Yuri Mansur et Miss Blue Mystic Rose refleurissent à point nommé à Hambourg
Sous le soleil et face à près de vingt-cinq mille spectateurs massés autour de l’écrin de Klein Flottbek, Yuri Mansur a remporté l’une des plus belles victoires de sa carrière. Associé à Miss Blue-Saint Blue Farm, le Brésilien a devancé un joli tir groupé de grands noms. De retour au plus haut niveau depuis quelques mois à peine, sa fille de Chacco-Blue a négocié un barrage parfait. Alors qu’il avait toutes les raisons d’y croire, Steve Guerdat a finalement été battu avec sa toute bonne Lancelotta, qui ne cesse de progresser. Sacrés champions d’Europe en 2021, André Thieme et Chakaria ont complété le trio de tête.
Miss Blue-Saint Blue Farm, ou plutôt Miss Blue Mystic Rose, comme l’avait originellement baptisée son éleveur, à la tête du haras Rosa Mystica, fût l’une des grandes révélations de la saison 2023. Sous la selle de Yuri Mansur, la fille de Chacco-Blue et Magnolia Mystic Rose, par Quamikase des Forêts, alias Zirocco Blue, était sortie de nulle part, ou presque. Avant 2022, la géniale baie n’avait jamais évolué sur la scène internationale ! En quelques mois, la jeune jument, aujourd’hui âgée de onze ans, s’était frayé un chemin dans l’équipe brésilienne, signant deux excellentes performances dans les Coupes des nations de Saint-Gall (0+4+4) et La Baule (4+0), où à La Baule, où les Auriverde avaient triomphé. Après ces performances collectives de très haut vol, Miss Blue s’était distinguée à Aix-la-Chapelle, en remportant le Prix de l’Europe avant de se classer quinzième du mythique Grand Prix, et de terminer douzième de l’épreuve reine du CSI 5* de Dinard. Après deux sorties supplémentaires, fin août à Gijon et mi-septembre à Kronenberg, la complice de Yuri Mansur avait disparu des écrans radars, avant de faire son grand retour fin février sur les pistes du Sunshine Tour, à Vejer de la Frontera. Depuis, celle qui a vu le jour au Brésil et représente son stud-book national avec brio a retrouvé tous ses moyens. Troisième d’une épreuve à 1,50m à Gorla Minore, puis treizième après un acte initial vierge de toute pénalité dans un Grand Prix 4* disputé sur la même piste, la fille de Chacco-Blue a retrouvé le niveau 5* fin avril, à Fontainebleau, où sa prestation dans un Grand Prix très exigeant n’a été entachée que de cinq points. Finalement, c’est sur l’herbe de la piste historique de Hambourg que Miss Blue et Yuri Mansur ont retrouvé le chemin de la victoire, samedi 11 mai, pour s’offrir leur plus belle victoire commune. Amoureux des concours de tradition et compétiteur né, le Brésilien à la veste jaune n’a pas boudé son plaisir face au public toujours fidèle du rendez-vous allemand. Même Steve Guerdat, qui tenait alors la corde, n’a pu éviter d'esquisser un sourire à la fin du barrage à la fois supersonique et totalement maîtrisé de son collègue.
Eloignée des terrains de compétition pendant plusieurs mois, Miss Blue a retrouvé tout son brillant. © Sportfot
“Ce concours revêt une dimension particulière pour nous, cavaliers brésiliens. Nous avons grandi en regardant Nelson Pessoa remporter le derby et en regardant les retransmissions télévisées encore et encore. J’ai un lien très spécial avec ce concours depuis que j’y suis venu pour la première fois. Cette victoire est donc particulièrement savoureuse. La manière dont Miss Blue a sauté m'a montré qu'elle était de nouveau en parfaite condition”, s’est réjoui Yuri Mansur. “Le fait d’être passé après Steve Guerdat m'a permis de voir exactement comment dérouler ce barrage. J'ai tenté le tout pour le tout et cela a porté ses fruits. Avec la vitesse, la plupart des chevaux perdent en équilibre, mais cette jument saute presque plus haut ! C’est cela qui distingue les chevaux fantastiques.”
Steve Guerdat, l’homme en forme du moment
S’il y a bien un cavalier en pleine forme en ce moment, c’est Steve Guerdat ! Avec Looping Luna, qui collectionne les classements et victoires des dernières semaines, Dynamix de Bélhème, lauréate du Grand Prix 5* de Fontainebleau et troisième de celui de Windsor la semaine dernière, Vénard de Cerisy, en pleine forme ce week-end à Hambourg, ou avec Lancelotta, qu’il a menée jusqu’à la deuxième place à Hambourg, le Suisse n’en finit plus de briller. Arrivée dans ses écuries en début d’année seulement, Lancelotta n’a pas tardé à faire parler toutes ses qualités. Après de bonnes performances dans des épreuves intermédiaires lors de ses premières sorties avec son nouveau cavalier, la Westphalienne de onze ans a réalisé deux très bons Grands Prix 4* à Vejer de la Frontera, avec autant de classements à la clef, été pénalisé d’une faute seulement pour son tout premier Grand Prix 5* au Saut Hermès, puis a confirmé au niveau 4* en se classant dixième à Gorla Minore. Cette fois, la fille de Lancer II et ancienne complice de l’Ouzbèque Nurjan Tuyakbaev, est passée à la vitesse supérieure, en prenant la deuxième place du temps fort du CSI 5* de Hambourg, rien que ça ! En tête durant une bonne partie du barrage, qui réunissait pas moins de quatorze couples, pour treize classés, Lancelotta a vu son chronomètre 44’’33 être amélioré par Miss Blue Mystic Rose, arrivée à destination en 42’’96. Mais bon sang ne saurait mentir pour Lancelotta, dont la troisième mère n’est autre qu’Urte, à l’origine du brillant Clinton.
“Je monte Lancelotta depuis peu de temps et il s’agissait du parcours le plus difficile qu'elle ait jamais sauté. Signer un double sans-faute aujourd’hui était déjà une réussite. Je n'ai pas osé tout risquer. Je suis donc un peu déçu de mon parcours, mais vraiment content de ma jument”, a analysé le champion olympique de Londres, toujours aussi perfectionniste envers ses propres performances. Et si la Suisse ne s’est pas imposée à Hambourg, elle y est parvenue à Malmö, à l’occasion de l’Eurovision, quelques heures plus tard.
Steve Guerdat et Lancelotta ont pris part à leur premier Grand Prix 5* en mars, à Paris. © Sportfot
Si Yuri Mansur et sa complice ont infligé près d’une seconde et demi de débours à leurs concurrents, les écarts ont été très serrés entre la deux et quatrième place. Championne d’Europe sur la piste en herbe de Riesenbeck et lauréate des Grands Prix de Falsterbo et Rome en 2022 et 2023, eux aussi joués sur des écrins de verdure, la fantastique Chakaria s’est cette fois contentée du troisième rang. La complice d’André Thieme a réalisé deux performances parfaites sur ce terrain qui lui avait déjà réussi en 2022. Obligé de déclarer forfait à quelques semaines des Européens de Milan l’an dernier par “mesure de précaution”, André Thieme espère bien prendre sa revanche cette année. Et sa prestation à Hambourg, couplée à une bonne tournée américaine en début d’année, lui a certainement permis de marquer des points auprès d’Otto Becker. “Si j’avais terminé deuxième pour onze centièmes de trop, j’aurais été embêté”, s’est amusé André Thieme, qui a franchi les cellules en 44’’44. “Mais je suis heureux de cette troisième place. Je sens clairement que Chakaria progresse de semaine en semaine. Je ne voulais pas prendre de risque inutile aujourd’hui et je suis ravi de ma jument.”
Chakaria et André Thieme, ici à Aix-la-Chapelle, terminent troisièmes du Grand Prix 5* de Hambourg. © Sportfot
Pour cinquante-six centièmes de plus que Steve Guerdat et Lancelotta, Harry Charles et Romeo 88, né Champion of Picobello, se sont octroyés une très honorable quatrième position. Après avoir profité d’un long break en fin d’année dernière, le fils de Contact vd Heffinck a retrouvé le très haut niveau en Floride et semble en pleine forme.
Les deux derniers doubles sans-faute de la journée ont été réalisés par Karim El Zoghby et Victoria Gulliksen, respectivement associés à Zandigo et Mistral van de Vogelzang. L’Egyptien et la Norvégienne ont préféré assurer une place d’honneur, à l’inverse de Sandra Auffarth, Philipp Weishaupt et Kendra Claricia Brinkop, qui ont tout risqué pour l’emporter. Malheureusement pour les locaux et leurs fans, une faute les a repoussés en sept, huit et neuvième position. Pourtant, tous trois avaient fait mieux que le chronomètre de Yuri Mansur et Miss Blue, grâce à Quirici H, Coby 8 et Tabasco de Toxandria, qui confirme son talent démesuré du haut de ses neuf, avec un troisième classement en Grand Prix 5* en autant de tentatives ! Grande championne de concours complet, Sandra Auffarth avait préféré ce week-end le saut d’obstacles à sa discipline de coeur, alors même que les CCI 4* de Marbach et 5*-L de Badminton battent leur plein. Aussi brillante dans une discipline que dans l’autre, l’amazone a même été saluée par un autre immense champion : Steve Guerdat. “Sandra Auffarth a réalisé un parcours incroyable et aurait également mérité la victoire”, a souligné le Suisse. “Elle a monté comme on est censé le faire sur une telle piste, ce que je n'ai pas tout à fait osé faire aujourd’hui.”
Une chute de Trevor Breen interrompt l'épreuve pendant plus d'une demi-heure
La fête a été quelque peu gâchée à Hambourg après une chute de Trevor Breen. Alors très bien engagé sur le parcours avec son fidèle Highland President, de retour dans ses écuries après un passage éclair dans celles de son compatriote Cian O’Connor, qui l’avait acheté mais ne l’a pas conservé dans son riche piquet de chevaux, l’Irlandais a été déséquilibré après un saut acrobatique de son complice. À l’abord d’un oxer en fin de parcours, Highland President a en effet hésité avant de répondre aux sollicitations de son cavalier. Produisant un saut atypique et renversant plusieurs barres sur son passage, le bai a légèrement trébuché à la réception. Déséquilibré, Trevor Breen a chuté sur le dos. Alors que cela pouvait sembler anodin de prime abord, l’épreuve a été interrompue pendant plus d’une demi-heure. Conduit à l'hôpital en ambulance, l’Irlandais serait, selon les premières informations de la presse germanique, dans un état stable et souffrirait du dos. Le directeur du concours, Volker Wulff, a indiqué que le cavalier de l’île d’émeraude pouvait “bouger tous ses membres” et se portait “relativement bien”.
Photo à la Une : Yuri Mansur et Miss Blue*Saint Blue Farm avaient déjà brillé à Aix-la-Chapelle, l’été dernier, en remportant le Prix de l’Europe, première épreuve majeure du mythique CHIO. © Dirk Caremans / Hippo Foto