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“Janika Sprunger accorde beaucoup d’importance aux relations humaines”, Charlotte Verger (2/2)

Janika et Charlotte
mardi 18 juin 2024 Thomas Danet Tribut

Charlotte Verger a décidé de mettre sa passion au service des chevaux. Férue de compétition hippique, la jeune femme se voyait devenir cavalière professionnelle avant d’embrasser le métier de groom. Passée un temps dans les écuries de David Giffon, Simon Delestre et Alexandra Francart, Charlotte officie dorénavant pour la cavalière helvétique Janika Sprunger, au sein de l’une des meilleures écuries de jumping au monde, Cyor Stables. La soigneuse française s’est prêtée au jeu des questions - réponses pour retracer son parcours, aborder son quotidien et exprimer son point de vue concernant son métier. Un entretien en deux parties. 

Le premier épisode de cette interview est à (re)lire ici.

Quels sont les aspects les plus gratifiants mais aussi les plus difficiles de votre métier ?

Une belle performance est toujours un résultat gratifiant, qui met en avant la qualité du travail accompli par l’équipe. La reconnaissance de notre cavalier l’est aussi.

En revanche, le temps passé sur la route et les longues journées sont, à mes yeux, les deux aspects les plus incommodants du métier. Les amplitudes horaires de certains concours nous imposent une endurance qu’il faut être capable d’avoir, notamment pour les indoors. Les journées débutent tôt, car les cavaliers doivent monter les chevaux sur la piste avant le début des épreuves et les grosses épreuves se terminent souvent tard en soirée. Concrètement, si une épreuve finit à 22 heures, le temps de faire les soins, nous terminons notre journée aux alentours de minuit et il faut se lever à nouveau à 5 heures pour être aux box à 6 heures. Je m’estime toutefois heureuse car notre organisation avec Janika me laisse plus de souplesse.

Pour Charlotte Verger, la passion des chevaux est la première des qualités à avoir pour être groom. © Sportfot

Selon vous, quelles sont les qualités essentielles pour être un bon groom ?

Sans hésiter, la première qualité à avoir est d’être passionné. Il faut aimer sincèrement les chevaux. Se sont un peu comme nos enfants. Le reste s’apprend toujours, mais la passion tient de l’innée. Pour ma part, je ne pourrais pas travailler dans une écurie de commerce, avec beaucoup de turn-over, du fait de l’attachement que j’éprouve pour les chevaux dont j’ai la charge. Cela étant, je connais aussi le métier et je sais que le commerce est parfois un passage obligé pour maintenir la pérennité d’une écurie, mais mentalement, ces départs sont toujours difficiles à vivre pour les personnes qui s’en sont occupées.



Comment s’est présentée l’opportunité de travailler avec Janika Sprunger ?

Mon anniversaire tombant lors du CHI de Genève, ma maman m’a emmenée voir le Grand Prix dès mon plus jeune âge. C’est là, en 2012, que j’ai vu Janika en selle pour la première fois. Elle et son impressionnant Palloubet d’Halong s’étaient alors octroyés la quatrième place du Grand Prix. J’ai alors commencé à suivre Janika sur ses réseaux sociaux. En 2023, Janika a posté une publication, indiquant qu’elle recherchait un groom. Nous avons commencé à échanger sur instagram puis par téléphone.  Le feeling entre nous est très bien passé. Nous avons alors convenu d’un essai, lors de la finale des Coupes des nations Longines à Barcelone. J’ai pris l’avion et atterri aux Pays-Bas le lundi midi, je me suis rendue aux écuries Cyor, puis je suis partie en direction de Barcelone en camion, avec Emily, l’ancienne groom de Janika, le soir même. Il s’agissait de son dernier concours. Janika m’avait proposé de faire cet essai afin qu’Emily et moi puissions partager le temps de route et échanger sur ses habitudes. Pour ajouter un peu de piquant à cet essai, Henrik, qui n’avait pas prévu de monter à Barcelone, s’est ravisé et s’est décidé en dernière minute à prendre le départ avec Gaesbeckers Glamour Girl (Zirocco Blue, né Quamikase des Forêts x Caletto I). Cela s’est très bien passé mais j’avoue que j’étais un peu stressé et que je n’en menais pas large sur ma première détente avec Henrik. J’en étais presque à me demander si je savais encore mettre des barres au paddock (rires) ! 

Plus d'une décennie après avoir vu Janika Sprunger briller à Genève en compagnie de Palloubet d'Halong, Charlotte Verger a intégré l'équipe de Cyor Stables. ©  Hippo Foto

Comment s’organise votre quotidien à Cyor Stables ?

Au total nous sommes cinq salariées et nous avons la chance d’être logées sur place. L’équipe se compose de Louise Barraud, qui groome Henrik en compétition et qui m’a aussi beaucoup aidée à mon arrivée, de trois autres grooms, toutes suédoises, qui restent constamment à la maison et de moi. Dominique Sprunger, la maman de Janika, est aussi une aide précieuse au quotidien. C’est elle qui monte les chevaux en l’absence de Janika ou Henrik. Cela donne lieu à un vrai brassage culturel au quotidien. Par exemple, les autres filles et Henrick communiquent en suédois. Henrick, Janika et Dominique communiquent en allemand. Louise et moi échangeons en français et je communique en anglais avec le reste de l’équipe. Janika est quelqu’un qui accorde beaucoup d’importance aux relations humaines.  Ainsi, toute l’équipe est conviée à un repas de Noël annuel et nous avons toutes été invitées au mariage d’Henrik et Janika. Alors que nous étions en concours à Gorla Minore pour deux semaines, Janika est rentrée à Cyor le temps d’une journée pour fêter l’anniversaire de Noah (le petit garçon du couple, ndlr) avec l’ensemble de l’équipe. C’est donc un peu comme une seconde famille.

Fin 2023, Charlotte Verger s'est rendue à Barcelone aux côtés de l'ancienne groom concours de Janika Sprunger, qui lui a passé le flambeau. © Hippo Foto

Combien de chevaux constituent votre piquet ?

À Cyor, il n’y a que treize chevaux dans les boxes. Le piquet de Janika est composé de cinq juments, à savoir Orelie et Kinmar Scarlett (Arad Hero x Lys de Darmen), la sœur utérine de l’ancienne monture de Thierry Rozier, Venezia d’Écaussines (Kashmir van’t Schuttershof), destinées aux plus belles épreuves, et trois juments plus jeunes, âgées de sept, huit et neuf ans. Janika est toujours ouverte à l’idée d’étoffer son piquet avec de jeunes chevaux car elle adore le travail de formation. Et il faut lui reconnaître un talent certain quand on voit la mise en valeur qu’elle a réalisé sur des cracks comme Palloubet d’Halong (Baloubet du Rouet x Muguet du Manoir), Calizi (Cellestial x Stakkatol), Bonne Chance CW (Baloubet du Rouet x Cambridge), Bacardi VDL (Corland x Kannan) ou encore King Edward Ress (Edward 27 x Féo de Lauzelle).

Charlotte Verger et l'adorable Kinmar Scarlett. © Collection privée



Comment décririez-vous les deux juments de tête de Janika, Orelie et Kinmar Scarlett ? 

Scarlett est surnommée “cookie monster” car la nourriture est toute sa vie (rires) ! Elle a une personnalité bien à elle, la rendant unique. C’est une toute petite jument très expressive, qui se prend pour une grande, que ce soit en main ou sur la piste. Elle est fantastique. Orelie a un caractère bien affirmé. En général adorable et câline, elle sait toutefois parfaitement se faire comprendre quand elle veut être tranquille. En piste, c’est une vraie guerrière, qui donne tout à Janika.

Orelie est l'une des juments de tête de Janika Sprunger. © Mélina Massias

Janika et Orelie ont des chances d’intégrer l’équipe helvétique qui se rendra à Paris en août prochain. Comment vivez-vous cette situation ? Le fait d’être française ajoute-t-il une saveur supplémentaire à l’idée de prendre part à cette échéance ?

Prendre part aux Jeux olympiques serait un rêve qui deviendrait réalité. Je n’ai encore jamais eu la chance d’accompagner un de mes cavaliers lors d’un grand championnat. En tant que Française, participer aux Jeux olympiques à Paris serait incroyable. J’espère de tout mon cœur que cette opportunité nous sera offerte. Mais je n’en fais cependant pas une obsession et je continue de travailler comme si tout était normal, sans plus de pression, en effectuant mon travail comme j’ai l’habitude de le faire.

Avec Orelie, la Suissesse et sa groom tricolore pourraient potentiellement se produire à Versailles cet été. © Mélina Massias

Pensez-vous réaliste de bâtir toute sa carrière professionnelle en tant que groom ?

Ce n’est pas un secret, ce métier est difficile. J’aimerais le faire le plus longtemps possible, mais cela demande une vraie résistance car le corps est mis à l’épreuve, surtout concernant le dos et les cervicales. Le fait d’être une femme et d’aspirer à une vie de famille n’est pas un élément des plus simples à corréler avec le métier de groom. Certaines femmes y parviennent mais il faut reconnaître que pour la majorité des grooms, ce métier demande tout de même de mettre de côté sa vie personnelle. Objectivement, je ne pense pas que je ferais cela toute ma vie. Je ne suis pas capable de dire jusqu’à quand je continuerai ma carrière de groom. Je sais déjà que cela sera difficile d’arrêter, mais l’envie d’avoir une vie plus posée arrivera certainement un jour. Mon corps saura me le dire.

Où vous voyez-vous dans dix ans ?

J’aurais alors trente-six ans… Pas facile de se projeter... Mais assurément, je ferai quelque chose en rapport avec les chevaux. J’avais fait mon BTS commerce dans l’idée d’allier l’utile à l’agréable pour une possible reconversion professionnelle. Je m’imaginerais bien travailler dans une sellerie ou devenir commerciale pour une entreprise spécialisée dans les soins aux chevaux. Et pourquoi pas rêver et créer aussi ma propre marque ? 

Si elle ne pense pas exercer l'exigeant métier de groom toute sa vie, Charlotte Verger éprouve toujours le même amour pour sa profession, qu'elle espère bien exercer aussi longtemps que possible. © Sportfot

Photo à la Une : Aganix Rose of Light donne le sourire à Charlotte Verger et Janika Sprunger. © Sportfot