Dallas Vegas Batilly, Romeo 88 et Hello*Jefferson ont conquis l’or olympique par équipes, à Versailles, en réalisant trois sans-faute aux obstacles lors de la finale. Sous la selle de leurs cavaliers, Ben Maher, Harry Charles et Scott Brash, la Selle Français, le Zangersheide et le BWP ont fait étalage de leurs qualités. Retour sur le destin de ces trois champions.
Hello Jefferson, le surdoué qu'il fallait comprendre
Associé à Scott Brash depuis plus de six ans, Jerenmias van het Hulstenhof, renommé Hello Jefferson en 2018 lors de son acquisition par Lady Kirkham et Lady Harris, fidèles mécènes de l’Ecossais, doit une grande partie de son succès à la Belge Charlotte Philippe. Né en Belgique, chez Bernard Mols, l’attachant bai est le fruit du croisement entre Cooper vd Heffinck et Hovis, une fille d’Irco Mena. De cette même lignée maternelle, sont également issus Oscar v/h Hulstenhof (Quamikase des Forêts, alias Zirocco Blue), frère utérin de Jefferson vu jusqu’en Grand Prix 3* à 1,55m avec l’Irlandais Jason Foley, et Mia v/h Hulstenhof, une nièce de Jefferson elle aussi par Quamikase des Forêts et ayant évolué jusqu’à 1,45m avec le Belge Roy Van Beek. Avant de débarquer dans les écuries de Charlotte Philippe, Jefferson passe les cinq premières années de sa vie chez son naisseur, qui le décrit comme un cheval “spécial, différent des autres” que “tout le monde ne pouvait pas monter”. Le BWP connaît alors une dizaine de cavaliers, si ce n’est plus, avant de croiser la route de Charlotte Philippe. “Il était plus connu qu’on ne le pense, mais pas pour les bonnes raisons…”, confiait la Belge en 2020. “Je pouvais passer un quart d’heure arrêtée dans un coin, sans raison. Alors, ma maman venait me chercher pour me décoincer afin que je puisse continuer la séance. Il a vraiment beaucoup, beaucoup de caractère et je pense que personne ne l’avait compris jusqu’alors.”
À force de patience et d’écoute, le hongre met ses qualités et son respect naturel à profit, jusqu’à taper dans l'œil de Scott Brash. Non sans émotion, Charlotte Philippe laisse filer son cher Jerenmias après une longue réflexion. “Je voulais aussi lui donner la chance de ne pas être juste ma star, mais de devenir celle de tout le public”, glisse-t-elle en 2020. Quatre ans plus tard, le destin de son brillant partenaire, qu’elle n’a jamais quitté des yeux, lui a plus que donné raison. Grâce à une excellente entente avec Scott Brash, Hello Jefferson, quinze ans, a décroché le titre qui manquait à une carrière déjà riche en succès en se parant d’une somptueuse médaille d’or olympique, au terme d’un parcours sous haute tension.
“Je pense qu’il n’y a rien qu’il ne puisse gagner”, affirmait Scott Brash, quatre ans avant la consécration. “Pour moi, il est capable de remporter des championnats, tout comme les plus gros Grands Prix du monde. Je pense sincèrement qu’il a un grand avenir devant lui.” L’avenir a bien donné raison à l’Ecossais et à son complice, vainqueurs de trois Grands Prix 5*, classés sur les plus belles pistes du monde, médaillés de bronze collectivement aux Mondiaux de Herning et, donc, champions olympiques par équipes à Versailles.
Romeo 88, partenaire rêvé pour Harry Charles
Champion of Picobello. Voilà un nom prédestiné. Si ce fameux Champion est désormais mieux connu en tant que Romeo 88, il a suivi la voie ouverte par ses naisseurs, la famille Ruant, pour monter sur le toit de l'Olympe avec l’équipe britannique de saut d’obstacles, vendredi 2 août à Versailles. Dans cette performance XXL, le bai était accompagné par Harry Charles. Ensemble, le duo a pris une nouvelle envergure.
Associés depuis 2020, ces deux là ont réalisé leurs rêves et le talentueux britannique n’hésite pas à reconnaître “l’énorme influence” qu’a eu le fils du très bien né Contact vd Heffinck sur sa carrière. “En 2020, lorsque le Covid est arrivé, j’évoluais principalement au niveau 2 et 3*. Rapidement, l’opportunité de monter Romeo s’est présentée grâce à sa super propriétaire, Ann Thompson, avec qui nous avons une excellente relation. Dès que j’ai commencé à monter Romeo, beaucoup de choses se sont passées et cela a lancé ma carrière. Romeo a ouvert de nombreuses portes pour moi”, narrait Harry Charles dans un entretien accordé à Studforlife en 2022.
Passé sous les selles de neuf cavaliers sur la scène internationale, dont celles de Jessica Springsteen, Alberto Zorzi, Jeroen Dubbeldam et Darragh Kenny, avec qui il a affronté ses premières épreuves majeures, Romeo 88 a trouvé en Harry Charles le bon pilote pour briller et mettre en lumière tout son potentiel. Dès ses six ans, Darragh Kenny avait d’ailleurs décelé ses nombreuses qualités, allant jusqu’à estimer, après ses premières réussites internationales, qu’il n’avait pas de limite, malgré une perméabilité aux aides parfois difficiles à ses débuts.
“Ce qui rend Romeo spécial est son attitude et son caractère de battant. Nous nous connaissons par cœur. Romeo est un cheval fantastique, avec un grand cœur et une super mentalité. Aux écuries, il est un peu ronchon, mais ce n’est qu’une façade. Même s’il n’aimerait sans doute pas le reconnaître, il adore avoir de l’attention et de l’affection”, confiait Harry Charles à Horse & Hound début 2022.
Doté d’origines solides, bien aidées par la prolificité de sa famille maternelle, d’où sont par exemple issus Clown of Picobello et Check Picobello, le bai, enregistré au stud-book Zangersheide et à l’origine de quelques produits enregistrés sur la base de données Horsetelex, a permis à son jeune cavalier, vingt-cinq seulement, de concrétiser un rêve à Versailles. “Je réaliserai probablement dans six mois ce qui vient de se passer ! Cela va prendre du temps ! Être sacré champion olympique par équipes ici, devant mes amis et ma famille, c'est parfait. Et avec le château de Versailles en toile de fond, c’est encore mieux. C’est assez surréaliste de savoir que je gagne l’or olympique douze ans après mon père à Londres. J’en rêvais et c’est assez incroyable de l’avoir accompli”, s’est ému le prodige anglais en sortie de piste, après son sacre olympique. Comme Hello Jefferson, Romeo 88 faisait partie de l’équipe britannique médaillée de bronze à Herning et avait permis, un an plus tôt, à Harry Charles de vivre ses premiers Jeux olympiques, à Tokyo, en plus d’avoir collectionné plusieurs classements en Grands Prix 5*.
Dallas Vegas Batilly, reine sur ses terres
“Nous croyons beaucoup en Dallas Vegas Batilly pour l'avenir. Si je devais définir un objectif précis, ce serait les Jeux olympiques de Paris avec elle.” Depuis ces mots, prononcés en juillet 2022 par Nicolas Delmotte dans les colonnes de Sutdforlife, Dallas Vegas Batilly a parcouru bien du chemin. La baie a, déjà, changé de cavalier, passant des écuries du Nordiste et de son partenaire Laurent Guillet à celles de Ben Maher, en septembre 2022, grâce à Charlotte Rossetter et Pamela Wright. Très vite, le Britannique a projeté sa pépite française, née chez Jean-Claude Viollet, dans le grand bain. Sans brassards, la fille de Cap Kennedy et Violetta Batilly, par L’Arc de Triomphe, a d’abord alterné le chaud et le froid, avant de surnager. Malgré des débuts parfois délicats, la belle ayant pris du temps pour s’adapter au système de son nouveau partenaire, Ben Maher n’a jamais douté des capacités de sa reine, percevant d’entrée le potentiel qui sommeillait en elle : celui d’une jument de grand championnat.
Classée dans son premier Grand Prix 5* le 8 mai 2022 avec Nicolas Delmotte, Dallas Vegas Batilly réitère sept mois plus tard à Genève, avec Ben Maher, pour sa quatrième tentative à ce niveau. En janvier 2023, la baie remporte son premier Grand Prix 4*, puis est contrainte à une pause sportive, son cavalier s’étant blessé lors d’une chute en Floride. De retour en mai, la Selle Français se classe deuxième du Grand Prix 5* de Hambourg, puis enchaîne avec une bonne Coupe des nations au CSIO 5* de Rome (4+4). En juin, le duo franco-britannique récidive avec une quatrième place dans l’épreuve reine du CSI 5* de Stockholm, puis une prestation parfaite dans la Coupe des nations d’Aix-la-Chapelle, rien que ça ! Troisième à Valkenswaard, gagnante à Bruxelles, troisième à Lyon et lauréate à Vérone, Dallas Vegas Batilly réalise une année 2023 sans fausse note et enchaîne en 2024, obtenant notamment un classement dans un nouveau Grand Prix 5* à Wellington et surtout une sixième place lors de la finale de la Coupe du monde Longines au printemps.
Pourtant, le champion olympique de Tokyo aurait bien pu voir sa complice passer à côté du titre olympique qu’elle a conquis aux côtés de Hello Jefferson et Romeo 88 à Versailles. En effet, il avait initialement choisi de miser sur le jeune et styliste Point Break pour les Jeux de Paris. Et puis, l’état de forme de Dallas Vegas Batilly, encore récompensée d’une cinquième place dans le Grand Prix Rolex d’Aix-la-Chapelle et d’un double sans-faute dans la Coupe des nations de ce même concours en juillet, l’a fait changer d’avis… pour le plus grand bonheur de l’équipe britannique, évidemment, mais aussi de tout l’entourage de sa jument de onze ans, de son naisseur en passant par ses cavaliers formateurs : Valentin Very, qui l’a initié à la compétition en hunter à cinq ans, Claire Fontanel-Berne, Mégane Moissonnier et Romain Ozzola qui ont pris le relais à six ans avant de laisser Nicolas Delmotte finir de façonner ce diamant brut.
“Lorsqu’on est à pied, mon fils de dix-huit mois, Cooper, peut s'asseoir sur son dos. Elle est alors la jument la plus gentille du monde. En revanche, lorsqu’un cavalier plus expérimenté la monte, elle a beaucoup de caractère. Je dois être un passager sur son dos, pas un pilote et lui demander de faire les choses, pas lui dire de les faire”, disait Ben Maher en début d’année, après une victoire obtenue à Wellington. “Nous avons créé une super relation et je veux faire ressortir le meilleur d’elle.” Voilà chose faite, et avec la manière, alors que la compétition n’est pas encore terminée à Versailles. Lundi et mardi, Ben Maher tentera de mener sa Dallas Vegas Batilly, alias “Tily” pour les intimes, au sommet, comme il l’avait déjà fait il y a trois ans, avec un certain Explosion W.
Photo à la Une : Dallas Vegas Batilly, Romeo 88 et Jefferson en route pour décrocher l’or olympique à Versailles. © Dirk Caremans / Hippo Foto