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“Me dire que j’ai peut-être un nouveau crack dans mes prés est ce qui me fait me lever le matin”, Corinne Accary (2/2)

Grégory Wathelet et Beau Goss du Park à Aix-la-Chapelle.
lundi 6 mars 2023 Mélina Massias

Diabolo, Rosana, Beau Gosse, Hollywood. Tous ont fait, ou font encore briller l’affixe du Park, initié un peu par hasard par Corinne Accary. Passionnée, la Parisienne n’avait jamais vraiment envisagé de devenir éleveuse. Finalement, sa toute première jument, la brillante et énergique Quinine de Livoye l’a menée dans cette direction. À partir de cette unique Selle Français Originel, issue du croisement entre Ukase et Artichaut, l’amatrice s’est muée en professionnelle à succès, produisant, à travers les années et les générations, de véritables cracks. Fidèle à sa souche, celle qui s’est exilée en Bretagne, ne manque pas d'anecdotes ni de détermination. Retour, dans la seconde partie de cet article, sur l'ascension des deux dernières stars en date de l’éleveuse : Beau Gosse et Hollywood du Park. 

Le premier épisode de cet article est à (re)lire ici.

Une quidam devenue experte

Trente-deux ans après la naissance du crack Diabolo du Parc II, son premier produit, Corinne Accary a parcouru un sacré bout de chemin. La jeune fille amoureuse des chevaux s’est muée en professionnelle de renom. Du Loiret à la Bretagne, son élevage a pris un tout autre tournant, jusqu’à devenir ce qu’il est aujourd’hui. “J’avais une amie qui me prêtait des prés dans le Loiret. Un fermier du coin venait nourrir les chevaux. Les trois ou quatre premières années se sont déroulées comme cela”, sourit-elle. Entre temps, l’amazone rencontre Ludovic Leygue, qui sera un temps son époux et formera quelques-uns de ses cracks. “Ensuite, lorsque j’ai divorcé, j’ai dû faire un choix. Comme je suis plutôt guerrière, je me suis dit que je n’allais pas me laisser abattre et qu’au contraire, j’allais mettre les bouchées doubles et que l’on verrait mes chevaux à la télé. Je n’ai pas le niveau technique pour monter à haut niveau, mais c’est quelque chose qui me transcende. Me dire que j’ai peut-être un nouveau crack dans mes prés est ce qui me fait me lever le matin. Quelque part, je sais que j’ai déjà de la chance d’en avoir fait naître. C’est déjà difficile d’élever un cheval comme Diabolo”, livre en toute franchise la passionnée. Désormais installée dans le Morbihan, à Colpo, un village situé à quelques kilomètres au Nord de Vannes, Corinne poursuit son œuvre avec toujours la même envie et la même détermination. “Chez moi, mes chevaux ne passent jamais une journée entière au box. J’estime qu’ils n’ont rien à faire dedans. Ils sortent tous les jours, sans exception. Le dimanche, je me lève, je nourris et sors tout le monde au paddock, ou bien dans le rond d’Havrincourt lorsque les terrains ne sont pas praticables en plein hiver. Certains font aussi du tapis roulant, mais ils ne restent pas enfermés au box. Forcément, cela représente une vraie quantité de travail”, ajoute la Bretonne d’adoption. “J’ai une équipe qui m’épaule dans la gestion de l’élevage, mais je suis en gère tout, de mes choix d’étalons, en passant par le transport de mes chevaux, jusqu’aux pions. C’est fatigant. Parfois, j’en ai marre, comme tout le monde, mais d’un autre côté je suis heureuse lorsque l’on vient me féliciter parce que tel cheval est super. Voir son travail être reconnu est une belle satisfaction.”

Beau Gosse du Park et Grégory Wathelet à Aix-la-Chapelle. © Mélina Massias

Après Diabolo, la belle Quinine a donné naissance à Étincelle du Parc (Taloubet de Gemme), qui a fait ses preuves du côté du Maroc. “J’étais tellement malheureuse de ne plus pouvoir monter ma jument que je l’ai tout de suite faite saillir après Diabolo. Je voulais de nouveau utiliser Quidam de Revel, mais, à l’époque, il y avait des quotas et il n’y avait plus de place. Je trouvais cela très bien, mais c’est simplement un avis personnel. J’avais donc utilisé un étalon pas du tout connu. Cela a donné une très bonne jument, qui a longtemps été la meilleure du Maroc. Elle n’avait pas la classe de Diabolo mais pouvait quand même disputer des Grands Prix à 1,45 ou 1,50m, ce qui était très, très bien”, développe Corinne. Croisée à Palestro II en 1995, Étincelle a donné, l’année suivante, une pouliche baptisée Idyle du Parc, créditée d’un ISO 149, puis consacrée à l’élevage. Toujours sous le charme de son cher Quidam de Revel, l’éleveuse à la tête de l’affixe du Park a alors reconduit le croisement ayant donné Diabolo à cinq reprises. “J’ai manqué de chance avec certains produits de Quidam, l’une étant décédée de coliques et un autre d’une myosite foudroyante. Ensuite, je me suis dit qu’il serait bien de conserver quelques poulinières. Les juments faisaient ainsi quelques parcours, afin de jauger leur qualité et leur caractère. Lorsque j’ai commencé à comprendre que cette lignée n’était pas ordinaire, j’ai envisagé que l’élevage devienne ce que l’on peut appeler un métier”, reprend la Parisienne. Et grand bien lui en a pris !

Hollywood du Park, le bien nommé. © Mélina Massias



“Il n’y a pas que la rentabilité qui compte”

En plus de Diabolo et Etincelle, deux premiers produits plus que réussis, Quinine est aussi à l’origine de Menphis (Apache d’Adriers), Rocker (Quick Star), Ubolo (Lando), Tisele (Tinka’s Boy) et surtout Rosana du Park (Kannan), très bonne gagnante internationale avec le Canadien Eric Lamaze, notamment en épreuves de vitesse, avec onze victoires et plus de 50 % de classements selon Hippomundo. Si cette dernière n’a engendré aucun produit dans l’Hexagone, elle en compte déjà… onze sur la base de données Horsetelex, nés entre 2020 et 2022. Si Corinne a eu recours au transfert d’embryon, comme bon nombre d’éleveurs, elle n’a pour l’heure pas franchi le cap de l’ICSI. “Je peux concevoir le recours à cette technique, mais avec parcimonie. Et je ne crois pas que ce soit le cas ces temps-ci. Je le comprends lorsque cela concerne une jument hors norme, qui a des problèmes de fécondité ou un étalon extraordinaire dont la semence est très réduite, mais pour le reste, autant faire du transfert d’embryon. Au-delà des cas exceptionnels, je ne suis pas pour. Je ne suis pas certaine que cette pratique soit très confortable pour la jument. L’évolution est super, mais il faut que cela reste mesuré. Demain, je crois que je ne le ferai pas. Même pour la mère d’Hollywood, qui est une très bonne jument et qui est restée vide pendant trois ans. Nous ne savons pas pourquoi, alors qu’elle remplissait parfaitement avant. Si je devais avoir recours à l’ICSI, je pense que j’attendrai deux ou trois ans, afin que cette technique s’améliore et d’avoir davantage de recul. Je suis éleveuse avant d’être une business woman. Mes chevaux, je les aime. Je les ai tous fait naître, mes poulinières sont mes bébés. Je n’ai pas envie de leur imposer quelque chose que je ne cautionne pas complètement. Après, bien sûr, chacun fait comme il veut”, expose-t-elle. “J’avais arrêté un temps les transferts d’embryon car j’avais beaucoup de juments, toutes issues de la même lignée. La propre sœur de Diabolo fatiguait beaucoup en fin de gestation, voire avortait. Alors, j’ai arrêté de lui faire porter ses poulains et je refais des transferts depuis deux ans. Ma philosophie est de respecter mes poulinières à 100 %. Elles ne vont jamais au-delà d’un certain âge. Le jour où j’ai décidé que Quinine ne poulinerait plus, c’était terminé. Nous n’avons fait que du transfert d’embryons, même si tout le monde me disait que j’étais cinglée de faire cela avec une jument de vingt-trois ans. Si elle remplissait, tant mieux, sinon, tant pis, mais je ne voulais lui faire prendre aucun risque. Il faut parfois savoir s’arrêter : il n’y a pas que la rentabilité qui compte. La mère de Beau Gosse a dix-huit ans. Dans son cas, cela sera plus embêtant. Elle adore les poulains, elle en est dingue ! Quand elle mange, elle en a toujours cinq autours d’elle. Ce sera un supplice de la priver de cela, mais je prendrais zéro risque. Les juments qui sortent du lot finissent éventuellement par du transfert, mais c’est tout.”

Rosana du Park, la tante de Beau Gosse. © Sportfot

Le charmant Beau Gosse du Park. © Sportfot



Beau Gosse et Hollywood, les deux étalons de la famille

Rita du Park, propre sœur de Rosana, justement, a donné vie, un jour de mai 2011, au splendide Beau Gosse, un fils de Quincy, alias Quaprice Bois Margot. Auteur d’un début de carrière perturbé par des coups du sort, le bien nommé a éclos au grand jour sous la selle de Valentin Besnard, qui l’a façonné avec brio, le conduisant d’épreuves à 1,10m jusqu’à sa plus belle victoire, lors du Grand Prix 4* de Rouen, en 2021. Regrettant des choix et des positions des sélectionneurs de l’équipe de France, Corinne a finalement pris la lourde décision de confier son cheval à un autre cavalier, le Belge Grégory Wathelet, connaissance de longue date qui avait d’ailleurs déjà essayé le Selle Français quelques années auparavant. “Valentin est un cavalier admirable. Il s’est donné à 300% avec Beau Gosse. Il était sa priorité et je le savais. Dans l’écurie, tout tournait autour de ce cheval-là. Mais, même si Beau Gosse n’avait pas beaucoup de métier, les années comptent. En 2022, nous étions face à un cheval de onze ans, bien qu’il ait effectué le nombre de parcours d’un cheval de neuf ans. Même si j’espère qu’il sautera jusqu’à dix-huit ans, j’ai dû prendre une décision. Je ne sais pas s’il les fera, ni si le timing le lui permettra, mais je pense que Beau Gosse ressemble à ce que l’on peut imaginer d’un cheval taillé pour les Jeux olympiques. J’ai beaucoup misé là-dessus. Comme nous avions une autre jument en commun avec Grégory, nous avons discuté et il m’a dit des choses très vraies. Pour évoluer en 5*, il faut être connu et avoir plusieurs chevaux. Cela m’a fendu le cœur, mais Valentin n’ayant qu’un cheval et pas encore le palmarès pouvant l’aider à accéder à certains concours, j’ai pris la décision de confier Beau Gosse à Grégory”, révèle l’éleveuse et propriétaire du talentueux étalon, père d’une vingtaine de produits, visiblement prometteurs. Freiné dans son ascension par une rechute d’une hernie inguinale, survenue cet été, le chic bai a observé une période de repos et devrait très bientôt re-déployer ses ailes sur les plus belles pistes du monde, avec, pourquoi pas, Paris en ligne de mire.

Beau Gosse du Park à domicile, sur la piste en herbe de Dinard, en compagnie de Valentin Besnard. © Sportfot

Beau Gosse du Park sous la selle de son nouveau pilote. © Sportfot

Et, comme demain se construit aujourd’hui, Corinne a fait émerger une nouvelle pépite, Hollywood du Park. L’alezan au physique flatteur et aux qualités indéniables est évidemment un descendant de Quinine de Livoye, son arrière-petit-fils pour être exact. Jazzie du Park, la deuxième mère d’Hollywood, est issue d’Apache d’Adriers. Croisée à… Quidam de Revel, of course, elle a engendré Utesta du Park, la mère du Selle Français Originel, fils de Diamant de Semilly. “Comme je n’ai qu’une famille, je sais ce qui fonctionne très bien en termes de croisement. Donc, j’avoue que je reste sur ce qui est sûr ! Surtout, il y a tellement d’étalons que dès que j’ai un flash, une intuition, je m’y fie. Cela m’a bien réussi jusqu’à présent. S’il y a un étalon sympa, avec une personne que j’apprécie également, alors je peux craquer. En tout cas, pour moi, un étalon doit rester un étalon. Je recherche un mâle qui fait du grand sport, mais je ne cherche pas un cheval de sport qui pourrait être étalon. Il faut qu’il y ait quelque chose qui se dégage”, résume l’éleveuse sur ses choix de croisements.

Hollywood du Park. © Mélina Massias

Jazzie du Parc, la grand-mère maternelle d'Hollywood. © Collection privée



À seulement six ans, Hollywood, sa nouvelle pépite donc, fait déjà parler de lui. Formé avec minutie par Perig Brignon, l’alezan a rejoint, comme Beau Gosse avant lui, une écurie bien connue. “Je crois beaucoup en Hollywood. C’est pour cela que je l’ai confié à Bruno Rocuet et son équipe. C’est une très bonne boutique : il y a tout et tout est très professionnel. Bruno a toujours de très bons cavaliers, à l’image de Nicolas Layec en ce moment. Il a une équitation admirable, jolie, tout en finesse et rien n’est trafiqué. Bruno est toujours auprès de ses cavaliers, qui bénéficient d’un encadrement constant”, constate Corinne. “On peut difficilement espérer mieux ! Et puis, il y a la groom de Margaux (Virginie Gérard, ndlr). En récupérant Hollywood avant le salon des étalons, je savais qu’il n’y aurait pas un poil de travers. De fait, tant qu’Hollywood m’appartiendra, il est prévu qu’il reste chez Bruno.”

Hollywood du Park sous la selle de Nicolas Layec à Fontainebleau. © Mélina Massias

L’avenir en marche

En 2023, l’élevage du Park entend bien continuer sur sa lancée. Outre les diamants bruts qui se cachent dans les prairies de Corinne Accary, une poignée de naissances sont attendues dans les prochaines semaines… enfin presque ! “J’ai beaucoup de poulinières, peut-être un peu trop”, s’amuse l’intéressée. “J’ai eu un peu moins de poulains ces dernières années, entre six et huit. En 2023, j’attends quatorze poulains ! J’ai dit à ma vétérinaire qu’elle avait été trop forte (rires).”

Moment complice entre Hollywood du Park et sa propriétaire. © Mélina Massias

Après avoir savamment développé sa souche maternelle, l’éleveuse parisienne compte deux étalons au potentiel certain à l’élevage. Mais, comment passer au-delà de la frustration de n’avoir qu’une seule souche ? “J’ai recours à la consanguinité. Je fais des choix réfléchis”, répond-t-elle. “J’ai par exemple utilisé Beau Gosse trois fois et cela est plutôt pas mal ! J’ai un qui prend six ans (Hexcel du Park, ndlr), que monte Yannick Gaillot. Le cheval a vraiment de la qualité, mais n’est pas beaucoup sorti à cinq ans. J’en ai un autre qui prend cinq ans, qui est un peu coquin mais talentueux et j’ai une jument de trois ans qui, je pense, est une pépite. Je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve, mais je fonde beaucoup d’espoirs en elle. Et puis, j’ai décidé d’utiliser Hollywood pour la propre sœur de Beau Gosse. Cette pratique est courante dans le Pur-Sang (et a aussi été utilisée à différentes échelles chez les chevaux de sport, ndlr). Bien sûr, il ne faut pas exagérer, mais pour le moment, je suis satisfaite. Malgré tout, cela reste frustrant. J’ai hésité, je me suis demandé si je ne devais pas investir dans une autre poulinière d’un bon élevage pour utiliser plus facilement mes étalons. Et puis, j’ai dit non. Ma force, c’est ma lignée, mes juments. Après, je risquerais de devenir comme les autres élevages. Donc je ne le ferai pas, tant pis. Je serais tout aussi contente de voir des poulains de mes étalons chez d’autres éleveurs.”

Toute la puissance Hollywood du Park. © Mélina Massias



Fidèle à sa chère Quinine de Livoye depuis plus de trente ans, Corinne Accary n’a pas fini de faire prospérer son affixe du Park à travers le monde. Ayant hérité de toute la force de caractère de la matrone des lieux, de sa longévité et de toutes ses qualités, la baie à l’incroyable destin continue de vivre à travers sa riche descendance. “J’ai de la chance d’avoir fait naître des chevaux comme Diabolo, Rosana ou Beau Gosse, à partir d’une seule lignée, en étant une Parisienne qui n’avait rien à voir avec ce milieu”, savoure la femme de l’ombre. “Je me suis formée sur le tas. J’ai connu des ratés, mais tout ce que j’ai appris, je l’ai appris seule. Je n’y connaissais rien et j’ai suivi mon instinct.”

 Corinne Accary aux commentaires lors de la présentation de son protégé, Hollywood du Park, lors du dernier salon des étalons. © Mélina Massias

Photo à la Une : L’excellent Beau Gosse du Park. © Mélina Massias