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“Emmerton a véritablement lancé ma carrière au plus haut niveau”, Lars Kersten (1/2)

Emmerton et Lars Kersten en sortie de piste.
mercredi 12 avril 2023 Mélina Massias

Depuis un peu moins d’un an, Lars Kersten arpente les terrains des CSI 5* comme s’il avait fait ça toute sa vie. Septième à Rotterdam, quatrième à Oslo, douzième à Valkenswaard et Leipzig, sixième à Bois-le-Duc, cinquième à Wellington. Le jeune homme, qui a fêté son vingt-troisième anniversaire en février, amasse les classements avec une aisance déconcertante. Style impeccable à cheval, le garçon s’est révélé grâce à un certain Emmerton, bouillonnant bai débordant de talent et passé entre les mains de quelques pointures. Encadré par le patriarche de la famille Kersten, ancien cavalier de dressage reconverti en pilote de saut d’obstacle, le Néerlandais suivra cette année le programme de la Young Riders Academy, de quoi parfaire encore son bagage technique déjà bien étoffé et étancher sa soif de progrès. Établi dans un système semble-t-il pérenne, mêlant une part de commerce, un élevage maison des plus réussis et le grand sport, la pépite Oranje incarne le renouveau d’une nation toujours sur le devant de la scène. Dans un entretien en deux épisodes, Lars Kersten revient sur son ascension fulgurante, sa rencontre fondatrice avec Emmerton, son expérience hivernale en Floride, mais aussi sur l’écologie, l’avenir des Coupes des nations et ses prochains objectifs.

Parvenez-vous à réaliser la dimension qu’a pris votre carrière en dix mois de temps, de votre première apparition en CSI 5* en juin 2022, à vos premiers classements en Grands Prix 5* à Londres, Bois-le-Duc ou Wellington ?

Non, pas vraiment ! En réalité, tout est allé très vite depuis mon premier Grand Prix 5* l’été dernier. Cela prouve qu’on a vraiment besoin d’un cheval pour atteindre ce niveau. Pour moi, cela a été Emmerton (Silvio I x Sam R). Il m’a hissé à ce niveau et j’ai la chance d’avoir pu m’y maintenir. J’ai obtenu un excellent résultat dès ma première tentative en Grand Prix 5*, où Emmerton a réalisé un double sans-faute. Cela m’a ensuite offert l’opportunité de faire davantage de concours majeurs. Pouvoir arpenter les pistes des plus beaux concours du monde est incroyable.

Emmerton à l'œuvre à Wellington. © Sportfot

Avez-vous senti une vraie différence entre les CSI 3, 4* et ceux du plus haut label ? Comment avez-vous vécu cette nouvelle étape ?

Bien sûr, il s’agit d’un grand pas à franchir. Comme je l’ai dit, pour y parvenir, pour évoluer à ce niveau, il faut pouvoir compter sur le cheval. Les chevaux de la trempe d’Emmerton permettent à toute une écurie de progresser. Par exemple, j’ai une jument grise (Hallilea, Zirocco Blue, né Quamikase des Forêts x Larome, ndlr), avec qui j’ai pris part au CSI 5* de Bois-le-Duc. Elle s’est parfaitement comportée dans le Grand Prix et est l’exemple même de ce peut apporter un cheval de haut niveau. Elle a pu accompagner Emmerton sur de beaux concours et prendre de l’expérience. Elle a mûri jusqu’à se muer en jument de Grand Prix. Avoir Emmerton a véritablement lancé ma carrière au plus haut niveau. J’ai d’autres chevaux qui l’ont suivi en concours pour disputer de bonnes épreuves. C’est super chouette. Pour en revenir à la question, il y a évidemment une grande différence entre les 3* et les 5*. Il faut un cheval exceptionnel pour être compétitif en 5*.

Comment avez-vous croisé la route du fabuleux Emmerton ?

En fait, c’est une histoire assez amusante. Je vais essayer de rester concis (rires). Emmerton appartient à une propriétaire américaine (Sarah Ryan, à la tête de SHL Farm, ndlr). J’ai fait connaissance avec elle, il y a plus ou moins quatre ans. Un jour, elle cherchait un cavalier pour garder ses chevaux en forme. À cette époque, elle les avait confiés à Darragh Kenny, qui était souvent en concours. Parfois, les chevaux n’avaient pas vraiment de cavalier pendant quelque temps. Elle m’a alors demandé si je ne voulais pas faire sauter ses chevaux à la maison de temps en temps, pour qu’ils restent dans le coup. Finalement, j’ai été la première personne à franchir des obstacles avec Emmerton quand elle l’a acheté ! Nos chemins se sont séparés un moment, jusqu’à il y a environ un an. Elle m’a d’abord proposé de monter certains de ses chevaux de huit ans, puis, de fil en aiguille, m’a confié ses deux montures de tête. J’ai commencé avec Emmerton l’été dernier seulement, mais je le connais en réalité depuis quelques années !

Emmerton. © Sportfot 



“Faire naître des chevaux et les voir progresser de la sorte est tout simplement formidable”

Emmerton semble être un cheval très spécial, pétri de qualités, mais aussi parfois emporté par son énergie débordante. Comment gérez-vous cela au quotidien ?

Oh, je l’aime profondément ! En réalité, j’ai toujours adoré ce style de chevaux. Ils ont beaucoup de personnalité et un caractère tellement spécial qu’il faut vraiment créer un lien avec eux et se servir de son feeling. Ensuite, si on parvient à tisser cette relation, on obtient de bons résultats. Et je crois que cela est encore plus savoureux qu’avec un cheval plus classique. 

Dans le style cheval bouillonnant, Lars Kersten a notamment monté Iliana, avant qu'elle ne se révèle sous la selle du numéro un mondial. © Sportfot

Kent Farrington, Marlon Modolo ZanotelliSteve Guerdat, Darragh Kenny, Kevin Jochems : tous ont monté Emmerton en compétition. N’est-ce pas trop difficile de passer après de telles pointures ? 

Forcément, cela demande un peu de temps, mais je me suis tout de suite bien entendu avec lui. Surtout, lorsque je récupère un cheval, même s’il a eu beaucoup de cavaliers avant moi, ou une certaine histoire, je m’attache à apprendre à le connaître de la même manière que tous les autres. J’essaye de faire cela à ma sauce. Bien sûr, si je dois m’adapter à un cheval, je le ferais, mais je vais à mon rythme pour travailler avec le cheval et obtenir sa quintessence. 

À l’inverse, Hallilea est née chez vous, dans l’élevage que développe notamment votre père, Pieter. En quoi est-ce différent de monter un produit maison en compétition ?

C’est évidemment un sentiment spécial ! Faire naître des chevaux et les voir progresser de la sorte est tout simplement formidable. Nous avons toujours su qu’Hallilea serait une très bonne jument pour sauter 1,50 voire 1,55m et disputer des Grands Prix 3*, mais, pour être honnête, nous n’imaginions pas qu’elle deviendrait une jument de Grands Prix 5*. Elle a vraiment grandi à ce niveau. L’été dernier, elle a acquis beaucoup d’expérience en étant le deux ou troisième cheval en CSI 5*. Elle est l’exemple même que les chevaux peuvent se révéler. S’ils ont de la qualité naturellement et qu’ils ont un très bon mental, les chevaux peuvent finir par affronter de belles épreuves.

Hallilea est la figure de proue de l'élevage de la famille Kersten. © Sportfot



“Je suis vraiment très heureux des chevaux sur lesquels je peux compter en ce moment”

Vous intéressez-vous personnellement à l’élevage ?

Nous n’avons pas une immense structure dédiée à cette activité, mais nous conservons en général entre cinq et huit juments. Cela n’est donc pas très grand, mais fonctionne bien pour nous. Nous faisons naître cinq à sept poulains par an, ce qui est déjà pas mal. Jusqu’à maintenant, cela nous a plutôt réussi, ce qui est toujours appréciable. Mon père est celui qui s’occupe le plus de l’élevage, étant donné que je me concentre vraiment sur le sport en ce moment et que je suis toutes les semaines en concours, mais nous avons l’intention de continuer à faire naître quelques poulains chaque année.

Quels étalons appréciez-vous utiliser pour vos poulinières ?

C’est toujours un peu différent. Ces dernières années, nous tentons notre chance avec de jeunes reproducteurs prometteurs. Nous expérimentons ! Par le passé, nous nous sommes évidemment tournés vers de très bons chevaux de Grand Prix, mais mon père a choisi de se tourner vers la jeune génétique ces derniers temps. Nous croisons les doigts pour que cela porte ses fruits ! Il y a toujours une longue attente avant de voir le résultat de ces croisements, mais c’est très excitant.

Hallilea. © Sportfot

En dehors d’Emmerton et Hallilea, sur quels chevaux fondez-vous le plus d’espoirs pour l’avenir ?

En ce moment, je suis très chanceux avec mon piquet de chevaux. Emmerton et Hallilea sont ceux qui sont le plus sur le devant de la scène et qui affrontent les Grands Prix 5*. De fait, ce sont mes deux chevaux de tête. J’ai également une jument, Quatinka (Quaid I x Perigueux), qui a pris part à un Grand Prix 5*, à Oslo, et disputé quelques compétitions à 1,60m sur de beaux concours, notamment les épreuves qualificatives. Elle pourrait donc disputer quelques Grands Prix à l’avenir. Sinon, j’ai de très bons jeunes chevaux, dont des neuf ans qui évoluent déjà à 1,45 et 1,50m, et de très intéressants huit ans. J’espère qu’ils pourront progresser et atteindre le très haut niveau. Je suis vraiment très heureux des chevaux sur lesquels je peux compter en ce moment et j’espère pouvoir les guider vers de bonnes performances.

Le style parfait de l'excellente Quatinka. © Sportfot



“On ne peut pas demander à nos chevaux de sauter toutes les semaines”

Cet hiver, vous êtes allé à Wellington pour la première fois de votre carrière. Pourquoi avoir fait ce choix de passer plusieurs semaines en Floride ?

Je suis allé une fois avant cela à Wellington, mais c’était effectivement la première fois que je me rendais là-bas pour monter à cheval. J’ai trois chevaux appartenant à une propriétaire américaine, dont Emmerton et Quatinka. Nous concourions sur les étapes de la Coupe du monde, et ma propriétaire m’a fait part de son souhait de passer l’hiver à Wellington, d’où elle est originaire. C’était donc son idée. Evidemment, j’étais partant ! C’était une super expérience pour moi, donc j’étais très enthousiaste.

La bien nommée Big Beauty, neuf ans, a aussi traversé l'Atlantique cet hiver. © Sportfot

Que retenez-vous de ce séjour outre-Atlantique ?

C’était une vraie expérience. Je suis très heureux de l’avoir vécue. La culture et la vie sont différentes de celles que nous connaissons en Europe, mais c’est aussi très agréable. J’ai beaucoup appris. J’ai aussi aimé pouvoir combiner la série de concours du Winter Equestrian Festival (WEF) avec quelques événements en Europe. J’ai fait quelques allers-retours et me suis assuré de garder mes deux groupes de chevaux en forme et qu’ils continuent à sauter.

La gestion liée à cette organisation n’était pas trop compliquée à appréhender ?

Non, cela s’est en réalité bien passé. Nous avons de super équipes à la maison, aux Pays-Bas, ainsi qu’en Amérique. Lorsque je suis à un endroit, les chevaux présents de l’autre côté de l’Atlantique sont maintenus dans un travail léger, pour rester en forme. Et puis, dans tous les cas, on ne peut pas leur demander de sauter toutes les semaines. Ils ont besoin de moments plus calmes ou de repos. Alors, je pense que ce fonctionnement était parfait.

Entrée de piste pour Lars Kersten, Emmerton et leurs bonnes fées. © Sportfot

La seconde partie de cette interview est disponible ici.

Photo à la Une : Lars Kersten et Emmerton. © Sportfot