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“Je suis fier d’avoir fait naître la grand-mère et l’arrière-grand-mère de United Touch S”, Hans-Werner Ritters (2/3)

United
Elevage jeudi 21 mars 2024 Adriana Van Tilburg (traduit et édité par Mélina Massias)

L’histoire du stratosphérique United Touch S est basée sur l’inoubliable Classic Touch. Née chez Hans-Werner Ritters et représentant la Stamm 4025, la fille de Caletto II a permis à Ludger Beerbaum de remporter sa seule et unique médaille d’or olympique individuelle lors des Jeux de Barcelone, en 1992. Présente à la fois côté paternel et maternel dans le papier de United Touch S, la belle pourrait bien avoir ouvert la voie à son arrière-petit-fils. Pas encore vu en grand championnat, le surpuissant bai de Richard Vogel a déjà tout d’un véritable phénomène. Retour sur l’histoire de cet étalon hors norme, né chez Julius-Peter Sinnack, qui en est toujours propriétaire. 

La première partie de cet article est à (re)lire ici.

D’abord nommée Wippe, Classic Touch est vice-championne du concours des juments Elite du Holstein. “C’était une très belle jument”, se souvient son naisseur, Hans-Werner Ritters, qui avait acheté sa mère, Sevada, avant que cette dernière ne fasse le bonheur de Breido Graf zu Rantzau puis Paul Schockemöhle. “Elle avait beaucoup de tempérament, mais un caractère remarquablement bon. C’était une jument très spéciale, dans tous les aspects. Elle a eu besoin de beaucoup de travail et de temps pour s’exprimer pleinement. Jens, mon fils, l’a guidé dans ses débuts sous la selle, puis Wulf-Hinrich Hamnn a pris le relais et l’a qualifiée pour le Bundeschampionat. Ensemble, ils ont concouru jusqu’à 1,40m et les gens ont commencé à remarquer la qualité de Classic Touch.” 

Classic Touch n'est pas la seule championne olympique à avoir été élevée par Hans-Werner Ritters. Le gris Marius a décroché deux médailles de bronze aux Jeux de 2008. © Scoopdyga



Sevada laisse non pas un, mais deux très bons reproducteurs

Outre Classic Touch, Sevada donne en 1992 l’étalon Quality Touch, un fils de Quick Star né chez Paul Schockemöhle. D’abord vu en Belgique à quatre ans, le bai brun s’envole pour le Chili. Gravement accidenté, Quality Touch voit sa carrière sportive s’arrêter prématurément. Il est alors vendu en Argentine, où il remplira ses devoirs d’étalon jusqu’en 2006, avant d’être acquis par Bernard Le Courtois, qui le gardera jusqu’à son dernier souffle, en 2017. 

“J’ai découvert Quality Touch lors d’un de mes voyages en Argentine, pour juger le championnat national à l’automne 2006. Patricia Peralta Ramos, une amie, à la tête de l’élevage Magnus, m’a fait visiter le haras de Marleen Melchior et Ricardo Kierkegaard. Là-bas, j’ai vu un étalon en liberté avec son troupeau de juments : Quality Touch. Très intéressé par son fabuleux pedigree, j’y suis retourné afin de le regarder plus en détail et l’observer sauter le lendemain. Objectivement, il n’était pas un étalon très chic et distingué. Il ressemblait beaucoup à son grand-père paternel, Galoubet A, avec une tête un peu longue et commune, mais aussi avec d’énormes points de force et de l’os. Après un test ADN et de congélation de semence, j’ai décidé de l’acheter”, narre Bernard Le Courtois au sujet du frère utérin de Cantate Touch. “Quality Touch a ensuite passé quelques mois à l’élevage Magnus, avant de revenir en France en février 2007, aux côtés de mon étalon Alligator Fontaine, qui était alors stationné en Argentine.” Lors de sa première année de monte, Quality Touch honoré quarante-sept juments, puis cent onze en 2008, qui restera son année la plus fructueuse à l’élevage en France. Malgré sa “faible production de Selle Français et d’Anglo-Arabe”, le puissant Holsteiner laisse quelques très bons compétiteurs, à l’image de Cachemire de Braize, vendu un million de dollars en 2019 et gagnant jusqu’en Grand Prix 4* avec Daniel Bluman, Ventura Mail, vue jusqu’à 1,55m sur la scène internationale et nombre d’autres chevaux s’étant montré performants jusqu’à 1,45m ou en concours complet, comme Vendée Glob’Jac*HDC et Urkawa Villa Rose. 

Quality Touch, le frère utérin de Classic Touch. © Collection privée / Haras de Brullemail

“Cantate Touch n’était pas aussi chic que sa mère”, Hans-Werner Ritters

Retour à Classic Touch. Conscient des qualités de sa protégée, Hans-Werner Ritters la croise en 1987 à Capitol I. “J’ai choisi Capitol I, un étalon encore en devenir à l’époque, car il était complètement différent de Caletto II. Je voulais croiser une jument fine et pleine d’énergie à un étalon avec beaucoup de moyens et plus calme dans sa tête”, justifie-t-il. Un an après l’association de ces deux grands noms du saut d’obstacles, Cantate Touch voit le jour. “Elle n’était pas aussi chic que sa mère et était, à mes yeux, plus une jument pour le sport”, souligne l’Allemand. 



Pendant que Cantate Touch grandit paisiblement, sa mère, elle, poursuit son ascension jusqu’aux sommets. En 1992, alors âgée de tout juste huit ans, déjà lauréate des Coupes du monde de Londres et Göteborg et fraîchement sacrée championne d’Allemagne avec Ludger Beerbaum, Classic Touch réalise le seul sans-faute de la finale des Jeux olympiques de Barcelone. La baie offre à son cavalier sa seule et unique médaille d’or olympique en solo. Malheureusement, les chemins de la fille de Caletto II et de son cavalier allemand se séparent et la représentante du stud-book Holstein vadrouille entre plusieurs pilotes. Au début des années 2000, elle engendre cinq autres produits pour ses propriétaires belges, les écuries Jewel’s Court, dont l’étalon Jewel’s Carat (Quasimodo van de Molendreef), monté à haut niveau par Marcus Ehning, ainsi que E-Jewels Exclusive Touch (Querlybet Hero), qui a évolué jusqu’à 1,50m avec Tim Hoster. Les descendants de cette dernière se montrent à leur tour performants dans le sport et laissent encore présager de belles heures pour cette souche.

Une fois retraitée, Classic Touch retrouve finalement les écuries Beerbaum, à Riesenbeck, où elle s’éteindra en 2008. “Quatre semaines avant sa disparition, j’ai revu Classic Touch chez Ludger Beerbaum. Elle était au pré avec Ratina. Je lui ai donné des pommes et la revoir était très spécial”, se souvient Hans-Werner Ritters.  

Classic Touch et Ludger Beerbaum au firmament à Barcelone en 1992. © FEI / DR

Un succès inespéré ?

“Si j’avais su, à l’époque, que cette lignée se serait développée de cette façon et aurait connu tant de succès, les choses auraient été différentes. J’aurais sans doute gardé toutes les juments de cette souche, mais c’est l’élevage. Je ne suis pas triste des décisions que j’ai prises”, reprend Hans-Werner Ritters. “En tant que fermier, j’ai vu le talent de Sevada et Classic Touch. Elles ont eu des produits et lorsque j’avais l’occasion de gagner un peu d’argent, je les vendais. Cantate Touch a eu un unique poulain chez nous, Lucky Touch, un fils de Locato. C’est ainsi que Joop Aaldering est entré dans l’histoire. Il souhaitait l’acheter. Comme Classic Touch allait aux Jeux olympiques, beaucoup de personnes venaient chez moi pour acheter des chevaux. Joop a acheté le poulain, puis nous l’avons présenté ensemble à l’approbation Zangersheide. Il n’a pas obtenu son approbation et a été vendu aux Etats-Unis. Le croisement entre Cantate Touch et Locato n’était pas le bon, mais celui avec Lux a bien fonctionné. Je pense que le sang de la lignée ‘L’ était la bonne pour Cantate Touch. Monsieur Sinnack est capable d’aller chercher plus loin que moi en élevage”, estime celui qui a non seulement élevé Classic Touch mais aussi un autre champion olympique, Marius, doublement sacré en concours complet en 2008 avec l’amateur Hinrich Romeike et la Mannschaft. “Monsieur Sinnack a prouvé qu’il est très intelligent en matière d’élevage. L’inbreeding présent dans le papier de United Touch S est très intéressant, même si je ne le connais pas très bien. Il l’a fait avec un but. On parle là de juments d’il y a trente ans, de générations. Mais l’association qu’il a réalisée et le succès qui en découle sont incroyables. Plusieurs personnes m’ont dit que le barrage de Richard Vogel et United Touch S à Genève était très spécial. Richard Vogel est aussi un cavalier extraordinaire. Je suis fier d’avoir fait naître la grand-mère et l’arrière-grand-mère de United Touch S.”

Le surpuissant United Touch S est le fruit d'années de sélection. © Dirk Caremans / Hippo Foto



Le rôle de la famille van der Vorm

Par l’intermédiaire de Joop Aaldering, Cantate Touch, qui n’a donné qu’un poulain à son naisseur, est vendue aux Pays-Bas. Elle intègre alors l’élevage Margaretha Hoeve de la famille van der Vorm. “Classic Touch venait juste d’être championne d’Allemagne. Ma famille trouvait déjà qu’il s’agissait d’une super jument. Nous avons appris, grâce à Monsieur Aaldering, qu’elle avait une fille par Capitol I : Cantate Touch. Nous avons toujours été très orientés vers le Holstein et mon père investissait dans de bonnes juments. Nous avons alors acheté Cantate Touch”, raconte Annemiek van der Vorm au nom de sa famille, qui élève chaque année environ soixante chevaux. “Cantate Touch était une jument fantastique. Au fil du temps, nous sommes également devenus les propriétaires de Lux et ma famille s’est dit que ce serait le candidat parfait pour Cantate Touch. Lux avait beaucoup de moyens, de l’étendue et de la force, tout en étant extrêmement souple. Pour eux, c’était l’étalon idéal pour une jument aussi respectueuse que Cantate Touch. Nous sommes évidemment très fiers de United Touch S.”

Lux, le grand-père maternel de United Touch S. © Scoopdyga

Du croisement entre Cantate Touch, qui évoluera jusqu’à 1,60m aux côtés de Ben Schröder, et Lux, naît d’abord Royal Touch, en 1998, puis Touch Of Class, cinq ans plus tard. Première fille de la championne olympique Classic Touch, gagnante en Coupe des nations et, entre autres, du Grand Prix de Modena, en Italie, Cantate Touch attire l’attention de Julius-Peter Sinnack, riche homme d’affaires, notamment à la tête d’une grande marque de boulangerie, et éleveur émérite, récompensé par le titre d’éleveur de l’année en Westphalie en 2015. Pendant plusieurs années, l’Allemand tente d’acquérir Cantate Touch auprès de l’élevage Margaretha Hoeve, aux Pays-Bas. Ne perdant pas de vue son objectif initial, Julius-Peter Sinnack parvient d’abord à faire l’acquisition d’une pouliche de Cantate Touch et Lux, née en 2003, qu’il baptise Touch Of Class. “J’ai toujours voulu avoir une jument de la lignée de Classic Touch. Dans les années 90, Classic Touch était la jument qui faisait battre le cœur de tout le monde plus vite. Je l’ai vu dans les écuries, avec Ludger Beerbaum, après les Jeux olympiques. Elle m’avait beaucoup impressionné !”, se remémore l’éleveur. “J’ai demandé à mon ami, Joop Aaldering, qui a beaucoup de contacts, s’il pouvait m’aider à trouver un produit de cette souche, puisqu’il avait acheté Cantate Touch auprès de Hans-Werner Ritters, avant de la vendre à la famille van der Vorm. J’ai essayé d'acheter Cantate Touch directement, mais elle était alors tellement chère que je ne l’ai pas acquise tout de suite. J’étais très intéressé par sa pouliche par Lux, née en 2003, et j’ai pu l’acheter. Je suis un éleveur assez émotif. Je me souviens du jour où Touch Of Class est arrivée chez moi. Lorsqu’elle est descendue du van, j’ai eu l’impression de voir Classic Touch. C’était particulièrement émouvant.” 

Touch Of Class, la mère du phénomène United Touch S. © Collection privée / Julius-Peter Sinnack

Photo à la Une : United Touch S et Richard Vogel à Aix-la-Chapelle. © Mélina Massias

La troisième et dernière partie de cet article est disponible ici.