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Grandorado, ou quand le talent se conjugue au plus-que-parfait (1/2)

Sport vendredi 13 janvier 2023 Mélina Massias

Pour sa première année au plus haut niveau, en 2022, Grandorado TN N.O.P a crevé l’écran. En toute logique, le bai avait été sélectionné pour défendre les Oranje aux Mondiaux de Herning, mais une mauvaise chute de son cavalier de toujours et co-propriétaire, Willem Greve, a court-circuité les plans du duo. Qu’importe. À douze ans, le puissant fils d’Eldorado vd Zeshoek et Charmieque, une descendante de Carolus II, ne semble être qu’aux premières heures de son apogée. Reconnu pour ses talents dans le sport, en attestent ses trois doubles sans-faute en Coupe des nations 5* la saison dernière, mais aussi à l’élevage, où il compte déjà plus de mille descendants, le KWPN est avant tout le fruit d’une histoire d’amitié longue de près de deux décennies entre ses éleveurs : Martinus Rietberg et Dick Verhoeven. Retour sur l'ascension de celui qui pourrait bien devenir un phénomène.

En regardant de plus près l’histoire de Grandorado TN N.O.P, né G.Eldoradus, crack de Willem Greve, rien ne semble ordinaire. Grand, puissant, talentueux, doté de moyens phénoménaux et particulièrement régulier au plus haut niveau, le bai peut s’attribuer n’importe quel superlatif. “Il a tout. Vraiment. Les moyens, le respect ; tout. Je suis vraiment fier de l’avoir formé de zéro. Au départ, il était déjà très talentueux. Mais l’avoir mené de rien jusqu’en Grand Prix 5* est fantastique. Après sa carrière sportive, il sera aussi très précieux tant il est un super reproducteur. C’est quelque chose de très spécial”, savoure d’ailleurs le Néerlandais, son cavalier de toujours et copropriétaire de longue date, aux côtés de la famille Nijhof.

Grandorado et Willem Greve lors de leur deuxième Grand Prix 5*, en mars dernier, au Grand Palais éphémère. © Scoopdyga

Si la vie de Grandorado a débuté le 10 janvier 2011, son histoire, elle, puise sa source bien en amont. À l’origine de ce charismatique étalon de douze ans se trouve une amitié longue de près de deux décennies entre deux familles néerlandaises. Installés à quelques kilomètres à peine l’un de l’autre, dans le village d’Holten, aux Pays-Bas, Marinus Rietberg et Dick Verhoeven ont noué des liens forts. Si forts qu’ils les ont conduit, quelques années plus tard et en collaboration avec leurs enfants respectifs, Erwin Rietberg et Lia Agteres-Verhoeven, à faire naître un certain Grandorado, fruit du croisement entre le très en vogue Eldorado van de Zeshoek (Clinton x Toulon) et de Charmieque, une talentueuse jument combinant les sangs de Carolus II et Baloubet du Rouet.

Eldorado van de Zeshoek, le père de Grandorado. © Sportfot

“La famille Rietberg et la mienne sont de proches amies depuis près de vingt ans. Nous avons toujours eu des chevaux ensemble. Erwin, le fils de Marinus, montait à cheval, tout comme moi”, se souvient Lia Agteres-Verhoeven. “Après avoir fini mon cursus au lycée, j’ai arrêté de pratiquer l’équitation. Cela a rendu mon père très triste. Il a alors eu l’idée d’acheter des poulains, dans l’espoir qu’une fois mes études à l’université achevées, je rentre à la maison et recommence à monter à cheval. Ce projet, mon père l’a mené en collaboration avec les Rietberg.” Et le plan de Dick Verhoeven abouti, puisque quelques années plus tard, sa fille présente en compétition Charmieque, une petite jument baie acquise en 2007, lors des ventes Starsale. Fascinés par les origines de cette KWPN, soeur utérine du tout bon Fabrice DN, vainqueur d’un Grand Prix 5* sur l’immense piste en herbe de Calgary avec le Britannique Matthew Sampson en juin dernier et dont la souche a donné quelques autres chevaux intéressants, Dick et Marinus emportent l’enchère.

Grandorado, ici à Genève. © Mélina Massias

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Une bonne étoile nommée Charmieque

“J’ai monté Charmieque moi-même et l’ai guidée sur ses premiers parcours en compétition. À ce moment-là, j’étais enceinte de mon premier enfant. À dix-sept ou dix-huit semaines de grossesse, j’ai décidé d’arrêter les concours et nous avons trouvé un autre cavalier pour Charmieque (Ellen Zwijnenberg, ndlr). Cette nouvelle pilote était beaucoup plus expérimentée que moi et la jument commençait à vraiment bien sauter”, décrit Lia. “Willem Greve a alors vu une photo de Charmieque et est tombé sous son charme. Il nous a contactés pour savoir si nous étions prêts à la vendre. C’était à la fin de l’année 2013 ; Willem Greve a acheté la mère de Grandorado.” Car avant d'entamer sa carrière sportive, la petite baie avait déjà porté et donné, elle-même, naissance à deux poulains, en 2011 et 2012. Le premier d’entre eux ? Grandorado, himself. “La famille Rietberg, et en particulier Erwin, étaient fan d’Eldorado van de Zeshoek, le père de Grandorado. Erwin avait déjà fait naître des poulains de cet étalon. Charmieque était très respectueuse et vive, mais elle n’était pas très grande. Erwin a décidé qu’Eldorado serait un bon choix pour cette jument ; elle manquait peut-être un peu de moyens, ce que cet étalon pouvait combler”, reprend la Néerlandaise, avant d’ajouter : “Charmieque a eu un autre produit, une pouliche par Spartacus. Je ne sais pas vraiment ce que fait cette jument actuellement. Après cela, Charmieque a été vendue.”

L'excellente et bondissante Charmieque, mère de Grandorado. © Collection privée

Entre les mains expertes de Willem Greve, la fille de Carolus II évolue jusqu’à 1,40m, avant d’être cédée à une jeune Finlandaise, Eveliina Talvio, qui concourt aujourd’hui jusqu’en Grand Prix 3*. “Charmieque était une jument très gentille et adorable. Elle était facile à monter. C’était ce dont j’avais besoin, parce que je ne suis qu’une cavalière amateure”, révèle la première amazone de la baie. “Elle avait beaucoup de qualités et était un peu timide, un trait de caractère qu’elle partage avec Grandorado.” Au vu des performances de ce dernier, le programme de juments 5* Mares of Macha a récemment fait l’acquisition de Charmieque, qui vit désormais dans les prés italiens. “La façon dont elle sautait m’a rendu surexcité”, avoue Willem Greve dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux. Blessée, son ancienne partenaire n’aura jamais pu exprimer son plein potentiel dans le sport.

Grandorado, âgé de quelques jours, dans le confort de la paille de son box. © Collection privée

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De leur côté, Marinus et Dick ont d’ores et déjà trouvé un accord de partenariat avec la famille Nijhof lorsque leur poulinière prend une nouvelle direction. Comme avec chacun de leurs jeunes mâles, les deux amis en vendent une partie à leurs voisins et étalonniers de renom, de façon à leur garantir les meilleures chances possibles. “Nous avons toujours eu confiance en les capacités de Grandorado, et ce même lorsqu’il était poulain. Nous avons pour habitude de vendre la moitié de nos entiers à la famille Nijhof lorsqu’ils ont environ un an. En parallèle, nous conservons les juments à Holten, où nous vivons. À Ghosteren, où est installée la structure de l’équipe Nijhof, les chevaux bénéficient de tout ce dont ils ont besoin. Dès ses premiers sauts en liberté, on pouvait déjà voir la qualité de Grandorado. Il a toujours été extraordinaire comparé aux autres jeunes chevaux”, loue Lia. Et l’aptitude du bai ne va pas tarder à susciter l’intérêt des plus grands.

Dick Verhoeven observe les poulains, dont Grandorado, qui deviendra, quelques années plus tard, la plus belle réussite de sa coopération avec son ami Martinus Rietberg, naisseur des foals qui entoure "Granny". © Collection privée

“J’ai entendu parler de Grandorado grâce à Henk Nijhof. Il m’a dit qu’il avait un très bon étalon, même s’il n’avait pas encore passé les sélections des mâles”, se rappelle Willem Greve. “Sa mère sautait très bien. Alors, j’ai visé sa mère en premier lieu et l’ai achetée. Après cela, je suis resté en contact avec les éleveurs, et j’ai insisté, pendant un peu plus d’un an, pour acquérir leur moitié de Grandorado. Un certain nombre de tasses de café ont été nécessaires pour trouver un accord, mais cela en valait la peine !”

Le passage de dos remarquable de Grandorado. © Mélina Massias

Un diamant brut

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Monté quelques fois à trois et quatre ans par un cavalier de l’équipe Nijhof, Grandorado a effectué le reste de sa carrière sous la selle de Willem Greve. À l’image de ce qu’il avait réalisé avec certain Carambole, auquel un ultime hommage sera rendu lors du CSI 5*-W d’Amsterdam, le Batave a su polir son joyau pour en faire l’un des meilleurs de sa génération. “J’ai acquis la moitié de Grandorado lorsqu’il avait trois ans et demi. Pendant quelques mois, il a été monté par l’un des cavaliers de l’écurie Nijhof, puis, à partir de la fin de son année de quatre ans et jusqu’à aujourd'hui, j’ai toujours été son cavalier”, développe-t-il. “Grandorado était un diamant brut. Il a toujours été très demandé et très populaire en tant qu’étalon. Il a saillie beaucoup de juments. Il a toujours été très occupé et sous le feu des projecteurs. Il y avait beaucoup d’espoirs fondés en lui, mais il tient toutes ses promesses. Il n’est pas seulement un excellent sauteur qui évolue au plus haut niveau ; ses produits sont aussi extrêmement bons. Comme on dit en Hollande, le couteau coupe des deux côtés.” Et de compléter : “Carambole est pour moi un cheval très spécial. Il est absolument fantastique. Je lui dois beaucoup, mais lui ne me doit rien. Il a été le premier cheval à me mettre réellement sur le devant de la scène. Je le connaissais tellement bien que je pouvais dire ‘ici, je vais faire treize foulées, là-bas six, etc’. Il était maniable à 200%. Avec Grandorado, il faut parfois s’adapter en cours de route et improviser en piste.”

Grandorado, âgé de cinq ans, et Willem Greve lors des championnats du monde de Lanaken. © Sportfot

Questionné sur son secret pour réussir à former des chevaux de la trempe de Carambole ou Grandorado, Willem Greve préfère rendre tout le mérite de cette réussite à ses complices à quatre jambes. “Le fait est que, de base, ce sont de très bons chevaux. Alors, il n’est pas très compliqué de faire de Carambole ou de Grandorado un cheval de Grand Prix. Il faut simplement être patient et essayer de se projeter à long terme afin de façonner les chevaux”, assure-t-il. “Je ne suis pas en mesure d’acheter des chevaux prêts à concourir à ce niveau et cela est presque impossible. De plus, j’adore tout le chemin qui pave la formation d’un cheval. Cela me procure beaucoup de satisfaction. Au fil des années, j’ai aussi vendu des chevaux que j’avais formé dans mes écuries. Les voir performer avec d’autres cavaliers est aussi gratifiant et donne une bonne image de mon travail. Il n’est pas dit que tous les chevaux puissent passer d’épreuves à 80cm au Grand Prix de Genève en sept ans. Mais avec Grandorado ou Carambole, cela en vaut la peine.”

Grandorado en passe de réaliser un double sans-faute sur la somptueuse piste en herbe de Rome. © Sportfot

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La suite de cet article sera disponible demain sur Studforlife.com…

Photo à la Une : Grandorado et Willem Greve à leur meilleur niveau, ici à Knokke. © Scoopdyga