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“Major Tom fera partie des favoris pour une médaille individuelle à Paris”, Greg Broderick (3/3)

Major Tom
mardi 3 octobre 2023 Mélina Massias et Adriana Van Tilburg

Parfois, certains chevaux sortent du lot. Des qualités techniques supérieures, un petit brin de folie ou un je ne sais quoi que l’on ne saurait expliquer. Comme Dynamix de Bélhème ou Zineday, Major Tom, ou plutôt Nielsdaka van de Rhamdia Hoeve, est de ceux-là. Né en Belgique flamande, un temps sous bannière irlandaise, résident britannique pendant ses quatre premières années de formation, ressortissant américain ensuite et porte-drapeau brésilien, cet alezan pas tout à fait comme les autres ne peut laisser personne indifférent. Doté de qualités intrinsèques phénoménales que tout le monde s’accorde à louer, ce fils de Vagabond de la Pomme et Uphdim van de Puitvoet est, à seulement dix ans, un crack. Son groom, les trois heureux cavaliers qui ont eu l’honneur de le monter en piste, celles et ceux qui l’ont déniché et ont cru en lui dès ses débuts ainsi que son ancienne propriétaire témoignent pour brosser le portrait d’une personnalité affirmée et singulière qui risque de faire encore bien des étincelles.

La première et la deuxième partie de cet article sont à (re)lire ici et ici.

Une fois la saison internationale relancée en 2020, le jeune irlandais Michael Duffy et son brillant compagnon de route, Major Tom, né Nielsdaka van de Rhamdia Hoeve, ont regagné l’Europe et plus précisément Kronenberg pour un CSI YH 1*. “C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que Major Tom était dans une classe à part. Il est entré sur cette piste en herbe, a commencé à piaffer sur place ; il n’avait qu’une hâte : sauter. Ses résultats pendant ces deux semaines ont été fantastiques. À mes yeux, le seul cheval comparable était Zineday, qui concourait alors dans les épreuves réservées aux six ans. Il attirait vraiment l’attention (depuis, à neuf ans seulement l’alezan a terminé troisième du Grand Prix CSIO 5* d’Aix-la-Chapelle en juillet et a été médaillé d’argent aux Européens de Milan en septembre dernier, ndlr)”, se souvient Kerry Dodimead, propriétaire du fils de Vagabond de la Pomme dans ses jeunes années. 

À sept ans déjà, Major Tom, alors appelé Jammy Dodger, ne laissait personne indifférent... © Collection privée

Dix jours après la fin de son aventure batave, le BWP règne sur Eschweiler, en Allemagne, où il remporte la finale des sept ans, toujours sous la selle de Michael. Discret sur la scène internationale jusqu’à l’automne, Major Tom arrive finalement jusqu’aux yeux de Rodrigo Pessoa. “Fin 2020, je suivais un cheval qui sautait au Portugal, à Vilamoura. J’étais alors aux Etats-Unis. J’ai appelé Philippe Guerdat, qui était sur place, pour lui demander ce qu’il pensait de ce cheval. Il m’a dit ‘oui, il a bien sauté, mais il ne va pas te plaire, ce n’est pas vraiment ce que tu cherches, je pense que tu dois laisser tomber. Par contre, si tu veux acheter un sept ans, il y en a un ici qui est absolument phénoménal. Il faut que tu le vois, parce qu’il a sauté tous les jours ici et il est incroyable’. Je me suis donc intéressé un petit peu à lui, j’ai appelé son cavalier qui m’a donné tous les détails dont j’avais besoin et nous l’avons acheté, sans même que je ne l’essaye, puisque je n’ai pas pu me rendre au Portugal à ce moment-là. C’était il y a maintenant pratiquement trois ans”, décrit le Brésilien. 

...pas même Philippe Guerdat, qui est le premier à en avoir parlé à Rodrigo Pessoa ! © Mélina MassiasBien que Rodrigo Pessoa ait pris un risque en achetant Major Tom sans même l'essayer, l'avenir lui a donné raison. © Sportfot



Le Covid a encore rendu les choses difficiles pour tout le monde avec les voyages. Major Tom a passé la visite vétérinaire à Vilamoura, puis est rentré au Royaume-Uni, avant de rejoindre la base new-yorkaise de Rodrigo Pessoa en 2020, sans même qu’il ne l’ait essayé”, confirme Kerry. “C’était un cheval extraordinaire, qui attirait l’attention où qu’il aille. Je me souviens avoir discuté du plan avec son vétérinaire, Shane Fouhy. Je n’oublierai jamais ce qu’il m’a dit : ‘tout ce que tu peux faire en tant que propriétaire est de prendre les bonnes décisions pour leur permettre de réussir, et c’est ce que tu es en train de faire’.”

En faisant l'acquisition de Major Tom, l'écurie Amethyst Equestrian lui a donné les meilleures chances d'éclore à haut niveau. © Sportfot

“Major Tom est le cheval qui marque le grand retour de Rodrigo Pessoa”, Michael Duffy

Forcément un brin déçu de voir une telle superstar quitter ses écuries, Michael Duffy, en grand professionnel, a parfaitement accepté et compris la décision. “Le cheval allait être vendu. À cette époque, je n’avais pas de sponsor ni quelqu’un prêt à l’acheter pour le conserver sous ma selle. Malheureusement il est parti, mais, tant qu’à faire, je préférais qu’il parte chez un bon cavalier, qui allait continuer à le faire progresser et monter en puissance, parce que je croyais beaucoup en lui. J’ai une bonne relation avec Rodrigo, qui a été mon chef d’équipe pendant un an. Il n’a même pas essayé le cheval. Il m’a appelé et m’a fait confiance. Rodrigo mérite d’avoir un bon cheval et d’être chanceux. Major Tom est un peu le cheval qui marque son grand retour. Et Major Tom méritait de continuer avec un super cavalier. Aujourd’hui, on comprend pourquoi Rodrigo l’a acheté. C’est un formidable cheval. Il n’y a rien de plus à dire. Ses résultats sont sans appel cette saison. De Saint-Gall à La Baule en passant par Aix-la-Chapelle ; c’est incroyable. Honnêtement, j’aurais surtout été surpris si Major Tom ne s’était pas révélé aussi bon ! (rires) Son talent pour le saut d’obstacle est phénoménal”, décrypte celui qui est désormais installé en Allemagne, tout près d’Eschweiler, là même où il avait décroché mi-août 2020 sa plus belle victoire avec Major Tom. 

Major Tom aux aguets à Aix-la-Chapelle. © Mélina Massias



“Major Tom était d’une vivacité incroyable”, Rodrigo Pessoa

En plus d’avoir acheté Major Tom les yeux fermés ou presque, Rodrigo Pessoa a dû patienter avant de pouvoir poser une selle sur le dos de son nouveau bijou. “Lorsqu’il est arrivé, il y avait une tempête de neige chez moi ! De fait, on ne l’a pas vraiment vu faire grand-chose !”, s’amuse l’Auriverde né dans la capitale française. “Il avait déjà cet oeil qui laissait transparaître son intelligence et il était d’une vivacité incroyable. Je l’ai monté pour la première fois un tout petit peu moins d’un mois après son arrivée. Son premier saut a révélé tout ce que nous attendions de lui. Ensuite, les semaines et le travail ont juste confirmé tout le bien que nous pensions déjà de lui.” Francisco Hernandez, le groom de l’alezan, se souvient lui aussi de ces premiers espoirs entrevus à la lueur de l’hiver 2020. “La première fois que j’ai vu Major Tom à la maison avec Rodrigo, c’était un peu fou. La façon dont il utilise ses postérieurs est juste extraterrestre ! Il vient d’un autre monde !”, plaisante le soigneur. 

Avec le temps, Francisco Hernandez a cerné la personnalité du fantastique Major Tom. © Mélina Massias

Patient, et avec une vision à long terme en tête, l’indissociable partenaire de Baloubet du Rouet a attendu dix mois avant de présenter son nouveau diamant sur la scène internationale. Et là encore, Rodrigo Pessoa n’a pas brûlé les étapes. “Aujourd’hui, nous avons la chance d’avoir un super cheval, que nous avons pris le temps d’amener à haut niveau. Major Tom avait beaucoup, beaucoup de qualités. Il fallait prendre le temps de tout bien faire”, plaide le Brésilien. “Désormais, nous commençons à pouvoir tirer les bénéfices de notre travail.” 

Saint-Gall, La Baule ou Aix-la-Chapelle ; aucune destination n'est trop grande pour Major Tom. © Mélina Massias

Tout droit vers Paris… et une médaille ?

Presque dans l’ombre après ses jeunes années, Major Tom a ressurgi comme un lion en 2023. Depuis, le BWP et son cavalier sont inarrêtables. “Tout le mérite revient à Rodrigo”, lance Alex Hempleman. “Il était en Amérique et sautait des épreuves 2, 3*. Il l’a ensuite emmené dans de beaux concours en tant que deuxième cheval. Lorsqu’il est arrivé en Europe cette année, certaines personnes pouvaient avoir l’impression qu’il sortait de nulle part, mais Rodrigo a fait un super travail d’éducation avec Major Tom l’année dernière. Il n’a jamais couru après des prix et je pense qu’il a toujours gardé de plus grands objectifs en tête. Il n’a jamais rien précipité avec lui. Major Tom a été chanceux ; ses précédents cavaliers l’ont eu au bon moment dans sa et dans leur carrière. Bien sûr, j’adorerais avoir Major Tom maintenant, mais ce n’est pas vraiment mon cœur de métier. Michael Duffy n’aurait pas pu être une meilleure personne pour l’emmener à l’étape suivante dans son année de sept ans. Et bien sûr, Rodrigo était le cavalier rêvé pour lui faire franchir le dernier palier, jusqu’au plus haut niveau. Je pense que Major Tom aurait été un super cheval n’importe où, mais il a eu de la chance de tomber sur d’excellents cavaliers aux bons moments.” 

La perfection en un instant figé dans le temps. © Mélina Massias



Et Greg Broderick ne dira pas le contraire ! “J’ai vu le cheval à l'œuvre avec Michael Duffy lorsqu’il avait sept ans en Angleterre. Je me suis dit qu’il avait quelque chose de très spécial et c’est bien qu’il continue son parcours avec un autre cavalier de la trempe de Rodrigo. Major Tom semble être l’un des meilleurs chevaux du monde et il s’entend incroyablement bien avec Rodrigo. Ce sera chouette de les suivre aux Jeux l’an prochain. Vu ce qu’il montre, Major Tom fera partie des favoris pour une médaille individuelle”, assume et assure l’Irlandais sans détour. 

"Major Tom semble être l'un des meilleurs chevaux du monde", assure Greg Broderick, qui en fut propriétaire quelques mois à trois ans. © Mélina Massias

De son premier Grand Prix 5*, à Dinard, en août 2022, à sa première Coupe des nations CSIO 5*, fin mai 2023 à Saint-Gall, en passant par son premier Aix-la-Chapelle, en juillet 2023, et son premier grand rendez-vous, à Barcelone, fin septembre 2023, Major Tom, ou Nielsdaka van de Rhamdia Hoeve pour rendre hommage à son naisseur, n’a rien raté, pas même sa mission qualification olympique. “Son hiver aux Etats-Unis, où le niveau n’est pas tout à fait le même qu’en Europe, a été un bon apprentissage pour lui. Depuis qu’il a commencé dans le grand bain, il a toujours très bien progressé. Tout a été très progressif avec lui, mais il a tout compris. Je crois qu’il évolue à chaque parcours. Il voit tout pour la première fois, mais tout me semble aller dans la bonne direction”, profite Rodrigo Pessoa, qui n’a aucune crainte face aux grands événements à venir dans la carrière de sa nouvelle star interplanétaire. “Avec lui, on n’appréhende rien. On a une énorme confiance en lui.” Et Major Tom semble aussi avoir confiance en lui. De quoi laisser présager de grandes choses pour le futur. Reste à savoir si ce hongre alezan au talent démesuré parviendra à imiter voire dépasser son aîné Baloubet du Rouet pour entrer dans la légende du sport.

Rodrigo Pessoa et Major Tom parviendront-ils à faire lever Versailles comme ils l'ont fait à Barcelone ? Réponse dans quelques mois. © Mélina Massias

Photo à la Une : Major Tom prend fièrement la pause après avoir aidé le Brésil à décrocher sa qualification olympique, entre son groom et son cavalier. © Mélina Massias