quelques mois, pour être sûr de moi. Après ce délai, il restait encore du chemin à parcourir, mais j’étais plus que convaincu. Herik Duran m’a fait confiance et l’a acquis pour moitié.”
Un diamant brut à polir
Sous l'œil expert de son instructeur de dressage, Frédéric Pirmolin, Nathan Budd passe de nombreuses heures sur le dos de son étalon, afin de poser les bases du reste de sa carrière. “Au début, cela a été assez compliqué. Touardo était un diamant brut qu’il fallait tailler. Nous avons pris beaucoup de temps, mais la qualité était là. Au fil de son évolution, il a pu s’exprimer de plus en plus. Je pense qu’aujourd’hui, fin 2025, Touardo ne nous a pas encore montré tout ce qu’il peut nous donner”, prévient le Diable Rouge.

Intelligent, respectueux et généreux, Touardo Blue dispose de nombreuses qualités pour briller au plus haut niveau. © Mélina Massias
Arrivé à point nommé au sein de l’écurie de Nathan Budd, qui a accusé, à quelques mois d’intervalle, la vente du merveilleux Cashpaid J&F et une blessure de Cadix des Rosiers, Touardo Blue bénéficie de toute l’attention nécessaire pour favoriser son éclosion. “Au-delà des qualités intrinsèques, un bon cheval se définit aussi par son histoire et par les rencontres qu’il fait. Lorsque Touardo a croisé ma route, j’avais beaucoup de temps à lui consacrer. Et lorsqu’un cavalier croit en son cheval, une confiance mutuelle s’installe et permet d’obtenir des résultats bien meilleurs que lorsque ce n’est pas le cas”, souligne-t-il. “J’ai su assez vite que Touardo était spécial. J’étais sûr qu’il avait des moyens, mais il me fallait réussir à manier son grand corps. Je pense qu’il est important de laisser du temps aux chevaux comme lui. Il faut travailler en profondeur, et pas seulement de façon superficielle. J’ai eu beaucoup de chance de pouvoir compter sur Frédéric Pirmolin et Greg (Grégory Wathelet, ndlr) pour me guider dans la bonne direction et vers les bons choix, aux bons moments.”
Steve Loiseau, Nathan Budd et Touardo Blue forment un trio de choc. © Sportfot
Pour ses débuts officiels en compétition, le duo fait connaissance sur des épreuves à 1,30 et 1,35m, puis progresse rapidement de vingt centimètres supplémentaires dès 2023. La saison suivante est celle de la confirmation. Nathan et Touardo se distinguent dans le Grand Prix 3* du Touquet Classic en prenant la deuxième du Grand Prix. Leur performance, remarquée, impressionne. Elle est appuyée par une convaincante médaille d’argent dans le championnat national belge, début septembre, faisant de la paire la dauphine de celle formée par Gilles Thomas et Luna van het Dennehof. Ce titre de vice-champion national permet au couple de courir ses deux premiers Grands Prix 5* sur les étroites pistes scandinaves d’Oslo et Helsinki. En Finlande, les deux complices passent tout près du sans-faute, pour leur deuxième tentative à ce niveau. Le mois de décembre concrétise ensuite un rêve pour Nathan : celui de fouler la sublime piste du CSI 5* de Genève.

L'étalon par Toulon a permis à Nathan Budd de réaliser un rêve en foulant la piste du CHI de Genève pour la première fois en 2024. © Mélina Massias
Il faut dire qu’en plus d’un travail minutieux et d’un environnement propice à son épanouissement, Touardo Blue dispose d’un tempérament en or. Un avantage non négligeable, d’autant plus à très haut niveau. “Touardo a une qualité extraordinaire qui est sa gentillesse. J’ai rarement vu un cheval aussi doux, calme et posé que lui”, s’émerveille son cavalier. “Tout le monde me dit qu’un jour il va s’endormir en marchant ! (rires) Je crois qu’il est juste bien dans sa tête. Une fois qu’il entre en piste, il se transforme en lion. Il veut toujours tout bien faire et lorsqu’il commet une faute, c’est que je n’ai pas assez bien monté ! Au quotidien, c’est une crème ! Il est très agréable à monter, ce qui n’était pas spécialement le cas au début. Il a beaucoup évolué, notamment sur le plat. N’importe qui peut s’occuper de lui à la maison et il ne pose aucun problème, ni dans les transports, ni lorsqu’il est au paddock à côté d’autres chevaux. C’est l’un des étalons les plus faciles à gérer que je connaisse !”

"Tout le monde me dit qu'un jour Touardo va s'endormir en marchant", rigole Nathan Budd face à la relaxation totale de son complice. © Mélina Massias
En 2025, tout s’accélère
Fort de ses expériences passées et pouvant s’appuyer sur de solides bases, Nathan et Touardo explosent en 2025. D’entrée, ils se hissent au quatrième rang d’un Grand Prix 4* à Vejer de la Frontera, début février, signent un parcours parfait aux obstacles sous la verrière du Grand Palais pour une douzième place finale en mars, terminent troisième du temps fort du CSI 3* de Compiègne Classic en avril avant de porter pour la première fois les couleurs belges dans une Coupe des nations 5* fin mai, à Saint-Gall. Là-bas, la paire boucle un clear round en première manche puis concède douze points en seconde, mais contribue surtout à la deuxième place de son escouade nationale. La faute à un manque de visibilité, la suite de l’été est moins évidente, mais l’étalon revient encore plus fort durant l’hiver, à Liège et Lyon. Il décroche deux excellents classements dans les temps forts de ces CSI 4* et 5*-W, terminant troisième après un double sans-faute et douzième, pour deux points de temps.

À Liège puis Lyon, Touardo Blue a livré de vraies démonstrations. © Mélina Massias
“Nous avons vécu une bonne saison 2025, mais je ne suis pas totalement satisfait. Ce n’est pas du tout de la faute de Touardo ; j’ai seulement eu du mal à établir un programme et cela nous a pénalisés. Je pense que je dois améliorer ce point-là”, assume Nathan, qui récolte les fruits de son travail de l’ombre. Pour autant, cet insatiable perfectionniste ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. “Touardo a énormément de force. Au départ, il était un peu dépassé par sa propulsion. Nous avons beaucoup travaillé sur son équilibre, notamment en effectuant des transitions. Nous nous sommes concentrés sur des choses très simples, afin de renforcer sa musculature profonde et lui permettre d’utiliser sa force avec souplesse”, détaille-t-il. “Les combinaisons oxer deux foulées vertical ou les lignes oxer trois foulées courtes palanque sont encore difficiles pour lui, même s’il s’en est très bien accommodé à Lyon par exemple. Il faut encore que je parvienne à gérer ses sauts, tant il va haut et utilise toute sa puissance, et sa force, qui le met parfois un tout petit peu en déséquilibre. Mais Touardo est extrêmement malin dans ce qu’il fait et montre un immense respect.”

S'il dispose encore d'une marge de progression, l'étalon Zangersheide n'est franchement pas loin du compte et pourrait bien venir jouer les troubles fêtes au sein du clan belge dans les mois à venir. © Mélina Massias
Semblant plus prêt que jamais à relever les défis qui se dressent face à lui, le duo participe cette semaine au CHI de Genève, pour la deuxième fois de sa carrière, et a déjà accroché une dixième place après un sans-faute aux obstacles dans le Trophée de Genève, première épreuve majeure à Palexpo, et assuré sa place pour le Grand Prix Rolex de dimanche. Une nouvelle concrétisation, avant une saison 2026 qui pourrait bien réserver de jolies surprises. En attendant, toutes celles et ceux ayant contribué à écrire l’histoire du fabuleux Touardo Blue, se réjouissent de le voir tutoyer les sommets. “Je me demande comment il est possible qu’un petit éleveur ait un jour la chance de produire un cheval aussi exceptionnel ! Je me dis souvent que je devrais arrêter d’élever car je n’arriverai sûrement jamais à faire naître un autre poulain de la trempe de Touardo Blue”, s’étonne avec bonheur Céline Rousselet, qui a toujours des chevaux mais a levé le pied sur l’élevage ces dernières années. “Il y a beaucoup d’éléments qui jouent en élevage, et la chance en fait partie. Avec Pupiblue du Ruisseau, nous avions une jument qui sortait du lot et avait des qualités naturelles indéniables. Tous les chevaux de cette lignée que j’ai connus étaient très sensibles, avaient un respect hors du commun. Et s’il avait été vendu à quelqu’un d’autre, Touardo n’aurait peut-être pas eu la même carrière. Alexandra et Hugues ont toujours cru en lui et pris leur temps.” Et ce dernier d’enchérir : “Je pense que tout le monde rêve de vivre l’histoire qui est la nôtre avec Touardo Blue. L’avoir vu évoluer durant dix ans, jusqu’à briller en Grand Prix Coupe du monde, est merveilleux. Les émotions qu’il nous procure, à ma compagne et moi, n’ont pas de prix. Elles sont tellement fortes et intenses ! Nous partageons cela avec toute l’équipe qui entoure Touardo, ce qui est d’autant plus agréable.”

Les bonnes rencontres et les bons choix ont permis au petit-fils d'Arko III de se révéler. © Sportfot
Pour l’avenir, celui qui élève sous l’affixe de Marguy, notamment avec la souche de Rothchild du Bosquetiau, ancien crack de McLain Ward, entre autres, cinquième des Jeux équestres mondiaux de Caen en 2014, ne cache pas ses ambitions. “Le plus important pour nous est que Touardo reste en forme. Le haras des Rosiers s’occupe de lui à merveille. Nathan a de grands rêves, alors, pourquoi pas aller plus loin ?”, se projette le Belge, qui fut maréchal-ferrant durant une quinzaine d’années et a toujours baigné dans les chevaux grâce à ses parents, cavaliers de balade. “Petit à petit, Nathan et Touardo prennent la place qu’il mérite au sein de l’équipe nationale belge. Ils ont déjà goûté aux Coupes des nations. Gageons que cela continue ainsi et qu’ils continuent d’obtenir de bons résultats.”

Voir Touardo Blue et Nathan Budd défendre les couleurs de l'équipe belge sur le devant de la scène, comme ici lors de la Coupe des nations du CSIO 5* de Saint-Gall, n'est pas pour déplaire à ses co-propriétaires et à son entourage ! © Fotografie Stuppia / CSIO Saint-Gallen
Un avenir tout aussi prometteur à l’élevage
Si les chevaux sont une école d’humilité comme aucune autre, il n’est pas interdit d’imaginer Nathan Budd et Touardo Blue atteindre les plus hauts sommets du jumping mondial. En attendant, peut-être, de les voir fouler la mythique piste d’Aix-la-Chapelle, l’avenir s’écrit aussi à l’élevage pour le fils de Toulon. Dans ce domaine comme sur les pistes, le Zangersheide enfile sa casquette de premier de la classe. Encore jeune, sa production, qui semble très homogène en termes de qualité, vaut assurément le coup d’œil. Si celle-ci a rapidement fait ses preuves en liberté, le co-propriétaire de l’étalon Zangersheide regrette qu’elle soit encore peu nombreuse sur ses terres natales. “Touardo n’a pas beaucoup de poulains en Belgique, peut-être une cinquantaine, ce qui est regrettable. Les plus âgés ont cinq ans et nombre d’entre eux se distinguent en concours de saut en liberté ! La qualité de sa production me paraît assez hors-norme et je pense qu’il pourrait devenir un vrai sire dans les années à venir”, avance Hugues Delattre. “Touardo est un vrai mâle dans son modèle, ce qui est de plus en plus rare. Il a des origines très classiques et des qualités à l’obstacles indéniables. Je crois qu’il coche beaucoup de cases. Il semble transmettre sa force à ses poulains, mais aussi son très bon mental. Il donne des chevaux équilibrés et simples à gérer. En règle générale, les Touardo sont aussi de jolis chevaux, plutôt athlétiques. C’est un critère important d’un point de vue commercial. En tout cas, je n’ai pas trop de doutes concernant l’avenir de sa descendance.”

Charismatique et envoutant, Touardo Blue est taillé en père. © Tiffany Van Halle
Et le Belge connaît très bien la production de son protégé. Il y a un peu plus de trois ans, il a ainsi fait naître Quartolo de Marguy (mère par Ugano Sitte), approuvé au stud-book SBS en début d’année après avoir signé une démonstration au saut en liberté. Parmi la jeune et encore confidentielle production de Touardo Blue à s’être distinguée sur des ateliers similaires, citons Queenta de Bargette (mère par Dore van’t Zorgvliet), gagnante d’une épreuve à Ghlin en septembre, Pittsburgh des Saules (mère par President), récompensé d’une première place lors d’un rassemblement organisé par le Groupement des éleveurs des Hauts-Pays l’an dernier, Osaka du Haut du Roy (mère par Kashmir van’t Schuttershof) et Olisco du Seigneur (mère par Vivaldi du Seigneur), tous deux admis à la monte ou encore Pin Up du Seigneur (mère par Dore van’t Zorgvliet). Ses premiers produits ont aussi débuté la compétition, à l’image d’Ops des Hurlevents (mère par Ogano Sitte), vendue lors de la vente La Baule Auction, Tornero Du Vinave d’Amertile (mère par Calvaro), ou encore One Million du Haut du Roy (mère par Chellano), pour ne citer qu’eux. En France, plusieurs éleveurs ont fait confiance à Touardo Blue. C’est le cas de Frederic Lavoinne, à la tête de l’élevage des Flagues, de Carine Groualle, à l’origine de l’affixe Sunheup, ou encore de Clémentine Wacquiez, qui l’a adressé à une sœur utérine du génial Enjeu de Grisien. Cette année, le fils de Toulon a aussi été marié à… Golden de Béliard, l’excellente jument de concours complet de Thomas Carlile.
Quartolo de Marguy semble bien parti pour suivre les traces de son père, dont la production reste confidentielle malgré des qualités indéniables. © Julien Counet
Et évidemment, Céline Rousselet ne pouvait pas ne pas faire confiance à la pépite de son élevage. Associé à Faïence du Pont Letot, une fille de Chic Lady du Ruisseau par Qody de St Aubert, il lui a donné Oscar du Pont Letot, qui présente donc un intéressant linebreeding sur Pupiblue du Ruisseau, qui est son arrière-grand-mère par deux fois. “La souche de Touardo n’a sans doute pas été autant exploitée qu’elle l’aurait été par des professionnels. Elle est restée entre les mains de petits éleveurs. Mais je crois qu’il n’y a pas de regret à avoir et que l’on peut avoir confiance en cette génétique”, ajoute l’infirmière de profession.
Pour continuer la belle histoire débutée avec Touardo Blue, Nathan Budd a récemment investi dans l’un de ses fils, en partenariat avec l’un de ses meilleurs amis. “Touardo Blue semble produire à son image : des chevaux avec beaucoup de force, parfois un peu tardifs, notamment les mâles. Il faudra sans doute leur laisser du temps pour qu’ils s'expriment au mieux, mais ils devraient être taillés pour le grand sport. Les juments me paraissent être davantage dans le sang. Je pense qu’il va très, très bien produire et qu’il a vraiment quelque chose à apporter”, estime le Diable Rouge.

Nathan Budd a toutes les raisons de croire en la descendance de son spectaculaire protégé, qui évolue sans guêtres postérieures. © Pixels Events
Si ce dernier a monté de très bons chevaux dans sa jeune carrière, à l’image de Balder, Cadix des Rosiers et Cashpaid J&F, Touardo occupe une place à part dans son histoire. “Il est de loin celui qui m’a apporté le plus de résultats”, savoure Nathan Budd. “Balder et Cadix m’ont permis d’atteindre le haut niveau, mais j’étais très jeune. Ils m’ont permis d’engranger une expérience précieuse. Cashpaid, qui reste l’un des meilleurs chevaux du monde à mes yeux, n’est malheureusement pas resté assez longtemps sous ma selle. J’ai eu la chance de pouvoir garder Touardo beaucoup plus longtemps que lui et de profiter du haut niveau. Ces deux dernières saisons, nous avons obtenu des résultats que je n’avais jamais connus au niveau 4 et 5* ou encore au championnat de Belgique. Touardo m’a remis sur le devant de la scène après la vente de Cashpaid et nous a offert des moments inoubliables, que nous garderons en tête pour le futur.” Un futur bien parti pour s’écrire en lettres d’or, tant dans le sport qu’à l’élevage.

Nathan Budd a connu ses plus beaux résultats aux côtés de Touardo Blue... qui semble bien décidé à lui en offrir encore de nombreux ! © Tiffany Van Halle
Photo à la Une : Plus que jamais, Touardo Blue et Nathan Budd crèvent l'écran, comme cette semaine à Genève. © Mélina Massias








