Notre site web utilise la publicite pour se financer. Soutenez nous en desactivant votre bloqueur de publicite. Merci !

“Pour être un bon cavalier de jeunes chevaux, il faut à la fois ne pas les dénaturer et leur apprendre les choses de la bonne manière”, Willem Greve (2/3)

Willem Greve pense le plus grand bien du remarquable Party In de Hus, huit ans.
Interviews mercredi 12 novembre 2025 Mélina Massias

Willem Greve fait partie de ces cavaliers instantanément qualifiés d’hommes de chevaux à la simple évocation de leurs noms. Franc, engagé et talentueux, le Néerlandais n’a plus quitté les sommets du saut d’obstacles depuis le début des années 2010 et son avènement aux rênes de l’attachant Carambole. Depuis, Zypria S, Grandorado*TN, Highway*TN et plus récemment Pretty Woman van’t Paradijs ont pris le relais et lui ont permis de disputer plusieurs grandes échéances avec la veste orange de son escouade nationale. Généreux dans ses échanges, éminemment passionné et enclin à partager des vidéos de celles et ceux qui seront peut-être ses futures stars, Willem Greve est un champion qui garde les deux pieds bien ancrés au sol. Conscient des réalités qui sont celles de la filière, proches des éleveurs et de ses propriétaires, celui qui a grandi entouré de chevaux - son père, Jan, vétérinaire ayant repéré de nombreux grands étalons, à l’instar de Voltaire - a tout de l’ambassadeur idéal pour le jumping. Rencontré dans les allées du CHI Longines Equita Lyon, le 31 octobre dernier, le jeune quadra à l’humour toujours bien senti s’est livré sur ses chevaux, ses derniers championnats, dont sa décision marquante aux Jeux olympiques de Paris, son système, l’élevage ou encore la formation des jeunes. Un entretien à découvrir en trois épisodes, dont voici le deuxième.

La première partie de cette interview est à (re)lire ici.

Comment se portent vos deux étalons Highway*TN et Grandorado*TN ?

Tous les deux vont bien ! Grandorado s’est très bien comporté à Calgary. À Barcelone aussi, mais je le sentais fatigué. Il a donc profité de trois ou quatre semaines de pause, où il a juste passé ses journées au pré, ce qui lui a permis de se ressourcer tant mentalement que physiquement. J’espère pouvoir concourir à Genève en décembre et si c’est le cas, il sautera sans doute là-bas. Highway, quant à lui, était deuxième du Grand Prix 3* de Leeuwarden fin octobre. Je suis dans une situation très agréable en ce moment, qui me permet de m’appuyer sur différents chevaux, entre Pretty Woman, Grandorado, Highway, Candy Luck (Comme Il Faut x Canturo, une compétitive jument de dix ans qui devrait prochainement retrouver la selle de sa propriétaire, Alessandra Volpi, ndlr) et quelques jeunes qui arrivent. De ce fait, je n’ai pas à mettre une pression trop forte sur seulement un ou deux chevaux. J’ai un bon piquet en ce moment, mais cela peut changer rapidement !

Highway, aussi attachant que généreux, est en pleine forme ! © Mélina Massias

Grandorado et Highway sont tous les deux des fils de votre ancien étalon Eldorado vd Zeshoek (Clinton x Toulon). Selon vous, que leur a-t-il transmis ?

Highway est extrêmement respectueux et se demande chaque jour ce qu’il peut faire pour son cavalier. Son éthique au travail est exceptionnelle. Il est motivé tous les jours, sans exception. Eldorado était pareil : il avait énormément de sang et demandait tout le temps de travailler. Highway a aussi un cœur immense et je sens que chaque fibre de son corps veut se battre pour moi. C’est un sentiment incroyable ! Je dirais que Grandorado est plus timide, réservé. Je ne sais pas d’où cela vient, peut-être du côté de son père de mère, Baloubet du Rouet. Ce n’est pas un bluffer : plus il saute, plus il se donne et mieux il saute. Il a effectué son meilleur parcours à Aix-la-Chapelle dans le Grand Prix, et il s’agissait de son cinquième tour de la semaine. Plus il va en piste, plus il est relâché et plus il montre ses qualités. C’est typique de Grandorado. Il dispose aussi de moyens colossaux et est très respectueux. Je crois qu’il a tout ! Highway et lui sont deux chevaux formidables. 

"Plus Grandorado va en piste, plus il est relâché et plus il montre ses qualités", souligne son cavalier, Willem Greve. © Mélina Massias

“Party In de Hus sera un vrai cheval de championnat”

Vous travaillez avec la famille Nijhof depuis un certain nombre d’années. Comment est né votre partenariat et quelle forme prend-t-il aujourd’hui ?

La collaboration entre les familles Greve et Nijhof ne date pas d’hier ! Mon père avait l’habitude de se rendre en France et en Allemagne avec Henk Sr. Nijhof. Ensemble, ils ont notamment découvert Voltaire et plein d’autres étalons. Mes écuries sont situées à seulement dix minutes de celles de la famille Nijhof. Je m’entends très bien avec Cameron et Henk Jr. Entre nous, c’est une situation gagnant-gagnant. Ils ont un large groupe de jeunes chevaux et de bons étalons. Je connais le sport et l’élevage, une facette de notre monde à laquelle je m’intéresse vraiment. Nous sommes propriétaires de quelques chevaux ensemble et ils me permettent d’en monter d’autres. Je dispose d’un bon carnet d’adresses aux Etats-Unis, ce qui est aussi un avantage pour le volet commercial. Pour toutes ces raisons, notre collaboration fonctionne très bien !

Au printemps, vous avez pris les rênes du prometteur Poker de Mariposa (Nabab de Rêve x Caspar, alias Berlin), prometteur étalon de dix ans, gagnant à 1,45m et vu jusqu’à 1,50m. Quels sont vos objectifs avec lui ?

Il y a eu du changement récemment : Poker va intégrer l’écurie de Marriet Smit-Hoekstra, qui n’a que For Chacco*TN (For Pleasure x Chacco-Blue, vainqueur du Grand Prix des Sires of the World à Lanaken en septembre, ndlr) pour le grand sport. Poker va être un super renfort pour elle. De mon côté, je vais prendre les rênes de Cero Blue*TN (Chacoon Blue x Balou du Rouet, dont la quatrième mère n’est autre que Fein Cera, ndlr), qui a huit ans. Dans mon piquet, Poker n’était que le numéro quatre ou cinq, alors qu’il sera le deuxième meilleur cheval de Marriet. Je vais pouvoir prendre le temps d’aguerrir Cero Blue, qui, je l’espère, pourra prendre le relais de mes deux étalons de tête d’ici quelques années ! Pour l’instant, l’idée est d’apprendre à le connaître et de disputer des épreuves à 1,40, 1,45m. 

Sans-faute dans son premier Grand Prix 2* avec Kars Bonhof, qui a récemment annoncé la fin de sa collaboration avec l'écurie Nijhof, Cero Blue*TN va continuer son évolution aux côtés de Willem Greve. © Dirk Caremans / Hippo Foto



Quid de l’étalon Selle Français de huit ans Hercule de Hus, alias Party In de Hus (Kannan x Coriano), qui semble pétri de qualités et prédestiné à un très bel avenir ?

C’est un cheval fantastique ! Il a une intelligence remarquable et sa perméabilité aux aides est absolument merveilleuse. Vraiment merveilleuse. Il a tout et pour moi, il sera un vrai cheval de championnat. En plus, il est facile et adorable. Mon beau-frère, Jules de Bruijn, l’a magnifiquement formé. Il lui a donné de l’expérience et cette très bonne écoute. J’ai acquis Party In pour moitié avec une propriétaire canadienne (Jennifer Delorme, ndlr). Notre premier concours ensemble a eu lieu à Peelbergen en juin. Il a signé trois sans-faute sur trois, puis nous sommes allés à Aix-la-Chapelle, où il a été super (ne concédant qu’une faute dans le Grand Prix final, ndlr), pour notre deuxième compétition. Il s’est aussi très bien comporté Oliva en octobre (se classant notamment cinquième d’une épreuve à 1,50m, ndlr). C’est vraiment un cheval charmant. 

Le Selle Français Party In de Hus a impressionné cette année, notamment sur la piste d'Aix-la-Chapelle. © Mélina Massias

Parmi vos autres jeunes chevaux, certains vous semblent-ils sortir du lot ?

Oui. Avec Matt Carrigan, mon super cavalier originaire d’Irlande qui est aussi une très belle personne, je crois que nous avons un bon piquet de jeunes chevaux. Nous nous attachons à les former au mieux. Certains seront vendus et d’autres continueront à évoluer sportivement un peu plus longtemps à nos côtés, mais nous essayons toujours d’avoir un bon effectif de montures d’avenir.

“J’aime pouvoir accorder toute mon attention à mes chevaux”

Ces quatre dernières années, vous n’avez plus participé aux championnats du monde des jeunes chevaux, une échéance dont vous avez pourtant régulièrement pris le départ par le passé. Y’a-t-il une raison particulière qui explique votre absence à Lanaken ?

Non, pas vraiment. L’an dernier ma compagne a participé à cette échéance et cette année mon cavalier était aussi de la partie. 

Que pensez-vous de ce rendez-vous d’une manière générale ?

Ces championnats sont organisés dans un cadre incroyable, où tout est pensé dans les moindres détails. C’est un vrai rendez-vous pour les éleveurs et pour le sport : tout le monde se réunit là-bas. En tant que cavalier et en tant que propriétaire, on doit être en mesure de déterminer si notre cheval est prêt pour affronter une échéance comme celle-ci. Il faut prendre ses responsabilités. La seule chose que je pourrais remettre en question est le barrage imposé aux chevaux de cinq ans. Cette année, cela n’a pas été une bonne promotion pour notre sport… À pied, on avait un peu l’impression que les chevaux étaient poussés, chassés et que ce n’était pas très fluide. Cela étant dit, je ne sais pas quelle pourrait être la bonne solution. Mais, chaque année, on voit des chevaux incroyablement talentueux à Lanaken. La qualité générale s’améliore à chaque édition. La finale des sept ans est dotée de 100.000 euros et propose un vrai parcours de haut niveau à 1,45m : c’est un championnat du monde ! Ce n’est pas qu’une exhibition : il faut être prêt pour y prendre part de la bonne façon.

À cinq, six et sept ans, Grandorado a disputé les championnats du monde de Lanaken avec Willem Greve. © Sportfot

Votre cavalier monte-t-il uniquement les jeunes chevaux ?

Non, nous avons toutes les classes d’âge jusqu’à sept et huit ans et il peut même lui arriver de monter des chevaux plus expérimentés. Nous sommes allés à Oliva avec onze chevaux, mais mes écuries sont plutôt petites. Je ne peux accueillir que dix-huit chevaux. J’aime procéder ainsi pour pouvoir accorder toute mon attention à mes montures. Je ne suis pas friand des productions de masse.

Selon vous, quelles qualités doit avoir un bon cavalier Jeunes Chevaux ?

Du sentiment. Je pense qu’il faut à la fois être très à l’écoute, ne pas dénaturer les chevaux et les laisser être eux-mêmes, tout en leur apprenant les choses de la bonne manière et en gardant un certain cadre. Le juste milieu se trouve sans doute entre les systèmes français et allemand ! 

Y’a-t-il assez de bons cavaliers de jeunes chevaux aujourd’hui ?

C’est tout le problème ! Il y a de nombreux bons chevaux, et on essaye constamment de faire progresser l’élevage, avec diverses techniques, comme l’ICSI ou les transferts d’embryons, mais il n’y a pas tant de cavaliers qui veulent monter des chevaux de quatre, cinq ou six ans et assurer leur formation. Ce n’est pas un métier facile. Quelqu’un qui se lance dans cette activité devra sans doute louer une douzaine de boxes dans une structure. Il faut payer cette location, la litière, la nourriture des chevaux, avoir un moyen de transport, etc. Et au bout du compte, malgré les huit ou neuf cents euros de pension versés par les propriétaires, il est difficile de bien gagner sa vie. Les cavaliers dépensent beaucoup d’argent, et les propriétaires aussi. Celui qui envoie la facture trouve qu’il ne touche pas assez, celui qui la reçoit aimerait qu’elle soit moins onéreuse. Trouver le bon équilibre n’est pas aisé. Je pense que les propriétaires sont prêts à mieux rémunérer les cavaliers à condition que le travail soit très bien fait.

"On essaye constamment de faire progresser l'élevage, mais il n'y a pas tant de cavaliers qui veulent monter des chevaux de quatre, cinq et six ans", analyse le Néerlandais. © Mélina Massias

La troisième et dernière partie de cet entretien sera disponible jeudi sur Studforlife.com…

Photo à la Une : Willem Greve pense le plus grand bien de son étalon Selle Français Party In de Hus. © Mélina Massias