À vingt-six ans, et après avoir disputé seulement cinq 5*, tous labellisés CSIO, Kars Bonhof aurait dû vivre ses premiers championnats d’Europe Sénior, à Milan. Véritable étoile montante de la bannière néerlandaise, le cavalier des écuries Nijhof peut compter sur son meilleur complice, Hernandez TN, dont il a gagné toute la confiance ces trois dernières années. Ambitieux et travailleur, le jeune homme est bien décidé à se maintenir parmi l’élite de son sport et rêve déjà des Jeux de Paris. Conscient de sa marge de progression, l’actuel numéro deux cent quarante-cinq mondial, qui peut compter sur un piquet fourni en jeunes talents, garde les pieds sur terre et poursuit sa route avec modestie et discrétion. Rencontre en deux épisodes.
La première partie de cet article est à (re)lire ici.
Débarqué dans les historiques écuries Nijhof, fondées en 1916 et largement implantées dans le paysage équestre, aux Pays-Bas et dans le monde entier, au printemps 2020, Kars Bonhof n’a le temps de disputer qu’un concours, à Royan, en mars, avant que la pandémie de Covid-19 ne s’en mêle. Qu’importe, cela n’a pas freiné l’ambitieux cavalier, bien décidé à saisir cette opportunité à pleines mains. Travailleur et déterminé, Kars Bonhof a trouvé une routine qui semble parfaitement lui convenir, entre jeunes chevaux et grand sport. “En général, le rythme de travail est tout à fait gérable. J’ai environ seize chevaux sur ma liste, mais cela comprend aussi des jeunes de quatre ans, par exemple. Nous commençons à monter dès huit heures chaque matin et finissons aux alentours de 16h30. Cela dépend en fonction des journées et du nombre de chevaux à faire travailler, mais globalement, mes journées ressemblent à cela à la maison”, décrit-il.
Former un couple
Au-delà de la valorisation des jeunes étalons stars de la maison Nijhof, Kars a fait une arrivée remarquée au plus haut niveau ces derniers mois, notamment grâce à un certain Hernandez TN, son cheval de tête. “Je me souviens de la première fois que je suis venu aux écuries, pour visiter. Nous marchions dans l’allée des boxes, en passant devant les chevaux. Hernandez était là. Je l’ai regardé et j’ai vu qu’il n’avait qu’un œil ! Je me suis demandé ce que c’était que ça ! (rires) Je n’avais jamais vu de cheval énucléé avant, mais on m’a dit qu’il était un très bon cheval, qu’il était un peu spécial et sensible depuis la perte de son œil et qu’il avait besoin d’être en confiance. Et puis, par la suite, j’ai commencé à le monter”, retrace le Néerlandais de vingt-six ans. “Dès le départ, il était l’un de mes chevaux d’âge. Je n’avais que deux huit ans lorsque je suis arrivé, dont Hernandez. Il a donc toujours été le numéro un de mon piquet. Nous avons commencé très doucement, sur des parcours à 1,20, 1,30m, juste pour apprendre à se connaître. J’ai gagné sa confiance pas à pas. Hernandez a toujours eu toute la puissance et les qualités nécessaires, il avait simplement besoin de prendre de l’assurance. Il est très franc et a un super mental. Ce cheval fait toujours de son mieux, c’est incroyable. Bien sûr, ses moyens et son respect font partie de ses principaux atouts. Il peut tout sauter ! C’est un cheval très gentil. Comme c’est un étalon, il peut lui arriver d’hennir un peu, mais il n'attaquera jamais un autre cheval, ni n'essaiera de mordre. Il ne ferait pas de mal à une mouche ; c’est un amour.”
Quatrième de l’épreuve reine du 4* de Hohenkirchen et d’une épreuve à 1,55m au CSI 3* de Munich après deux doubles sans-faute, un peu malchanceux à La Baule, de nouveau quatrième dans le Grand Prix CSIO 5* de Rotterdam, double sans-faute dans la Coupe de Falsterbo et huitième du temps fort dominical associé, le fils de Kannan et son pilote ont répondu aux attentes de Jos Lansink, qui leur prodigue parfois quelques conseils techniques. “Au sein des écuries de sport de Nijhof, il n’y a que moi et notre cavalier jeune chevaux. La plupart du temps, je m’entraîne donc tout seul, mais il m’arrive d’aller chez Willem Greve. Il travaille évidemment en étroite collaboration avec la famille Nijhof, puisqu’il monte les étalons Grandorado et Highway (avec qui il sera d’ailleurs de la partie à Milan, ndlr). Il n’est qu’à quinze minutes de chez nous. Nous discutons pas mal à propos des chevaux et des concours. Comme Jos est notre chef d’équipe, il m’arrive aussi d’aller m’entraîner chez lui, afin d’avoir une opinion et un regard différent de la part d’un coach fantastique, qui a toute l’expérience et les connaissances nécessaires”, ajoute Kars.
L’avenir en ligne de mire
Bien entouré, les pieds sur terre et déterminé, le jeune Néerlandais qui a gravi les échelons sans faire de bruit a toutes les cartes en main pour se faire entendre dans les années à venir. Légitimement, Kars nourrit de grandes ambitions, qu’il se donnera à coup sûr les moyens de réaliser. Lorsqu’on lui demande quels sont ses qualités et, a contrario, ses défauts, le garçon laisse échapper un rire, avant de prendre quelques instants de réflexion. “Je crois que je gère bien la pression. Cela ne me perturbe pas vraiment. Sinon, je ne sais pas. Je dois encore travailler sur mon équilibre et tout le reste. Je n’ai que vingt-six ans. Tout doit s’améliorer ! (rires) Je ne suis pas parfait”, analyse-t-il, avec un brin de perfectionnisme (presque) dissimulé.
Pas décidé à s’arrêter en si bon chemin, Kars a, en plus, un excellent vivier de jeunes chevaux à sa disposition. S’il est difficile de faire sortir un, ou deux, individus d’un lot exceptionnel choyé par la famille Nijhof, impossible de ne pas évoquer le très styliste Dorian Grey TN et Poker de Mariposa, pour qui son cavalier semble avoir un petit faible. “Poker est évidemment issu d’une lignée très célèbre, notamment en France. Flora de Mariposa a fait beaucoup de grandes choses. Poker est un fils d’Ilena de Mariposa, une fille de Berlin et Flora qui a été montée par pas mal de cavaliers en France. Poker est l’un de mes jeunes les plus prometteurs. Il a huit ans et a déjà disputé quelques épreuves à 1,45m en début d’année. Il est très populaire en tant qu’étalon, alors il n'a plus vraiment concouru depuis le mois de mai. Il s’est concentré sur la reproduction cette année, mais le plan est de faire davantage de sport en 2024. Poker a un super caractère. Parfois, il a un peu son propre style de saut et n’est pas toujours le plus démonstratif du monde, mais ses statistiques parlent pour lui. Il est presque toujours sans-faute. Il est aussi capable d’être rapide quand il le faut. Si tout se passe bien et qu’il reste en bonne santé, j’espère qu’il sera mon prochain cheval de championnat”, loue le Néerlandais. “Dorian, lui, est très tape à l'œil. Il est d’un respect infini, magnifique et très dans le sang. Sa qualité est incroyable. L’avenir nous dira jusqu’où il ira !”
Grâce au fonctionnement des écuries Nijhof, qui combinent élevage et sport, les deux étalons sont sûrs, ou presque, de rester sur place. “Lorsque les étalons sont populaires pour la reproduction, ils ne sont pas vendus. C’est appréciable. Après, il faut trouver le bon équilibre entre les saillies et le sport. C’est parfois délicat, mais la famille Nijhof veut aussi performer dans le sport. Il n’y a pas que l’élevage. Lorsque les étalons ont fait leurs preuves en compétition, cela les rend aussi plus intéressants aux yeux des éleveurs. Tout est lié”, souligne Kars.
Questionné sur ses passions, en dehors de celle qu’il nourrit chaque jour pour les chevaux, le Néerlandais confie aimer faire de la moto. Un hobby qu’il pourrait donc partager avec Julien Epaillard ou Grégory Cottard, deux champions tricolores. Mais ce n’est pas tout. “Je n’ai pas beaucoup de temps libre ! (rires) Mais sinon, j’aime voir les jeunes chevaux sauter en liberté. Nous en avons plein à Nijhof, et j’en ai fait naître quelques-uns moi-même, pas Poker, Dorian et Cero Blue. C’est toujours amusant de les voir fonctionner en liberté puis de comparer cela à leur comportement sous la selle quelques années plus tard”, révèle Kars Bonhof. Une chose est sûre, le Hollandais, qui n’a pas fini de faire parler de lui, est un vrai mordu.
Photo à la Une : Kars Bonhof et Poker de Mariposa, un petit-fils de la grande Flora de Mariposa. © Sportfot