Impossible de ne pas remarquer Dynastie de Beaufour. Lorsque la belle s’élance sur un parcours, tout semble facile, fluide, à sa portée. Dotée d’une technique parfaite, d’une envie de bien faire débordante, de moyens remarquables et d’un caractère en or, la fille de Diamant de Semilly et Sophia Di San Giovanni semble destinée à un futur à sa hauteur. À seulement dix ans, et après avoir suivi une formation raisonnée et raisonnable, sans jamais brûler les étapes, la Selle Français, née chez le champion du monde Éric Levallois, compte déjà deux classements en Grand Prix 4*, en autant de tentatives à ce niveau ! Sous la selle de Valentin Besnard, qui la monte depuis tout juste un an, la baie n’a fait que confirmer les premières impressions entrevues avec Romain Lescanne et ses autres formateurs. Retour, en trois volets, sur l’éclosion d’une crack qui a conquis toutes celles et ceux qui ont croisé sa route.
La première partie de cet article est à (re)lire ici.
Aidée par son bon tempérament, Dynastie de Beaufour a, de fait, vécu une formation sans accroc. “À quatre ans, elle a suivi le programme de l’école du haras du Pin avec une élève (Madeline Lefebvre, ndlr), qui l’a emmenée jusqu’à la finale de Fontainebleau, où elles ont signé un parcours à quatre points puis un sans-faute dans la petite finale. Elle montrait déjà des choses et me plaisait beaucoup. Elle a un très beau galop, une bonne technique et beaucoup d’amplitude. Dynastie est une grande jument. De fait, elle pouvait se montrer un peu maladroite dans son action et ses abords, ce qui entraînait une faute ci et là. À cinq ans, elle a de nouveau réalisé une bonne année, cette fois avec Fabien de Robillard. Elle devait encore mûrir et a de nouveau participé à la Grande Semaine de Fontainebleau, en signant un parcours à quatre points puis un sans-faute. Puis, à six ans, elle a rejoint Thomas Rousseau, qui m’avait dit que c’était une bonne jument. Toutefois, de là à imaginer qu’elle deviendrait ce qu’elle est aujourd’hui, il y avait encore du chemin”, développe Éric Levallois.
Après quelques mois au sein des écuries Rousseau, la Selle Français croise la route de la famille Lescanne, en quête de chevaux prometteurs pour l’avenir. “Je travaille beaucoup avec Éric Levallois. D’ailleurs, tous mes chevaux portent l’affixe de Beaufour. Cela m’offre une traçabilité ; je sais où ils ont été élevés et quel est leur passé. Un jour, avec une amie, nous sommes allés voir des chevaux chez Éric. Après en avoir observé deux ou trois le matin, nous avons déjeuné. Peu séduits par ces premières propositions, nous avons demandé à Éric s’il n’en avait pas d’autres à nous montrer. Il a passé un coup de téléphone puis a dit ‘on y va’. Nous sommes arrivés chez Thomas Rousseau, où était Dynastie. Nous l’avons essayée ; rien ne l’arrêtait. Elle avait six ans et nous avons dû mettre un terme à l’essai, sans quoi nous aurions pu continuer de monter les barres ! Ce n’était pas le torrent, mais la force tranquille. Dès qu’il fallait mettre la rehausse, elle le faisait. Je l’ai achetée et nous en avoir profité pour jeter un œil à sa sœur, Diamantina, dont j’ai fini par faire l’acquisition six mois plus tard”, retrace Michel Lescanne, qui était, jusqu’à la fin d’année dernière, co-propriétaire majoritaire de Dynastie. Depuis, le naisseur de la crack lui a revendu ses parts.
Polir le diamant
Facile, douée et adorable, cette nouvelle recrue fait l’unanimité. Romain Lescanne se voit alors confier les rênes de ce diamant brut, qu’il faut finir de polir. “Lorsque j’ai rencontré Dynastie pour la première fois, alors que j’étais entraîné par Éric Levallois, je me suis dit que c’était une super jument, avec beaucoup de qualités, des moyens énormes, une bonne tête, mais à qui il fallait laisser du temps, pour apprendre son métier et achever son développement physique. On ne peut jamais être sûr de l’avenir d’un cheval, mais avec elle, nous n’avions pas tellement de doutes ! Elle avait encore besoin de s'endurcir. À six et sept ans, nous n’avions aucun objectif particulier, et avions pris le parti de faire en fonction de ce qu’elle nous montrerait. Elle a toujours été très facile. Pour preuve, je l’ai récupérée un mercredi matin. L’après-midi, nous la chargions dans le camion et le dimanche, nous étions au barrage du Grand Prix des six ans à Lierre. Une fois qu’on était au galop et qu’on l’avait emmenée devant l’obstacle, je ne vais pas dire que le plus dur était fait, mais presque. Elle a un mental en or”, se souvient le sympathique cavalier, qui défend les couleurs de Madagascar. Et Éric Levallois d’embrayer : “Elle a beaucoup de qualités et a toujours été très coopérative. Jeune, elle était maladroite à cause de sa force, qu’elle pouvait avoir du mal à maîtriser. En main, elle dégageait énormément de puissance. Elle ne faisait pas trop attention à où elle mettait les pieds, mais était toujours de bonne volonté. Avec le temps, elle a pris conscience de tout cela. Sous la selle, elle était très sympa mais ne s’économisait pas beaucoup à l’obstacle. Elle sautait beaucoup en force.”
“Au début, le fait que Dynastie ne montre rien me perturbait. Mentalement, elle était toujours la même. J’aime connaître l’humeur de mes chevaux, et encore plus celle de mes juments. J’ai donc toujours redoublé de vigilance avec elle. Si elle avait mal, on ne pouvait pas le percevoir. C’était une machine de guerre et, pour elle, son job n’était pas de montrer qu’elle avait mal. Je voulais prendre mon temps et j’ai toujours fait attention. Pourtant, sauter un parcours à 1,40 ou 1,45m à six ans n’aurait pas été très compliqué avec elle. Mais, si je l’avais fait, je l’aurais brisée. Et ce n’est pas ma façon de faire. Dynastie avait besoin de s’aguerrir sur des épreuves de sa classe d’âge, d’apprendre à s’économiser et à faire les choses facilement. Cette jument est un vrai métronome. Elle est toujours là, que ce soit sur un grand terrain en herbe ou dans un manège, elle sera toujours au rendez-vous. Elle veut être sans-faute et fait tout pour l’être.” Alors, la fille de Diamant de Semilly a-t-elle des défauts ? “Certainement, mais elle a tellement de qualités que l’on ne s’en occupe pas !”, s’empresse de répondre son plus fidèle formateur. “Dynastie n’est plus à moi, mais je n’avais pas grand-chose à lui reprocher, que ce soit dans son caractère ou sa façon de travailler”, complète son naisseur normand, champion du monde par équipe à Jerez de la Frontera en 2002 avec son père.
“Si j’ai pu aider à faire le lien entre Dynastie et Valentin, j’en suis ravi”, Romain Lescanne
Toujours sur la même longueur d’onde, Romain Lescanne et sa complice, qui ne tardent pas à former un vrai couple, progressent avec constance. “J’ai beaucoup travaillé en extérieur avec elle, en balade, en trotting, en forêt, et cela dans le but qu’elle apprenne à gérer son corps. Elle ne sautait pas beaucoup à la maison, puisque c’était simple pour elle. En revanche, je trouvais intéressant de la former physiquement et mentalement en galopant en montée et en descente, pour qu’elle trouve son équilibre toute seule, plutôt qu’en faisant des ronds dans un bac à sable”, reprend le cavalier. Au fil des mois, le travail paie et le duo touche du doigt son rêve de haut niveau. “Trois semaines avant que Dynastie ne parte de la maison, elle venait de disputer sa première épreuve à 1,45m avec moi. C’était génial. Je sentais déjà que c’était simple, normal pour elle”, se remémore le cavalier qui, en quatre saisons, dont une entachée en raison de la pandémie de Covid-19, aura fait grandir sa perle. Mais un choix de Michel Lescanne, propriétaire Dynastie et d’une partie de sa fratrie, conduit la jument, alors âgée de neuf ans, vers une autre écurie. “Son départ a été difficile”, concède Romain Lescanne, qui a, depuis, su repartir sur le bon pied. “Je voyais mes chevaux plus que mes enfants, je vivais avec eux. Le soir, après dîner, il m’arrivait très souvent de retourner les voir pour leur faire un câlin. Forcément, quand, en trois jours, l’écurie se vide totalement et que le projet de haut niveau s’envole avec eux, ce n’est pas simple. Sur le moment, on prend une claque, mais c’est la vie. Désormais, nous nous tournons vers l’avenir et achetons des jeunes chevaux, qui nous appartiennent entièrement. Nous espérons qu’ils auront la même qualité que Dynastie. Nous avons un étalon (le plaisant Ninerald, Emerald van’t Ruytershof x Nintender, cinq ans, ndlr), qui a été approuvé au stud-book Zangersheide au début du mois. Nous profitons de l’expérience offerte par Dynastie et les autres pour nous reconstruire et apprendre de nos erreurs. Je suis très, très heureux que Dynastie soit chez Valentin et qu’ils cartonnent ensemble. Valentin est un ami, nous discutons souvent ensemble et si j’ai pu aider à faire le lien entre Dynastie et lui, j’en suis ravi. Surtout, je passe régulièrement voir Dynastie et mes anciens chevaux pour leur faire des caresses.”
La troisième et dernière partie de ce portrait est à découvrir ici.
Photo à la Une : La géniale Dynastie de Beaufour sous la selle de Romain Lescanne. © Pixels Events