À vingt-six ans, et après avoir disputé seulement cinq 5*, tous labellisés CSIO, Kars Bonhof aurait dû vivre ses premiers championnats d’Europe Sénior, à Milan. Véritable étoile montante pour la bannière néerlandaise, le cavalier des écuries Nijhof peut compter sur son meilleur complice, Hernandez TN, dont il a gagné toute la confiance ces trois dernières années. Au-delà de ce premier rendez-vous, le jeune homme, ambitieux et travailleur, est bien décidé à se maintenir parmi l’élite de son sport et rêve des Jeux de Paris. Conscient de sa marge de progression, l’actuel numéro deux cent quarante-cinq mondial, qui peut compter sur un piquet fourni en jeunes talents pour poursuivre son ascension, garde les pieds sur terre, avec modestie et discrétion. Rencontre en deux épisodes.
Kars Bonhof avait prévu pas moins de deux concours la semaine passée : les incontournables championnats néerlandais des jeunes chevaux, ainsi que le CSI 2* de Peelbergen, son dernier rendez-vous avant Milan. Rattrapé par la réalité, le jeune homme a finalement concentré ses efforts sur le premier événement, mais l’anecdote en dit long sur sa détermination. Chez la nouvelle pépite des Oranje, il n’y a pas de fausse modestie, ni de stress inutile. Kars Bonhof est ambitieux, mais pas utopiste. Il voit grand, rêve des Jeux de Paris, mais surtout travaille en conséquence, sans toutefois brûler les étapes. Depuis trois ans et demi, et son arrivée au sein des écuries de la famille Nijhof, le cavalier de vingt-six ans, qui a disputé son premier CSI 5* en juin 2022, a gravi les marches vers le haut niveau quatre à quatre, avec une sérénité, un naturel et une décontraction impressionnants. Alors qu'il aurait dû se rendre à Milan, pour son premier championnat d'Europe Sénior, lui et son Hernandez TN, né Hamilton Leva WD, ont finalement déclaré forfait, à la dernière minute ou presque.
“L’an dernier, Hernandez a fait pas mal de concours. Il s’est fait une place dans les Coupes des nations CSIO 3* du circuit de la Fédération équestre européenne, puis j’ai eu l’occasion de participer à deux CSIO 5*, à Rotterdam et Dublin. Comme il avait beaucoup donné, tout en faisant la monte en parallèle, nous lui avons accordé une bonne pause cet hiver, pour qu’il puisse se détendre, et être frais et heureux avant d’attaquer 2023. Il a très bien récupéré et cela a bien fonctionné. J’ai fait un concours en indoor puis nous sommes allés directement en Espagne, à Vejer de la Frontera. Lors de la dernière semaine de concours, il a enchaîné les sans-faute dans les trois épreuves majeures, et était double sans-faute dans le Grand Prix. Depuis, il n’a fait que s’améliorer. Je ne dirais pas que je m’attendais à une telle saison, mais je l’espérais, oui. (rires). Jusqu’à maintenant, cela a été une bonne année”, sourit Kars Bonhof.
Désormais, l’objectif italien est clair pour le jeune espoir du clan néerlandais. “J’ai pris part à deux championnats d’Europe, en Junior et Jeune cavalier. L’ambiance et la pression qu’implique un championnat sont différentes des concours normaux. Il faut avoir cette expérience, même si en Sénior, c’est un autre niveau, un autre monde. Ce sera une première pour moi. Bien sûr que j’espère décrocher une médaille, mais je ne m’attends pas à cela. Je veux avant tout prendre de l’expérience. C’est une opportunité fantastique à un an des Jeux olympiques", déclarait-t-il, mardi 15 août, neuf jours avant de renoncer. "Hernandez et moi avons enregistré de bons parcours, ce qui est bénéfique pour les années à venir. Les Jeux de Paris sont forcément quelque chose auquel on pense, même si y accéder sera difficile avec le format à trois cavaliers. Nous avons un groupe très fort aux Pays-Bas. Harrie, Jur, Willem, Maikel et les autres sont toujours en forme. Ce ne sera pas simple, mais je vais essayer de me faire une place et croiser les doigts. Surtout, il faut que les planètes s’alignent et que tout le monde reste en forme !” Le tableau est posé.
“Je n’étais pas heureux à l’école”
Kars Bonhof, vingt-six ans, débute son aventure équestre lorsqu’il n’est encore qu’un jeune garçon, à poney, comme n’importe quel enfant de son âge. Déjà travailleur, le pilote se hisse parmi l’équipe nationale, et dispute quelques Coupes des nations pour les Pays-Bas, sans toutefois décrocher de qualification pour les Européens. Une fois ses années à poneys révolues, Kars passe à cheval. “Le cap des épreuves Juniors a été un peu difficile. Cela m’a pris quelque temps pour atteindre le haut du panier dans cette catégorie. J’ai participé aux Européens Juniors de Wiener Neustadt (en 2015, ndlr) puis à ceux de Fontainebleau, trois ans plus tard, cette fois en Jeunes Cavaliers. Après quoi, je suis passé en Séniors (rires)”, résume sobrement le Néerlandais.
Somme toute classique, son parcours n’a pas été influencé par un grand nom. “Mes parents montaient un peu à cheval, mais pas à haut niveau. Ils ne vivaient d’ailleurs pas des chevaux et avaient des emplois classiques dans la vie de tous les jours. Les chevaux étaient simplement une passion pour eux”, retrace Kars. “Mon oncle du côté de mon père a entraîné les équipes poneys pendant un temps, mais c’était quelque chose d’assez éloigné de moi. Je ne l’ai rencontré que lorsque j’avais quatorze ou quinze ans ! (rires)” Au fil du temps, le jeune homme s’imagine bien faire carrière dans les chevaux. “Lorsque j’ai eu seize ou dix-sept ans et que j’ai commencé à avoir un peu de succès à cheval, cela m’est apparu comme une possibilité”, note-t-il. Malgré tout, Kars poursuit ses études. “J’ai passé un an à l’Université de Windesheim, à Zwolle, une assez bonne école. J’y ai étudié l’économie, mais je n’étais vraiment pas heureux à l’école. Les équipes enseignantes n’étaient pas très flexibles non plus. De fait, reprogrammer les examens n'était pas facile, surtout que je faisais partie de l’équipe Juniors de jumping en parallèle. Lors de mes premiers championnats d’Europe, j’ai manqué toute une semaine d’examens. Il n’y avait aucun espoir que je puisse les repasser un autre jour, alors j’ai claqué la porte et suis parti dans les chevaux. (rires) Les chevaux sont une façon particulière de vivre !”, s’amuse l’intéressé, avec le naturel qui semble bien le caractériser.
Guidé dans ses jeunes années par Hans Horn, Kars a également progressé auprès de Jürgen Stenfert. “J’ai pris part à quelques Coupes des nations pendant mes années chez Jürgen, mais les écuries étaient avant tout tournées vers le commerce. Après cette expérience, je suis parti aux écuries Sham, anciennement Eurocommerce. L’endroit venait d’être vendu aux enchères. Les nouveaux propriétaires avaient des chevaux pour le plaisir. J’y suis resté un moment, pendant quatre ans. J’ai évolué jusqu’en CSI 3*, mais à chaque fois qu’un cheval atteignait ce niveau, il finissait par être vendu. À la fin, cela ne collait plus vraiment”, complète-t-il. En 2020, le Néerlandais croise alors la route de la famille Nijhof, dont le point de base est établi à seulement dix minutes de son ancien lieu de travail.
Un nouveau départ salvateur
“Je connais Cameron, le fils du patron des écuries. Nous avons un petit club de foot dans le coin, où grosso modo seuls les gens du monde du cheval se retrouvent pour jouer au foot chaque dimanche”, s’amuse Kars. “Le cavalier des écuries étant parti, la famille Nijhof m’a contacté pour savoir si cela m’intéressait. J’y suis allé une fois, pour les rencontrer et voir comment leur écurie fonctionnait. Au départ, je dois dire que je n’étais pas très emballé par l’idée de monter des étalons dans le sport. Je suis avant tout un sportif, et les étalons ne sont pas toujours les plus simples à gérer. Tout le monde était très sympa, les écuries étaient bien pensées et les jeunes étaient prometteurs. Alors, je me suis dit que cela valait le coup d’essayer. Depuis, tout n’a fait qu’aller crescendo.”
La seconde partie de cet article est disponible ici.
Photo à la Une : Kars Bonhof et Hernandez TN survolent la rivière de La Baule. © Mélina Massias