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Major Tom, le facteur X de Rodrigo Pessoa (1/3)

Rodrigo Pessoa Major Tom
mercredi 27 septembre 2023 Mélina Massias et Adriana Van Tilburg

Parfois, certains chevaux sortent du lot. Des qualités techniques supérieures, un petit brin de folie ou un je ne sais quoi que l’on ne saurait expliquer. Comme Dynamix de Bélhème ou Zineday, Major Tom, ou plutôt Nielsdaka van de Rhamdia Hoeve, est de ceux-là. Né en Belgique flamande, un temps sous bannière irlandaise, résident britannique pendant ses quatre premières années de formation, ressortissant américain ensuite et porte-drapeau brésilien, cet alezan pas tout à fait comme les autres ne peut laisser personne indifférent. Doté de qualités intrinsèques phénoménales que tout le monde s’accorde à louer, le fils de Vagabond de la Pomme et Uphdim van de Puitvoet est, à seulement dix ans, un crack. Son groom, les trois heureux cavaliers qui ont eu l’honneur de le monter en piste, celles et ceux qui l’ont déniché et ont cru en lui dès ses débuts ainsi que son ancienne propriétaire témoignent pour brosser le portrait d’une personnalité affirmée et singulière qui risque de faire encore bien des étincelles.

Dans sa longue et prolifique carrière au plus haut niveau, Rodrigo Pessoa a vu défiler un quelques cracks sous sa selle, Baloubet du Rouet en tête. Pourtant, Major Tom, né Nielsdaka van de Rhamdia Hoeve chez Armand van Gijsel et un temps appelé Jammy Dodger, semble être encore un cran au-dessus. “J’ai effectivement eu la chance de monter beaucoup de très bons chevaux. Ils ont tous leurs qualités et leurs points forts, mais je crois que Major Tom est le plus complet de tous. L’avenir nous dira ce qu’il réussira à faire, mais je pense que tout nous confirme qu’il peut vraiment avoir une très belle carrière. Et évidemment, lorsqu’on a un cheval comme lui, on essaye de le préserver au maximum”, assure avec aplomb le champion brésilien. Un modèle sérieux, une technique irréprochable, du sang, de l’équilibre, des moyens, un respect sans limite… Difficile de formuler un reproche à l’égard de Major Tom. Seul peut-être son léger harper d’un postérieur rappelle finalement que cet excellent BWP est bien réel. Ses résultats, eux, donnent bel et bien l’impression que l’alezan vient d’une autre planète : double sans-faute dans les Coupes des nations CSIO 5* de Saint-Gall et La Baule, cinquième et double zéro du Grand Prix de l’Officiel de France, quatrième de la plus mythique épreuve du CHIO 5* d’Aix-la-Chapelle après deux tours parfaits et une faute au barrage, et de nouveau auteur d’un double clear round à Dinard pour prendre la huitième place de l’épreuve reine du CSI 5*, le tout à seulement dix ans. Excusez du peu !

Major Tom et Rodrigo Pessoa ont brillé à Aix-la-Chapelle cet été. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Les filles de Heartbreaker, un précieux trésor

Avant de connaître la gloire et d’être d’ores et déjà décrit comme l’un des favoris des prochains Jeux olympiques de Paris, Major Tom a vu le jour en 2013 à Saint-Gilles-Waes, une commune flamande située à une petite trentaine de kilomètres d’Anvers, en Belgique. Quelques années plus tôt, son éleveur, Armand van Gijls, malheureusement disparu en 2020, avait notamment fait naître deux frères utérins de celui qu’il avait initialement baptisé Nielsdaka van de Rhamdia Hoeve : Cargo van de Rhamdia Hoeve, un fils de Sunlight van de Zuuthoeve et Nabab de Revel, par Nabab de Rêve. Gagnant à 1,50m avec Santiago Lambre, le premier a surtout évolué à un niveau intermédiaire, tandis que le second, très compétitif à 1,45m et plus, a fait le bonheur des Allemands Katrin Eckermann et Lars et Max Nieberg. Uphdim van de Puitvoet, leur mère, une fille du recherché Heartbreaker et petite-fille du non moins intéressant Selle Français Lys de Darmen, a donné au total, et selon la base de données Hippomundo, douze produits, entre 2002 et 2019, n’engendrant jamais plus d’un poulain par an. 

Nabab de Revel, compétitif frère utérin du phénomène Major Tom ici monté par Katrin Eckermann. © Dirk Caremans / Hippo Foto



“Mon grand-père a acheté Uphdim van de Puitvoet, une fille de Heartbreaker, lorsqu’elle était pouliche auprès de son éleveur, Johan Mares”, retrace Femke Vercauteren, petite-fille du regretté Armand van Gijsel. “Je crois que mon grand-père l’a achetée en raison de sa parenté avec Heartbreaker. Il avait deux filles de Heartbreaker à l’élevage. Uphdim a été montée pendant quelque temps, puis s’est consacrée à la reproduction. Mon grand-père a beaucoup travaillé avec Joris de Brabander. Sur ses conseils, il a choisi d’utiliser Vagabond de la Pomme. Par le passé, il avait aussi misé sur Nabab de Rêve. Ce croisement a donné Nabab de Revel, qui a sauté jusqu’à 1,60m avec Lars Nieberg, et quelques autres poulains. À deux ans, je me souviens que Major Tom sautait déjà très bien.” 

“Le dernier frère utérin de Major Tom lui ressemble beaucoup”, Femke Vercauteren

Dans le même temps, Joris de Brabander saute sur l’occasion et acquiert cette super star en devenir. “J’ai acheté Major Tom lorsqu’il avait trois ans. Son éleveur prenait de l’âge et souhaitait vendre ses chevaux. En liberté, Major Tom sautait de façon incroyable. Je l’ai acquis en raison de ses qualités exceptionnelles. Je ne l’ai gardé que deux ou trois mois avant que Greg Broderick ne l’achète à son tour. Il a lui aussi remarqué ses qualités”, explique le Belge. “L’éleveur de Major Tom avait deux filles de Heartbreaker qui étaient toutes les deux très compétitives. Kurt de Clerq les a montées, et a gagné beaucoup d’épreuves à 1,10 et 1,20m avec elles. La mère de Major Tom avait beaucoup de tempérament. C’était une vraie Heartbreaker ! Croisée à Vagabond de la Pomme, qui a besoin qu’on lui apporte un peu de sang mais transmet des moyens, elle a donné un cheval de sport incroyablement doué. Major Tom a reçu les bons gènes des deux côtés ! Tout s’est parfaitement mixé.”

Vagabond de la Pomme, le père de Major Tom, a fait les belles heures de Pénélope Leprevost. © Scoopdyga

Et Femke Vercauteren de reprendre : “Uphdim van de Puitvoet est décédée le jour des funérailles de mon grand-père. Elle était vraiment sa jument. Sa lignée transmet une incroyable volonté de performer. Ses descendants veulent toujours être sans-faute. J’avais perdu la trace de Major Tom, jusqu’à ce que son ancienne propriétaire, Kerry Dodimead, me contacte pour savoir si j’avais d’autres produits de cette souche. Ma sœur possède encore trois sœurs utérines de Major Tom, et je suis propriétaire de son dernier poulain, Tempo van de Rhamdiahoeve, par Diamant de Semilly. Il ressemble beaucoup à Major Tom et montre une grande volonté dans les épreuves jeunes chevaux.” Phéline (Nabab de Rêve) et Romy van de Rhamdia Hoeve (Chatman), deux sœurs utérines de Major Tom, sont chacune mère d’un jeune mâle, Willy Wonka van de Rhamdiahoeve (Nixon van’t Meulenhof) et Aimé van de Rhamdiahoeve (Mosito van het Hellehof), de quoi continuer à rêver dans les années à venir.

Major Tom fait rêver tous les passionnés de saut d'obstacles. © Sportfot



“Il y a toujours eu quelque chose de spécial chez Major Tom”, Greg Broderick

Déjà sensationnel dans ses jeunes années, Major Tom attise les convoitises. Le plus malin en la matière sera Greg Patrick Broderick. Cavalier, éleveur et dénicheur de jeunes pépites à succès, l’Irlandais, qui avait remporté la bataille pour la seule place olympique promise à sa nation lors des Jeux olympiques de Rio en 2016 avec MHS Going Global, emporte la mise sur le nouveau phénomène la même année. “J’ai vu Major Tom chez Joris de Brabander, en Belgique. Nous l’avons fait sauter en liberté dans son manège et le cheval était incroyable. Alors, je l’ai acheté”, résume sobrement le représentant de l'île d'Émeraude. “Au sein de nos écuries, nous formons beaucoup de jeunes chevaux. Nous essayons aussi de nous maintenir à haut niveau, mais le commerce fait partie de nos activités. Nous sommes toujours à la recherche de top chevaux en devenir. Je n’avais pas de plan particulier avec Major Tom ; j’étais juste heureux de l’acheter. Lorsqu’on trouve un cheval qui semble aussi doué que lui, c’est toujours une bonne journée !” Comme celles et ceux qui ont croisé sa route, Greg Broderick brosse le portrait d’un cheval talentueux, mais aussi doté d’un fort tempérament. “Major Tom avait beaucoup d’équilibre dans son galop, une technique fantastique qu’il a toujours. Il sautait d’une manière très juste et était extrêmement respectueux. Lorsqu’il était jeune, c’était un cheval très vif, très éveillé et attentif à tout. J’imagine que c’est comme cela que l’on veut voir un jeune cheval. Les bons sont tous un peu comme cela. Major Tom a toujours eu un modèle sérieux et il avait cette sorte de facteur X. Il y a toujours eu quelque chose de spécial chez lui”, loue l’Irlandais. “Parfois, avec le travail, certains jeunes chevaux nous surprennent. Mais avec lui, il n’y avait aucune chance que cela arrive. Il était déjà très démonstratif, athlétique et tranchant.”

La technique impeccable de Major Tom. © Sportfot

Après seulement quelques mois, système et modèle économique obligent, Greg Broderick se sépare de Major Tom. “Je n’ai jamais regretté d’avoir vendu Major Tom, jamais”, sourit Greg Broderick, qui continue de garder un œil sur son ancien protégé. “Je suis toujours très content de vendre un bon cheval et le voir réussir. Pour être franc, cela me procure une grande satisfaction.” À cette période, le précieux joyaux réside dans les boxes de David Simpson, qui passe un coup de téléphone à son ami et voisin Alex Hempleman avant de prendre la route pour Oliva. L’affaire est conclue et l’alezan, alors baptisé Jammy Dodger trouve un nouveau point de base, qui sera le sien pendant toute la première partie de sa formation.



Des débuts prometteurs

Alex Hempleman est toujours ravi d’évoquer le souvenir de son ancien complice. Le Britannique s’estime d’ailleurs “très chanceux” d’avoir eu l’opportunité d’écrire un bout de l’histoire du fils de Vagabond de la Pomme et Uphdim van de Puitvoet. “Monter Major Tom a été un vrai plaisir. C’est aussi appréciable de le voir continuer avec autant de réussite. Il mérite que l’on parle de lui”, glisse-t-il. “C’est une belle histoire et c’est chouette d’en avoir fait partie. Major Tom a eu les bonnes opportunités, chez les bonnes personnes, au bon moment.” Et de reprendre : “J’ai commencé à le monter lorsqu’il avait quatre ans, courant septembre. Il était très vert, n’avait pas beaucoup d’équilibre sous la selle en raison de son physique et de son amplitude. Il était un peu éparpillé de tous les côtés. Lorsque nous avons commencé à la faire sauter, il semblait déjà spécial”, retrace l’Anglais de trente-neuf ans, spécialisé dans la formation de jeunes chevaux. “À quatre ans, Major Tom n’a pas concouru. Il a débuté à cinq ans, sur deux petites compétitions dans le coin, puis nous l’avons emmené directement au Sunshine Tour. Il a sauté plusieurs parcours là-bas et n’a pas touché le moindre obstacle de tout son séjour. Je crois même qu’il n’a pas concédé de faute à cinq ans.” À son retour d’Espagne, le BWP, fleuron de l’élevage du regretté Armand van Gijsel, continue son apprentissage de la meilleure manière, en découvrant les sublimes terrains anglais, à commencer par celui d’Hickstead, situé tout près de ses écuries. “Il a sauté les trois différents concours organisés là-bas tout au long de l’année. Hickstead est un terrain formateur”, plussoie Alex Hempleman. 

Major Tom, alors baptisé Jammy Dodger, lors de sa formation sous la selle du Britannique Alex Hempleman. © www.spidge.co.uk

La deuxième partie de cet article est à lire ici.

Photo à la Une : Major Tom et Rodrigo Pessoa, ensemble dans la même direction. © Dirk Caremans / Hippo Foto