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“Savoir que Checker est né chez nous est un sentiment particulier”, Johannes Humburg

Checker 47
jeudi 26 septembre 2024 Adriana Van Tilburg

Plus qu’une victoire, remporter une médaille d’or olympique fait date pour l’éternité dans la carrière d’un cavalier et sa monture. Les noms de Christian Kukuk et Checker 47, couronnés en individuel aux Jeux de Versailles début août, resteront à jamais gravés dans l'histoire du saut d’obstacles. Derrière chaque cheval, se cachent, souvent dans l’ombre, celles et ceux qui l’ont élevé, qui ont contribué à faire prospérer sa génétique, jusqu’à atteindre le Graal. Chaque cheval a une histoire. Qui l'a fait naître ? Où a-t-il été élevé ? Qui a cru en son potentiel ? Quelles histoires se cachent derrière sa mère ? Quel est l'héritage des anciennes générations ? Eléments de réponses pour le gris Checker 47, champion olympique pour le reste de sa vie.

Retrouvez la première partie de cet article ici.

Pamina, une globe trotteuse que rien ne prédestinait à briller

Si les chevaux pouvaient écrire des livres, Pamina serait à l’origine d’une histoire en plusieurs chapitres. Née à Gestüt Lewitz, elle est acquise à deux ans par Wilhelm Winkeler. Il se souvient : “Je l'ai récupérée à Mühlen. Je l'ai d'abord accouplée à Catoki, et le poulain issu de ce croisement est Cedric III. C'était un excellent mélange. J'ai remporté le championnat du Oldenbourg avec Cedric III et je l'ai ensuite vendu à Mario Stevens. Par l'intermédiaire de Holger Hetzel, il a été vendu à Steve Guerdat. Finalement, il a concouru au niveau 1,45m avec d'autres cavaliers en Suisse. Après le sevrage de Cédric III, j'ai essayé de monter Pamina, mais sans succès. Elle était tout simplement trop difficile sous la selle et sa conformation aurait pu être meilleure. Elle était également très particulière au box. Cela peut paraître étrange, mais j'ai été soulagé lorsque je l'ai vendue. Je pense que personne ne s'attendait à ce que Checker devienne le cheval qu'il est aujourd'hui. Peu de gens imaginaient que Pamina puisse être une reproductrice intéressante et la mère de plusieurs chevaux de sport de haut niveau.”

Cedric III, frère utérin de Checker par Catoki, ici sous la selle de la Suissesse Claudia Webber, est le premier produit de Pamina. © Sportfot

Le chapitre suivant de l’histoire de Pamina s’écrit, brièvement, chez Wolfgang Kipp. “Wilhelm a d'abord vendu la jument à un ami commun. Je l'ai ensuite achetée parce que je trouvais ses lignées extrêmement intéressantes. Come On avait déjà été monté par la princesse Haya de Jordanie et par Ralf Schneider. Je connaissais toute l'histoire de Cornet Obolensky (né Windows vh Costersveld, ndlr) et toute l'histoire de l’approbation de Comme Il Faut. J'étais présent à Münster-Handorf, lorsque Comme Il faut a failli ne pas être approuvé, si ce n'est grâce à l'intervention énergique de notre ancien directeur de l'élevage, le Dr Friedrich Marahrens. Je pensais qu'en utilisant Comme il faut, la boucle serait bouclée. À mon sens, Comme Il Faut est le meilleur fils de Cornet Obolensky. Come On avait un grand potentiel, et j'étais un grand fan de Baloubet du Rouet, alors ma femme et moi avons décidé de croiser Pamina à Comme il faut”, relate Wolfgang Kipp. “La beauté de l'histoire de Checker est qu'il a toujours été entre les mains de vrais passionnés de chevaux. Il a toujours été confié à des personnes de bonne réputation, qui n'avaient pas nécessairement besoin de le vendre. Il a été systématiquement formé dans à la perfection. Je suis Checker de près dans le sport. Je me rends souvent sur les terrains de compétition. En tant qu’éleveur, on doit s’intéresser aux concours, afin de comprendre ce que l'on attend d’un cheval. Et il faut aussi avoir un peu de chance. J'ai fait inséminer Pamina avec la semence Comme Il Faut puis je l'ai vendue tout de suite après, parce qu'elle était très dominante. Elle n'est pas restée longtemps chez nous à cause de son comportement et je l’ai cédée à la famille Humburg.”

Le fantastique Comme Il Faut, père de Checker 47. © Dirk Caremans / Hippo Foto



“Checker était très sûr de lui, il se promenait seul, loin de sa mère”, Johannes Humburg

Lorsque Pamina arrive dans sa nouvelle famille, elle est alors pleine de Checker, qui deviendra, plus de quatorze ans plus tard, champion olympique. “Nous ne sommes pas les naisseurs de Checker, car nous n’avons pas choisi ce croisement ; Wolfgang Kipp l'a fait. Cependant, Checker est né dans notre ferme et y a passé ses six premiers mois”, se souvient Johannes Humburg. “Il était très sûr de lui. Il se promenait toujours seul, sans jamais rester près de sa mère. Il était toujours en train d'observer son environnement, c'est pourquoi nous l'avons appelé Checker. Hubert Vornholt, originaire de Münster, m'a acheté Checker lorsqu’il était poulain. Pour autant que je sache, Otto Becker en possédait alors la moitié et l'a ensuite vendu à Thomas Müller et Madeleine Winter-Schulze.” À partir de quatre ans, Checker a ainsi été formé au saut d'obstacles par Otto Becker et son équipe, et ce pendant plusieurs années.

Checker et Pamina dans les prés de la famille Humburg. © Collection privée

Johannes Humburg reprend : “Pamina était très difficile ; nous n'arrivions même pas à lui mettre un licol sur la tête. Elle était tout aussi sûre d'elle et challengeante que Checker. Wolfgang Kipp avait raison de dire qu'elle était dominante. C'est pourquoi j'ai fini par la vendre à mon tour. Elle est restée avec nous pendant six ans. J'ai également élevé la demi-sœur de Checker, Pepita Con Spita (Con Spirit). Ou plutôt devrais-je dire mon épouse, Christiane, l'a élevée. Pouliche, elle semblait normale, mais elle était très vive. Toni Hassmann l'a montée dans ses jeunes années. Elle a participé au Bundeschampionat, mais a malheureusement commis une faute lors de la finale. Elle a également participé au championnat du monde des jeunes chevaux à Lanaken. Pepita Con Spita a surtout concouru avec réussite à 1,60m sous la selle de Hunter Holloway (avec qui elle a notamment terminé troisième de la finale de la Coupe du monde Longines d’Omaha en 2023, faisant d’elle la révélation de cette édition, ndlr). Avant cela, elle a eu une pouliche par Coupe de Cœur, avec laquelle Hunter Holloway a également concouru. Pamina est aussi à l’origine de Coulthard 19 (Colestus). Il avait le potentiel pour tout sauter, mais il évolue désormais avec une jeune amateure. Le dernier produit de Pamina que j'ai élevé est Cavendish (Canturano I). Il a été vendu il y a cinq ans à la vente aux enchères de Westphalie, apparemment à Jan Tops. Malheureusement, je ne sais pas ce qu'il est devenu.”

L'excellente Pepita Con Spita, troisième de la finale de la Coupe du monde Longines d'Omaha en 2023 avec Hunter Holloway, est une sœur utérine du champion olympique de Paris, Checker. © Sportfot

Finalement, la famille Humburg a vendu Pamina à Martin Schmid. “Lorsqu’elle était pleine et suitée, Pamina était toujours difficile. Chez Martin Schmid, elle a eu un autre poulain par Contendrix, qui doit aujourd’hui avoir quatre ans”, complète celui qui a été au plus près de Checker durant ses premiers mois de vie.

Voir ce qu’accomplit Checker dans le sport est une fierté pour toute la famille Humburg. : “Bien sûr, nous suivons tout ce que Checker fait dans le sport. Il y a quelques années, nous avons même parlé de Checker avec Otto Becker. Il nous a dit qu'il envisageait de vendre Checker. Il est entré en contact avec Ludger Beerbaum afin que Checker reste en Allemagne. J'espérais qu'il aurait ce genre d'opportunité, mais on ne peut jamais dire avec certitude qu'un cheval va sortir du lot et gagner. C'est un sentiment particulier de savoir que ce cheval est né dans notre écurie.”

Avec sa médaille d'or olympique, l'attachant Checker fait le bonheur de toutes celles et ceux qui ont contribué de près ou de loin à sa réussite. © Mélina Massias



L’histoire continue de s’écrire pour Pamina

Pamina a beaucoup voyagé dans et vit désormais en Belgique, chez Tal Milstein. Cette année, elle a donné naissance à un poulain et offert plusieurs embryons. “J'ai acheté Pamina, ainsi que trois autres chevaux, à un propriétaire qui avait des chevaux avec Clarissa Crotta et Toni Haßmann, pendant la période du Covid. Toni et Clarissa sont de bons amis à moi, et ils m'ont dit que Pamina provenait d'une lignée très intéressante et m'ont encouragé à l'acheter. J'ai suivi leur conseil Checker et Pepita Con Spita leur ont donné raison ! Ce n'est donc pas mon incroyable talent qui m'a poussé à les acheter, mais plutôt la chance d'avoir Toni et Clarissa comme amis”, estime Tal Milstein. “L'un des chevaux que j'ai acquis dans le cadre de cette transaction était un poulain de Contendrix, un étalon monté par Toni. Il a maintenant quatre ans et est de retour avec eux pour sa formation. Je pense qu'il sautera également très bien. Je suis un éleveur très actif, mais j'élève pour le sport, pas à des fins commerciales. Depuis plusieurs années, on me demande de vendre la jument ou de vendre aux enchères ses produits et ses embryons, mais je ne peux tout simplement pas le faire. Je ne veux pas exploiter Pamina pour maximiser le profit en vendant sa descendance partout. Je veux garder l'exclusivité et me concentrer sur la formation sportive des chevaux de qualité issus de sa lignée. Pour y parvenir, il ne suffit pas d'avoir de bons gènes, il faut aussi une gestion attentive. Quant à son tempérament, il n'y a pas grand-chose à dire. C'est une très bonne mère, et chez nous, elle n'a servi que de poulinière, si bien que les traits de caractère difficiles n'ont pas vraiment fait surface. Actuellement, j'ai quelques embryons dans des juments porteuses notamment avec Ermitage Kalone et Casallo. En outre, Pamina a donné deux poulains d'un an par Casallo et Wandor van de Mispelaere.”

La relève de Checker, quatorze ans, est en marche dans les prés de Tal Milstein. © Mélina Massias

Avec son arrivée chez Hubert Vornholt lors de son sevrage, la boucle était bouclée pour Checker. Son nouveau propriétaire a, en effet, accueilli Come On et surtout Comme Il Faut, grand-père maternel et père du champion olympique, au sein de sa station d’étalons. Hubert Vornholt est malheureusement décédé deux ans avant le sacre de son ancien protégé dans un tragique accident, alors qu'il faisait ce qu'il aimait le plus : entraîner des jeunes chevaux, comme il l’avait fait avec Checker.

Absolument au-dessus du lot depuis douze mois, Checker a encore de belles lignes de son histoire à écrire. © Mélina Massias

Retrouvez un article complet sur le parcours sportif de Checker, de ses débuts à son titre de champion olympique, ici.

Photo à la Une : Checker 47 et Christian Kukuk ont dominé les débats dans la finale individuelle des Jeux olympiques de Paris. © Dirk Caremans / Hippo Foto