Gregory Wathelet et Philippe Le Jeune réagissent.
La disqualification pure et simple de Bertram Allen vainqueur dans la piste du Grand Prix de Londres n’a pas fini de faire couler beaucoup d’encre.
Le jeune Irlandais a accordé une longue interview à Worldofshowjumping dans laquelle il explique que lors du contrôle en fin de tour, le steward a remarqué une marque sur le flanc droit de Quiet Easy. Elle a passé sa main avec son gant et une petite marque de sang est apparue sur le gant. La steward l’a photographiée mais ensuite, il n’y a pas eu de saignements supplémentaires. Bertram Allen est ensuite rentré à l’écurie où Quiet Easy était en pleine forme. Une personne du jury, appelée par le steward est venue voir et lui a indiqué qu'il ne devrait pas recevoir de carton jaune pour cela mais que la suite était indécise. Le cavalier irlandais s’est ensuite préparé pour la remise des prix et a regardé Michael Whitaker sur l’écran et lorsque ce dernier est venu le féliciter pour sa victoire, le speaker a annoncé que la victoire revenait finalement au Britannique. Le jeune homme a ensuite voulu se renseigner sur les raisons de sa disqualification mais la steward en question lui a alors répondu qu’elle n’avait rien avoir avec cela et personne d’autre ne voulait lui répondre … Le cavalier dit également avoir senti que le jury s’était rendu compte d’avoir pris une sanction trop sévère d’autant que les réactions des autres cavaliers ne se sont pas fait attendre mais c’était trop tard !
Le cavalier se donne encore le temps de la réflexion au sujet d’un éventuel appel de cette décision mais pense plutôt qu’il en restera là. « Lorsque je me suis réveillé mardi matin, je me suis dit que cette journée allait être la pire de ma vie, mais elle s'est révélée plutôt bonne! » réagira le jeune homme, faisant référence aux nombreux soutiens reçus depuis lundi avant d’ajouter « Mes chevaux et leur bien-être sont les choses les plus importantes de ma vie. Au regard du soutien que j’ai reçu aujourd’hui, je pense que les gens ont conscience de cela et c’est ce qui compte pour moi. »
De nombreux cavaliers sont en effet montés au front depuis lundi pour dénoncer ce règlement où la limite semble bien difficile à fixer pour les stewards car si le cas de Bertram Allen fait grand bruit à cause de cette victoire annulée, il n’est pas pour autant un cas isolé. D’autres très grands cavaliers ont été confrontés au même cas à l’image de Marcus Ehning à qui il a été vivement conseillé de ne pas repartir dans la seconde manche du Global Tour de Valkenswaard ou encore Grégory Wathelet il y a quelques temps dans le Grand Prix d’Helsinki.
Le vice-champion d’Europe réagit également à propos de ce règlement : « C’est toujours délicat de parler d’un cas lorsqu’on n’est pas là mais il est clair qu’il faut que quelque chose change dans ce règlement : on ne peut pas continuer à disqualifier des cavaliers comme cela ! Si on prend le cas de Marcus Ehning à qui on a fortement déconseillé de repartir en seconde manche à Valkenswaard, d’autres cavaliers seraient repartis car il n’y avait strictement rien mais pas un homme aussi respectueux de ses chevaux que Marcus. Je pense qu’il y a des choses bien pires qu’une petite coupure d’éperon, ce n’est pas comme s'ils étaient en sang. Par contre, il faut bannir de notre sport des gens qui s’écrasent dans des obstacles au paddock, qui tirent dans la bouche, utilisent des mors très durs et torturent leurs chevaux. C’est certain qu’il faut toujours une limite car ce sont des animaux et ils ne peuvent pas parler. C’est donc à nous, humains, de mettre des limites mais là, c’est exagéré. Avec des chevaux un peu sensibles, cela peut arriver à tout le monde et d’ailleurs, de plus en plus de cavaliers laissent des petits carrés non tondus pour tenter d’éviter cela. Qu’arrivera-t-il le jour où la même situation se produit lors d’une finale d’un championnat du monde ou d’Europe ? Où va-t-on ? Est-ce qu’un footballeur qui se prend un coup doit arrêter de jouer pour autant ? Certains juges sont des gens de chevaux et sont compréhensifs. Cela m’est arrivé cette année à La Baule avec un cheval gris où il y avait une petite marque de coupure. Le juge m’a fait une remarque en me disant de faire attention pour demain en lui mettant une protection. Finalement, le lendemain, il n’y avait plus rien et tout s’est très bien passé. Sur un cheval gris, il suffit qu’il y ait deux gouttes de sang qui sortent pour qu’avec l’action de la jambe, cela face une petite tache de la taille d’une pièce d’un euro. C’est ce qui m’est arrivé à Helsinki. A la suite de cela, j’avais utilisé avec le cheval que je montais à l’époque une sangle de protection mais je ne trouve pas que ce soit une solution car le cheval réagit moins bien à la jambe et l’on est obligé de mettre des éperons plus durs. C’est vraiment délicat et compliqué, je n’ai malheureusement pas la solution idéale mais il est certain que cela va trop loin. Il faut toujours qu’il y ait un cas plus médiatique pour que cela fasse bouger les choses mais il y a déjà eu de nombreux cas comme également celui d’Hans Dieter Dreher double sans-faute dans le Grand Prix du Global de Londres qui n’avait pas pu repartir et qui aurait pu gagner. Je pense que la FEI a pris ces dernières années de très bonnes décisions comme ces contrôles de thermographie qui sont difficiles car il y a différentes situations, c’est délicat, il faut encore prouver certaines choses car il peut parfois apparaître certaines températures alors qu’aucun produit n’a été appliqué mais je suis à 100% pour ces contrôles même si c’est chiant pour nous. Il y a des gens qui trichent, qui ont triché et comme dans tout à cause de ces gens-là, on paie les pots cassés aujourd’hui. C’est contraignant car il faut aller se montrer avant, après mais je trouve que c’est bien ! On a vu à un moment des guêtres tellement serrées que les chevaux ne savaient même plus comment marcher derrière. Ce n’est pas acceptable et à un moment donné, il faut mettre des limites. On voit aujourd’hui une véritable amélioration à ce niveau. Il reste des tricheurs qui essaient encore de passer entre les mailles du filet mais ce sont des gens qui ont la triche dans le sang… La situation s’est améliorée et finalement, ce n’est pas vraiment les cavaliers du top niveau qui sont visés car à ce niveau-là, on ne peut plus vraiment tricher. Il faut de vraiment bons chevaux. Je pense qu'il y a plus de soucis au niveau inférieur. De nombreux cavaliers de régionaux pensent qu’au plus haut niveau, les chevaux sont tous préparés, les cavaliers trichent tous mais ce n’est pas le cas et il faut se battre contre cette idée ! Je ne sais pas comment on doit mettre la limite mais il faut faire quelque chose car comme cela, ce n’est pas possible. Il y a déjà eu des discussions entre les cavaliers à ce sujet. Je pense qu’il faut aussi pouvoir permettre aux juges de juger une situation et pas juste appliquer un règlement à la lettre. Lorsqu’on regarde la vidéo du parcours de Marcus Ehning à Valkenswaard, c’est beau, sa jambe ne bouge pas alors oui, il a peut-être mis la jambe à un endroit mais il ne l’a pas éperonné, ni mit des coups durant le parcours puis il se retrouve disqualifié alors qu’on voit des cavaliers avec leurs jambes qui bougent dans tous les sens ? C’est une situation qui rejoint un peu celle vécue par Steve Guerdat car elle peut arriver à chacun d’entre nous. »
Le champion du monde 2010 Philippe Le Jeune s’est également montré scandalisé par cette situation : « C’est une situation aberrante. Il est grand tant que la FEI et les fédérations nationales prennent des mesures à ce niveau. Il y a des cavaliers bien plus durs qui ne sont pas sanctionnés et la FEI laisse s’élancer des cavaliers non préparés et qui n’ont pas le niveau sur des Grand Prix***** d’1m60 qui écrasent leurs chevaux dans des obstacles. Sur de telles hauteurs même de cracks chevaux ne peuvent pas sauver leur peau lorsque les cavaliers commettent des approximations. La FEI laisse véritablement ces chevaux aller au casse-pipe et ça, à mon sens, c’est de la maltraitance aux animaux. Je ne comprends pas très bien où est le problème ici. Il faut fixer des limites, cela ne fait aucun doute mais cela va trop loin.
Je dois bien admettre que ces coupures d’éperon représentent un problème assez nouveau que l’on peut aussi expliquer par une nouvelle mode apparue il y a trois, quatre ans de tondre les chevaux toutes les trois, quatre semaines durant toute l’année. Certains laissent d’ailleurs depuis des marques non tondues au niveau des éperons mais esthétiquement, je ne trouve pas cela très beau. A force de tondre, on irrite la peau d’autant que désormais, on douche les chevaux toute l’année au lieu de leur faire un véritable pansage. Cela va plus vite mais je ne pense pas que cela soit une évolution positive. Personnellement, je refuse de tondre mes chevaux l’été car c’est leur protection contre le soleil, les insectes et bien d’autres choses. J’entends parfois des grooms se plaindre qu’un cheval a mal au dos et qu’ils ne peuvent plus poser la main dessus mais ce n’est pas au dos que le cheval a mal, c’est juste qu’avec la transpiration, l’irritation de la peau et le soleil en plus en été : la peau est brûlée tout simplement. Je ne sais pas si les gens pensent qu’en les tondant toutes les trois semaines, cela va les faire devenir des stars, ou des êtres humains. Je trouve qu’un cheval doit rester un cheval.
Pour en revenir au problème des éperons proprement dit, je pense que si dans le cas de Bertram Allen cela est arrivé à la fin du barrage, on pourrait éventuellement dans le cas de Marcus Ehning à Valkenswaard lui proposer de repartir sans éperon lors du second tour. C’est peut-être une solution envisageable car des sanctions aussi radicales que celles qui sont mises en place actuellement ne tiennent vraiment pas compte des réalités de notre discipline, ni des coûts et du manque à gagner avec de telles sanctions. Pour ma part, je préférerais être un cheval chez Bertram Allen ou Marcus Ehning qu’un cheval chez un amateur qui me pousse dans les obstacles.»