À Bois-le-Duc, dimanche, Richard Vogel tentera de remporter un deuxième Grand Prix du Rolex Grand Chelem de saut d’obstacles. Après son triomphe retentissant à Genève, accompagné de son indescriptible United Touch S, l’Allemand est revenu spécialement des Etats-Unis, où il a établi son camp de base hivernal à Wellington, en Floride, pour défendre sa chance. Cette fois, l’actuel numéro neuf mondial ne comptera pas sur son fantastique étalon, resté sous les palmiers du Winter Equestrian Festival, mais aura de sérieux atouts à faire valoir avec son vif Cepano Baloubet, vainqueur de plusieurs belles épreuves, dont deux Grands Prix 5*, la saison dernière, mais aussi My Prins van Dorperheide, lauréat de l’étape du Global Champions Tour jouée à Mexico l’an dernier et que lui prête pour l’occasion son ami et associé David Will. Avant le grand jour, l’étoile montante de la Mannschaft évoque son système, les qualités de son OVNI United Touch S et le potentiel de Cepano Baloubet, ou encore l’importance de toute son équipe et des échecs.
Comment vous sentez-vous à l’approche du Grand Prix Rolex de Bois-le-Duc, que vous abordez en tant que candidat au Rolex Grand Chelem de saut d’obstacles ?
J’ai hâte d’y être ! Ma position a changé de façon significative depuis le CHI de Genève, où je n’étais pas du tout favori. Je n’étais a priori qu’un jeune cavalier cherchant à se faire les dents sur ce type d’épreuve. J’y suis allé dans l’idée de faire de mon mieux. Je n’aurais jamais imaginé remporter le Grand Prix Rolex de Genève. Cette épreuve, cette compétition, ce jour-là resteront à jamais gravés dans nos mémoires. C’était et cela restera un moment incroyablement spécial pour nous. Désormais, je crois que mon statut à un peu changé. Je ne dirais pas que je suis l’un des favoris, mais les gens ont plus d’attentes à mon égard. Je vais essayer d’être aussi compétitif que possible et mon objectif est d’essayer de gagner à nouveau. Il s’agit de ma première participation à ce concours. Je n’ai entendu que de bonnes choses à son sujet ; tous les cavaliers que je connais adorent ce concours.
À quel point votre victoire à Genève occupe une place spéciale dans votre cœur ?
Effectivement, gagner à Genève était très spécial, peut-être d’autant plus que cet événement était notre objectif principal la saison dernière. Nous avions planifié toute notre saison autour de ce concours. Avant Genève, j’avais concouru pendant deux mois au Mexique. United Touch S n’est pas venu avec moi au Mexique. Nous l’avons laissé chez nous et nous avons élaboré un programme d’entraînement pour lui et Naomi, sa groom et cavalière. Elle l’a gardé en top forme pendant mes deux mois d’absence. Je ne suis rentré que deux ou trois semaines avant le CHI de Genève. Nous avons peaufiné la préparation autant que possible durant ces dernières semaines, et je me sentais bien à l’approche du concours. J’ai pris United Touch S avec moi, car tous mes autres chevaux ont directement pris la direction de Wellington, en Floride, depuis le Mexique.
Genève n’a pas été un concours ordinaire pour mon équipe : nous n’avons participé qu’à deux épreuves, l’épreuve qualificative pour le Grand Prix et le Grand Prix lui-même (avec United Touch S en particulier, Richard Vogel tend à participer à très peu de parcours, comme il l’avait déjà fait à Barcelone, ne sautant que la deuxième manche de la finale des Coupes des nations… et rien d’autre avant, pas même la warm-up, ndlr). La semaine est passée lentement. Je préfère être occupé, faire au moins deux épreuves par jour, ou avoir deux chevaux pour travailler sur le plat le matin et sauter en piste l’après-midi.
Le jour du Grand Prix Rolex, j’ai eu un bon feeling sur United Touch S. La détente s’est bien déroulée, et puis la chance a joué en notre faveur. Après notre sans-faute en première manche, nous n’avions rien à perdre. Je me suis dit qu’il fallait autant tout donner au barrage ! Nous nous sommes sentis extrêmement chanceux, heureux et honorés que tout ait fonctionné.
“Je suis très confiant quant au fait que Cepano Baloubet puisse être compétitif”
Pouvez-vous parler un peu plus en détail de votre formidable United Touch S ? Comment se comporte-t-il au quotidien ?
United Touch est un cheval incroyable. Je n’ai jamais, et je ne m'assiérai probablement jamais de nouveau sur un cheval avec autant de moyens. Il a des moyens absolument fous et une grande amplitude. Pouvoir le monter est un sentiment très spécial. Je suis très reconnaissant envers son éleveur et propriétaire de me laisser cette chance. Au départ, nous avons rencontré quelques difficultés dans les lignes les plus techniques. J’ai dû trouver un moyen d’adapter son amplitude à ce type de parcours. Il est difficile pour lui de se rassembler, mais il s’améliore et nous continuer à travailler dans cette voie. J’avais aussi tendance à trop intellectualiser ma façon de le monter sur les parcours. J’essayais de suivre les contrats normaux, mais nous avons compris qu’il était plus simple de retirer des foulées. United Touch m’aide beaucoup et j’essaye d’en faire de même, en lui rendant la tâche aussi facile que possible face aux difficultés des différents parcours. Je connais ses forces et faiblesses et j’essaye de les garder en tête lorsque je le monte.
En piste, United Touch est assez tendu et sensible et a également beaucoup de sang. En dehors des compétitions, ou lorsqu’il est dans les écuries du concours, il est très détendu et calme. C’est un cheval tranquille. Il est étalon mais ne se comporte pas comme un. On peut le monter à côté de juments sans problème. Il se comporte très bien et est très sérieux au travail.
United Touch n’est pas avec moi à Bois-le-Duc, mais Cepano Baloubet oui. Il s’agit de l’un de mes meilleurs chevaux. La piste ici étant plus petite que celle de Genève, elle devrait mieux lui convenir.
Quel a été le programme de Cepano Baloubet ces derniers temps ?
Il était en compétition au Mexique jusqu’en fin d’année dernière, puis a concouru à Wellington ces derniers mois. Je l’ai monté lors de trois concours, surtout sur des épreuves qualificatives pour les Grands Prix, afin qu’il soit en pleine forme pour Bois-le-Duc. Il est revenu en Europe par avion il y a une dizaine de jours et a retrouvé nos écuries en Allemagne avant de faire le trajet jusqu’ici.
De quelles montures se compose votre piquet de chevaux actuel ? Certaines d’entre elles vous semblent-elles avoir les qualités pour remporter d’autres étapes du Rolex Grand Chelem ?
Je suis très chanceux d’avoir un bon groupe de chevaux, composé notamment de United Touch et Cepano Baloubet. Cepano a remporté une épreuve au CHIO d’Aix-la-Chapelle l’an dernier, a pris part à la Coupe des nations du CSIO 5* de Spruce Meadows, etc. L’an dernier, je voyais Cepano comme mon deuxième cheval, puisqu’il n’avait que neuf ans. Pouvoir concourir sur ces belles pistes et s’élancer dans des épreuves intéressantes lui a donné une super expérience. Il a désormais un an de plus et est prêt à passer au niveau supérieur. Il a déjà sauté plusieurs Grands Prix 5*, mais ils étaient d’un niveau moindre par rapport à ceux du Rolex Grand Chelem, qui représentent ce qui se fait de mieux dans le sport. Il n’a jamais affronté ce niveau, mais a remporté deux Grands Prix 5* l’an dernier, donc je suis très confiant quant au fait qu’il puisse être compétitif.
J’ai un autre cheval de dix ans très prometteur, qui s’appelle Cydello. Il est assez nouveau au sein de mon groupe de chevaux, mais nous fondons de grands espoirs en lui pour le futur. Il est probablement à l’opposé de United : il est petit, mais comme United, il a une incroyable volonté de sauter. Il est très motivé et intelligent. Il a une façon de faire et un style différents, mais son cerveau et sa volonté sont plutôt similaires avec ceux de United. Il est encore assez vert, mais je pense qu’il a ce qu’il faut pour évoluer au plus haut niveau.
“Nous sommes convaincus que le mental du cheval joue un rôle crucial dans la performance”
Quel rôle jouent les autres membres de votre équipe, comme vos grooms ou les vétérinaires de vos chevaux, dans votre réussite ?
Ils sont tellement importants ! Tout le monde joue un rôle vital. Si l’on retire l’une de ces personnes, cela cause de vrais problèmes. L’inverse ne garantit pas que nous remportions des étapes du Rolex Grand Slam, mais sans la fondation que constitue mon équipe, je n’aurais aucune chance de réussir à performer au plus haut niveau. Beaucoup de responsabilités incombent aux grooms. Felicia (Wallin, ndlr), est ma groom concours. Elle m’accompagne sur tous les concours importants, dont celui de ce week-end. Si je me rends sur un petit concours d’entraînement, elle n’est pas nécessairement là, mais sur toute l’année, elle doit manquer tout au plus un voire deux concours.
À la maison, en Allemagne, j’ai également de super personnes sur lesquelles je peux m’appuyer. À Wellington, nous avons une nouvelle membre d’équipe, Maggie, qui n’a pas autant d’expérience mais fait du super travail. Elle reste tout le temps à notre point de base afin de prendre soin des chevaux qui ne sont pas de concours. Ce n’est qu’à dix minutes du terrain de concours, donc nous pouvons être là-bas très souvent. En Europe, les choses sont un peu différentes, puisque les événements majeurs ont lieu à plusieurs heures de route des écuries. Nous avons donc d’autant plus besoin d’avoir une bonne équipe à la maison, qui connaît les chevaux, peut les monter et les longer correctement, tout en ayant une bonne connexion avec eux. Les personnes qui s’occupent d’eux doivent être capables de repérer le moindre changement dans leurs comportements. Nous voulons toujours avoir un coup d’avance sur ce sujet. Nous avons donc besoin de très bonnes personnes, et voulons offrir le meilleur à nos chevaux et nos équipes.
Du côté des maréchaux-ferrants, nous travaillons avec Christian Götz, qui s’occupe des chevaux les plus âgés, et Manuel Black, qui a la charge des plus jeunes. Lorsque nous avons des problèmes avec certains chevaux, nous pouvons bénéficier de leurs deux expertises, et tous deux se vouent beaucoup de respect. Nos vétérinaires, Shane Fouhy et Ulli Laege, prodiguent d’excellents soins à nos chevaux. Ils ont la même philosophie que nous, à savoir avoir un coup d’avance. Nous n’attendons pas qu’un cheval boite pour réagir. Cela me semble primordial si l’on veut concourir à haut niveau.
Les chevaux doivent être en parfaite forme physique et mentale. C’est pour cela que les grooms endossent de très grosses responsabilités. Ils doivent savoir lorsqu’un cheval doit en faire davantage, ou si au contraire ils ont besoin de repos au pré ou d’une balade en forêt. Nous sommes convaincus que le mental du cheval joue un rôle crucial dans la performance. Il y a énormément de choses auxquelles faire attention, et je suis très chanceux d’avoir une super équipe. Sans elle, cela serait impossible. C’est véritablement un travail collectif.
“Le chemin de la réussite est pavé d’échecs, qu’il faut savoir utiliser pour étoffer ses connaissances”
Le Rolex Grand Chelem de saut d’obstacles a fêté son dixième anniversaire en 2023. Selon vous, quelle a été l’importance de ce circuit sur la discipline ?
Il est impossible de penser au saut d’obstacles sans penser au Rolex Grand Chelem. Il représente le plus haut niveau dans notre sport, avec les Jeux olympiques et les championnats du monde. Les cavaliers engagés à Bois-le-Duc, Aix-la-Chapelle, Calgary ou Genève sont les meilleurs de la planète. Sur les trente premiers au classement mondial, on en trouvera toujours vingt-cinq ou plus sur place. On finit donc par une épreuve rassemblant les meilleurs cavaliers et leurs meilleurs chevaux, et tous ont une chance de gagner. La compétition est intense mais elle permet d’atteindre un niveau de performance inégalé. Après chaque concours l’an passé, je suis revenu chez moi empreint d’une nouvelle expérience. C’est l’opportunité idéale de regarder les meilleurs cavaliers au paddock ou lors de la reconnaissance. Ce n’est parfois que des détails, mais pour un jeune cavalier comme moi, c’est une expérience très enrichissante.
Si vous n’étiez pas cavalier de saut d’obstacles, quel métier auriez-vous fait ?
J’aurais été agriculteur, sur les terres de mon grand-père.
Quel est le meilleur conseil que vous ayez jamais reçu ?
De ne pas laisser tomber. Le chemin de la réussite est pavé d’échecs, qu’il faut savoir utiliser pour étoffer ses connaissances. C’est très important de ne pas craindre de perdre ou d’échouer. En cas d’échec, il faut en tirer les leçons qui s’imposent et essayer de mieux faire la prochaine fois. C’est ce que je me suis dit à l’entrée du barrage à Genève. Ce n’était pas le sans-faute le plus assuré que j’ai fait dans ma carrière, mais j’ai vu une chance de victoire. Prendre des risques est souvent payant et lorsque cela ne l’est pas, on peut toujours apprendre.
Photo à la Une : Richard Vogel sur la plus haute marche du podium à Genève. Mélina Massias