Format olympique : les doléances des cavaliers non écoutées
Le vote lors de l’assemblée générale de la Fédération équestre internationale concernant le nombre de cavaliers dans le championnat des Jeux Olympiques a rendu son verdict hier : comme à Tokyo, il n’y aura bien que trois couples par nation lors des JO 2024 à Paris. Un coup dur pour les cavaliers, nombreux ces derniers jours, à avoir élevé la voix pour défendre un retour à l’ancien système et aux équipes de quatre.
Du 14 au 17 novembre, la Fédération équestre internationale avait convié les fédérations nationales qui la composent à participer à son assemblée générale, qui se déroulait cette année à Anvers. Nouveauté : si la retransmission video de cette assemblée est en place depuis plusieurs éditions, la FEI a mis en place en 2021 un format « hybride », permettant aux fédérations qui n’étaient pas sur place de voter malgré tout à distance. Pour autant, ce n’est certainement pas le point qui marquera les mémoires…
Le nouveau format olympique testé à Tokyo (équipes de trois, championnat individuel placé avant celui par équipes…) était au coeur des débats et les cavaliers n’ont pas manqué de pointer les incohérences de ce système, dangereux pour la pérennité des sports équestres aux Jeux Olympiques. Le 15 novembre, Steve Guerdat a pris la parole en tant que représentant des cavaliers et, dans un discours aussi sincère qu’alarmant, n’a pas manqué de pointer du doigt les enjeux et dangers d’un tel format, notamment concernant le bien être animal : « Nous avons vu trop d’images de cavaliers qui n’avaient simplement pas le niveau pour concourir aux Jeux Olympiques. Par ailleurs, je suis intimement persuadé qu’aucun cavalier ne devrait jamais se retrouver dans l’obligation de finir son parcours quoi qu’il en coute. Ce nouveau format nous oblige à finir notre tour pour ne pas éliminer notre équipe. Il va de soi qu’une équipe de quatre couples et un « drop score » est bien plus juste pour le sport ».
Martelé par le Suisse, connu pour son implication dans la défense du sport, le discours a été appuyé par de nombreux autres cavaliers, à l’instar de Rodrigo Pessoa, Kevin Staut, mais aussi Isabell Werth, ce format s’appliquant aux trois disciplines olympiques. La reine du dressage mondiale a notamment rappelé à la FEI qu’il serait bon d’écouter les cavaliers avant l’assemblée générale et non uniquement pendant cette dernière… Et évidemment rejoint Steve sur le bien-être animal. La réduction du nombre de cavaliers par équipes ayant été mise en place pour augmenter le nombre de nations participantes, la dresseuse allemande a également mis en garde sur le niveau sportif requis pour des championnats comme les Jeux olympiques. Mettre en avant la qualité de notre sport et non la quantité, voilà le leitmotiv de l’amazone. « Il est essentiel qu’un niveau adéquat soit maintenu lors des sélections olympiques, car il existe des drapeaux qualifiés qui ne possèdent pas le niveau olympique : le bien-être des chevaux en souffre alors forcément », a-t-elle notamment déclaré. « Même en mettant de côté le sujet des équipes de trois ou quatre couples, il est essentiel que toutes les équipes soient capables de concourir à un niveau olympique. C'est surtout nécessaire en CSO et CCE, disciplines où le risque est élevé tant pour les chevaux que pour les cavaliers. Nous ne voulons pas avoir une mauvaise image du sport à cause de la pression mise sur les épaules des cavaliers ».
Reprises allègrement dans la presse depuis plusieurs jours, les revendications des cavaliers n’ont pourtant pas porté leurs fruits… À l’issue du vote déterminant combien de cavaliers composeraient les équipes à Paris, 70 des 108 votants possibles se sont tournés vers des équipes de trois, tandis que seulement trente fédérations ont défendu à un retour à l’ancien format. Une écrasante majorité pour les équipes de trois donc ? Sur le papier oui, mais rétrospectivement, l’essai grandeur nature de ce nouveau format à Tokyo en a refroidi plus d’un. En 2016, seules onze fédérations avaient voté contre le nouveau format. Le nombre de fédérations ne souhaitant pas voir continuer cette formule a donc triplé sur la dernière olympiade. Un énorme bond en avant, pas encore assez grand malgré tout, pour permettre aux sports équestres de revoir leur copie pour Paris 2024.
Si le nombre de couples par équipe est acté pour les prochains JO, il reste encore des sujets à discuter et notamment l’ordre des épreuves individuelles et par équipes. Sur ces sujets, « rien n’est vérouillé », affirme la FEI. Difficile à croire… « Nous devrions être reconnaissants envers les générations passées pour la façon dont elles ont développé notre sport. De la même manière, je veux pouvoir regarder dans les yeux de ma fille à l'avenir et lui dire avec une pleine conviction que j'ai aidé à construire le sport équestre moderne », a indiqué Steve Guerdat lors de sa prise de parole. Encore faudrait-il laisser l’opportunité aux cavaliers, premiers concernés, de construire leur sport de demain… Si les dés sont jetés pour Paris, il faudra forcément que les instances prennent en compte leurs doléances pour les olympiades à suivre, sous peine de voir les sports équestres disparaitre des sports olympiques sous peu !
Photo à la Une : L'Assemblée générale de la FEI s'est tenue du 14 au 17 novembre 2021 en Belgique ©FEI/Dirk Caremans