Notre site web utilise la publicite pour se financer. Soutenez nous en desactivant votre bloqueur de publicite. Merci !

“Il n’y a pas de secret ; j’aime simplement prendre mon temps avec les chevaux”, Marco Kutscher (2/3)

Marco Kutscher et Van Gogh à Rome.
Interviews mardi 28 mars 2023 Mélina Massias

Marco Kutscher fait indéniablement partie des grands noms du saut d’obstacles. Grâce à son classicisme, ses multiples apparitions au sein de la Mannschaft, notamment à la fin des années 2000, mais aussi à son association avec le tumultueux Cornet Obolensky (né Windows van het Costersveld), l’Allemand est devenu une forme d’icône de sa discipline. Après un peu moins de trois ans d’absence, le champion d’Europe de 2005 a retrouvé avec réussite les CSI 5*, fin janvier, à Leipzig. Avec la complicité du tout bon Aventador S (né Ahouast), le quadragénaire s’est hissé au cinquième rang du Grand Prix de la Coupe du monde Longines. Une belle satisfaction, mais pas vraiment une fin en soi, Marco Kutscher ayant déjà en ligne de mire la saison extérieure, qu’il espère pavée de belles compétitions, et, pourquoi pas, d’une Coupe des nations. Dans un long entretien, divisé en trois épisodes, le sympathique cavalier s’est confié sur son come-back remarqué, sa rencontre avec sa nouvelle star, son système ou encore ses souvenirs les plus marquants. Deuxième volet.

La première partie de cet entretien est à (re)lire ici.

Que recherchez-vous chez un cheval, dans la perspective de le guider jusqu’à haut niveau ?

Je crois que j’aime les mêmes qualités que tout le monde : un cheval capable de sauter de gros obstacles avec aisance. Ce serait le combo parfait. Plus généralement, il faut trouver un cheval qui a un talent, quel qu’il soit. Certains sont plus agréables à monter que d’autres, mais ne sont pas les meilleurs sauteurs. Toutefois, grâce à leur coopération et leur facilité d’utilisation, et l’aide du cavalier, on peut obtenir de belles choses. D’autres chevaux ont une faculté incroyable pour franchir des obstacles, mais ne sont pas toujours les plus simples à manier. Il faut s’adapter et tout dépend de chaque cheval. Bien sûr, tout le monde cherche la même chose, mais il est difficile de tout combiner. En définitive, je dirais que j’aime soit un cheval avec une grande qualité à l’obstacle et d’autres points faibles en parallèle, soit une monture très pratique et chouette à faire travailler au quotidien. À partir de là, on peut les aider de la bonne manière pour les magnifier et mettre toutes les chances de notre côté pour être sans-faute.

L'excellent Van Gogh, vainqueur en Grand Prix 5* s'avère également très bon à l'élevage, tant en saut d'obstacles qu'en dressage ! © Sportfot

Au fil des années, vous avez participé à la formation de nombreux cracks, à l’image de Boeckmanns Lord Pezi Junior (Lord Pezi x Quattro B), Spartacus TN (Stakkato x Grannus), ou encore Casallvano (Casall x Silvano N). Quel est votre secret ?

Je crois qu’il n’y a pas de secret ; j’aime simplement prendre mon temps avec les chevaux. Au bout du compte, je crois que cela nous sert. À mon avis, tous les chevaux ont besoin d’apprendre et d’être éduqués. Par exemple, Aventador aurait peut-être pu faire ce qu’il fait aujourd’hui plus tôt dans sa carrière, mais il n’était pas vraiment prêt. Désormais, je le sens mûr pour cela. Nous essayons d’inclure beaucoup de travail sur le plat dans notre système, mais ce n’est pas un secret non plus. Beaucoup d’autres bons cavaliers en font de même et ont participé à l'éclosion d’un grand nombre de chevaux au cours de leur carrière. Il faut simplement essayer de tirer le meilleur de chaque monture, en prenant son temps.

Le généreux Casallvano a également connu de belles réussites avec Daniel Deusser. © Sportfot



“Mon sentiment est partagé quant au nouveau format olympique”

Le niveau de la Mannschaft n’a pas faibli ces dernières années, avec l’arrivée de Jana WargersGerrit Nieberg ou encore Richard Vogel sous le feu des projecteurs en 2022. Comment jugez-vous les forces de cette équipe ?

Nous avons des cavaliers remarquables, mais les autres pays aussi. La qualité des pilotes en Allemagne est très élevée. Le seul problème pour eux est de trouver des chevaux tout aussi talentueux et exceptionnels, ce dont on a besoin pour être compétitif en championnat. Le niveau devient de plus en plus élevé, et ce pour toutes les nations. Si l’on veut prétendre à la victoire, il faut pouvoir compter sur plusieurs couples d’exception. Un seul ne suffit pas, tout comme deux ou trois bons cavaliers ! Il faut réellement d’excellents binômes cavalier-cheval pour avoir une chance. Le nombre de pays qui possède un bon réservoir a fortement augmenté. En tout cas, en Allemagne nous n’avons pas vraiment besoin de nous inquiéter au sujet de la qualité de nos cavaliers, mais plus de la façon dont conserver les chevaux de haut niveau. Cela va aussi définir notre réussite dans les années à venir. Garder ses chevaux est le plus grand défi. Le commerce se porte bien et il y a énormément de personnes prêtes à payer beaucoup d’argent pour les acheter. Et il devient souvent difficile de dire non.

L'équipe allemande, dans son temple, à Aix-la-Chapelle. © Sportfot

Les Jeux de Paris auront lieu dans moins de cinq-cents jours. Avec eux se pose la question du nouveau format olympique, qui avait suscité de vives réactions après l'échéance de Tokyo. Quel est votre avis sur le sujet ?

Mon sentiment est partagé. Pour le public et les spectateurs, je trouve qu’il est très intéressant, puisqu’un parcours peut tout changer. Avant la sortie de piste de l’ultime couple, on ne sait pas ce qui peut se passer. Mais, d’un autre côté, j’apprécie davantage l’ancien système à quatre cavaliers. Un incident est vite arrivé et, si c’est le cas avec le nouveau format, c’en est fini pour toute l’équipe. Je trouve cela très dur. Le Global Champions Tour (et notamment la Global Champions League, une compétition par équipes, ndlr) s’appuie sur un système similaire, où il n’y a pas de drop score ou de droit à l’erreur. On peut être à deux doigts de la victoire et que le dernier concurrent fasse valser tous nos espoirs. Dans ce cas particulier, j’approuve ce format, mais pour un championnat, je préfère l’ancienne formule. La présence d’un joker permet de retirer un peu de pression des épaules des cavaliers et des chevaux. Aujourd’hui, si on sent que quelque chose n’est pas à 100%, on est tout de même obligé de tout donner. Pour les chevaux, je trouve préférable qu’il y ait quatre paires par équipe. 

L'inégalable Cornet Obolensky. © Sportfot




“Le sentiment sur Cornet Obolensky était indescriptible”

Au cours de votre carrière, vous avez monté de nombreux étalons de renom, qu’il s’agisse de Montender (Contender x Buurgraaf), Van Gogh (ex Vinnie, Numero Uno x Bernstein), qui a même produit un excellent cheval de dressage, ou de Satisfaction FRH (Stakkato x Calypso II). Que cela change-t-il d’avoir à faire à un étalon plutôt qu’à un hongre ou une jument ?

Cela dépend des étalons, mais, en général, on peut dire que les entiers sont un peu plus difficiles, surtout certains que j’ai côtoyé dans ma vie. Toutefois, on peut très bien avoir un étalon très gentil. Dans ce cas, il n’y a pas vraiment de différences avec un hongre ou une jument. La plupart du temps, ils ont quand même un fort caractère. Mais, si on trouve un moyen de travailler en bonne entente avec eux, ils se battent vraiment pour nous. Cela étant, je ne peux pas vraiment expliquer pourquoi j’ai eu tant d’étalons dans ma vie ! (rires) En général, je préfère les hongres ou les juments. Ils sont plus simples à gérer, que ce soit en transport ou dans les écuries, même si certains étalons le sont tout autant. En revanche, si ce n’est pas le cas, les choses se corsent. 

Le très chic et doué Montender 2. © Sportfot

Impossible de ne pas évoquer Cornet Obolensky (ex Windows vh Costersveld, Clinton x Heartbreaker), votre indissociable partenaire. Avez-vous ressenti une pression particulière à monter un tel cheval, déjà célèbre à l’aube de son troisième anniversaire ?

À cette époque, on connaissait déjà ses qualités sportives et d’étalon, mais je ne me suis pas mis tant de pression que cela quant au fait d’avoir un cheval extraordinaire. Concourir avec régularité à haut niveau nous a pris du temps et nous avons aussi vécu de très mauvais moments. Heureusement, il y en a eu de très plaisants aussi ! Mais il n’était pas un étalon facile. Il avait une personnalité affirmée, un fort caractère. Cela, associé à sa maniabilité délicate, ne m’a pas rendu la tâche facile. D’un autre côté, Cornet était un sauteur hors pair. Le sentiment sur lui était indescriptible et il est devenu un reproducteur incroyable, l’un des plus influents ces dernières années. Cela me rend toujours reconnaissant d’avoir eu la chance de partager sa carrière. La plupart du temps, lorsqu’on évoque Cornet Obolensky, mon nom lui est associé. Je suis fier d’avoir monté l’un des meilleurs étalons de la planète.

Cornet Obolensky. © Sportfot



Cornet Obolensky a tiré sa révérence à treize ans pour se consacrer à la reproduction. Avez-vous nourri des regrets ?

C’était la décision de ses propriétaires et je la respecte. Ils souhaitaient le ramener chez eux, en Ukraine, à Kiev, dans leur centre de reproduction. Ils ont choisi de mettre fin à sa carrière sportive, mais il aurait assurément pu disputer deux ou trois années supplémentaires. Pour moi, ce n’était pas l’idéal, mais je peux comprendre ce choix, qui n’était pas lié à une blessure ou à quoi que ce soit. Nous avons été sacrés champions d’Europe par équipe ensemble (à Madrid, en 2011, ndlr), ce qui m’a donné satisfaction. Cornet était un cheval de championnat, mais il avait été blessé pendant les trois-quarts d’une année. Au moins, il a eu une médaille.

Le style inimitable du grand Cornet Obolensky ! © Sportfot

Avez-vous développé une activité d’élevage ? Faites-vous naître vous-même quelques chevaux ?

Non, pas du tout, puisque nous n’avons pas la place nécessaire à la maison. Nous n’avons pas assez de prés ni d’espace pour cela, et je crois que c’est comme tout dans la vie : si on ne peut pas le faire parfaitement bien, alors il est mieux de s’abstenir. Faire naître et élever des chevaux est un long processus. Je pense qu’il faut avoir un certain nombre de juments pour réussir à faire émerger des produits. Cela ne m’a jamais intéressé. Il m’arrive d’acheter des jeunes chevaux, qu’ils soient foals, ou qu’ils aient deux ou trois ans, mais je le fais avec des amis, qui prennent soin d’eux pendant leurs jeunes années. Nous voyons ensuite ce que cela donne, mais je monte principalement des chevaux de plus de cinq ou six ans. Certains de mes collègues font tout : l’élevage, les jeunes chevaux, etc. La façon dont notre écurie est construite ne nous le permet pas vraiment. Nous avons seulement vingt-cinq boxes et assez peu d’espace. 

Satisfaction FRH. © Sportfot

Malgré tout, gardez-vous un œil sur la production de vos anciens protégés ?

Oui, bien sûr ! Les gens me contactent, me posent des questions et me montrent souvent des photos des produits des étalons que j’aie montés. C’est toujours marrant de voir les ressemblances que peuvent avoir les descendants de nos anciens étalons. Par exemple, on n’a pas besoin de regarder les papiers des fils et filles de Cornet ! On remarque directement leur similarité avec leur père. 

Photo à la Une : Marco Kutscher et son génial Van Gogh. © Sportfot

La fin de cette interview sera disponible en fin de semaine sur Studforlife.com...