L’histoire du stratosphérique United Touch S est basée sur l’inoubliable Classic Touch. Née chez Hans-Werner Ritters et représentant la Stamm 4025, la fille de Caletto II a permis à Ludger Beerbaum de remporter sa seule et unique médaille d’or olympique individuelle lors des Jeux de Barcelone, en 1992. Présente à la fois côté paternel et maternel dans le papier de United Touch S, la belle pourrait bien avoir ouvert la voie à son arrière-petit-fils. Pas encore vu en grand championnat, le surpuissant bai de Richard Vogel a déjà tout d’un véritable phénomène. Retour sur l’histoire de cet étalon hors normes, né chez Julius-Peter Sinnack, qui en est toujours propriétaire.
En 1890, Johannes Möller voit naître une certaine Ol Brun. Cette jument, inscrite au stud-book Holstein, signe le début d’une longue sucess story pour la Stamm 4025. Née plus d’un demi-siècle plus tard, en 1947, chez Hans Albers, Feldtor (Lothar – Habsburg x Lorenz) devient la jument fondatrice de cette lignée. Avant de se consacrer à la reproduction, cette dernière est vouée aux travaux agricoles, à une époque où la mécanisation commence à peine à pointer le bout de son nez. En moins de vingt ans, le nombre de juments du Holstein sera divisé par dix, passant de douze mille à mille deux cents. Feldtor fait partie des chanceuses conservées à l’élevage. En 1965, elle engendre Bambina, une fille d’Aldato qui sera vendue sept ans plus tard à Thies Piening.
Bambina, une rencontre à point nommé
“J’ai repris la ferme de mon père en 1959. À l’époque, j’avais également des chevaux de travail, mais aucun n’était assez bon pour l’élevage”, se souvient l’Allemand de quatre-vingt-quatre printemps. “Mon père faisait naître des chevaux. Pendant la guerre, lorsqu’il était loin de la maison, il nous écrivait des lettres en nous indiquant quels étalons nous devions utiliser pour les juments. J’ai voulu, à mon tour, élever des chevaux. Avec mon ami Heinz Magens, nous sommes allés dans les fermes voisines pour chercher des juments. Nous avions entendu dire que Rolf Meyburg voulait vendre des chevaux. Il nous en a montré quelques-uns, mais aucun qui me plaisait. Cependant, j’avais remarqué des chevaux dans un autre pré. J’ai voulu les voir de plus près, mais Meyburg a d’abord refusé. Dans ce pré, se trouvait Bambina, qui avait été sacrée championne des juments Holstein de deux ans à Elmshorn. Je cherchais avant tout une jument avec un bon caractère. Bambina avait beaucoup de puissance, mais nos enfants pouvaient passer entre ses jambes. Elle n’a jamais tapé ni eu de mauvais comportement et a transmis cela à ses poulains. C’était une jument de grande classe, dotée d’une très bonne locomotion. Son père, Aldato, était aussi un très bon étalon. J’ai finalement acheté Bambina alors qu’elle était gestante de Sable Skinflint xx. Elle m’a donné une très belle jument, Hexe, honorée du titre de State Premium. Son caractère ne me convenait pas, mais, heureusement, les autres produits de Bambina ont hérité de son bon tempérament.”
Un an avant Hewe, Bambina a engendré Sabamo, un propre frère ayant évolué en concours complet avec Theodore Leuchten. Un autre fils de Bambina, Monopol (Moltke I) a également été importé en Australie, grâce à Gerhard Quast, qui a émigré au pays des Kangourous. Premier cheval à avoir été importé sur l’île, Monopol a su laisser sa trace sur l’élevage australien.
“Tous les chevaux que j’ai eu à partir de cette lignée avaient un caractère extraordinaire et sautaient très bien. À mes yeux, ils étaient des chevaux typiques du Holstein. Ils ont connu les travaux dans les champs et avaient une bonne éthique de travail, qui a perduré à travers les générations. Je suis heureux de voir les chevaux de cette souche si bien réussir. Ma petite-fille a acheté une jument de ma lignée. C’est un peu triste, car j’ai malheureusement vendu tous mes chevaux il y a quelques années. Elle était alors probablement trop jeune pour être passionnée par l’élevage…”, poursuit l’Allemand.
Las Vegas, une poulinière en or
Parmi plusieurs croisements, Thies Piening reproduira cinq fois celui entre Bambina et Roman, un fils de l’Anglo-arabe Ramzes né chez Martin Thormählen. “Roman n’était pas très connu à l’époque. Il appartenait à Herman Blohm. Durant l’été, il était stationné à Dithmarse, où j’emmenais habituellement mes juments. Je pensais du bien de cet étalon, ce qui n’était pas le cas de tout le monde, à l’image de Maas. J. Hell, par exemple. Il n’avait pas une belle tête, mais mes chevaux n’en ont jamais hérité. À ce moment-là, l’intérêt du sang de Roman dans les lignées maternelles n’était pas connu”, éclaircit l’éleveur germanique. Premier fruit de ce croisement, Las Vegas naît en 1974 et reste, aux yeux de son naisseur, “le meilleur produit de Roman et Bambina”.
Poursuivant l'œuvre de sa mère, Las Vegas donne six produits à son éleveur. Le premier d’entre eux est Lagano, un fils de Leander approuvé étalon et à l’origine de vingt-cinq chevaux ayant évolué à 1,40m et plus en Allemagne. “Leadro, le père de Lagano, était stationné à Wilster. Las Vegas souffrait de fourbure, que nous arrivions à maîtriser lorsqu’elle était gestante. Comme Leandro n’était pas loin de chez nous, nous nous sommes dit que cela pourrait être une bonne option”, explique Thies Piening, qui entraîne lui-même son protégé pour l’approbation du Holstein, qu’il décroche en 1980.
Mais c’est au Danemark, où il fut stationné la grande majorité de sa vie, que Lagano fut le plus influent. Le Danois Flemmingh Schultz a un lien spécial avec cet étalon. Son père a fait partie du groupe de trois éleveurs à l’avoir repéré et importé. “Lagano était assez normal dans son morphotype. Il avait une arrière-main plutôt faible, qu’il a transmise à ses produits. Je pense que cela venait de Leander et Ladykiller. Au-delà de ça, il était extrêmement perméable aux aides. [...] Je pense que personne n’a jamais vraiment pris la mesure de la qualité de Lagano, pas même le Holstein. Il avait le croisement entre Roman et Aldato dans son pedigree. Cette association a beaucoup apporté aux lignées maternelles du Holstein. On retrouve ces deux courants de sang dans le papier de Calido I, par exemple. Roman venait d’une super souche, qui a engendré des chevaux incroyablement doués. Je pense que c’est cela qui faisait la force de Lagano, pas l’apport de Leander. Roman et Aldato apportaient des dos très forts, ainsi que l’envie de performer et le plaisir de travailler. Lagano a transmis tout cela à ses poulains. Il n’a jamais concouru au niveau international car il faisait la monte en frais. Une fois la saison terminée, il reprenait le travail et a sauté jusqu’à 1,50m au niveau national avec l’un de ses derniers cavaliers. Lagano adorait être monté. Lorsque j’étais adolescent, en rentrant de l’école, j’allais le monter. C’était un rêve. Lagano a aussi concouru à bon niveau en dressage et a produit de très bons chevaux de dressage. Il a révolutionné l’élevage danois et l’a tiré vers le haut. Tout éleveur danois sera d’accord avec cela”, assure Flemmingh Schultz. “Dans ses bonnes années, il servait une centaine de juments. Ses filles ont aussi rencontré du succès à l’élevage et on les retrouve souvent dans le pedigree des bons chevaux danois. Lagano a succombé à un cancer. Il avait une tumeur de quatre-vingts kilos dans l’estomac. Une semaine avant sa disparition, il remportait une épreuve à 1,50m à Herning. C’est remarquable.” Les parents de Flemmingh Schultz ont fait naître Lucky Light, un fils de Lagano vu jusqu’en Coupes des nations et Coupes du monde, tandis que sa propre sœur, Lavitta, a décroché le bronze aux championnats d’Europe Jeunes Cavaliers de Lisbonne, en 1998, avec Charlotte Lund.
Appréciant particulièrement utiliser la lignée ‘L’ du Holstein pour Las Vegas, Thies Pienning obtient une fille de Landgraf I qu’il nomme Sevada, alias Lausanne. Son propre frère, Lafitte, a évolué jusqu’à 1,45m avec Marcus Rieger, tandis que leur frère utérin, Chagall 26 (Calypso I), s’est illustré en dressage avec Susanne Schietinger. Après une belle aventure et plusieurs bons produits, Thies Pienning décide de se séparer de Las Vegas. “Nous avons fini par la vendre car nous n’arrivions plus à la faire remplir. Elle a vécu jusqu’à un très bel âge et Harm Thormählen la présentait même comme exemple d’une Holsteiner âgée mais toujours très saine au niveau des membres. Elle se déplaçait très bien et était véritablement la star des produits de Roman et Bambina”, complète Thies Piening.
Quand Wippe devient Classic Touch
En 1982, Hans-Werner Ritters fait l’acquisition de Sevada. “Las Vegas, la mère de Sevada par Roman, était extraordinaire. Pour moi, elle était la meilleure descendante de Roman, qui a produit beaucoup de bons chevaux d’obstacle. Les éleveurs ont commencé à moins l’utiliser car ses produits n’avaient pas de très belles têtes. Las Vegas était aussi très saine et Harm Thormählen la faisait encore sauter en liberté à plus de vingt ans. Elle avait une santé de fer. Cela fait partie de ses gènes. Las Vegas était d’autant plus intéressante que sa mère, Bambina, était par Aldato. Ce pedigree apporte tant d’envie de performer à la lignée !”, plaide Hans-Werner Ritters. “Thies Piening était un ami et je lui ai acheté plusieurs poulains. Je savais qu’il avait une fille de Landgraf I et qu’il souhaitait arrêter l’élevage. Nous l’avons fait sauter en liberté dans un paddock et, après cela, je ne suis pas parti avant d’avoir pu l’acheter. Elle avait deux ans et était très douée en liberté, même si elle n’avait jamais fait ça avant. Elle avait beaucoup de puissance. Lorsqu’elle a eu trois ans, je l’ai mariée à Caletto II, qui était alors un jeune étalon en devenir. Je me suis dit qu’il correspondrait bien au sang de Landgraf I et de la souche maternelle de Sevada. Caletto II était très élastique et magnifique. Il a amélioré le modèle de Sevada. Elle était un peu raide et pas la plus simple lorsqu’elle a été débourrée. Malgré tout, elle montrait beaucoup de moyens sous la selle. Jens Ritters l’a formée jusqu’à 1,40m, puis Breido Graf zu Rantzau a concouru avec elle sur la scène internationale, tout comme Franke Sloothaak.”
Du fruit de ce croisement entre Sevada et Caletto II, naît, en 1984, une pouliche, baptisée Wippe. “C’était une très jolie pouliche”, se souvient Hans-Werner Ritters. Quelques années plus tard, la baie change de nom et devient Classic Touch.
Photo à la Une : Le sublime United Touch S est le produit de la Stamm 4025 le plus en vue ces derniers mois. Mélina Massias