Après ses victoires collectives à Abou Dabi, Rome, La Baule et Calgary, l’Allemagne a empoché la mise au CSIO 5* de Barcelone, support de la première finale du circuit de la Ligue des nations Longines, lancé en début d’année. Un joli lot de consolation après un rendez-vous manqué collectivement à Versailles et un titre conservé pour les mousquetaires d'Otto Becker, qui avaient également décroché la dernière finale Coupes des nations Longines, en 2023. Les Pays-Bas et la Suède ont complété le tiercé gagnant, au terme d’une épreuve palpitante jusqu’à la dernière minute, dans laquelle quatre couples se sont particulièrement distingués.
Coupe des nations ou Ligue des nations, épreuve divisée sur deux journées ou condensée en une, pression ou non, l’Allemagne se plaît à Barcelone. Auteur d’une impressionnante saison, le collectif de la Mannschaft a pris sa revanche, dimanche 6 octobre, après avoir manqué son rendez-vous versaillais, malgré le titre individuel décroché par Christian Kukuk et Checker 47, et conservé son titre, acquis l'an dernier, lors de la dernière finale Coupes des nations Longines.
Pour conclure la saison extérieure 2024 avec la manière, Otto Becker, comme la plupart des autres chefs d’équipe, à l'exception de Reyes Martin pour l'Espagne et Robert Ridland pour les Etats-Unis, misait sur une équipe XXL dans la capitale catalane. Trois des quatre membres de son escouade olympique étaient de la partie, tandis que Philipp Weishaupt et Zineday, récemment vendu à Eve Jobs, étaient remplacés par André Thieme et sa chère DSP Chakaria, née Carelia, eux aussi tout près d’une sélection olympique cet été et surtout vainqueurs du Grand Prix Rolex d'Aix-la-Chapelle en juillet. Et pour venir à bout de l’exigeant, mais très bien construit, parcours de Santiago Varela, l’un des grands artisans du succès des épreuves de saut d’obstacles des Jeux de Paris avec Grégory Bodo, il fallait effectivement compter sur des couples de très, très haut niveau. Les douze obstacles, pour quinze efforts, qui ornaient la piste du Real Polo Club de Barcelone, théâtre des Jeux olympiques de 1992, ont causé du fil à retordre à bien des cadors. Les Suisses, dont la saison collective ne fut pas des plus reposantes, ont sombré, plombés par les scores inhabituels de leurs deux piliers, Martin Fuchs et Steve Guerdat, sortis de piste avec deux fois huit points pour le premier, qui montait l’excellent Conner 70, et trois puis deux fautes pour le cavalier du non moins performant Venard de Cerisy. Les deux bons parcours de Pius Schwizer et l’étalon Vancouver de Lanlore (4+0), perle de l’élevage d’Anne Dafflon, n’ont rien changé, dans un format qui fait la part belle au suspense et ne laisse (presque) aucune place à l’erreur.
L’acte initial de cette première finale de la Ligue des nations Longines (LNL) a finalement débouché sur quinze clear rounds en trente-six parcours. Mais les choses se sont corsées en deuxième manche. Quelques centimètres de plus ci et là, notamment sur ce diable de double de verticaux, ont fait toute la différence. “Trois centimètres, cela n’a l’air de rien, mais cela change beaucoup de choses. Avec des obstacles hissés au-delà d’1,60m, la parabole de saut de la plupart des chevaux se modifie [...] En l’occurrence, en rehaussant les barres de trois centimètres entre la première et la seconde manche, c’est comme si nous avions raccourci de vingt centimètres la distance entre les deux éléments de cette combinaison”, a ainsi analysé le chef de piste espagnol en conférence de presse. Ces détails, qui, à un tel niveau d’épreuve, deviennent des éléments déterminants, n’ont permis qu’aux quatre meilleurs duos du jour de se distinguer en signant deux prestations parfaites et de se partager un bonus de 200.000 €.
L’Allemagne a évidemment compter l’un de ces quatre précieux doubles zéro en ses rangs. Pas aussi souverain qu’à son habitude à Versailles, le phénomène United Touch S a cette fois dominé son sujet de la tête et des épaules. D’une précision impressionnante, son cavalier, Richard Vogel a parfaitement su dompter et jouer avec l’amplitude monstre de son bai pour survoler chacun des sauts des deux parcours. En première manche, l’actuel dixième meilleur cavalier du monde a demandé à son complice de douze ans de se rassembler davantage, assurant ainsi un premier gros morceau pour la Mannschaft. En seconde, et alors qu’il n’avait plus le droit à l’erreur dans un coude à coude des plus intenses avec les Pays-Bas, Richard Vogel a adopté une autre stratégie, en utilisant la foulée de son complice à quatre jambes à son avantage. Cette fois, le duo retiré des foulées dans plusieurs lignes. Une stratégie payante, qui a permis à United Touch S d’éviter de nouveaux efforts sous la lourdeur du temps espagnol et de déployer une nouvelle fois ses ailes de pégase.
Avec Richard Vogel et United Touch S, André Thieme et DSP Chakaria, ainsi que Christian Kukuk et Checker 47 avaient chacun signé un sans-faute en première manche, avant de concéder une et deux fautes en seconde. Les premiers cités ont fait les frais de la palanque numéro neuf. Même sanction pour les champions olympiques, qui retrouvaient l’ambiance des compétitions ce week-end, après avoir également fait tomber l’entrée du double numéro sept. Jana Wargers et sa Dorette, née Dollar Girl, n’ont quant à elles pris part qu’à la première manche - avec une faute au compteur -, le règlement obligeant les chefs d’équipe à écarter l’un des quatre membres de leur équipe en seconde manche.
“C’est un rêve devenu réalité ! Gagner ici, à Barcelone, est toujours spécial”, a commenté Otto Becker avant la remise des prix. “Nous avons gagné la toute première étape de circuit à Abou Dabi et maintenant, nous avons remporté la toute première finale. Je suis comblé. L’épreuve était palpitante jusqu’à la fin et mon équipe a fait du super travail. Je suis très, très heureux.”
“Nous avions une équipe très forte et les chevaux des garçons ont très bien sauté. Ils ont montré de quoi ils étaient capables et les choses se sont parfaitement terminées pour nous”, a confié Jana Wargers, avant de passer le micro à André Thieme. “Mon premier parcours était vraiment incroyable. J’ai eu un très, très bon sentiment. Lors du deuxième tour, j’étais déçu de ma faute, mais le scénario a fait que ce parcours à quatre points avec Chakaria était plutôt un très bon résultat. Je suis ravi de faire partie de cette équipe. C’est très spécial”, a-t-il expliqué.
Champion olympique, Christian Kukuk a également analysé sa prestation avec son gris Checker 47. “Santiago Varela m’a eu aujourd’hui ! Mon équitation n’était pas aussi précise qu’elle l’était à Paris. J’ai eu un très bon parcours en première manche, puis je pense que la condition physique de Checker n’est pas aussi optimale qu’elle l’était à Paris. Il était légèrement derrière moi sur le deuxième parcours et j’étais un peu trop timide. J’étais trop loin, de peut-être vingt centimètres, sur le double de verticaux, mais cela suffit dans ce genre de parcours. Puis j’ai un peu manqué de chance sur la palanque. J’étais un peu déçu de mon parcours, mais heureusement, nous avions Richie, qui a tout simplement volé ! C’était incroyable à voir et il nous a offert la victoire aujourd’hui”, a salué le cavalier des écuries Beerbaum. Et Richard Vogel, l’homme du jour, de conclure : “Je suis peut-être un jeune cavalier, mais j’ai un cheval très spécial, qui nous a encore montré aujourd’hui à quel point il sort de l’ordinaire, notamment vu la façon dont il a sauté la deuxième manche. Peu de chevaux peuvent revenir aussi forts en deuxième manche. Je suis heureux de l’avoir suffisamment bien monté pour lui offrir ce double sans-faute.”
Dans leur mano à mano avec l’Allemagne, les Pays-Bas ont pu compter sur ses doubles médaillés de bronze olympique, Maikel van der Vleuten et Beauville. L’attachant couple a fait ce qu’il sait faire de mieux : aligner les sans-faute. Le fils de Bustique et son cavalier ont ainsi parfaitement lancé leur nation, lors des deux manches de l’épreuve. Kim Emmen et Imagine, révélations des Jeux olympiques, les ont imités en première, avant de pécher à trois reprises en seconde. Harrie Smolders et Uricas vd Kattevennen, préférés à Lars Kersten et son génial Funky Fred Marienshof malgré un parcours à cinq points, contre un sans-faute pour leurs coéquipiers, n’avaient donc plus le droit à l’erreur pour conserver un espoir de victoire après le passage Richard Vogel et United Touch S, qui avaient scellé le score de l’Allemagne à douze unités. Le Néerlandais et son sublime fils d’Uriko, né Clooney, ont finalement craqué sur la palanque, mais assuré la deuxième place des leurs.
Troisième, la Suède achève sa finale avec un total porté à vingt unités. Sans-faute en première manche, Henrik von Eckermann et King Edward Ress, ainsi que Malin Baryard-Johnsson et H&M*Indiana n’ont pu éviter quatre et huit points lors de leur dernier parcours du week-end. Peder Fredricson, aux rênes de son vétéran Catch Me Not S, a imité le numéro un mondial, alignant un sans-faute puis une faute, tandis que Rolf-Göran Bengtsson et Zuccero, deuxièmes du Grand Prix deux jours plus tôt, ont cruellement manqué dans l’acte initial, se faisant piéger par la rivière pour à peine quelques centimètres. Dans sa stratégie, Henrik Ankarcrona a choisi de se passer de ces deux-là en deuxième manche, sans doute pour leur épargner de nouveaux efforts après un week-end bien rempli.
La suite du classement a été complétée par l’Irlande, quatrième, le Brésil, les Etats-Unis et l’Espagne. Elle aussi rentrée bredouille de Versailles, l’île d’Emeraude a échoué à se hisser sur le podium pour… quatre secondes à son temps cumulé. Michael Blake et ses mousquetaires nourriront sans doute quelques regrets, après une dérobade de Michael Pender et HHS Calais, synonyme de seize points, heureusement effacés, suivie d’une seconde prestation à huit unités, qui ont, elles, bien compté. Fancy de Kergane, partenaire de Cian O’Connor a également laissé échapper huit points, un score inhabituel pour le jeune mais brillant Selle Français. Daniel Coyle et sa chère Legacy, née Chavantele, ont, quant à eux, illuminé Barcelone de tout leur talent, signant deux parcours parfaits. Depuis douze mois, ces deux-là marchent littéralement sur l’eau et n’ont de cesse de se distinguer au plus haut niveau. Cet hiver, il faudra compter sur l’Irlandais et sa fille de Chippendale !
Le quatrième et dernier double sans-faute de l’épreuve a été anecdotique pour le sort de son équipe, mais certainement pas pour le duo qui l’a réalisé. Troisième du Grand Prix vendredi soir, Armando Trapote et son fabuleux Tornado VS, un fils de Toulon âgé de treize ans, ont été les meilleurs représentants espagnols à domicile. Le cavalier, d’origine mexicaine, a dû vivre de sacrées émotions ! Septième, son équipe n’a devancé que la Suisse, et… la France, neuvième et dernière. Plutôt dans le bon wagon avant l’ultime rotation de la seconde marche, et ce malgré les deux parcours à huit points de Julien Epaillard et Olivier Perreau, associés à Donatello d’Auge et GL Events*Dorai d’Aiguilly, les Tricolores ont été éliminés après une chute de Kevin Staut, qui montait Beau de Laubry, sur l’entrée de double numéro sept. Une mésaventure similaire à celle déjà vécue par le Normand un peu plus tôt cette année, dans la seconde manche de la LNL d’Ocala. Entre temps, le tout bon fils de Bisquet Balou vd Mispelaere a toutefois remporté le Grand Prix 5* de Dinard et s’était, avant cela, offert l’étape de la Coupe du monde de Stuttgart, il y a onze mois.
Photo à la Une : United Touch S et Richard Vogel ont dominé le parcours de Santiago Varela de la tête et des épaules. Dirk Caremans / Hippo Foto
Les épreuves du CSIO 5* de Barcelone sont à (re)voir sur Clipmyhorse.tv.