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“Je préfère aller aux Jeux avec Quel Homme et ne pas avoir de médaille que de le faire avec un autre cheval”, Brianna Lobreau

Quel Homme et Brianna
PARIS 2024 vendredi 9 août 2024 Propos reccueillis par Mélina Massias

De son arrivée à Versailles, où elle a vécu ses premiers Jeux olympiques à son retour dans ses écuries en Belgique, Brianna Lobreau, ange gardienne de Quel Homme de Hus, a partagé son aventure dans les colonnes de StudforlifeRentrés en héros, l’étalon de dix-huit ans et sa groom ont eu un accueil à la hauteur de ce qu’ils ont accompli cette année. Si le fils de Quidam de Revel né sous le nom de Quempas chez Andreas Kosicki n’a pas ramené de médaille, son courage, sa force et son état de forme en ont fait de lui, dans le cœur de ses proches et de ses fans, l’un des grands gagnants de ces Jeux olympiques. Longtemps convalescent après s’être blessé au jarret fin 2022, le charismatique Holsteiner a permis à toute son équipe de faire de ce qui était encore un rêve il y a six mois une réalité. Passée à un rien de la finale individuelle de mardi, la monture de Jérôme Guéry n’a pas dit son dernier mot. Non sans émotion, sa soigneuse, qui le choie comme la prunelle de ses yeux depuis deux ans et demi, évoque les derniers jours passés à Versailles, sa visite du village olympique et ce qu’a représenté cette expérience.

Fin de la compétition

“Il n’y a eu qu’une journée de compétition supplémentaire pour nous. Dire que nous ne sommes pas déçus serait mentir. Forcément, il y a une part de déception car cela s’est joué à rien. Ce n’est pas comme si nous avions fait trois barres ou qu’il s’était passé quelque chose sur l’épreuve qualificative… Quel Homme était vraiment bien. Il n’est pas le plus rapide du circuit, on le sait tous, mais c’est le jeu. On sait à l’avance que trente couples sur soixante-quinze accéderont à la finale, soit moins de la moitié. Il y a un peu de frustration d’être passé aussi près (le trio a terminé trente-cinquième avant le forfait de Harry Charles et Romeo 88, né Champion of Picobello, le lendemain, ndlr). J’avais envie plus que tout que Quel Homme ramène une médaille. Cela étant, peut-être que nous n’aurions pas réussi un sans-faute le lendemain ni décroché cette médaille ! Nous sommes très contents de la manière dont Quel Homme a sauté. Il est en forme et était encore à cent pourcents mardi, au lendemain de son dernier parcours aux Jeux. Mardi, Jérôme et moi nous sommes dit que notre objectif était de venir ici, aux Jeux olympiques, et que nous l’avions atteint. Il y a un an et demi, lorsque Quel Homme était sur la table d’opération, je pense que nous aurions tous signé pour aller aux Jeux, même en faisant quatre points ! Sur le coup, le sentiment était partagé, mais ce qui domine avec le recul est que nous sommes fiers de Quel Homme et de toute notre équipe, de toutes les personnes qui l’ont entouré. Il ne faut pas oublier qu’on aurait aussi pu ne pas atteindre notre objectif.”

Quel Homme de Hus a sauté avec brillant sous la selle de Jérôme Guéry, mais cela n'a pas suffi pour accéder à la finale individuelle des Jeux olympiques de Paris. © Liz Gregg / FEI

Savourer la finale d’une autre manière

“L’épreuve qualificative s’est achevée assez tard lundi. Jusqu’à plus ou moins 17 heures, nous étions encore dans le Top 30. Je suis restée sur place jusqu’à mardi. Quel Homme venait de sauter et je n’avais pas d’obligation pour rentrer à la maison tout de suite. Et puis, j’avais envie d’être là pour mes coéquipiers et mes amis qui étaient qualifiés en finale. Gilles (Thomas, avec Ermitage Kalone, ndlr) et Greg (Grégory Wathelet, associé à Bond Jamesbond de Hay, ndlr) étaient notamment en finale. J’étais donc au paddock mardi afin de pouvoir donner un coup de main si quelqu’un avait besoin d’aide. Il faut avoir l’esprit d’équipe jusqu’au bout, même si l’aventure était déjà terminée pour nous. C’était aussi sympa et puis je n’aurais peut-être pas l’occasion de voir une finale olympique individuelle en vrai une autre fois dans ma vie. Alors, il faut en profiter !”

Petite sortie en à la longe pour l'étalon de dix-huit ans, en pleine forme à Versailles. © Collection privée



Un détour par le village olympique

“Dimanche soir, après avoir passé la journée avec les chevaux et une fois nos night checks effectués, nous sommes allés au village olympique. Il est situé à une quarantaine de minutes du site de Versailles. Des navettes partent en direction du village à peu près toutes les heures. Nous en avons pris une aux alentours de 21h15 et sommes arrivés au village vers 22h15. Le village reste ouvert tout le temps. Il est composé de grands immeubles, qui sont tous aux couleurs d’une nation. Il y en a un pour la délégation américaine, un pour la délégation belge, canadienne, etc. Il y a également une grande allée avec tous les drapeaux des nations représentées aux Jeux olympiques. Et puis, il y a les anneaux olympiques ! C’était un peu le passage obligatoire. Nous ne pourrons peut-être nous prendre en photo avec ces anneaux qu’une fois dans notre vie : c’était le moment de le faire. C’était assez chouette. Comme nous sommes arrivés assez tard, il n’y avait plus beaucoup de monde dans les rues, mais je pense que pour les personnes qui s’y rendent en journée, cela doit être l’occasion de croiser d’autres athlètes. En revanche, aller voir d’autres épreuves n’était clairement pas possible pour moi. Nous sommes assez excentrés géographiquement du centre de Paris et beaucoup d’épreuves ont lieu en pleine journée. Même si les journées de samedi et dimanche étaient plus relaxes, je ne souhaitais pas laisser Quel Homme tout seul la journée. Certaines personnes seraient peut-être aller voir d’autres disciplines, mais je préfère rester avec lui.”

Joli moment immortalisé et partagé entre amis et collègues. © Collection privée

Une relation fusionnelle, jusqu’à la sieste !

“Dimanche, Quel Homme a recommencé comme la veille et a de nouveau fait la sieste en même temps que moi ! Lorsque Jérôme est arrivé, il était en train de dormir ! C’est assez marrant parce que cela m’arrive aussi avec Careca, l’un de nos autres chevaux. Lorsque je m’allonge pour me reposer, les chevaux, eux, ne sont pas du tout en train de dormir. Dimanche, je me suis installée dans ma chaise vers 10 heures. Pendant un quart d’heure, j’étais complètement réveillée et Quel Homme aussi. Il était debout. Puis j’ai mis un réveil et ai fermé les yeux. Quand je les ai rouverts, il était en train de dormir ! Nous sommes très proches tous les deux, alors peut-être qu’il se dit que si je dors, il peut aussi le faire. Tout le monde ne le voit pas, mais Quel Homme est très, très protecteur avec moi et jaloux. Quand je rentre de concours avec un autre cheval, il ne m’autorise pas à entrer dans son box immédiatement. Il est fâché contre moi et je ne peux pas lui dire bonjour tout de suite. Quand je dors et qu’il ne fait pas la sieste avec moi, il met souvent sa tête au-dessus de moi, par-dessus la chaise. Il est déjà arrivé que des gens veuillent me réveiller et qu’ils ne les laissent pas trop faire ! Quand je ne vais pas très bien, il est toujours là et absorbe beaucoup mon stress. Il n’est pas comme d’autres chevaux qui vont venir faire des bisous ou auxquels on peut faire un câlin pendant trois heures. Les gens qui ne le connaissent pas ne peuvent pas lui toucher la tête. Mais on prend soin l’un de l’autre.”

Depuis deux ans et demi, Brianna Lobreau et son Quel Homme sont inséparables. © Mélina Massias



Le retour des champions

“J’ai eu un magnifique comité d’accueil en rentrant à la maison mardi soir, vers 17 heures. Je tiens à remercier toutes les personnes à la maison : Elise, Valeriia, Sarah. Les filles nous ont accroché des ballons dans les écuries et avaient écrit ‘Merci Quel Homme’ avec des carottes. La femme de Jérôme (Patricia Guéry, ndlr) était là aussi. Je pense aussi beaucoup à mon maréchal, Thomas, qui a toujours été là pour nous. Il était là mercredi matin et m’a pris dans ses bras en me disant ‘tu l’as fait, vous l’avez fait, c’est génial’. Avec un peu de recul, on se rend compte que le plus important est que tout le monde soit rentré en bonne santé à la maison. J’étais très émue en rentrant mardi soir. On est toutes assez proches et on s’entend bien dans l’équipe, donc j’étais contente de rentrer et de les revoir parce qu’elles m’avaient manqué ! Depuis trois jours, j’ai un peu de mal à arrêter de pleurer. Toutes les émotions redescendent. Ce n'était peut-être pas exactement de la pression, mais jusqu’à maintenant, je n’ai jamais décroché de cet objectif et j’ai tout fait pour que Quel Homme aille bien, qu’il soit en forme aussi bien physiquement que mentalement. Les filles se sont aussi beaucoup investies. C’était chouette d’avoir cet accueil. Même s’il n’en a pas eu, Quel Homme méritait une médaille. Et ce n’est pas parce qu’il n’a pas eu de médaille qu’on l’aimera moins. Je lui ai encore dit lundi en rentrant au box : même quand il sera vieux, qu’il ne pourra plus sauter d’obstacles, je l’aimerai encore. Certains ne sont là que pour les paillettes, mais il n’y a pas que ça. Les chevaux sont des êtres vivants et ce sport est difficile. Il n’y avait que trois médailles et sur les soixante-quinze couples au départ de la qualificative, il y en avait au moins vingt qui la méritaient énormément, puisque ce sont de très bons cavaliers et de très bons chevaux, avec des gens qui s’investissent énormément autour d’eux. En rentrant, Quel Homme a profité du paddock dans la soirée. Il était très content. Cela va être son programme pour les quinze prochains jours ! Il le mérite. Ensuite, la saison n’est pas terminée. Quel Homme a encore quelques concours assez cool qui l’attendent.”

Le champion de retour dans son box... © Collection privée

... avant d'aller profiter de la verdure de son paddock ! © Collection privée

L’expérience d’une vie, avec le cheval d’une vie

“J’ai un peu de mal à mettre des mots sur ce que je viens de vivre. Tout le monde le sait, j’appelle Quel Homme ‘ma vie’ parce que c’est le cheval de ma vie, c’est une certitude. Ce sera très difficile pour moi lorsqu’il ne sera plus aux écuries. Je suis très reconnaissante d’avoir eu la chance d’aller aux Jeux olympiques. Cela ne m’arrivera peut-être plus. Et surtout de l’avoir fait avec des gens que j’aime vraiment beaucoup. C’est mon travail, mais mes collègues sont un peu comme ma famille. Ce n’est pas donné à tout le monde. Si demain je devais recommencer, je préfère le faire avec lui sans médaille plutôt qu’avec un autre cheval. Quel Homme est incroyable. Il ne faut pas oublier qu’il y a six mois, il sautait 1,10m au Sunshine Tour. On n’a pas fait énormément de concours. Ce cheval a une force mentale incroyable. On n’a pas de médaille, mais ce qu’il nous donne est énorme. Peu de chevaux se seraient battus comme il l’a fait pour revenir avec nous. Il va bien, et c’est vraiment le plus important. C’est ça que je veux que tout le monde retienne et sache : il va bien. Il est en pleine forme, bouge bien. Je n’aurais jamais voulu l’emmener aux Jeux pour le casser là-bas et Jérôme non plus. Ce n’était pas du tout le but. Quel Homme a quelque chose de spécial. Mardi, devant son box, Jérôme et moi nous sommes dit qu’on ne pouvait qu’être fier de lui et de ce que tout le monde a fait pour lui. Aller aux Jeux avec lui était notre rêve et on l’a fait ! Je suis contente de travailler pour quelqu’un comme Jérôme. J’aime Quel Homme très fort, mais lui aussi l’aime très fort. Et quand je vois comment est Jérôme avec lui, je me dis que je n’aurais jamais voulu vivre cette aventure avec d’autres personnes qu’eux deux.”

Un trio en or. © Collection privée

Photo à la Une : Quel Homme de Hus et Brianna Lobreau, fêtés comme il se doit à leur retour des Jeux olympiques de Paris. © Collection privée