L’air girondin a réussi à Martin Fuchs pour sa première venue au Jumping international de Bordeaux. En quête de points pour décrocher son ticket pour la finale de la Coupe du monde de Bâle, le Suisse a remporté la treizième étape de la ligue d’Europe occidentale, en selle sur Conner*Jei et au terme d’un barrage à douze riche en tentatives. Non moins brillants que le fils de Connor, Casual DV et Grandorado, tous deux dans une forme remarquable, ont permis à Pieter Devos et Willem Greve, leurs cavaliers, de compléter le tiercé gagnant.
Une première, quelle première ! Martin Fuchs n’était jamais venu à Bordeaux, mais n’oubliera pas de si tôt son baptême du feu en Gironde. Face au mur, à deux étapes de la fin du circuit de la Coupe du monde Longines de saut d’obstacles, le Suisse n’avait pas d’autre choix que de s’imposer, samedi 8 février. Dans cette quête de points pour une place en finale, l’actuel numéro cinq mondial a pu compter sur l’exceptionnel Conner 70 pour succéder à son ami et compatriote Steve Guerdat au palmarès de ce Grand Prix. Déjà vainqueur des épreuves reines des CSIO 5* de Falsterbo, Saint-Gall et Dublin, et des CSI 5* de Dinard et Windsor, le fils de Connor a célébré son premier succès à ce niveau en indoor… et une énième réussite dans un concours installé de longue date dans le paysage équestre. D’ailleurs, Markus, l’oncle de Martin, a connu beaucoup de succès sur cette piste chargée d’histoire, que Thomas, son père, a également arpenté en son temps.
Martin Fuchs et Conner ont remporté leur sixième Grand Prix 5* ensemble. © Mélina Massias
“Ce sont des concours comme ici, comme Falsterbo, Dublin, Dinard ou La Baule, qui respirent la tradition, qui ont ce public et cette atmosphère si singulière et bien différente de beaucoup d’autres concours, que j’estime devoir soutenir”, a lancé l’heureux lauréat en conférence de presse, répondant à une question de notre excellent confrère du Cavalier Romand faisant suite à la décision de Steve Guerdat et Martin Fuchs de boycotter la Ligue des nations Longines de la Fédération équestre internationale, notamment à la suite de l’éviction du CSIO 5* de Saint-Gall de la très courte liste d’étapes. “Je trouve cela positif que nous ayons de plus en plus de nouveaux événements, à l’image de ceux d’Abou Dabi ou d’Ocala, mais les concours historiques restent les meilleurs du monde. Nous devons leur donner la priorité. Les nouveaux concours doivent faire leurs preuves. Et, s’ils s’avèrent être mieux que les anciens, alors, on peut discuter pour les intégrer dans des circuits majeurs. Je ne suis pas vraiment en adéquation avec la façon dont [l’attribution des étapes de la Ligue des nations] a été faite. Je suis déçu pour notre sport et notre Coupe des nations (celle de Saint-Gall, ndlr), que nous adorons…” Applaudissements généraux de l’assistance et de ses dauphins d’un soir.
Grandorado au-dessus de la mêlée
Au-delà de cette prise de position tranchée et argumentée, Martin Fuchs a pleinement savouré sa victoire, qui lui ouvre une voie royale vers Bâle, chez lui, où il pourra tenter de s’offrir une deuxième finale de la Coupe du monde. Insubmersible aux abords de Bordeaux Lac, Conner*Jei ne devrait toutefois pas être du voyage en avril prochain, l’Helvète prévoyant de monter Hay El Desta Ali, alias Leone Jei, lors de cette échéance.
“C’est une super victoire. Ce n’est pas seulement la première fois que je gagne à Bordeaux, mais aussi la première fois que je participe à ce concours. J’ai entendu beaucoup de bien au sujet de ce rendez-vous et j’avais hâte de venir. J’avais besoin de points pour me qualifier et j’ai amené Conner dans ce but. J’avais plus de pression que d’habitude car participer à cette finale, qui se jouera à Bâle, était vraiment un grand objectif pour moi. Mon cheval a tellement de capacités… Il est respectueux et continue à sauter à merveille, même avec la vitesse et face à des obstacles très hauts”, a-t-il déclaré, après avoir tremblé jusqu’au bout depuis le paddock.
Le Suisse jouait gros à Bordeaux et a misé juste pour l'emporter. © Mélina Massias
Le scénario de cette treizième et avant-dernière étape qualificative pour la ligue d’Europe occidentale du circuit Coupe du monde Longines 2024-2025 a, pour le moins, été surprenant. En première moitié d’épreuve, les sans-faute se sont multipliés à la vitesse de l’éclair, laissant filer… neuf candidats à la victoire vers un second parcours. Et puis, les statistiques se sont stabilisées, permettant à trois paires d’ajouter leurs noms à la liste des barragistes. Si le temps accordé n’a pas joué de rôle majeur, les combinaisons ont tenu leur rang, notamment le triple, avant-dernier effort du soir, ainsi que son voisin numéro 13, un oxer ayant coupé court aux espoirs de plusieurs couples.
Premiers à tenter leur chance sur le tracé raccourci de Jean-François Morand, Willem Greve et Grandorado*TN ont époustouflé le public. Sans doute l’un des plus souverains de l’épreuve, le couple formé par le Néerlandais et son fils d’Eldorado vd Zeshoek a servi deux démonstrations aux aficionados. Aérien, souple, puissant et d’une facilité déconcertante, l’étalon a arrêté le chronomètre en 39’’74. Largement battable, certes, mais plus que satisfaisant pour le KWPN, absent de longs mois après son forfait de dernière minute aux Jeux olympiques et de retour au sommet depuis le début d’année. Le bai sautait sa deuxième épreuve à 1,60m depuis… mai dernier ! Sur son dos, Willem Greve a assurément vécu un voyage des plus agréables. “Je suis très, très heureux de la façon dont mon cheval a sauté ce soir. Je l’ai trouvé absolument incroyable, meilleur que jamais ! Je n’ai pas pris tous les risques car je souhaitais assurer ma qualification pour Bâle. J’ai eu la chance qu’il y ait beaucoup de fautes au barrage et j’espère que ces points suffiront pour participer à la finale. Comme Martin, il s’agissait de ma première fois à Bordeaux. Être ici, entouré de ce public et de ces gens de chevaux, est un plaisir. Je crois que c’est une très bonne chose pour notre sport”, a-t-il souligné, précisant qu’il n’avait pas encore arrêté sa stratégie pour Bâle. Soit Willem Greve choisira entre Highway M*TN et Grandorado, soit il s’offrira le luxe d’emmener ses deux complices en Suisse.
Grandorado était sur une autre planète dans le Grand Prix Coupe du monde de Bordeaux ! © Mélina Massias
Passé juste après le Oranje, Grégory Cottard, très précis et en totale harmonie avec Cocaïne du Val dans l’acte initial, n’a pu éviter une faute au barrage, pour une honorable sixième place. Martin Fuchs a ensuite pris les commandes de l’épreuve. S’il ne les a pas lâchées, le trentenaire a bien dû avoir quelques sueurs froides. Juste après lui, Julien Anquetin, survolté, a ébahi le public bordelais avec une option complètement folle pour aborder le troisième obstacle du parcours. À la réception du numéro 2, le Français et son Selle Français Originel Blood Diamond du Pont ont abordé un demi-tour au cordeau à main droite, galopant droit vers le fond de la piste, pour un abord de biais et presque à l’aveugle sur le suivant ! Comme une formalité, les deux complices, dans une forme atomique, effacent la difficulté… mais pèchent à la sortie du double suivant ! Terrible pour cet attachant duo, qui a rejoint la ligne d’arrivée en 36’’54, contre 37’’45 pour les lauréats du jour. “Bâle était un grand objectif pour moi, de même que la finale de l’an passé, que je n’avais finalement pas pu disputer. Je suis ravi d’être qualifié. Dans un monde parfait, mon plan serait d’emmener Blood Diamond à Bois-le-Duc, puis à Bâle. J’ai vu cette option et j’ai décidé d’emprunter le chemin le plus court pour aller sur le vertical. Il y avait au moins deux secondes à gagner, mais ce choix était assez audacieux et l'exécution périlleuse, notamment en raison de l’obstacle (numéro 1, ndlr) qui gênait un peu la trajectoire”, a analysé le Normand, toutefois satisfait du comportement de la perle de l’élevage de Matthieu Le Connetable.
Quelle audace pour Julien Anquetin et son excellent Blood Diamond de Pont ! © Mélina Massias
De ses premiers pas en 5* à deux classements consécutifs en Coupe du monde, Casual DV se plaît à Bordeaux
Sophie Hinners et Iron Dames*My Prins van de Dorperheide, dont l’impression extérieure n’était pas la plus harmonieuse ni légère, n’ont pas réitéré l’exploit de Vérone et ont concédé une faute, pour une septième place finale et un ticket pour Bâle plus que validé. Quatre points aussi pour Kim Emmen et Imagine, huitièmes, tandis que Pieter Devos et sa chère Casual DV ont suivi Julien Anquetin et Blood Diamond du Pont dans leur brin de folie. Le Belge et sa jument maison, fille de Windows vh Costersveld, alias Cornet Obolensky, et Just Me D, l’une de ses anciennes partenaires internationales, semblent se plaire sur cette piste. À tout juste dix ans, la belle a signé une nouvelle prestation de premier ordre et s’est intercalée au deuxième rang, en 39’’54. “L’an dernier, Casual a sauté son premier Grand Prix Coupe du monde ici, à seulement neuf ans. Elle était déjà double sans-faute et quatrième. Un an plus tard, nous sommes deuxièmes, ce qui prouve nos progrès ! Je suis ravi de la manière dont elle a sauté. Elle a tout donné. Compte tenu de son expérience, je trouve déjà très bien que nous ayons pu exécuter cette option risquée de cette façon. Cet hiver, elle a participé à trois Grands Prix Coupe du monde, avec autant de double sans-faute à la clef (la Zangersheide s’est classée septième à Lyon puis troisième à Malines avant de venir à Bordeaux, ndlr). C’est une jument exceptionnelle. J’espère qu’un brillant avenir nous attend et qu’elle sera en forme pour la finale, où je la monterai”, a confié le Belge, très à l’aise dans l'exercice de la conférence de presse.
Il y a deux ans, Casual DV disputait son tout premier CSI 5* et prenait part aux épreuves intermédiaires du concours bordelais. Deux ans plus tard, elle s'offre la deuxième place du temps fort du week-end. © Mélina Massias
En suivant, Max Kühner, aux rênes d’EIC*Up Too Jacco Blue, a concédé huit points, synonymes de onzième place. Marcus Ehning et son fidèle Priam du Roset, toujours à son service, peu importe le type d’épreuve ou de piste, en ont concédé quatre, pour le dixième rang définitif et quelques points supplémentaires dans le panier de l’Allemand dans son chemin vers Bâle. À domicile ou presque, Marie Demonte et Epona du Quesnoy ont concrétisé leurs récents excellents résultats, mais n’ont pu éviter quatre points. Neuvièmes. Pour Philippe Rozier et Le Coultre de Muze, impeccables dans l’acte initial, le jeu de la vitesse s’est avéré plus compliqué et un refus après un virage serré les a repoussés en douzième position, avec onze points mais aucune barre à terre.
La joie de Marie Demonte après un parcours parfait de son Epona du Quesnoy. © Mélina Massias
Et puis, Julien Epaillard et Donatello d’Auge, vainqueurs de l’épreuve majeure de la veille, sont arrivés. Chauffé à blanc par le public, et toujours avide de victoire, le Normand a imité son homonyme et voisin en filant à toute allure vers l’option. Franchie avec succès. Le double ? Une formalité. Virage à gauche, vertical, oxer en bout de ligne, virage à droite, galopade et… faute sur le dernier. Rageant. Le dixième mondial et son Selle Français Originel se rangent bien sagement en cinquième position pour cette fois… jusqu’à leur revanche !
Cette fois, Julien Epaillard et Donatello d'Auge se sont avoués vaincus. © Mélina Massias
Grâce à leurs performances, Conner 70, Casual DV, Grandorado, Blood Diamond du Pont, Donatello d’Auge, Cocaïne du Val, My Prins van de Dorperheide, Imagine, Epona du Quesnoy, Priam du Roset, Up Too Jacco Blue et Le Coultre de Muze, les douze meilleurs chevaux de l’épreuve, ont fait honneur au travail de Gerhard Stamer, la famille Devos, Martinus Rietberg et Dick Verhoeven, Matthieu Le Connetable, Susana Epaillard Garcia Cereceda, Alain De Folleville, la famille Philippaerts, C. Viscaal, le haras de Gabkcal, Claire et Philippe Rizzoli, Mark Sherry et Joris de Brabander, leurs éleveurs, comme l’a fait Legacy, née Chavantele, l’an dernier. D’ailleurs, son naisseur, Romain Rotty, a été mis à l’honneur, de même que Silke Druckenmüller et Volker Göttsche-Götze, ceux de TSF Talera et JL Dublin, à l’issue de la remise des prix du Grand Prix Coupe du monde, pour les performances de leurs produits lors de la saison dernière. Si le premier n’a pu être présent sur place, et que la deuxième a bénéficié de cette distinction à titre posthume, la très belle initiative de la Fédération mondiale de l’élevage de chevaux de sport (WBFSH) est malheureusement passée inaperçue ou presque, faute, en partie, d’une communication efficace… Sans doute le point noir de la soirée.
Les résultats complets.
Le classement général provisoire complet.
Photo à la Une : Ô temps ! Suspends ton vol pour Martin Fuchs et Conner. © Mélina Massias
Les épreuves du CSI 5*-W de Bordeaux sont à vivre sur GRANDPRIX.tv et Clipmyhorse.tv.