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“Je crois que la principale qualité de Major Tom est l’intelligence”, Rodrigo Pessoa (2/3)

Major Tom
vendredi 29 septembre 2023 Mélina Massias et Adriana Van Tilburg

Parfois, certains chevaux sortent du lot. Des qualités techniques supérieures, un petit brin de folie ou un je ne sais quoi que l’on ne saurait expliquer. Comme Dynamix de Bélhème ou Zineday, Major Tom, ou plutôt Nielsdaka van de Rhamdia Hoeve, est de ceux-là. Né en Belgique flamande, un temps sous bannière irlandaise, résident britannique pendant ses quatre premières années de formation, ressortissant américain ensuite et porte-drapeau brésilien, cet alezan pas tout à fait comme les autres ne peut laisser personne indifférent. Doté de qualités intrinsèques phénoménales que tout le monde s’accorde à louer, ce fils de Vagabond de la Pomme et Uphdim van de Puitvoet est, à seulement dix ans, un crack. Son groom, les trois heureux cavaliers qui ont eu l’honneur de le monter en piste, celles et ceux qui l’ont déniché et ont cru en lui dès ses débuts ainsi que son ancienne propriétaire témoignent pour brosser le portrait d’une personnalité affirmée et singulière qui risque de faire encore bien des étincelles.

La première partie de cet article est à (re)lire ici.

Dans le Top 3 de son championnat national à cinq ans, Major Tom, né Nielsdaka van de Rhamdia Hoeve, se qualifie pour Lanaken, étape sur laquelle son cavalier d’alors, Alex Hempleman, préfère tirer un trait. “Nous n’estimions pas qu’il avait besoin d’aller à Lanaken. Il avait déjà pas mal sauté à cinq ans et nous avons préféré lui accorder des vacances”, précise le Britannique. L’année 2019 démarre sensiblement comme la précédente, à l’exception que le jeune joyau se produit en Belgique, sur quelques parcours CSI YH 1*. “Beaucoup de personnes montraient déjà leur intérêt envers lui lorsqu’il avait six ans”, souligne Alex. Après de bonnes prestations à Lierre - pour deux fautes en six parcours -, l’alezan reprend du service chez lui, en Angleterre, où il se qualifie sans mal pour la finale de son circuit régional. “Il s’agit d’un circuit davantage pensé pour les sept ans, mais il trouvait cela tellement simple ! Il a sauté les trois tours de la finale, dont le dernier, qui devait être à 1,40 ou 1,45m. Il s’est qualifié pour le Horse of the Year Show (à Birmingham, ndlr), a terminé troisième du championnat national britannique des jeunes chevaux de son âge et s’est de nouveau qualifié pour Lanaken. Encore une fois, nous avons estimé qu’il ne s’agissait pas d’une étape fondamentale dans son parcours. Tout au long de sa formation, il a été incroyablement régulier. En tant que cavalier, on avait l’impression qu’il ne pouvait pas faire tomber de barre. Il se donnait toujours de la place devant les obstacles. Sa volonté d'entrer en piste et d’être sans-faute était incroyable”, apprécie le trentenaire. 

Major Tom en démonstration sous la selle d'Alex Hempleman. © Collection privée



“À cinq ans, je me suis dit que Major Tom était bon. À six, j’ai réalisé qu’il était très, très spécial”, reprend-t-il. “Tout ce qu’il faisait semblait facile pour lui. Peu importe la taille des obstacles, on avait l’impression que tout était à sa portée. Il était sur son rythme de croisière. La piste principale d’Hickstead ne l’a jamais impressionné. Il est entré au galop sur ce grand terrain de la même manière qu’il l’a fait cette année à Aix-la-Chapelle, l’air de dire ‘ok, ce n’est pas un problème’. Il avait été le meilleur six ans de cette épreuve, et seul un sept ans l’avait battu. Le parcours devait être à 1,40m et cela ne lui avait demandé aucun effort. L’Angleterre est un bon endroit pour former les jeunes. Une fois qu’ils ont évolué quelques années au Royaume-Uni, ils ont sauté sur herbe, sur sable, des obstacles d’eau et même parfois des profils fixes. Je pense sincèrement qu’après cela ils peuvent affronter n’importe quel lieu de concours : Rome, Aix-la-Chapelle, Saint-Gall ; ils ont été éduqués de la bonne façon et ont déjà tout vu.” 

Le plus belle et plus mythique piste du monde n'a point impressionné Major Tom cet été. © Mélina Massias

Une myriade d’éloges

Qu’il s’agisse de Femke Vercauteren, Joris de Brabander, Greg Broderick, des trois cavaliers à avoir eu l’honneur de monter Major Tom en compétition - Alex Hampleman, Michael Duffy et Rodrigo Pessoa - ou de son groom actuel, aucun d’eux ne manque de superlatifs pour décrire la pépite alezane. “Major Tom était sans doute plus un cheval pour un cavalier que pour un groom. Il adorait travailler, être occupé, aller en concours. Pour le promener et le brosser, il était parfois un peu pénible, tout en restant sympa. Il n’était pas méchant ; il savait simplement qu’il était bon et prenait plaisir à faire son travail, que ce soit pour sauter ou aller se balader. Il n’a jamais beaucoup sauté chez moi, car il n’en n’avait pas besoin. Il n’a jamais eu peur d’une couleur ou d’un soubassement. S’il n’était pas sûr de quelque chose, il sautait simplement plus haut. C’était incroyable de travailler avec lui”, loue Alex. “Au début, il pouvait avoir un peu de mal avec le contact et son amplitude, mais il a rapidement compris comment fonctionnait son corps. Sauter a, en tout cas, toujours été facile pour lui. Et j’ai toujours été fan de Major Tom. Je ne suis pas le genre de cavalier qui vient juste aux écuries pour monter à cheval ; je cure les boxes, passe du temps avec mes chevaux et essaye de les comprendre. C’est ce que j’ai fait avec Major Tom. Je l’ai conduit moi-même en concours, même jusqu’en Espagne. À la fin, nous avions une belle relation.”

"Il était impossible de mal faire sauter Major Tom", dit notamment Michael Duffy, qui a eu le privilège d'être son cavalier en 2020. © Mélina Massias

“Major Tom avait un fort caractère, mais il a toujours été extrêmement, extrêmement talentueux”, reprend Michael Duffy, qui fut son cavalier au cours de la saison 2020. “Au début, nous avons un peu travaillé sur le plat. Il avait toujours besoin d’être occupé ; c’était un cheval très, très actif. À l’obstacle ? C’était facile, l’aspect le plus simple même ! (rires) Major Tom était le type de cheval que l’on ne pouvait pas faire mal sauter. Peu importe la façon dont on montait, qu’on aille vite ou lentement, qu’on arrive près ou loin d’un obstacle ; il était impossible de le faire mal sauter. Pour chaque problème qu’il rencontrait, il avait une solution.” 

Malgré une année compliquée en 2020, Michael Duffy a contribué à faire de Major Tom le cheval hors normes qu'il est aujourd'hui. © Moises Basallote Fotografia / Sunshine Tour



Et Rodrigo Pessoa d’enchérir : “Je crois que sa principale qualité est l’intelligence. Il est très, très intelligent. Il comprend tout très vite. Il a une pointe de caractère aussi, qui est, je crois, nécessaire. C’est un vrai battant. À part les qualités techniques de force, d’équilibre naturel, de respect, etc, il a tout. C’est un package complet ! Au quotidien, ou lorsqu’on le prépare, il n’est jamais très calme, toujours agité. C’est lorsqu’il est en parcours et qu’il saute qu’il se montre le plus calme. Au box, il est un peu grincheux. Si on ne vient pas le voir avec une carotte, il n’est pas très agréable. En revanche, il procure une sensation fantastique parce qu’il comprend pourquoi il est là et ce qu’il doit faire. Evidemment, cela facilite grandement la tâche du cavalier. C’est un plaisir de pouvoir faire de la compétition, d'autant plus sur des belles pistes comme celle d’Aix-la-Chapelle par exemple, avec lui. C’est vraiment fantastique.”

Jamais très calme dans la vie de tous les jours, Major Tom sait ce qu'il doit faire une fois en piste et dans le feu de l'action. © Mélina Massias

Malgré l’évident bonheur de côtoyer un tel cheval au quotidien, Francisco Hernandez, son groom depuis trois ans, a dû apprendre à déchiffrer la personnalité haute en couleur du crack. “Cela m’a pris du temps pour le comprendre. Au box, il est grincheux. Si on ne va pas le voir avec une carotte, il ne nous laisse pas le toucher. Il n’aime pas être caressé. Il aime recevoir de l’attention, mais, en même temps, il a envie qu’on le laisse tranquille. C’est assez difficile de savoir ce qu’il veut. Il est simplement spécial ! Même s’il est un peu bougon, il est extrêmement intelligent. Il a une personnalité que je n’ai jamais vu chez aucun autre cheval. C’est l’un des meilleurs chevaux dont j’ai pris soin dans ma vie. Il demande beaucoup de travail, mais il est très gentil au paddock, très agréable à faire marcher ou brouter en main, et il n’est pas du genre à s’enfuir sans nous. Pour tout ce genre de soins, il est assez calme. Mais il y a certaines choses qu’il aime faire à sa manière. Il veut un peu faire ce qu’il veut ! Ces chevaux-là, qui sont si doués, sont presque une autre espèce. Ils sont différents. Et je pense que cela se sent dès leur plus jeune âge ; ils ne sont pas semblables aux autres, ils ne sont pas de ce monde”, analyse le soigneur guatémaltèque qui parcourt le monde aux côtés de l’un des chevaux les plus remarqués de la planète équestre. 

Franck Hernandez considère Major Tom comme l'un des meilleurs chevaux dont il se soit jamais occupé dans sa vie. © Mélina Massias



“Le Covid a probablement été la meilleure chose pour Major Tom”, Michael Duffy

Dans l’aventure de Nielsdaka van de Rhamdia Hoeve, Jammy Dodger ou Major Tom - c’est selon -, une autre personne a joué un rôle : Kerry Dodimead, sa co-propriétaire de ses quatre à sept ans avec Jason Miller. Elle se souvient : “Nous recherchions un jeune cheval sur lequel investir pour le former, mais nous n’avions pas beaucoup de chance.” Jusqu’à croiser la route de ce fils de Vagabond de la Pomme et petit-fils d’Heartbreaker. “C’était un diamant brut. Nous savions qu’il s’agissait d’un bon cheval, mais pas exactement à quel degré. Cela s’est décanté avec le temps. Dès le départ, son incroyable mentalité était évidente. Il n’était pas le plus simple, grincheux au box, et certainement pas un animal de compagnie !”, image Kerry. Parfaitement formé par Alex Hempleman, Major Tom était prêt à passer à l’étape suivante en 2020, où il a rejoint l’Irlandais Michael Duffy, toujours pour le compte de ses propriétaires.  Mais, cette année-là, un virus nommé Covid-19 est venu déjouer les plans de bon nombre de passionnés. “Nous nous sommes rendus au Sunshine Tour de Vejer de la Frontera avec Major Tom, mais une semaine après notre arrivée, le concours a fermé et nous avons tous été renvoyés à la maison en raison de la pandémie”, explique la propriétaire. Ce regrettable épisode est finalement tombé comme une bénédiction pour le jeune alezan et son cavalier. 

Sortie de piste en équipe à Aix-la-Chapelle. © Hippo Foto / Sharon Vandeput

“Avec le Covid, il était difficile de savoir quoi faire. Sauter ? Accorder une pause aux chevaux ? Personne ne savait combien de temps nous allions rester sans concours. Mais, bizarrement, le Covid a probablement été la meilleure chose pour Major Tom. Cela voulait dire que j’avais du temps pour lui. Normalement, lorsque je participe aux concours importants, les jeunes chevaux passent parfois au second plan. Comme j’étais à la maison, je pouvais monter Major Tom tous les jours et il ne faisait que progresser. Major Tom est arrivé chez moi l’hiver de ses six ans, juste avant Noël, alors que j’étais encore basé en Angleterre. C’était déjà un bon cheval avant qu’il ne me rejoigne et on parlait beaucoup de lui, en bien ! Il avait un fort caractère et n’était pas toujours au mieux de lui-même lorsqu’il était trop frais. Il peut être un peu difficile, mais il a toujours été un sauteur incroyable”, encense Michael Duffy, auteur d’une remarquable saison 2023. 

Aucun obstacle ne semble infranchissable pour l'incroyable Major Tom. © Hippo Foto / Dirk Caremans

Photo à la Une : Rodrigo Pessoa et Major Tom à l'œuvre à Barcelone. © Mélina Massias

La troisième et dernière partie de cet article est disponible ici.