Dans sa série “le jour où”, Studforlife propose recueille les témoignages des acteurs du saut d’obstacles mondial. Qu’ils soient groom, cavalier, éleveur ou propriétaire, tous ont vécu des journées marquantes, en bien comme en mal. Quelles émotions ont-ils vécues ? Comment ont-ils rebondi après un échec ? Comment ont-ils appréhendé une gloire nouvelle, la retraite du cheval de leur vie ? Eléments de réponses à travers des souvenirs impérissables.
Il est reconnaissable par une simplicité et une sympathie restées hermétiques aux nombreux succès, mais aussi par un amour des chevaux et de la compétition toujours bien présent après presque quarante ans de carrière. Aujourd'hui âgé de cinquante-huit ans, Roger-Yves Bost fait oublier le temps qui passe et reste l’un des piliers du saut d’obstacles français. Pour Studforlife, le champion olympique par équipe de Rio revient sur cinq moments qui ont marqué son impressionnante carrière.
Les premiers pas de à cheval
“J’ai grandi au milieu des chevaux car mes parents avaient des écuries (Christiane et Roger Bost, les parents de Bosty, étaient à la tête du haras des Brulys, situé dans la commune de Barbizon, en Seine-et-Marne). Dès six ou sept ans, j’ai commencé à monter à poney. Je me baladais en forêt et je sautais tous les troncs d’arbre que je pouvais trouver. Déjà à cette époque, il fallait que je saute des obstacles ! (rires)”
“À huit ou neuf ans, j’ai commencé la compétition. Il n’y avait pas beaucoup de concours réservés aux poneys, alors je faisais des parcours d’entraînement avant que les chevaux n’entrent en piste. Les organisateurs baissaient les obstacles avant le début des épreuves et je sautais les mêmes parcours que les autres, mais plus bas.”
Âgé de seulement onze ans, Bosty s’illustre pour la première fois en remportant l’édition 1977 des championnats de France Poneys, avant de réitérer l’année suivante. Le jeune champion se démarque déjà par son sens aiguë de la vitesse et sa détermination et accumule les victoires. Vice-champion d’Europe Poneys à douze ans, puis multipliant les médailles européennes en Jeunes Cavaliers entre 1983 et 1986, le jeune Roger-Yves entame sa carrière Sénior avec un palmarès déjà conséquent.
Jean d’Orgeix : une rencontre à point nommé
“J’ai rencontré Jean d’Orgeix pour la première fois à Fontainebleau au milieu des années 1970. Il venait assez souvent là-bas regarder des compétitions car il était sélectionneur de l’équipe de France à l’époque. J’étais petit, mais je le voyais parfois discuter avec mon père. J’ai ensuite recroisé sa route en 1988. Il a conseillé aux propriétaires de Norton de Rhuys de me confier leur cheval, ce qu’ils ont fait. Pendant cette période, j’ai aussi commencé à travailler avec lui pour améliorer ma technique.”
En permettant à Bosty de récupérer Norton sous sa selle, Jean d’Orgeix lui a offert son premier cheval de très haut niveau. Champion de France en 1988, puis régulièrement sélectionné en Coupes des nations avec l'équipe de France, le couple fait logiquement partie des quatre cavaliers retenus par l’entraîneur national Patrick Caron pour les championnats du monde de Stöckholm, en 1990. Aligné au départ de son premier grand championnat avec trois géants du saut d’obstacles que sont Pierre Durand, alors associé à l’unique Jappeloup, Éric Navet en selle sur Quito de Baussy et Hubert Bourdy, aux rênes de Morgat, le jeune homme de vingt-cinq ans ne tremble pas. “Je ne stressais pas du tout avant la finale, c’était uniquement de la pression positive. Cela m’a motivé à être meilleur dans un événement de cette importance. Jeune, j’avais déjà ce truc-là : j’arrivais à être détendu et à monter à l’instinct…”, glisse le Tricolore.
Jeudi 2 août 1990. L’équipe de France s’impose devant l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Avec leurs coéquipiers, Bosty et Norton sont (déjà) sur le toit du monde.
1996 : la malédiction des Jeux olympiques d’Atlanta
À la fin du mois de juillet 1996, Roger-Yves Bost vit le rêve olympique pour la première fois à Atlanta, aux États-Unis. “Je me souviens encore de la cérémonie d’ouverture. Il y avait Mohamed Ali, la flamme olympique… Ce sont des moments importants.” Associé à Patrice Delaveau, juché sur Roxane de Gruchy, Alexandra Ledermann et son fidèle Rochet M ainsi qu’Hervé Godignon, aux commandes de Viking du Tillard, Bosty, en selle sur Souviens Toi III, doit se contenter d’une frustrante médaille en chocolat lors de la finale par équipe.
“Nous avons été déçus car nous avons terminé quatrièmes… à une barre près. Ce sont les lois du concours… Je devais faire un sans-faute en deuxième manche pour conserver nos chances de médailles et je l’ai fait. Souviens Toi était très en forme. Mais cela n’a pas suffi, et nous avons tout de même fini quatrièmes, derrière le Brésil.”
“La finale individuelle avait lieu trois jours plus tard, le 4 août. J’étais parmi les favoris mais mon cheval s’est blessé le jour de la finale par équipe. Il s’est fait une entorse en sautant la rivière lors de notre deuxième parcours. Il y avait eu un gros orage la veille, le sol était devenu très dur le jour de l’épreuve et malgré notre sans-faute, Souviens Toi s’est blessé. Il boitait le lendemain de l’épreuve et j’ai donc dû déclarer forfait. Il y a des moments comme cela. Ce n’était pas notre jour.”
À Herning, les planètes s’alignent
“J’avais initialement prévu de participer aux championnats d’Europe de Herning avec Nippon d’Elle, en 2013. Mais il s’est fait peur pendant une compétition à Rome quatre mois avant et il ne voulait plus sauter de triples. J’ai dû revoir mes plans et j’ai décidé d’envoyer Myrtille Paulois à Herning. C’était quasiment ma meilleure jument et je savais qu’elle pouvait participer à un championnat comme celui-ci.”
Myrtille et Bosty abordent l’échéance de la meilleure des manières, mais une fois encore, l’équipe de France termine au pied du podium. “Nous étions déçus d’avoir raté la médaille par équipe, mais j’avais été sans-faute à chacun de mes passages. Myrtille répondait présent, elle était en pleine forme et je pouvais lui demander ce que je voulais. Je conservais donc mes chances pour une médaille en individuel.”
Le 24 août 2013, le couple s’élance en finale. “Je ne me suis pas mis de pression avant l’épreuve. Je me suis dit ‘profite, reste décontracté, et on verra le résultat’. J’ai tout de suite eu de bonnes sensations à cheval. En deuxième manche, le dernier obstacle était un triple vraiment difficile pour ma jument puisqu’elle devait l’aborder sur sa mauvaise main. Mais elle l’a parfaitement sauté, c’était notre moment… Je me souviens encore deux mois avant la compétition, j’avais appris que Frank Rothenberger serait le chef de piste pour les championnats d’Europe et je me disais déjà que cela allait être dur pour Myrtille (l’Allemand a longtemps eu la réputation de construire des parcours massifs voire éprouvants pour les chevaux, ndlr), mais tout s’est très bien passé. Les obstacles étaient très hauts et les parcours très techniques, mais cela lui a parfaitement convenu.”
Double sans-faute en finale, Bosty n’a pas fait tomber le moindre obstacle de tout le championnat et s’offre son premier monument en individuel. “Quand j'ai franchi le dernier obstacle, je savais que j’avais gagné. Cela m’a un peu coupé les jambes ! Je réalisais à peine. Il y avait ma famille autour de moi qui me félicitait déjà et j’ai surtout caressé ma jument. J’ai cherché ma femme et j’ai appelé mes enfants. Cela m’a fait un choc, car je ne pensais jamais que j’allais gagner ce championnat. Je savais que j’avais mes chances mais il y a tellement de bons cavaliers en Europe qu’il faut vraiment que toutes les planètes soient alignées. C’est comme ça avec les chevaux. Parfois on est sur un nuage pendant quelques week-ends et il faut en profiter. C’est vraiment une histoire de couple, nous avons vécu un week-end parfait.”
2016 : Bosty et l’équipe de France à la conquête de l’olympe à Rio
Au milieu de l’été 2016, Roger-Yves Bost a cinquante et un ans. Le Francilien a quasiment tout gagné mais n’a jamais connu le bonheur d’une médaille olympique. Sélectionné pour les Jeux de Rio avec Sydney Une Prince et membre d’une équipe de France plus forte que jamais, Bosty sait qu’il a gros à jouer.
“Avec Pénélope (Leprévost), Kevin (Staut) et Simon (Delestre), nous avons vécu la désillusion des Jeux Olympiques de Londres, en 2012, et nous sommes arrivés à Rio plus soudés que jamais. Le cheval de Simon (Ryan des Hayettes, ndlr) s’est blessé, Philippe (Rozier) l'a remplacé (avec Rahotep de Toscane, ndlr) et la jument de Pénélope (Flora de Mariposa, ndlr) a eu des coliques. Il y a eu pas mal de perturbations mais nous sommes restés concentrés sur notre objectif. Nous étions quatrièmes à l’abord de la finale par équipe, mais tout restait possible. Philippe a fait un magnifique sans-faute, Kevin aussi, et j’étais le dernier à m’élancer. Je ne pouvais pas commettre de faute mais je pouvais me permettre un ou deux points de temps dépassé, sans compromettre une victoire de la France. J’ai donc décidé de prendre mon temps, de me concentrer sur chaque obstacle, et cela m’a permis de laisser toutes les barres sur les taquets au moment voulu.”
“En franchissant la ligne d’arrivée, j’ai eu un doute, qui n’a pas duré longtemps ! J’ai vu le staff de l’équipe de France en pleurs sur le bord de piste et j’ai compris que nous étions champions olympiques. Ensuite, tout va très vite. Il y a la remise des prix et nous célébrons la victoire avec les autres cavaliers français. J’ai particulièrement apprécié cette médaille, bien plus que celle obtenue aux championnats du monde en 1990. À vingt-cinq ans, on se dit que des médailles, il y en aura beaucoup d’autres. Tandis qu’à cinquante et un ans, on la savoure comme ci c’était la dernière. On se rend compte de ce qu’on a traversé, des hauts, des bas, et on profite.”
Photo à la Une : À Rio, Bosty et sa Sydney ont rayonné. © Scoopdyga