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“J’ai toujours été fasciné par les origines des chevaux”, Karel Cox

Karel Cox
mercredi 31 mai 2023 Mélina Massias

Que ce soit dans le sport, dans le commerce ou dans l’élevage, Karel Cox semble réussir tout ce qu’il entreprend. À la tête d’une importante structure en Belgique, dont la renommée dépasse largement les frontières de l’Europe, le jeune quadra sait s’entourer et mener sa barque sur la route du succès. Depuis quelques mois, son nouveau bébé est un catalogue d’étalons aussi alléchant que bien pensé. En parallèle, celui qui fut sacré champion du Plat-Pays en 2015 continue de former des chevaux de qualités, qui lui permettent de rêver d’une grande sélection. Mordu de génétique, le Belge évoque son système, ses objectifs sportifs et livre son point de vue sur l’élevage moderne. Entretien.

Votre nom est désormais bien implanté dans le paysage équestre européen et mondial. Comment avez-vous découvert votre passion pour les chevaux ?

Lorsque j’étais petit, mon grand-père avait quelques poneys qu’il attelait. Je passais tout mon temps auprès d’eux, voulais les monter et même dormir à leurs côtés. Mes parents montaient aussi à cheval, mais seulement au niveau régional. Je crois que cet amour pour les équidés me vient de ma famille.

Depuis, vous avez fait un sacré bout de chemin, jusqu’à devenir l’un des acteurs les plus influents du milieu…

Oui ! J’aime les bons chevaux, mais j’aime aussi l’aspect commerce, tout comme le fait de développer mon activité. J’adore monter à cheval, mais j’apprécie tout autant observer mes chevaux sous la selle de mes cavaliers. Voir mes clients obtenir de bons résultats avec les chevaux qu’ils ont achetés chez moi me rend aussi très heureux.

La prometteuse Onatella van't Roosakker, a signé un bon parcours à quatre points dans le Grand Prix du CSI 3* de Compiègne Classic, mi-mai. © Agence Ecary

Comment fonctionne votre système ? Pour faire tourner une structure d’une telle ampleur, l’organisation doit être de rigueur !

Nous avons en tout entre quatre-vingts et quatre-vingt-cinq chevaux dans notre écurie. Elle est divisée en deux parties : l’une pour ma femme (la talentueuse Marit Haarr Skollerud-Cox, ndlr) et moi, et l’autre pour nos cavaliers. Nous avons deux jeunes Anglaises qui travaillent à nos côtés, Millie Allen et Georgia Tame. Elles évoluent toutes deux entre le niveau 3 et 5* et ont en charge un piquet d’une douzaine de chevaux chacune. J’ai également un garçon ukrainien qui s’occupe des jeunes chevaux, ainsi que deux frères belges (Daan et Thijs Bernaerts, ndlr) qui concourent en épreuves Jeunes. Nous louons aussi quelques boxes à des clients. Désormais, un entraîneur est présent sur place : Bo Kristoffersen. Il est danois et a été le manager des écuries de Rolf Göran-Bengtsson pendant dix ans (en plus d’avoir été cavalier international, ndlr). Il gère l’entraînement des cavaliers et aide également les filles avec moi. Voilà un peu notre fonctionnement. Nous avons la chance d’avoir une super équipe.

Elle aussi bien occupée, Marit Haarr Skollerud-Cox est un maillon essentiel dans l'entreprise Cox. © Sportfot



“Chaque cheval est différent et chaque cavalier a des besoins différents”

À quel point est-ce un avantage de travailler au quotidien avec votre épouse, elle-même excellente cavalière ?

Nous passons nos journées ensemble. Du fait de sa nationalité norvégienne, elle a plus de chances de disputer un grand championnat que moi pour la Belgique (en raison de la densité de la concurrence, ndlr). Elle a d’ailleurs déjà pris part à deux championnats du monde (à Tryon en 2018 ainsi qu’à Herning en 2022, ndlr) et un championnat d’Europe (à Göteborg en 2017, ndlr) pour la Norvège. Cela fonctionne bien entre nous ! J’essaye de m’assurer qu’elle a toujours de bons chevaux. Elle est un peu moins contente lorsque je les vends, mais c’est la vie ! (rires)

Marit Haar Skollerud-Cox faisait partie de l'équipe norvégienne aux championnats du monde de Herning. © Sportfot

Combien de chevaux vendez-vous chaque année en moyenne ?

Environ une centaine. Avant, nous en vendions davantage, mais nous n’avions pas autant de chevaux de qualité. Désormais, j’attache beaucoup d’importance à cela, et nous essayons d’avoir d’excellents chevaux, âgés de six ans et plus. 

Par exemple, Karel Cox a été un relais de taille dans la vente de Cocktail de Talma. © Mélina Massias

Bien que cela soit le cœur de votre métier, est-ce parfois difficile de voir certaines de vos montures quitter vos écuries ?

Non, pas vraiment, parce que je m’assure que les chevaux soient cédés aux bonnes personnes. Chaque cheval est différent, et, de fait, chaque cavalier a des besoins différents. Lorsque les couples fonctionnent et obtiennent de bons résultats, je suis satisfait. Je ne suis pas égoïste ni jaloux. Je n’éprouve pas le besoin de faire cela moi-même et j’aime voir que tout se passe bien avec les nouveaux cavaliers de chevaux. 

“Je pense avoir deux chevaux qui ont le potentiel de disputer un championnat pour la Belgique”

Êtes-vous également impliqué dans l’organisation de ventes, dont le nombre ne cesse de croître ?

Je l’étais par le passé, avant de me concentrer sur le sport. J’ai organisé des ventes en tout genre, du saut en liberté jusqu’aux chevaux sous la selle. Par exemple, Don Juan van de Donkhoeve (Bamako de Muze x Heartbreaker), avec qui Jessica Springsteen a participé aux Jeux olympiques (et remporté une médaille d’argent avec les Etats-Unis, ndlr) a été vendu par nos soins lors d’une vente aux enchères. Mais depuis que j’ai été sacré champion de Belgique en 2015, je me suis vraiment recentré sur le sport pendant quelques années. J’ai suivi le circuit du Longines Global Champions Tour pendant deux ans, jusqu’à intégrer le top 60 mondial. J’ai ensuite été blessé et contraint de garder pied à terre pendant dix mois. À ce moment-là, j’ai alors vendu la plupart de mes chevaux, afin de mettre l’accent sur le commerce.

Fin 2021, vous avez notamment vendu votre compétitif Evert (Amadeus, né Aguidam W x Indoctro, né C-Indoctro I). Comment avez-vous pris cette décision ?

Evert avait douze ans et je connais bien Robert (Whitaker, son nouveau cavalier, ndlr). Il cherchait un bon cheval, et cela pouvait me permettre de recommencer avec de jeunes montures. Il était temps de vendre Evert. Depuis, je construis l’avenir. J’ai une bonne neuf ans et j’ai également formé une jument prometteuse qui a disputé quelques Grands Prix 5* l’an dernier. J’espère en faire de même cette année.

Le très régulier Evert a fait un bout de carrière sous la selle du Belge. © Sportfot

De combien de chevaux se compose votre piquet personnel ?

Pour moi, je conserve plus ou moins cinq chevaux. Je suis très pris par les autres activités aux écuries, les étalons et l’élevage, par la location de chevaux, une nouvelle offre que nous venons de mettre en place, ainsi que par le commerce.

Malgré votre emploi du temps de ministre, nourrissez-vous des objectifs sportifs ?

Oui. Ce serait chouette de disputer un championnat avec la Belgique. Bien sûr, cela dépend des chevaux. Je pense en avoir deux qui en ont le potentiel. L’une, Nueva Epoca de Regor (Nabab de Rêve x Querlybet Hero), a dix ans et revient tout juste de blessure. L’autre, Onatella van’t Roosakker (Vigo d’Arsouilles x Zandor), a neuf ans et commence à aborder les Grands Prix 3* et 4*. C’est donc encore trop tôt pour l’instant. Pour l’heure, je pense que Sopot (où se tiendra un CSIO, du 15 au 18 juin prochain, ndlr) sera mon premier 5* de l’année.

Nueva Epoca de Regor en action sur la piste de Herning. © Sportfot



“Je suis très strict avec mes étalons”

En début d’année, vous avez lancé en grande pompe Karel Cox Stallions, offrant aux éleveurs des étalons intéressants, mixant expérience et jeune génétique. Comment est né ce projet ?

Lorsque je montais à poney, nous avions toujours des étalons. À cette époque, nous honorions déjà une centaine de juments par an. Cela a duré cinq ou six ans. En fait, l’élevage est une passion et un passe-temps pour moi. Je voulais aussi faire profiter les éleveurs de mon expérience. Je suis très strict avec mes étalons ; ils doivent être agréables sous la selle, sains, avoir des moyens et de la qualité. Je veux que les gens qui choisissent mes étalons obtiennent des produits plaisants à monter et bons. J’ai envie de rendre cela plus simple pour les éleveurs. Par conséquent, à l’avenir, s’ils choisissent le bon étalon, il leur sera aussi plus facile de vendre leurs poulains. C’est une vision à long terme, et sans doute pas la plus rentable pour l’instant, mais nous avons misé sur des étalons intéressants. Nous avons par exemple Jaguar vd Berghoeve (né Jaguar E Type vd Vlasbloem, Emerald van’t Ruytershof x Nabab de Rêve, vu notamment aux Jeux équestres mondiaux de Tryon, ndlr), le vice-champion de l’approbation westphalienne Agalord KCX Berghoeve (né Asterix du Signeur, Aganix du Seigneur x Mylord Carthago, ndlr), Por Favor ES KCX (El Barone 111 x Tornesch), le meilleur sauteur de l’approbation KWPN, et nous avons récemment acquis Rox Star Ter Putte (Vagabond de la Pomme x Diamant de Semillyen Belgique. Il est l’un des meilleurs étalons de six ans du monde. Nous investissons pour l’avenir. J’espère que le futur leur sourira dans le sport et si le côté reproduction se porte bien, nous n’aurons pas besoin de les vendre. Nous pourrons les conserver dans le sport, tout en continuant à produire de bons poulains avec eux. C’est un peu l’idée derrière ce projet.

Aux côtés du regretté Iron Man vd Paddenbore, Jaguar vd Berghoeve joue les têtes d'affiche du catalogue d'étalons de Karel Cox. © Sportfot

Ne craignez-vous pas la concurrence dans un pays comme la Belgique, entouré de grands étalonniers allemands et néerlandais ?

Non, pas vraiment. Chacun a sa propre vision de l’élevage. De plus, nous sommes dans une zone géographique (à Hechtel-Eksel, dans la province du Limbourg, ndlr) où, en dehors du haras de Zangersheide, il ne reste que peu d’étalons. J’ai grandi sur les terres du stud-book BWP, mais ici, il n’y a plus vraiment beaucoup d’étalonniers. Avant, il y avait notamment Michel Spaas, mais beaucoup ont arrêté leur activité. Alors, j’essaye de motiver les éleveurs, et les jeunes en particulier, et de leur faire prendre conscience qu’ils ont la chance de pouvoir travailler avec de la semence fraîche et de bons chevaux.

Pour vous, qu’est-ce qu’un bon étalon ?

J’ai toujours été fasciné par les origines des chevaux. Comme je vois énormément de chevaux, j’arrive à repérer les points positifs et négatifs. Le fait qu’un cheval soit sain et sa facilité d’utilisation sont aussi des facteurs primordiaux à mon sens. Ensuite, les moyens et la qualité entrent évidemment en compte. Les étalons doivent aussi avoir un bon mental et trois bonnes allures ; cela rend les chevaux plus faciles à commercialiser ou à monter, selon l’objectif à terme. Cela me semble très important. J’ai par exemple fait naître Dublin van Overis (Darco x Kashmir van’t Schuttershof), que ma femme a monté aux Jeux équestres mondiaux de Tryon. L’élevage, ainsi que le fait de penser aux divers croisements qui pourraient bien fonctionner sont un vrai hobby pour moi.

Dublin van Overis, désormais sous selle américaine, est né chez Karel Cox. © Sportfot




“Kirby de Muze fait partie des meilleures juments qui soient”

Combien de poulains faites-vous naître chaque année pour votre compte ?

J’élève personnellement une dizaine de poulains par an, mais j’ai également une entreprise avec Paul Van Den Bosch, de l’affixe van de Berghoeve. La jument Kirby de Muze (Nabab de Rêve x Tinka’s Boy), qui est à l’origine du poulain qui s’est vendu 300.000 € l’an dernier, nous appartient. C’est une demi-soeur de l’étalon Levis de Muze (mais aussi de Kitona de Muze, excellente partenaire d’Alexis Deroubaix, et une propre soeur des fantastiques Nimrod de Muze et Morfine de Muze, respectivement sous les selles de Pedro Veniss et Rik Hemeryck, ndlr). Nous élevons avec elle et avons recours à l’ICSI. Elle fait actuellement partie des meilleures juments qui soient. Elle a elle-même concouru de superbe façon jusqu’à 1,50m. Je n’ai jamais vraiment eu à cœur de la vendre, tant elle avait de qualité. Ma femme (qui la montait, ndlr) a été enceinte, puis le Covid est arrivé. Alors, nous avons commencé à faire naître des poulains avec elle. Certains de ses embryons se sont vendus pour plus de 80.000 €. Sa plus-value à l’élevage était telle, que nous nous sommes dit qu’il serait peut-être mieux de la mettre à la retraite, afin qu’elle ait une belle vie et nous offre de bons poulains. Cette jument a toujours été parfaitement saine, elle a une super visite vétérinaire et un excellent tempérament. J’espère que nous pourrons intégrer certains de ses descendants à notre catalogue d’étalons !

L'excellente Kirby de Muze se consacre à la reproduction. © Sportfot

Les embryons, justement, enflamment le marché de l’élevage et des ventes aux enchères. Bien que cela soit évidemment intéressant d’un point de vue rentabilité, n’est-ce pas en train d’étouffer l’essence même de ce que devrait être le métier d’éleveur ?

Il y a évidemment du bon et du moins bon là-dedans. Prenons l’exemple de Joris de Brabander en Belgique qui a été l’un des pionniers en matière de transfert d’embryons. Comme il a pu former beaucoup de juments, elles sont devenues célèbres et cela lui a donné la possibilité de faire naître plein de chevaux de haut niveau. Les éleveurs de ma région ont peut-être des juments tout aussi bonnes, mais elles n’ont peut-être qu’un poulain par an. Il devient donc difficile de se maintenir au même niveau avec ce rythme-là. Cela ne veut pas dire que leur production est moins qualiteuse, simplement qu’elle est moins connue. Et avec mes étalons, je veux proposer à tous ces éleveurs qui utilisent des souches qui ne sont pas forcément exploitées avec du transfert d’embryon ou l’ICSI de pouvoir créer de super chevaux avec de la semence fraîche. J’ai beaucoup de respect pour les éleveurs qui font naître un poulain chaque année, avec leur jument. Dans nos écuries, nous prélevons des embryons sur nos juments de six ou sept ans, parce que lorsqu’elles atteignent l’âge de huit ans ou plus, je ne veux plus avoir recours à cette technique. Je pense aussi qu’elles sont issues de bonnes lignées maternelles. Nous appuyer sur elles à l’élevage nous donne une chance de conserver leur descendance lorsqu’elles sont vendues et qu’elles affrontent de beaux Grands Prix. Dans notre cas, c’est avant tout pour cela que nous avons recours à cette technique.

Onatella van't Roosakker, ici à Compiègne Classic, compte déjà plusieurs descendants. © Agence Ecary

Photo à la Une : Karel Cox. © Scoodyga