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“Apprendre à connaître ses poulinières est ce qui donne ses lettres de noblesse à l’élevage”, Dejan Krunic (2/3)

Nina Simone DKS.
jeudi 25 mai 2023 Thomas Danet Tribut

Avec patience, Dejan Krunic se fait peu à peu une place au sein du microcosme du cheval de sport, à force de travail et d’investissement, à défaut de coups d’éclats tonitruants mais trop vite éphémères. Discret, cet homme d’affaires à la tête bien faite a choisi de partager sa vie entre ses obligations professionnelles aux Etats-Unis et la concrétisation de sa passion pour le cheval, grâce au développement de son élevage “DKS” en France. Rencontre avec ce “citoyen du monde”, comme il se définit lui-même.

La première partie de cet article est à (re)lire ici.

Anne Dewever, responsable de l’élevage DKS, veille aux bons soins quotidiens prodigués à l’ensemble des protégés de Dejan Krunic. “C’est simple, elle a un œil sur tout ! C’est ma personne de confiance. Elle est incroyable et joue un rôle inestimable dans notre élevage”, admet volontiers Dejan. “Pour compléter notre équipe, Patrick Hanley, mon conjoint, s'occupe de l'informatique et de la partie juridique et Iva Zivkovic, du marketing et de l'administration. Nous venons également d'engager Ivan Dujimovic-Mandic, en tant que cavalier maison, pour nous aider dans le travail des jeunes chevaux. Au printemps et en été, nous recevons l'aide d'amis et de membres de la famille qui se joignent à nous pour manipuler les nouveau-nés et faire travailler les jeunes. Enfin, pour ma part, je suis le couteau suisse de l’équipe, aussi bien en charge de conduire moi-même les juments à l'université d'Utrecht (avec laquelle Dejan Krunic collabore pour pratiquer l’ICSI sur des juments devenues trop âgées ou difficiles à remplir ou lors de l’utilisations d’étalons renommés dont la semence est devenue rare, ndlr) ou de négocier les ventes. Je passe toujours tout l'été à l’élevage et je viens également un mois durant l’hiver. Entre les deux, je me débrouille pour pouvoir sauter dans un avion et venir en France dès que mon planning me le permet, ne serait-ce que pour cinq jours... au grand dam de ma famille (rires) ! Cela peut être un peu épuisant, mais c'est mon mode de vie et j'adore ça”, déclare celui qui a également suivi des formations auprès de vétérinaires équins et des cours de reproduction équine à l'université Texas A&M.

Belgrade DKS, l'une des valeurs montantes de l'élevage, ici à trois ans. © Collection privée



La patience, une vertu primordiale

Bien que passionné, Dejan Krunic reste lucide et sait l’importance de savoir s’entourer dans le développement d’un tel projet. “À mon arrivée en Arkansas, en 1992, je me suis rapproché de Leslie Carter et Susan Tracey. Comme expliqué, Leslie a vraiment su me transmettre sa passion de l’élevage. Nous sommes toujours en contact et elle n’hésite jamais à me prodiguer quelques conseils. C’est une amie qui m’est chère, tout comme Greg Burrow, cavalier professionnel que je considère comme mon meilleur ami. Greg a concouru jusqu'à haut niveau aux États-Unis, en selle sur Aragon Rouet (BWP, Baloubet du Rouet x Remondo) entre autres. Enfin, je m’estime chanceux d’avoir pu rencontrer et bénéficier des enseignements de Holly Shepherd (qui participait à l’étape de Miami du Longines Global Champions Tour en avril dernier, ndlr), que j’admire depuis mon adolescence. Pour moi, elle représente ‘l’Homme de cheval’ par excellence. Je n’ai jamais rencontré quiconque avec autant de talent naturel ! Je dois également beaucoup à Sophie et Richard Levallois du haras de Semilly. Ils se sont montrés très généreux en m’offrant de leur temps et en me partageant leurs connaissances.  Sans eux, notre élevage serait assurément très différent aujourd'hui.” 
Leslie Carter a joué un rôle primordial dans l'itinéraire de Dejan Kurnic et, de fait, dans celui de l'élevage DKS. © Collection privée

Selon Dejan Krunic, la patience est un autre facteur à ne pas négliger en matière d’élevage de chevaux de sport. “Si vous cherchez une activité vous garantissant un succès rapide, ne vous lancez pas dans l'élevage de chevaux ! Il suffit de regarder les élevages de renommée mondiale... La plupart d'entre eux sont le fruit de travail accompli depuis des décennies, voire des générations. Pour ma part, mon plus vieux produit d'élevage a dix-huit ans. Cela me fait donc relativiser, car je me considère encore aujourd’hui comme un nouveau venu. Apprendre à connaître ses poulinières prend énormément de temps. C’est un procédé lent mais c’est aussi à mon sens ce qui donne ses lettres de noblesse à l’activité. Actuellement, les acheteurs recherchent principalement des descendants de juments ayant un pedigree solide et un palmarès sportif de premier ordre. Mais détenir de telles juments passe aussi par un temps d’observation incompressible pour savoir identifier les étalons qui leurs conviendront le mieux. Bien connaître sa jumenterie me paraît indispensable. À titre d’exemple, j'ai pu acquérir quelques juments issues de grandes familles d'élevage déjà établies comme Bella Vita van de Molendreef (BWP, Clinton x Heartbreaker) et Top Girl Kervec, (SF, Diamant de Semilly x Darco) mais j’essaye aussi de constituer de ‘nouvelles’ lignées à partir de juments talentueuses que nous avons achetées ou élevées nous-mêmes, sans descendre de lignées planétairement reconnues. Par exemple, Kumana DKS (BWP, Cumano x Cento), mon autre jument de cœur, et Belle Clara DKS viennent de lignées assez restreintes mais elles produisent des chevaux fantastiques. Là aussi, il faut s'armer de patience et croire en ses juments, jusqu'à ce que leur progéniture fasse ses preuves”, explique Dejan, avant de poursuivre. “La sélection de nos mères se fait selon notre devise ‘Volonté – moyens – Mental’ (Heart. Scope. Mind). La pratique actuelle de notre sport demande d’avoir des chevaux volontaires et impliqués au travail, suffisamment puissants tout en conservant une part de sensibilité et d’intelligence pour sauter les parcours actuels. Mon but est donc de produire des chevaux de haut niveau, en bonne santé et bien dans leur tête. À cette fin, nous essayons non seulement de trouver les croisements idéaux mais aussi d'offrir à la jument gestante et au poulain les meilleures conditions de vie possibles car je suis persuadé que les soins et les premiers contacts avec l’Homme reçus dès le plus jeune âge sont des facteurs essentiels dans la réussite d'un cheval de sport de qualité.” Une dizaine de juments constituent donc le cheptel de poulinières de l’élevage DKS, dont certaines en parallèle de leur activité de compétitrices, grâce au recours au transfert d’embryon. Une moyenne de quinze poulinages, dont la moitié en transfert, sont donc classiquement attendus chaque année. “J'utilise cette méthode avec certaines juments qui ne peuvent pas porter leur propre poulain, pour accorder à d’autres un peu de répit ou dans les cas où j'aimerais produire plus d'un poulain d'une même jument au cours d'une saison de reproduction”, précise Dejan.

La toute bonne Belle Clara DKS, sous la selle de Holly Sheperd. © Sportfot



Des souches solides

Concernant le capital génétique apporté par les mères, bien que le sang de Centina (Westph, Cento x Careras) soit actuellement mis sur le devant de la scène par l’intermédiaire de ses filles Nina Simone DKS (BWP, Kannan - vue jusqu’en Grands Prix 3* sous la selle du cavalier naturalisé israélien Régis Villain), Lilly Express DKS et Kumana DKS, l’élevage de Dejan Krunic repose aussi sur d’autres souches, comme celle de Hydra O (KWPN, Beach Boy x Almé). Cette dernière a produit Every Way van de Molendreef (BWP, Upsilon van de Heffinck), formée jusqu’à haut niveau par l’Américaine Lauren Hough. Via Volo, petite fille d’Hydra O, faisait partie de l’équipe américaine aux jeux olympiques de Londres de 2012, associée à Beezie Madden. Elle-même fille de Run Away van de Molendreef, par Clinton, Via Volo est donc la propre sœur de Bella Vita van de Molendreef, poulinière à l’élevage DKS. Bella Vita est ainsi à l’origine d’Ubama Alia (CS, Nonplusultra Alia), sortie sur des épreuves internationales 2* et 3* sous la selle de la Philippine Joker Arroyo et de Caretina Alia (Z, Caritano), elle-même mère de Divine Express HDC (SF, Orient Express), vice-championne de France des juments de six ans en 2019. Hydra O est aussi la mère de Hacienda van de Molendreef (BWP, Clinton x Beach Boy) surnommée la “petite dynamite” par Dejan Krunic, qui l’a lui-même sortie en compétition de nombreuses années avant de confier ses rênes à Marlies van Soest puis à Holly Shepherd pour concourir sur des hauteurs de 1,40m. Hacienda a par la suite produit Hopscotch DKS (Old, Orlando - formée sur 1,30m par Axelle Lagoubie, avant de rejoindre les rangs des poulinières à l’élevage) et Jiveli DKS (SF, Action-Breaker), dixième du championnat de France 2022 des chevaux Selle Français de trois ans, catégorie “sport”, tenu à Équita Lyon.

À dix ans, Nina Simone DKS gravit progressivement les échelons. © Agence Ecary

Enfin, deux représentantes de la souche de Karrousel de Leslie Carter (ISR, Karneval x High Rank), Belle Clara DKS et Capers (Old, Capone I x Consul), mère de Cassini (né Chapel Hill, Old, Cassini II), excellent partenaire de Darragh Kenny régulièrement classé en Grands Prix 5*, font aussi carrière à l’élevage DKS.

Le performant Cassini, qui a fait les belles heures de Darragh Kenny, est un fils de Capers, poulinière à l'élevage DKS. © Sportfot

Photo à la Une : Nina Simone DKS, dix ans, a pris le départ de son premier Grand Prix 3* à 1,55m lors de la dernière édition de Compiègne Classic. © Agence Ecary

La troisième et dernière partie de cet article est disponible ici.