Parmi un groupe de chevaux de qualité, Rik Hemeryck compte notamment sur l’immense Inouï du Seigneur, un fils de Jenson van’t Meulenhof issu d’une excellente souche maternelle. Respectueux, talentueux, maniable et puissant, le bai semble promis à un brillant avenir, et ce n’est pas son cavalier, ni sa propriétaire, Hérica Ravel, qui diront le contraire ! Rencontrés à Fontainebleau, où Inouï participait aux épreuves réservées aux chevaux de huit ans, les deux amis brossent le portrait de leur protégé, dont les débuts ont été quelque peu mouvementés.
Discrètement, mais avec grande justesse, Rik Hemeryck se construit patiemment un piquet d’excellents chevaux, avec l’ambition de retrouver durablement le niveau 5*. Présent à Fontainebleau, à l’occasion du Printemps des Sports équestres, organisé il y a une dizaine de jours, le Belge a présenté quatre montures. Morfine de Muze, un hongre de dix ans qui touche du bout du sabot le très haut niveau, le remarqué Navarro van het Eelshof, une “petite boule magique”, Pretty Girl de Lauzelle, sept ans, et son aîné d’une année, Inouï du Seigneur. À l’occasion des épreuves internationales réservées aux jeunes chevaux, le dernier cité a fait sensation, comme souvent lorsqu’il est de la partie en concours. Grand, puissant et respectueux, le bien nommé Inouï s'apprête à connaître une carrière riche en succès.
Propriété d’Hérica et Thierry Ravel (C.H.I Srl), fidèles soutiens et surtout amis de Rik, Inouï a vu le jour à la ferme du Seigneur, élevage sis à Honnelles, en Wallonie. Le hongre BWP descend d’une riche souche maternelle, dont sont, par exemple, issus les propres frères Tinka’s Hero Z et Gracieux du Pachis, montures respectivement vues jusqu’en Grands Prix 5* avec Simon Delestre et Alexa Ferrer, ou encore Verdini d’Houtvelle Z. “Lorsque j’ai vendu Aganix (du Seigneur, ndlr) à Luc Henry (fondateur de l’élevage Hero, dont les effectifs ont été cédés aux enchères fin 2020, ndlr), nous avions convenu que j’aurais droit à un de ses poulains ou un embryon. J’ai alors vu Anaïs Hero Z, la mère d’Inouï, lorsqu’elle avait trois jours. J’ai donc acquis cette souche intéressante”, débute Marc Vanlangendonck, qui a fait naître le crack en devenir de Rik Hemeryck. “La mère d’Anaïs, China Touch Hero, a été montée par Jérôme Guéry (et son épouse, Patricia, ndlr) jusqu’à 1,40m. Elle manquait un tout petit peu de moyens mais avait d’énormes qualités : elle était très respectueuse et régulière. Elle s’est consacrée à l’élevage et a eu plusieurs produits, dont Acarat Hero, le propre frère d’Anaïs, mais aussi Don’t Touch Tiji Hero, qui avait été acquis par Gudrun Patteet avant de se blesser et de devenir un excellent reproducteur. Il a notamment produit l’un des étalons qui saillie le plus à Zangersheide, Dourkan Hero.”
Testée sur les barres à deux ans, Anaïs montre de belles prédispositions pour le sport. En bon éleveur, Marc Vanlangendonck décide d’utiliser cette nouvelle souche pour poursuivre son œuvre. La fille d’Aganix du Seigneur et petite-fille de Chin Chin n’a jamais été débourrée et se tourne directement vers la reproduction. Alors âgée de trois ans, elle engendre Inouï, en 2014, un fils de l’excellent Jenson van’t Meulenhof (Vagabond de la Pomme x Quidam de Revel), complice de Niels Bruynseels et issu de la formidable souche de Qerly Chin. “Inouï était un grand poulain, qui sautait également très fort en liberté à deux ans”, se souvient son naisseur. “Il a toujours été très, très gentil. Sa mère a un caractère facile, et son père, Jenson, donne aussi des chevaux au tempérament agréable.”
Travail et patience
Blessé à l'œil à deux ans, Inouï est confié à Virginie Thonon, dans le but d’être valorisé. “Le fait qu’Inouï soit borgne ne fait que souligner davantage ses qualités, surtout compte tenu de ses résultats actuels. Toutefois, à l’époque, je ne savais pas si je pourrais le commercialiser convenablement. J’ai donc cédé une partie d’Inouï à Virginie, en lui proposant de s’investir dans le travail du cheval en échange, ce qu’elle a très bien fait. Elle l’a monté à cinq et six ans, puis au début de l’année suivante”, complète Marc Vanlangendonck. Pas sorti à quatre ans, Inouï entame sa carrière en 2019, où il participe aux championnats nationaux de sa catégorie d’âge, à Gesves, en Belgique. Après quelques parcours à six ans, la paire se lance à l’international début 2021 et enchaîne les sans-faute à Oliva. À ce moment-là, Rik Hemeryck repère ce grand bai de plus d’1,70m.
“J’étais présent à Oliva pendant plusieurs semaines, pour une tournée. Inouï prenait alors sept ans. Je l’avais déjà remarqué et avais noté qu’il sautait fort et bien. Je l’ai donc observé plus attentivement dans les épreuves auxquelles il participait et j’ai vu qu’il sortait du commun”, détaille le sympathique Belge, rencontré à Fontainebleau, juste avant le Grand Prix dominical du CSI 4*. “J’ai tout de suite appelé Hérica pour lui dire que j’avais découvert un bon cheval. Après le deuxième week-end de la tournée, j’ai essayé Inouï. Les sensations étaient inimaginables. J’ai commencé à sauter et déjà, il montait un mètre au-dessus des obstacles.” Séduits et sous le charme, Hérica et Rik n’hésitent pas une seule seconde et font l’acquisition de cette nouvelle star.
L’aventure entre ces deux-là a débuté il y a quelques années, grâce à un certain Ulyss Morinda, étalon pie né chez Hérica et gagnant jusqu’en Grand Prix 4* à 1,60m. Et cette première belle expérience en a entraîné d’autres. “Avec Rik, nous avons dépassé le stade de la relation cavalier-propriétaire. C’est une question de rapports humains, d’amitié. De toute façon, mes chevaux n’iront dans aucune autre écurie, c’est certain. Je cherchais absolument quelqu’un de gentil avec les chevaux, c’était une condition sine qua non pour confier mes protégés. J’ai passé ma vie dans les chevaux, ai moi-même monté en épreuves jusqu’à 1,40m et il était hors de question d’avoir recours à des techniques barbares de barrage ou autres. Chez Rik, à Wavre, nos chevaux sont heureux. Ils sont entretenus aux bonbons et aux carottes (rires). Rik les fait travailler lui-même et passe des heures à les dresser, ce qui n’est pas toujours le cas. Les résultats suivent, mais nous n’en sommes qu’au début”, assure Hérica.
Jusqu’aux Jeux olympiques ?
Force, respect, courage ; Inouï a hérité des qualités qu’avaient repérées Marc Vanlangendonck chez sa mère, Anaïs. “Quand on commence à sauter, il vole au-dessus des obstacles”, lance, dans un sourire, son cavalier. “Il fait ça avec une immense facilité.” “Et il est très respectueux”, ajoute Hérica, qui a d’ailleurs reproduit un croisement entre Jenson van’t Meulenhof et une jeune et prometteuse fille d’Aganix du Seigneur. “Lorsqu’il entame le travail, Inouï est très calme, puis, à mesure que l’on saute, il devient de plus en plus chaud, comme si le turbo se mettait en route”, reprend Rik. “À pied, il a un super caractère et est très facile. Il adore également aller en promenade, alors, souvent, il commence ses séances par une demi-heure de balade avant de travailler en carrière.”
Gentil et pétri de qualités, Inouï a pourtant connu des débuts délicats. “Quand il est arrivé chez nous, il était très chaud, voire violent, si bien qu’un jour, j’ai dit à Rik ‘mais qu’est-ce qu’on a acheté-là ?!’ Il pouvait se cabrer vingt fois en deux tours de piste au trot, puis partir en coup de cul, demi-tour et sauts de mouton : la totale. Il sait tout faire”, plaisante sa propriétaire. Mais, grâce aux soins de l’écurie Hemeryck - Godart, le grand bai a trouvé son équilibre. Passant beaucoup de temps en extérieur, en prairie, Inouï s’est assagi et a mûri. Il a aussi acquis de l’expérience en un peu plus d’un an passé aux côtés de son pilote. Pas effrayé par les chevaux compliqués, Rik a su composer avec le fils de Jenson van’t Meulenhof, pour canaliser sa fougue et en tirer le meilleur.
Sur les terrains de concours, le duo a rapidement pris ses marques. “Je l’ai formé gentiment. Nous avons participé à des épreuves réservées aux chevaux de sept ans l’an dernier. En septembre, il était troisième du Grand Prix des sept ans à Maubeuge, sur des parcours à 1,40m, puis, tout de suite après, deuxième de la finale des sept ans à Oliva, à quelques centièmes de seconde du vainqueur. En début d’année, il a disputé sa première épreuve Ranking à Oliva, où il a signé un sans-faute et terminé huitième. Fontainebleau était une bonne piste pour continuer à le faire évoluer. L’année des huit ans est encore placée sous le signe de la formation, mais je pense que d’ici un mois ou deux, il devrait commencer à faire quelques Grands Prix 2*”, se projette le pilote, patient et travailleur.
Si la paire a écopé d’une faute au barrage dans le Grand Prix YH bellifontain en renversant un chandelier sur son passage, Hérica et Rik savent mieux que quiconque que l’avenir se prépare tranquillement, sans précipitation. Comme Cornado NRW, Tornesh ou plus récemment Django Ste Hermelle, Inouï du Seigneur fait oublier sa différence physique par ses grandes qualités. Si bien que son cavalier ne s’interdit rien. À la question “que peut-on vous souhaiter pour la suite ?”, le Belge répond du tac au tac “les Jeux olympiques !” Si ce ne sont pas ceux de Paris, prévus en 2024, Inouï pourra toujours briguer une sélection à Los Angeles, en 2028, année lors de laquelle il soufflera sa quatorzième bougie. “Sa plus grande qualité est son respect des barres. C’est le plus important”, souligne Rik. “Il est grand, mais très maniable et il a tous les moyens. Maintenant, il faut gentiment le faire progresser.” Il n’y a plus qu’à !
Photo à la Une : Inouï du Seigneur et Rik Hemeryck à Fontainebleau. © Mélina Massias