Prédit comme relève du clan britannique il y a une vingtaine d’années, le discret et talentueux Tim Gredley a pris un peu de recul sur son sport… pour revenir tel un boomerang. Entre 2014 et 2022, le sympathique Britannique n’a pas disputé le moindre Grand Prix 5* et a même opéré un break total sur la scène internationale entre 2016 et 2019. Pourtant, depuis quelques mois, celui qui fut un temps jockey est un incontournable de l’équipe de Di Lampard. Quatrième du Grand Prix de Rome, 0+4 dans la Coupe à Saint-Gall, et présent à Aix-la-Chapelle aux côtés des brillants Scott Brash, Harry Charles et Ben Maher, l’heureux quadra a volontiers pris quelques minutes de son précieux temps pour revenir sur ce retour fracassant, évoquer ses chevaux de tête, dont le fabuleux Medoc de Toxandria, son intérêt pour le monde des courses ou encore sa farouche volonté de soutenir l’industrie britannique, en proie à nombre de problématiques depuis le Brexit. Rencontre, en deux épisodes.
Comment allez-vous ?
Bien, merci. C’est chouette d’être de retour ici, à Aix-la-Chapelle. J’étais venu lorsque j’étais un jeune homme. Je devais avoir dix-neuf ou vingt ans. C’était donc il y a un moment ! J’étais venu à deux reprises, pour la Coupe des nations ainsi que les Jeux équestres mondiaux (de 2006, avec Omelli, qui lui avait permis deux ans avant de décrocher l’argent en individuel et l’or par équipe aux championnats d’Europe jeune de Vilamoura, ndlr). C’est vraiment formidable ! On oublie combien tout est impressionnant ici. Les installations sont incroyables, et tout est parfait. L’organisation prend soin de tout le monde, des grooms comme des cavaliers ou des propriétaires.
On dit souvent que cet événement est inégalable. Selon vous, qu’est-ce qui le rend si spécial ?
J’imagine que c’est avant tout l’échelle de ce concours qui est fantastique. Tout est très impressionnant. On n’est pas témoin d’une telle ambiance venue du public si souvent. C’est vraiment bluffant.
“Faire une pause a été bénéfique, puisque j’apprécie davantage ce sport cette fois-ci”
Comment avez-vous vécu votre début de saison ? Il a été de plutôt très bonne facture, avec de belles sélections à la clef.
Oui, c’est bien. Depuis plus ou moins un an, j’ai pris la décision de me concentrer à plein temps sur le sport. Je m’estime très chanceux d’avoir pu faire l’acquisition de bons chevaux. J’ai toujours beaucoup apprécié les Coupes des nations. J’ai donc décidé d’adopter une position visant à essayer de soutenir au mieux l’équipe. Il y a bien sûr plein d’autres options dans nos rangs, mais j’ai entamé l’année à Abu Dhabi, où une série de concours était organisée. Cela s’est bien passé. Donc oui, le bilan est positif. Aix-la-Chapelle est l’apogée de notre sport et j’étais curieux de voir où je me situe à la fin de cette semaine. À mes yeux, il s’agit d’un bon test, qui ne ment pas. En tout cas, j’ai le sentiment d’être sur la bonne trajectoire et je peux compter sur de bons chevaux. Je prends du plaisir dans ce que je fais, ce qui est chouette.
Pendant deux ans et demi, entre juillet 2016 et février 2019, vous avez mis votre carrière entre parenthèses, en ne disputant aucune épreuve internationale. Entre mars 2015 et septembre 2022, vous n’êtes pas non plus apparu en CSI 5*. À quoi était dû votre arrêt de la compétition ?
Nous avons une entreprise familiale (Unex, ndlr) dans l’immobilier. S’il y a bien une chose avec l’équitation et le saut d’obstacles, c’est que cela prend beaucoup de temps. J’ai donc passé cette période dans l'entreprise. Je devais le faire et c’était bien. Désormais, je suis chanceux de pouvoir concilier les deux. C’était une décision difficile à prendre à ce moment-là, mais dans l’ordre des choses, cela a été plutôt bénéfique, puisque j’apprécie probablement davantage ce sport cette fois-ci.
Pourquoi ?
Je pense que c’est juste l’appréciation d’un très bon cheval. On ne se rend pas compte combien il est difficile de trouver un cheval pour le haut niveau. Le sport a énormément évolué en dix ans. Désormais, j’apprécie vraiment de dénicher et former ces bons chevaux. Lorsqu’on est jeune, qu’on a la vingtaine, on prend un peu cela pour acquis. Aujourd’hui, je suis marié et j’ai des enfants. Nous sommes une famille de passionnés, et j’adore lorsque les enfants m’accompagnent sur certains concours. C’est un vrai mode de vie, et c’est pourquoi j’en profite à fond.
“Les étapes du Global Champions Tour sont fantastiques, mais relèvent presque d’une discipline différente de celle que nous pratiquons à Aix-la-Chapelle”
Quels changements majeurs avez-vous relevés depuis votre comeback ?
C’est cher ! (rires) Le prix des chevaux a toujours été élevé, mais je crois qu’aujourd’hui, le sommet du sport est très éloigné de la norme. Je pense que c’est le point principal. Les matériaux utilisés sont aussi très différents. Les étapes du Global Champions Tour sont fantastiques, mais relèvent presque d’une discipline différente de celle que nous pratiquons ici, à Aix-la-Chapelle. Il faut pratiquement avoir un type de cheval différent pour prendre part à ce circuit. Les caractéristiques des chevaux acquis pour différents concours ont changé. Avant, un même cheval devait simplement convenir à tout. Ce n’est plus tout à fait pareil.
Aimeriez-vous concourir davantage sur le Longines Global Champions Tour, ou préférez-vous vous concentrer sur les CSIO ?
Tout me va. J’aime simplement prendre part à de chouettes concours. Évidemment, j’adore défendre les couleurs de l’équipe britannique si j’en ai l’opportunité. Cela serait la priorité. Mais j’ai déjà fait une saison sur le Global auparavant, et j’ai pris du plaisir. Mais, encore une fois, il faut avoir les chevaux nécessaires pour cela. Lorsqu’on arrive dans la crème du sport, des cavaliers comme Scott Brash, Harry Charles ou Ben Maher savent vraiment ce qu’ils font. C’était flagrant dans la Coupe des nations d’Aix-la-Chapelle. Je pense que c’est là que je dois encore cravacher pour parvenir à la même chose. On ne peut jamais juste se dire que les choses vont bien. Il faut continuer à travailler. C’est mon état d’esprit en ce moment.
Comment gérez-vous votre emploi du temps, entre votre entreprise et les chevaux ?
Je suis bien occupé ! Nous avons aussi beaucoup de chevaux de course. Nous avons entre trente et quarante poulinières. Je gère cette partie pour la famille. Honnêtement, j'aime être actif, occupé. J’adore les chevaux, alors je ne vois pas vraiment cela comme une contrainte. Les chevaux sont ma thérapie (rires).
“Je ne referais pas de courses en tant que jockey, car sinon ma femme demanderait le divorce !”
En plus de vos belles réussites en saut d’obstacles, vous avez enfilé toque et casque pour prendre part à des courses de galop !
Oui, j’ai fait quelques courses, mais j’étais un très mauvais jockey. C’était une bonne dose d’adrénaline, mais je ne pense pas que je le referais, parce que ma femme m’a dit qu’elle demanderait le divorce. C’est très dangereux ; je pense que le saut d’obstacles comporte un peu moins de risques.
Avez-vous tiré profit des courses et transposé certaines choses au jumping ?
Oui, je pense effectivement avoir pris quelques aspects du monde des courses dans ma pratique du saut d’obstacles. Par exemple, je n’avais pas véritablement conscience de l’importance de la forme physique des chevaux avant que je courre. Je n’avais jamais pensé non plus aux différences au niveau des sols en saut d’obstacles. En courses, les chevaux sont très dépendants de ce qu’ils aiment et non en la matière. Peut-être que je prenais cela pour acquis en jumping. J’ai donc pris certains éléments, mais il s’agit de deux sports très, très différents.
Le saut d’obstacles vous a-t-il manqué pendant votre pause ?
Mille fois oui ! J’ai eu la chance de goûter au haut niveau avant. Si je n’avais pas pensé pouvoir le retrouver, j’aurais probablement fait autre chose. Ce genre de concours, c’est tout ce qui compte. Tant que je peux continuer à obtenir de bons résultats, on va continuer de cette façon.
“J’ai toujours trouvé que les terrains de détente étaient parfois plus intéressants que la piste”
Comment est née votre passion pour les chevaux ?
Nous avons toujours été entourés de chevaux, notamment avec les chevaux de course. Ma sœur faisait quelques épreuves de saut d’obstacles, et j’ai été entraîné dans son sillage. J’ai donc commencé à monter quelques chevaux. Un jour, j’étais au Horse of the Year Show (un événement incontournable non loin de Birmingham, ndlr), en Angleterre. J’ai vu là-bas John et Michael Whitaker et Nick Skelton. J’ai toujours trouvé que les terrains de détente étaient parfois plus intéressants que la piste. Et c’est ce qui a vraiment réveillé ma passion pour ce sport.
Vous avez à peine quelques années d’écart avec Scott Brash et Ben Maher, aux côtés de qui vous avez découvert les joies du haut niveau. Quel sentiment cela vous procure-t-il de retrouver l’équipe première à leurs côtés ?
J’avais une blague récurrente à ce sujet. Je connais Ben et Scott depuis longtemps. Lorsque j’ai laissé tomber le saut d’obstacles à haut niveau, je leur ai dit en plaisantant qu’un jour je ferais partie d’une équipe avec eux. Je crois qu’ils avaient tous les deux rigolé ! Lorsque j’ai vu que je faisais partie du quatuor pour la Coupe des nations d’Aix-la-Chapelle avec eux, j’ai ressenti une immense satisfaction. J’éprouve un énorme respect pour eux, pour ce qu’ils ont accompli dans leur carrière. C’est un sport très difficile et partager cette sélection avec eux était très spécial. Je dois dire qu’Harry Charles m’impressionne aussi beaucoup. Il est d’un grand professionnalisme et il va sans aucun doute connaître le même succès que Ben et Scott.
La deuxième partie de cet entretien est disponible ici.
Photo à la Une : Tim Gredley et Medoc de Toxandria dans l’immensité d’Aix-la-Chapelle. © Mélina Massias