Depuis son instauration en 2018, le Super Grand Prix du Longines Global Champions Tour, point d’orgue de la saison du circuit qui regroupe, dans une épreuve en deux manches, tous les vainqueurs d’étapes de la saison régulière, n’a sacré que des couples marquants. Victor Bettendorf et Foxy de la Roque en forment assurément un et leurs noms resteront gravés au palmarès de cette épreuve extrêmement disputée et copieusement dotée. Le Luxembourgeois et sa Selle Français aux innombrables qualités ont devancé un autre duo phénoménal, celui que composent Gilles Thomas et Ermitage Kalone. Point commun ? Ces deux paires ont signé les deux doubles sans-faute de l’épreuve, mais ont surtout éclos au plus haut niveau en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire. La troisième marche du podium a, quant à elle, été occupée par Michael Duffy et un certain Quirex, de retour au sommet six ans après son dernier CSI 5*.
Il y a sept mois de cela, Foxy de la Roque découvrait à peine le niveau 5*, quittant la carrière de prince de Fontainebleau avec huit points au compteur, à l’issue de son premier parcours à ce niveau, mais laissait une impression extraordinaire aux spectateurs en bord de piste. Entre avril et novembre, la princesse de Victor Bettendorf a avancé à pas de géants, décrochant son premier Grand Prix 5* en septembre à Rome et se qualifiant d’office pour la Super Grand Prix de Riyad. C’est là, vendredi 22 novembre, que la fille d’Armitages Boy et petite-fille d’Océane de Nantuel a écrit les plus belles lettres de son palmarès, surclassant quatorze des meilleurs couples de la planète, venus batailler pour les trois cent mille euros promis au vainqueur.
“En début d’année, jamais je n’aurais imaginé que Foxy soit capable d’être compétitive à ce niveau aussi rapidement !”, Victor Bettendorf
“Avec une jument comme Foxy, je me sens à l’aise. Je sais que si je ne commets pas d’erreur, elle saute même mieux au barrage et avec de la vitesse ! Avec Foxy, les choses sont beaucoup plus simples qu’avec les autres chevaux. J’ai vraiment pris du plaisir sur ce parcours ; c’était extraordinaire. Lorsque j’ai sauté le triple en première manche, je savais qu’il n’y avait que la palanque dont je devais me méfier, mais pour le reste, ce n’est que du plaisir avec cette jument ! C’est fou. Il faut la laisser sauter, la laisser faire, et tout est simplement incroyable. Je plaisante toujours en disant que j’ai simplement besoin de me souvenir du parcours avec elle. Cette saison, le plan était de continuer à former Foxy pour en faire une jument compétitive à 1,60m l’an prochain. En début d’année, jamais je n’aurais imaginé que Foxy soit capable d’être compétitive à ce niveau aussi rapidement !”, a déclaré Victor Bettendorf après son triomphe. “Pour toute notre famille, cette victoire est très importante, car Foxy est née à la maison. C’est encore plus gratifiant de gagner avec un cheval de l’élevage familial d’Alexandrine et Michel. Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre pour ce concours. C’était la première fois de ma vie que je prenais l’avion pour concourir en dehors du continent européen ! Je suis parti en me disant que j'essaierai de faire de mon mieux dans les épreuves intermédiaires, d’être compétitif (et le Luxembourgeois l’a été, en remportant sa première victoire internationale avec Cancun Torel jeudi, ndlr), et que le Grand Prix serait un bonus. Je ne m’attendais pas à remporter un tel Grand Prix ! Cela semble irréel. Les vainqueurs des éditions précédentes ont été mes héros pendant toute ma carrière. Je n’arrive pas à croire que je les ai rejoint en tant que gagnant. Cela va me prendre un moment avant de réaliser.”
Riyad était son quatrième CSI 5*. À neuf ans, elle était la plus jeune de l’épreuve, avec Casual DV et Impress-K van 't Kattenheye. Pourtant, au naturel, sans guêtre - ni aux antérieurs, ni aux postérieurs -, sans fer et avec son aisance naturelle au-dessus des barres, elle a bien été la meilleure. Il faut dire que face au chronomètre, la véloce baie est redoutable. Si elle n’a disputé que six épreuves à 1,60m dans sa jeune carrière, ses statistiques sont presque effrayantes tant elles paraissent irréelles ! Six parcours… cinq victoires ! Foxy de la Roque n’est définitivement pas comme les autres. Si son physique plutôt rond sort de l’ordinaire et lui apporte encore plus de sympathie, son style de saut éblouit à chaque obstacle, quand son entente avec son cavalier semble sortie d’un monde imaginaire. Mais elle est bien réelle. La Selle Français est née en Normandie, chez Alexandrine Bonnet-Dian et Michel Hécart, qui avaient choisi, en 2015, de marier Armitages Boy à Samba de la Roque, une fille de leur cher Kannan et surtout d’Océane de Nantuel, propre sœur de Thara de Nantuel, à l'origine de Candy, Folie de Nantuel and co. Bon sang ne saurait mentir.
À plus de six mille kilomètres de ses prairies natales, Foxy de la Roque semblait comme dans son jardin à Riyad. Si certains de ses aînés, même parmi les plus expérimentés, ont semblé bien fébriles sous la nuit saoudienne, il n’en a rien été pour elle. Sur les tracés imaginés par Uliano Vezzani et ses équipes, la belle s’est baladée. Elle a signé le plus rapide des quatre sans-faute de la première manche, faisant un pas de plus vers une hypothétique victoire et s’offrant le luxe de s’élancer à la toute fin de la seconde. Dans le même cas qu’elle, Ermitage Kalone, le crack de Gilles Thomas, a été le premier à enregistrer un double zéro. Si le Belge a tenté de prendre quelques risques, notamment en utilisant à son avantage l’amplitude de son étalon, champion de Belgique en 2023, aligné au départ de sa première épreuve à 1,60m en mai dernier et véritable phénomène de sa discipline, son chronomètre de 70’’28 semblait largement battable, les couples précédents l’ayant prouvé. Cela étant, sa prestation a suffi à pousser à la faute Janne Friederike Meyer-Zimmermann et son très bien né Messi van’t Ruytershof, fautifs sur le vertical numéro… 1 et finalement septièmes, ainsi que les compétitifs Max Kühner et Elektric Blue P, qui, pris dans l’engrenage de la vitesse, ont flanché sur l’avant dernier saut du second parcours pour une quatrième place finale.
Ne restait alors que la rusée Foxy de la Roque pour déloger la perle précieuse de l’élevage de Magali Dessalles de la première place. Bondissante comme si elle n’avait fourni aucun effort dans l’acte initial de ce Grand Prix, la Selle Français a fait ce qu’elle sait faire de mieux : aller vite sans effleurer les barres. En coupant les cellules d’arrivée en 66’’98, cette extraordinaire jument de neuf ans, dont le nom n’a pas fini de résonner aux sommets, a permis à Victor Bettendorf de célébrer la plus belle victoire de sa carrière. Sous les yeux de sa compagne, Adeline Hécart, et de son frère, Basile, le Luxembourgeois, actuel quarante-quatrième mondial, s’est prêté à un tour d’honneur anticipé, avant de célébrer ce succès comme il se doit. En remportant ce Super Grand Prix, conclusion à la saison 2024 du Longines Global Champions Tour (LGCT), Victor Bettendorf a ajouté une nouvelle touche de bonheur à une année pourtant mal entamée, avec le départ de son cher Mr. Tac des Fusains vers d’autres écuries et, par conséquent, la fin de son rêve olympique. Avec sa brillante complice, il a succédé à Julien Epaillard et Dubaï du Cèdre, Daniel Deusser et Scuderia 1918*Tobago, Henrik von Eckermann et King Edward Ress, Ben Maher et Explosion W ainsi qu’Edwina Tops-Alexander et California, primés à Prague entre 2023 et 2018, à l’exception de l’année 2020, où le Super Grand Prix n’avait pas eu lieu.
“Pouvoir monter une telle épreuve était déjà un accomplissement en soi”, a réagi Gilles Thomas, excellent deuxième avec son fils de Catoki et petit-fils de… Kannan, Ermitage Kalone. “Je ne m’attendais même pas à remporter un Grand Prix du Longines Global Champions Tour cette année. Dès que j’ai remporté celui de Shanghai, le Super Grand Prix est devenu mon objectif. Compte tenu de la façon dont Ermitage a sauté la première manche, je savais que je pouvais prendre quelques risques. Mon plan initial était de dérouler un bon sans-faute en deuxième manche, mais il était si bien que j’ai voulu tenter ma chance. Je dois remercier Marcus Ehning, mon coéquipier au sein de l’équipe des Valkenswaard United, qui m’a aidé durant toute l’épreuve. Il m’a poussé au-delà de mes limites. Avec mon parcours, j’ai mis la pression aux autres, mais Victor était trop rapide ce soir. Il a été phénoménal.”
Quirex retrouve le devant de la scène et le Selle Français voit la vie en rose
Troisième, Michael Duffy n’a pas démérité, loin de là. Avec le très généreux Quirex, découvert au plus haut niveau sous la selle de son compatriote Cameron Hanley il y a sept, l’Irlandais n’a laissé échapper que deux points de temps lors de son premier parcours. Le gris, aussi atypique qu’efficace, est apparu encore en pleine forme du haut de ses quinze ans et a surtout honoré son cavalier, qui disputait là son quatrième (!) concours international et son deuxième Grand Prix 5* avec lui. Un pari osé, d’autant plus que le fils de Quirado de quinze ans né chez Nina et Sonja Ellerbrock n’avait plus affronté ces hauteurs sur la scène internationale depuis… août 2018 ! Pour rappel, Michael Duffy s’était qualifié pour ce rendez-vous à Miami, grâce à son Selle Français Claptonn Mouche, qui n’a pas concouru à l’international entre mi-juin et août, puis de nouveau entre août et fin octobre et a décroché la première place d’une épreuve à 1,50m peu avant le temps fort du vendredi à Riyad.
“Faire cela aujourd’hui, avec un cheval qui a pratiquement passé six ans dans un pré (le gris est resté éloigné des pistes internationales d'août 2018 à décembre 2022 et évoluait depuis jusqu'à 1,50m, ndlr), dans une épreuve aussi importante que ce Super Grand Prix : son retour n’aurait pas pu être plus agréable. C’est une preuve de la force de caractère et du cœur de Quirex”, s’est ému Michael Duffy. “C’est une histoire incroyable et je suis heureux d’en faire partie. J’en profite ! Je ne pense pas que j’aurais pu rattraper Victor ce soir, et peut-être pas Gilles non plus si j’avais été sans-faute. Finalement, c’était peut-être un mal pour un bien. La pilule des deux points de temps dépassé au premier tour est toujours difficile à avaler, mais j’étais trop lent et il n’y a personne d’autre à blâmer que moi-même.”
Si le duel final s’est joué, à distance, entre deux Selle Français, parmi les meilleurs au monde, le stud-book hexagonal a brillé encore davantage. Sur les quinze chevaux au départ, et malgré le forfait de Dexter de Kerglenn et Jeanne Sadran, qui préfèrent se consacrer au circuit de la Coupe du monde Longines, quatre représentants du meilleur stud-book du monde, selon le classement annuel de la Fédération mondiale de l’élevage de chevaux de sport (WBFSH), étaient au départ de cette épreuve. Et tous se sont classés dans le Top 6. Derrière le trio de tête et Max Kühner, flashé en excès de vitesse à Riyad avec son fils d’Eldorado vd Zeshoek, Denver de Talma et Rokfeller de Pleville*Bois Margot se sont offert les rangs cinq et six. Le premier, sanctionné d’une malheureuse faute dans l’acte initial malgré son envie débordante, est allé à toute vitesse avec Lorenzo de Luca en seconde, pour tenter d’obtenir le meilleur classement possible. Le fils de Vigo Cécé a arrêté le temps en 65’’72, contre 65’’48 pour son homologue DSP. Sous la selle d’Eduardo Alvarez Aznar, le vétéran Rokfeller de Pleville, fils de L’Arc de Triomphe*Bois Margot, a tout donné après son premier tour pénalisé d’une faute, et s’est arrêté en sixième position, grâce à une seconde prestation sans fausse note.
Derrière Janne Friederike Meyer-Zimmermann et son Messi van’t Ruytershof, septièmes, la Belgique occupe les places huit, neuf, dix et onze par l’intermédiaire de Thibeau Spits et Impress-K van 't Kattenheye, Nicola Philippaerts et Katanga v/d Dingeshof, auteurs d’un premier parcours pour le moins inhabituel, sanctionnés d’une très lourde faute sur le vertical numéro 2 puis d’une seconde sur le deuxième plan d’un oxer, Abdel Saïd et Bonne Amie ainsi que Pieter Devos et Casual DV, qui n’ont tous deux pu éviter une faute dans chaque manche. Avec douze points, Christian Kukuk, qui a finalement misé sur une Just Be Gentle un peu émue en lieu et place du champion olympique Checker 47, et Johan-Sebastian Gulliksen, aux rênes d’un Equine America*Harwich VDL apparu en-deçà de ses standards habituels, sont douze et treizième. En queue de peloton, Olivier Philippaerts et Inès Joly ferment la marche en compagnie de H&M*Miro (4+12) et Ambassador (10+8).
Photo à la Une : Victor Bettendorf et sa Foxy de la Roque ne se sont pas fait prier pour célébrer leur triomphe. © Stefano Grasso / LGCT