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Charlotte Verger, par amour des chevaux (1/2)

Scarlett
Interviews lundi 17 juin 2024 Thomas Danet Tribut

Charlotte Verger a décidé de mettre sa passion au service des chevaux. Férue de compétition hippique, la jeune femme se voyait devenir cavalière professionnelle avant d’embrasser le métier de groom. Passée un temps dans les écuries de David Giffon, Simon Delestre et Alexandra Francart, Charlotte officie dorénavant pour la cavalière helvétique Janika Sprunger, au sein de l’une des meilleures écuries de jumping au monde, Cyor Stables. La soigneuse française s’est prêtée au jeu des questions - réponses pour retracer son parcours, aborder son quotidien et exprimer son point de vue concernant son métier. Un entretien en deux parties. 

Charlotte, pouvez-vous vous présenter ? D’où vous vient cette passion du cheval ?

Je suis née à Lyon et j’ai grandi à Annecy, dans une famille de cavaliers. Mon papa a ses propres écuries et ma maman fut un temps cavalière professionnelle. Je suis donc au contact des chevaux depuis toute petite. Voyant que je m’investissais de plus en plus dans les chevaux, ma maman, heureuse de partager sa passion avec moi, m’a offert mon premier cheval, Mystique d’Éole. J’avais quatorze ans. La suite était alors évidente pour moi : je voulais travailler dans les chevaux. J’ai cependant décidé d’assurer mes arrières, en poursuivant mes études, bien que la scolarité n’ait jamais éveillé en moi un très grand intérêt. Cependant, il y avait une condition, à savoir suivre un parcours de formation en lien avec les chevaux ! J’ai donc passé un baccalauréat professionnel Conduite et gestion d’entreprise hippique (CGEH), puis un Brevet de technicien supérieur commercial. Mon premier souhait aurait été de devenir cavalière professionnelle, mais je me suis aperçue que je n’avais pas suffisamment de talent pour y parvenir. Le contact des chevaux comptant tout autant pour moi, j’ai donc choisi de devenir groom. Et je ne regrette absolument pas mon choix.

Avant d'être groom, Charlotte Verger a été cavalière. © Collection privée

Comment avez-vous commencé à exercer en tant que groom ? Dans quelles écuries avez-vous travaillé ?

J’ai choisi de suivre mon bac professionnel et mon BTS par la voie de l’apprentissage. Cela m’a permis de passer quatre années au sein des écuries de chez David Giffon (champion de France pro 1 en 2023 avec Amant du Château*GFE, ndlr). Par la suite, j’ai été groom maison pour Simon Delestre pendant un an. Cela a été ma première réelle expérience professionnelle. J’ai pu engranger énormément de connaissances grâce à Nanna Nieminen, sa groom concours de l’époque (et désormais collaboratrice pour l’excellent média anglophone WorldofShowjumping, ndlr). Puis je suis arrivée chez Alexandra Francart. L’ambiance était très familiale. J’ai été un peu livrée à moi-même au départ, mais très vite une relation de confiance s’est instaurée entre nous. Je me suis occupée de Betty du Prieuré (Dorémi x Chellano Z) et de Drako de Maugré (Kannan x Fusain du Defey), avec lequel j’ai vécu une relation rare. J'ai également travaillé dans d'autres écuries et je suis, depuis septembre dernier, la groom concours de Janika Sprunger, au sein de Cyor Stables (écuries fondées par l’Helvète et son époux, Henrik von Eckermann, numéro un mondial depuis août 2022, ndlr). Chez Alexandra Francart, Charlotte Verger a aussi croisé la route de la toute bonne Eve d'Ouilly. © Agence Ecary



Quel est votre plus beau souvenir sportif ?

J’ai plusieurs souvenirs marquants. Je pense entre autres à la fois où je me suis occupée d’Uccello de Wyl (Marlou des Étisses x Marlon) lors de l’étape hong-kongaise des Longines Masters de 2019, où Simon et lui se sont classés deuxième du Grand Prix. Il s’agissait de mon premier concours 5* et qui plus est, de mon premier vol avec les chevaux. Voler avec eux est vraiment une chose à faire au moins une fois dans sa vie, quand l’occasion se présente.

La victoire de Drako dans l’épreuve qualificative pour le Grand Prix du CSI 3* de Maubeuge en 2022 est aussi un merveilleux souvenir. Drako avait neuf ans et n’avait sauté qu’une seule épreuve à 1,50m jusque-là. Ce n’était absolument pas prévu qu’il saute la qualificative. Et contre toute attente, il remporte l’épreuve ! Pour l’anecdote, le temps nous avait manqué pour le préparer. Je l’avais donc pionté assez précipitamment, d’une douzaine de gros pions alors qu’en temps normal j’en fait plus de vingt-cinq ! Autant dire que je n’étais absolument pas satisfaite du résultat. Cependant, après cette victoire, Alexandra m’avait suggéré de ne plus faire que des gros pions (rires).

Enfin, malgré notre collaboration encore jeune, j’ai déjà de très beaux souvenir avec Janika, comme son double sans-faute lors de la première étape de la Ligue des nations Longines d’Abou Dabi avec Orelie (Emerald van’t Ruytershof x Nabab de Rêve), où la Suisse finissait cinquième, ainsi que sa deuxième place, toujours associée à Orelie, dans l’étape de la Coupe du monde de Bâle, en début d’année.

La soigneuse française a déjà écrit de beaux souvenirs avec Janika Sprunger et ses montures. © Collection privée

Parmi les chevaux vous ayant marqué, il semble que Drako de Maugré occupe une place importante dans votre cœur ?

J’ai un lien particulier avec les entiers et Drako est un étalon adorable. En plus de cela, avec la blessure de Betty, Drako s’est retrouvé propulsé cheval de tête plus rapidement que prévu et il a très bien tenu son rang. J’étais avec lui tous les week-ends au concours. Je me suis rapproché de lui et lui en a fait de même avec moi. Notre relation était fusionnelle. Son départ pour les écuries de Paul Schockemöhle a été vraiment dur pour Alexandra et moi. J’ai tout de même réussi à poursuivre l’aventure pendant un an et demi, mais j’avoue que ce n’était plus pareil, malgré la joie que m’a procuré le retour à la compétition de Betty. Sa vente a été l’élément à l’origine de mon départ, car cet étalon était le cheval de ma vie. Aujourd’hui, je vis aux Pays-Bas, ce qui m’offre la possibilité de revoir Drako sur certains concours. Patrick Stühlmeyer, son cavalier et Claudia Werner, sa groom, me laissent venir le voir pour lui donner une petite carotte.

Charlotte Verger a noué une relation très forte avec l'excellent Drako de Maugré, récemment sacré champion d'Allemagne avec Patrick Stühlmeyer. © Collection privée



Avec votre expérience, quel regard portez-vous sur votre métier de groom ? Voyez-vous une évolution ?

Pour moi, l’évolution est positive. Nous avons plus de visibilité aujourd’hui. Dans les Coupes des nations et les championnats, nous avons dorénavant notre nom et notre photo à côté de ceux du cheval et du cavalier. Cela montre que nous sommes là et que nous existons. On prend plus soin de nous et nous sommes un petit peu moins dans l’ombre. Par exemple, Richard Skillen s’est vu récompensé au même titre que Willem Greve lors de leur victoire avec Highway TN NOP dans le Grand Prix Rolex de Bois-le-Duc. Nous avons aussi notre propre catégorie lors des annuels FEI Awards et notre propre fédération. Notre métier me paraît plus structuré. Les conditions se sont aussi améliorées. Par exemple, sur les concours de niveau 5*, nous sommes nourris et les organisateurs de certaines compétitions comme le CHI de Genève prévoient des petites mains pour nous aider à décharger le matériel à l’arrivée des camions. C’est un exemple qui peut paraître anodin, mais qui compte énormément pour nous, surtout après de longues heures de route. En revanche je regrette encore que tous les grooms ne soient pas considérés de la même manière et ne bénéficient pas des mêmes égards, de la part de tous les organisateurs de compétitions.

Selon Charlotte Verger, les conditions de travail des grooms tendent vers le mieux. © Sportfot

Récemment, la diffusion d'images montrant un cavalier et sa groom en train de barrer un cheval dans le cadre d’une compétition a fait grand bruit. Le respect du bien-être animal est de plus en plus surveillé. Selon vous, quelle place les grooms ont-ils à tenir ?

En tant que groom, il est évident que nous avons un rôle à jouer. Malheureusement, il arrive parfois que des grooms se retrouvent sous l’emprise de leurs cavaliers et se plient à la moindre de leur demande. Mais la très grande majorité des grooms a dorénavant bien conscience du rôle qui est le nôtre en matière de bien-être de nos chevaux. Cela implique de ne pas cautionner des pratiques allant à l’encontre de l’animal, et si cela s’avère nécessaire, il faut avoir le courage de les dénoncer. Il en va aussi de notre responsabilité de ne pas tout accepter quand une situation peut sembler inacceptable.

La seconde partie de cet article sera disponible demain sur Studforlife.com...

Photo à la Une : Charlotte Verger aux côtés de l'attachante Kinmar Scarlett lors du dernier CHI de Genève, où la Française a vu Janika Sprunger en vrai pour la première fois. © Sportfot