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Diamant de Semilly, une icône à la croisée des mondes

Elevage mardi 22 février 2022 Mélina Massias

Jeunes, moins jeunes, cavaliers, simples passionnés, vétérinaires, éleveurs d’ici ou d’ailleurs ; tous gardent en mémoire une anecdote, un fait, un moment dont le personnage principal était l’inoubliable Diamant de Semilly. Disparu voilà presque une semaine, l’étalon de la famille Levallois a laissé une trace indélébile dans le cœur d’une ribambelle de personnes. Bien au-delà d’une sphère privilégiée du sport et de l’élevage, cette légende au célèbre destin a marqué tout un univers. Pour rendre hommage à ce grand monsieur, StudForLife a recueilli les témoignages de sept personnalités ayant côtoyé, de près ou de loin, le puissant Selle Français.

Lisa Mäder, référente France du stud-book Holstein

“Je pense que Diamant fait partie des étalons que nous pouvons classer dans le Walhalla des étalons de sport, parmi ceux qui ont laissé une trace indélébile. Au Holstein, la trace de Diamant est présente via Diarado (Holst, mère par Corrado I). Le stud-book Zangersheide s’appuie aussi sur Dominator 2000 (Z, mère par Cassini I). En bref, Diamant a vraiment marqué l’élevage moderne. Il ne sera jamais vraiment oublié mais forcément, c’est toujours triste quand un étalon de trente et un ans disparaît. Il a eu une belle vie et surtout une belle retraite. Je pense qu’il a été rejoindre les Caretino (Holst, Caletto II x Metelus), Corrado I (Holst, Cor de la Bryère x Capitol I) et tous ceux qui ont marqué nos cinquante dernières années d’élevage. Je me souviendrais toujours de la première fois que j’ai vu Diamant en vrai. C’était lors de mon premier Salon des étalons à Saint-Lô, en 2014 ou 2015. Je me trouvais à l’entrée de service et je savais que Diamant devait passer, mais je n’y avais pas prêté plus d’attention que cela.  J’étais en train de fumer une cigarette ; il n’y avait personne, tout le monde était dans le Hall. Et puis j’ai vu un cheval arriver avec une couverture, tout calmement, un vrai seigneur. C’était un peu dans la pénombre et ce n’est que quand le cheval est passé à côté de moi que j’ai vu qu’il était marqué “Diamant de Semilly” sur sa couverture. Il était d’un calme olympien alors qu’arrivé dans le manège, il était bien différent ! 

Apprendre sa disparition n’a pas été une grande surprise compte tenu de son âge. J’étais surtout triste pour la famille Levallois, car nous connaissons tous l’histoire de ce cheval. Arrivé à un certain âge, chaque jour, chaque semaine compte et est un vrai bénéfice, d’autant plus dans le cas de Diamant, qui avait eu quelques problèmes de santé. J’ai été l’une des premières à apprendre la nouvelle sur les réseaux sociaux. En l’espace de deux heures, mon fil d’actualité était rempli en espagnol, en allemand, en italien, en anglais, en français uniquement avec Diamant ! Dans toutes les langues, tout le monde a souhaité lui rendre hommage. J’ai eu une discussion avec mon meilleur ami à ce sujet et la disparition de Kannan (KWPN, Voltaire x Nimmerdor, disparu fin janvier 2020, ndlr), n’a pas eu le même retentissement. Je me suis rendue compte à ce moment-là des conséquences que Diamant a eu sur tout le monde. J’ai trouvé cela très touchant et cela a rendu justice au cheval.”

Élise Mégret, éleveuse au haras de Clarbec, aux côtés de sa mère, Geneviève, et propriétaire de nombreux cracks

“Diamant est un étalon de légende, qui a une histoire assez particulière. Sa mère est morte peu de temps après sa naissance, il s’est retrouvé orphelin et aurait été euthanasié si Germain Levallois, le père de Sylvie, Éric et Richard, n’était pas venu le chercher. Il a été élevé au biberon, ce qui lui a, je pense, donné son caractère bien trempé. Le haras de Semilly avait bien sûr Le Tôt (SF, Grand Veneur x Juriste, le père de Diamant, ndlr), qui était un formidable cheval et étalon, mais c’est Diamant qui a donné une renommée mondiale à l’élevage. Il a fait rêver la France, en remportant cette médaille d’or à Jerez aux côtés de trois autres étalons Selle Français, Dollar du Mûrier (Jalisco B x Uriel), Dollar dela Pierre (Quidam de Revel x Foudre de Guerre) et Crocus Graverie (Rosire x Fend l'Air). C’était incroyable pour nous, Français, de vivre un tel moment. Diamant a, en plus, été champion de France et a eu un super palmarès avec Éric avant de se consacrer à la monte. Ensuite, il a eu ses graves coliques. Cela a été très dur pour la famille Levallois. Diamant était entre la vie et la mort et cela a duré un moment. Une fois de plus, il s’est comporté en vrai battant. Il était dur et voulait vivre. 

On peut également rapprocher l’histoire de Diamant à celle d’Éric. Éric est aussi un battant. À l’époque, il montait l’une de nos juments (Nayana, SF, Royal Feu x Narcos II, ndlr). Un jour, sa sœur, Sylvie, nous appelle et nous dit ‘Éric ne pourra pas venir monter aujourd’hui, il a eu un accident’. Sur le coup, nous n’avions pas mesuré la gravité de l’accident. Éric aurait pu être tétraplégique, mais il s’est battu comme un lion, à l’image de son cheval. Il a réussi à remarcher, à reprendre une vie normale. Il n’y avait pas Diamant sans Éric, et pas Éric sans Diamant. 

J’avais revu Diamant il y a un an ou deux chez Éric. Il était dans son pré, encore vraiment très beau et très en forme. Cette disparition est très dure pour toute la famille Levallois, en particulier pour Éric. Pour lui, Diamant était plus qu’un cheval. C’était un compagnon de vie, son ami. Nous aimons tous nos chevaux, mais je pense qu’Éric et toute sa famille avaient un profond respect pour Diamant. Malgré tout, il a vécu jusqu’à un âge canonique. Il a marqué le sport et l’élevage, où il va, à mon avis, continuer son œuvre pendant encore longtemps. Il a laissé une descendance incroyable à l’élevage mondial et ses filles produisent aussi très bien. 

En plus de cette médaille d’or aux championnats du monde, je garde un souvenir incroyable de Diamant et Éric, ici, au Salon des étalons de Saint-Lô. Tous deux étaient encore convalescents ; Diamant venait d’avoir ses coliques et Éric avait eu son accident. Les revoir en piste, tous les deux, a été un grand moment d’émotions. Ces deux amis, ces deux compagnons s’étaient relevés de moments difficiles. Malheureusement, Diamant est parti, mais Éric est toujours là. Une page se tourne pour l’élevage et le sport, mais tous deux nous ont permis de vivre de grandes émotions et on ne peut que remercier Diamant et toute la famille Levallois.”

Le souvenir du titre de champion du monde par équipe a marqué l'histoire de Diamant de Semilly. © Scoopdyga

Dr. Christopher Stockwell, vétérinaire ayant fait partie de l’équipe à avoir opéré Diamant de Semilly, en 2008, de graves crises de coliques

“Diamant était un formidable étalon, un chef de race. Il a marqué sa production et avait lui-même des qualités athlétiques exceptionnelles. Il était incontournable et on se souviendra encore de lui dans des dizaines d’années. Lorsque Diamant nous a été amené en 2008, il souffrait d’une incarcération de l’intestin grêle. Il a subi une intervention un peu complexe, qui a nécessité une résection de l’intestin dans un deuxième temps, puis une anastomose. Cela n’a pas été une histoire simple. Il y a eu trois opérations en tout, ce qui est très inhabituel. Nous avons régulièrement des chevaux qui se remettent de choses comparables, mais c’est vrai qu’il y avait une pression supplémentaire avec son cas. Je pense que sa force de caractère a été déterminante dans sa rémission. Diamant est resté en clinique plusieurs mois et nous ne l’avons laissé repartir que quand tout était correct. J’ai compris qu’il était rétabli quand son caractère est réapparu, qu’il est redevenu le dominant qu’il avait toujours été. Son alimentation a été adaptée. J’avais demandé à Éric de lui donner des aliments liquides, sous forme de soupe, afin de favoriser le transit. La famille Levallois a respecté scrupuleusement le protocole. Nous avons ensuite continué un suivi régulier, sur son alimentation et son mode de vie. Je garderai le souvenir de son caractère intransigeant, le fait qu’il soit absolument dominant. Il fallait vraiment prendre des précautions, faire attention, et ne pas le traiter comme un cheval normal. J’étais triste d’apprendre sa disparition. Je le pensais invincible. Je l’ai vu revenir de tellement loin que dans mon esprit, il était éternel.”

Marie Bourdin, éleveuse son l’affixe Chance et notamment à l’origine du génial Vital Chance (SF, Diamant de Semilly x Rivage du Poncel)

“Lorsque nous avons produit Vital, Diamant n’était pas notre premier choix. Nous souhaitions reproduire le croisement d’Itôt (du Château, SF, Le Tôt de Semilly x Galoubet A, grand gagnant avec l’Australienne Edwina Tops-Alexander, ndlr) avec Le Tôt de Semilly. Notre vétérinaire nous a redirigé vers Diamant, et il a bien fait. En plus de Vital Chance, j’ai également fait naître Adrénaline, sa propre sœur. Elle est ma super star, ma poulinière adorée. Elle a l’air de très bien produire et m’a notamment donné Easy Chance (SF, par Kannan, ndlr), un étalon qui, j’en suis sûre, va bien produire, et Feeling Chance (SF, par Cornet Obolensky, ex Windows vh Costersveld). Diamant était un étalon que j’adorais particulièrement, bien qu’il ait été très critiqué au début. Il pouvait facilement faire une faute des antérieurs, mais il a énormément saillie. Il était très fertile et a eu une bonne production, qui a fait sa renommée. J’aimais beaucoup ses produits, qui avaient un côté un peu tête brûlée très sympa pour le concours hippique. Il donnait ce caractère dur, de battant. Diamant a eu beaucoup de chevaux qui ont évolué à 1,45m. En plus de Vital et Adrénaline, j’ai eu deux autres poulains de Diamant, qui sont malheureusement décédés. Je croyais énormément en Jumping Jack Chance. C’était le cheval de mes rêves. Avec Antoine (Dechancé, ndlr), nous avons beaucoup pleuré parce que sa disparition était évitable. Il se trouvait dans un groupe de chevaux trop nombreux, qui le chahutaient un peu. Il a eu un accident et nous avons dû l'euthanasier."

Jumping Jack Chance était l'un des grands espoirs de Marie Bourdin et Antoine Dechancé. © Collection privée

Pascal Cadiou, Président du stud-book Selle Français

“Diamant est un cheval dont la vie a débuté de façon spéciale, et qui a vécu une existence incroyable. Il a eu la chance de tomber sur des éleveurs qui ont su s’occuper de lui avec beaucoup de savoir-faire et qui ont su l’amener au plus haut niveau mondial, avec des médailles et de grandes victoires à la clé. Je retiendrai aussi sa générosité de cœur, tant il s’était battu pour rester en vie. Ses produits ont de la force, un bon équilibre et un vrai mental de compétiteurs. De plus, Diamant était très fertile, ce qui a contribué et contribue encore aujourd’hui à son succès. Pour le Selle Français, c’est un plaisir et une chance. Diamant permet à notre stud-book de rester classé parmi les meilleurs du monde depuis de nombreuses années. De plus, il a aussi très bien produit à l’étranger. Il fut un véritable ambassadeur de notre race en piste et à l’élevage, qui restera longtemps gravé dans les mémoires, au même titre que des chevaux comme Almé (Ibrahim x Ultimate xx), Quidam de Revel (Jalisco B x Nankin), Quick Star (Galoubet A x Nithard x) ou Baloubet du Rouet (Galoubet A x Starter). Et grâce à son héritage, le Selle Français a encore de belles heures devant lui.”

Alexis Gourdin, cavalier professionnel et ancien employé du haras de Semilly

“J’ai été cavalier pendant cinq ans au haras de Semilly. Diamant a, en quelque sorte, construit la réputation du haras. Il était la base de tous les chevaux que j’ai monté là-bas. Il ramenait son bon mental, une bonne tête, à ses produits. Ce sont des chevaux qui, lorsqu’ils vont en concours, se sentent comme chez eux. Cela m’a beaucoup marqué. Il rapportait aussi de la facilité d’utilisation : les chevaux étaient assez faciles parce qu’ils étaient souples dans leur corps et pouvaient aussi bien convenir à des professionnels qu’à des amateurs. Souvent, c’étaient aussi des chevaux avec de la puissance et de la force. Du côté des défauts, certains de ses descendants manquaient un peu de respect à pied et pouvaient nous bousculer. Ce n’est pas gênant, mais un peu pénible (rires). Forcément, il n’y avait pas où ne pouvait pas penser à Diamant. Nous montions toujours ses fils ou filles, et puis l’affixe “Semilly” évoque tout de suite Diamant. Que ce soit à Couvains ou ailleurs, quand on parle de Semilly, on pense à Diamant. C’est un cheval qui a marqué sa génération.

Cela fait un pincement au cœur de savoir qu’il est décédé. J’ai suivi ses dernières années car je suis assez proche de Richard et Éric. La famille Levallois a tout fait pour le cheval, pour qu’il vive le plus longtemps possible et soit heureux. Il avait tout. C’était le cheval d’une vie, et je peux vous assurer qu’il a eu tout ce dont il avait besoin, jusqu’à la fin. Il aura marqué son histoire et peut partir tranquille.”

Alice Bazin, qui a eu la chance de veiller quelques mois sur Diamant de Semilly

“J’ai été la groom de Diamant de Semilly pendant cinq ou six mois. Mon travail consistait à ne m’occuper que de lui. C’était juste après son titre à Jerez, en pleine apogée. À pied, il fallait rester vigilant, mais un climat de confiance s’était établi entre lui et moi, et avec son cavalier. Je le préparais, Éric (Levallois, ndlr) le montait. En parallèle, je l’entretenais sur sa condition physique au marcheur, en longe et je lui prodiguais les soins nécessaires. Pour moi, Diamant était une vraie force de la nature. Il était exceptionnel. Au niveau de la force, c’était impressionnant. J’ai le souvenir que dans les détentes, on avait l’impression lorsqu’il sautait qu’il était relié au plafond par un élastique qui le tirait vers le haut ! J’ai mis des oxers à Éric où les barres m’arrivaient aux épaules et si j’écartais les bras, je ne touchais pas les deux côtés. Diamant les franchissait comme si de rien n’était. J’ai aussi eu l’occasion de l’accompagner lorsqu’il faisait la monte. Nous l’échauffions sous la selle avant chaque prélèvement. Diamant était attachant, malgré son caractère bien trempé d’entier. Cela a été une opportunité exceptionnelle de m’occuper d’un cheval de cette envergure. Je tiens à souligner aussi le côté très humain et familial de la famille Levallois qui m’avait accueillie à ce moment-là, notamment Éric. Sur les terrains de concours, s’il prenait des viennoiseries pour sa famille, il m’en ramenait toujours une aux écuries.”

Diamant de Semilly a légué de nombreuses qualités à ses produits. © Scoopdyga


Cet article a été modifié le 24 février 2022 à 16h. Dans sa version initiale, les propos que StudForLife prêtait à Pascal Cadiou ne reflétaient pas la véritable mesure de l’hommage que le président du Stud-Book Selle Français a rendu à Diamant de Semilly lors de l’entretien qui s’est déroulé le samedi 19 février à Saint-Lô. La rédaction présente ses excuses à ses lecteurs, à Pascal Cadiou et à toutes les autres personnes concernées.

Photo à la Une : Diamant de Semilly. © Sportfot