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“Nous aimons les chevaux à la personnalité affirmée et les encourageons à l’exprimer”, Denise Moriarty (2/2)

Denise Moriarty, Kent Farrington et leurs montures forment un trio de choc.
Interviews samedi 20 décembre 2025 Mélina Massias

Derrière la folle année de Kent Farrington, qui a remporté pas moins de neuf Grands Prix 5*, dont sept avec sa seule Contina 47, alias Greya, pour près de deux millions et demi d’euros de gains, se cache toute une équipe, dont la cheffe de file se nomme Denise Moriarty. Au fil des années, l’Irlandaise a choyé Uceko, Gazelle Ter Elzen, Voyeur, Creedance, Austria 2, et prend désormais le plus grand soin de Greya, Toulayna van het Bloesemhof et leurs comparses. Depuis plus d’une décennie, la trentenaire arpente le monde aux côtés de montures de talent. Après avoir déjà goûté au rang de numéro un mondial de mai 2017 à mai 2018, son cavalier a retrouvé le sommet de la hiérarchie mondiale cette saison. L’occasion d’en apprendre plus sur le parcours de la sympathique et inépuisable groom ainsi que sur sa vision des choses.

La première partie de cet article est à (re)lire ici.

Questionnée sur les évolutions qu’elle souhaiterait voir aboutir pour faciliter ses conditions de travail et celles de ses collègues, la groom a des idées claires et accessibles. “J’aimerais déjà voir les horaires être améliorés, tout comme les installations, qui ne sont pas toujours idéales pour nous en concours. C’est toujours agréable d’avoir des écuries sécurisées et propres, avec des espaces adéquats pour doucher les chevaux. Sur ce point, il est important d’avoir plusieurs zones disponibles, afin qu’il n’y ait pas vingt chevaux qui attendent leur tour après une épreuve. Ce sont de petites choses que les organisateurs peuvent mettre en place, sans que cela leur coûte trop d’argent, et qui font une grande différence pour nous et nous rendent la vie plus facile. La nourriture est aussi un point très important. Lorsque celle-ci est accessible pour nous, et que nous n’avons pas à traverser tout le concours pour en trouver, cela nous change la vie ! Ces petites choses sont capitales pour nous”, développe Denise, qui souligne aussi que la majorité des événements ont évolué dans le bon sens au fil des années. Trouvant aussi crucial d’avoir une voix dans le milieu, la bonne fée des montures du numéro un mondial ajoute : “La plupart des stewards que j’ai rencontrés et avec lesquels je suis en contact, notamment en Amérique, sont tous très ouverts. C’est important qu’ils soient accessibles et prêts à nous aider ou à répondre à nos interrogations. On ne peut pas travailler les uns contre les autres.”

Au fil des années, Denise Moriarty a vu les conditions de travail des grooms s'améliorer sur les terrains de compétition. © Sportfot


Retour au sommet

Forte de son expérience, Denise est devenue bien plus qu’une groom au sein du système Farrington. Pièce maîtresse de l’engrenage bien huilé que pilote le numéro un mondial, l’Irlandaise, un brin modeste et de peu de mots, assure bien plus que le seul bonheur de ses complices à quatre jambes en compétition. “Je supervise beaucoup de choses autour des chevaux de sport de Kent. J’organise les transports, la venue du vétérinaire ou du maréchal-ferrant, et je m’implique aussi au quotidien, à la maison, que ce soient pour les sorties au paddock, au marcheur, ou pour les séances montées, etc”, minimise à peine celle qui dit ne plus autant monter à cheval qu’avant. 

Cette année, la trentenaire a vu son cavalier retrouver le rang de numéro un mondial. Une réussite à laquelle elle et toute l’équipe qui l’entoure ne sont évidemment pas étrangers et qu’il faut savoir profiter. “C’est un chouette sentiment. Nous en sommes très fiers. C’est agréable de retrouver cette place et de la conserver un petit peu ! Je pense que nous pourrons même la garder encore un peu. Cela montre que le travail paie. Être de retour au sommet est un honneur”, sourit Denise. “Nous avons un bon groupe de jeunes chevaux qui progressent bien. Nous sommes venus en Europe avec un petit piquet (composé de quatre chevaux, ndlr). Lorsque nous sommes rentrés aux Etats-Unis, ces montures-là ont eu une pause et les jeunes, notamment les neuf ans, ont eu l’opportunité de franchir un nouveau cap. Ils ont tous été excellents cet été !”

Greya a connu une saison exceptionnelle de réussite cette année, principalement sur le continent américain. © Mélina Massias

Avec sept et deux victoires en Grands Prix 5*, et de nombreux classements supplémentaires, il faut dire que Contina 47 (Colestus x Contender), alias Greya et Toulayna van het Bloesemhof (Toulon x Parco) ont donné l’exemple à leurs cadets. Les deux locomotives des écuries Farrington ont été époustouflantes. La première s’est imposée au plus haut niveau à Wellington, par deux fois en février, à Lexington, Traverse City, trois fois, et Genève. Elle s’est aussi classée à Madrid et Tryon, et s’est offert une autre victoire floridienne à Wellington, dans le temps fort d’un CSI 4*. Toulayna, sa conscrite de onze ans, a, elle, brillé à Thermal et Greenwich au niveau 5*, mais aussi à Ocala à deux reprises, à l’occasion de deux Grands Prix 4*. Son palmarès 2025 se complète de nombreuses places d’honneurs au plus haut niveau : sixième à Arcadia, cinquième à Bois-le-Duc, deuxième à Ramatuelle, Rockwood et Genève pour la finale du Top Ten Rolex IJRC, sans oublier son honorable apparition dans la Coupe des nations d’Aix-la-Chapelle (0+4). 

Forcément, ces deux stars n’ont plus de secrets pour Denise. “Ce sont deux vraies dames. Elles ont les idées bien arrêtées et sont légèrement gâtées”, avoue l’Irlandaise dans un sourire. “Elles ont beaucoup de caractère, mais c’est une bonne chose. Nous aimons les chevaux à la personnalité affirmée. Nous les encourageons tous à l’exprimer. Toutes deux ont beaucoup de combativité en elles et elles le montrent en piste. Toulayna peut se montrer très grincheuse, mais elle n’est en rien méchante. On pourrait pourtant le penser quand on va la voir dans son box ! Greya a toujours les oreilles en arrière, mais c’est son truc à elle. Dans le fond, ce sont deux juments très douces, mais elles restent des juments. Lorsqu’elles sont fatiguées ou grognons, il faut les laisser tranquilles. Ce sont des super stars !”

Avec Toulayna van het Bloesemhof et Contina 47, alias Greya, Denise Moriarty a entre les mains deux juments d'exception. © Mélina Massias



Un crack en chasse un autre, mais la ferveur demeure

En plus de Greya et Toulayna, Horafina (For Fashion x Canturo) a aussi joué son rôle cette saison sur la scène sportive, en remportant quatre épreuves internationales à 1,50m, … et dans le cœur de sa soigneuse. “Nous avons beaucoup de juments, beaucoup de filles !”, s’amuse Denise. “Elles sont toutes géniales. Je pense notamment à Orafina, qui est restée à la maison. Elle a treize ans et a été géniale pour nous. Nous choisissons avec soin les concours auxquels elle participe, mais elle n’est pas moins une super star à nos yeux !” Et d’ajouter : “Nous avons beaucoup de très bons chevaux qui arrivent à maturité. Ils commencent à vraiment exprimer leur caractère et ce sera très intéressant de voir jusqu’où ils iront.” 

La toute bonne Horafina, selon son nom de naissance, ou Orafina selon son nom actuel, est aussi très appréciée par sa soigneuse. © Sportfot

Parmi eux, se trouvent les prometteurs Selle Français Grass de Mars (Windows vh Costersveld, alias Cornet Obolensky x Dollar dela Pierre), déjà gagnante à 1,55m et dans le Top 10 de sa génération par les gains ainsi que Gary de Brekka (Windows vh Costersveld x Quincy, alias Quaprice Bois Margot), alias Garrisson, neveu des pépites Ratina, Viking et Crack d’la Rousserie, qui a très vite progressé et sauté son premier Grand Prix 5* fin octobre. Il convient aussi de citer Diakatisa PS (Diaron x Stakkatol), une prometteuse jument de huit ans, tout comme Budak’s Casina Berlin (Casino Berlin x Uccelo), qui n’a pour l’heure qu’une toute petite expérience, tandis qu’il faudra garder un œil sur Casimiro PS (Casall x Clarimo), issu de la souche de l’étalon Mighty Magic, et le très bien né Namose VLS, alias Vixen (Balou, alias Carrera VDL x Chin Chin), tous deux âgés de sept ans en 2025 et déjà vus sur la scène nationale avec leur propriétaire et cavalier, Kent Farrington. 

Grass de Mars fait incarne la relève de l'écurie Farrington. © Sportfot

Cette année, Denise Moriarty a aussi veillé sur Happy Hour 22 (Crunch 3 x Quadros 3), alias Myla, vendue depuis peu. Comme Crack de Nyze (Comilfo Plus x Quadrillo), alias Landon de Nyze, avant elle, la belle est partie vers d’autres horizons. En près de quinze ans, la groom originaire de l’île d’Emeraude a dû composer avec ces départs, mais aussi les retraites bien méritées de celles et ceux qui ont autrefois rythmé ses jours et ses nuits. “Il y a eu Uceko, Gazelle, Voyeur, Creedance, Austria…”, énumère-t-elle. “Ils ont tous été fabuleux, tous. C’étaient des cracks ! Ils étaient tous uniques, avec leurs propres caractères, leurs propres forces et faiblesses. Je les revois parfois et c’est très chouette. Nous avons beaucoup de chance avec Kent, car il est toujours très juste envers ses chevaux. Lorsqu’il sent que ses chevaux ne sont plus tout à fait eux-mêmes, ou qu’ils sont un peu plus à la peine pour sauter, il sait très bien dire stop et leur offrir une belle retraite au pré tant qu’ils sont encore en pleine forme et heureux. Nous nous assurons toujours que ces chevaux qui nous ont tant donné sont choyés durant leur retraite. Et puis, évidemment, certains de nos anciens complices sont vendus. Cela fait partie de notre métier. C’est triste de les voir partir, mais il y aussi de belles histoires derrière ces départs. Par exemple, Landon, que nous avons vendu en début d’année, vient de remporter une épreuve majeure en Californie (une compétition à barrage à 1,55m jouée lors d’un CSI 5* à Thermal jeudi 11 décembre avec Mark Bluman, ndlr). C’est génial de les voir réussir ! On a envie de les voir s’épanouir dans leurs nouveaux chez eux.” 

En plus d'une décennie, Denise Moriarty a vu de nombreux cracks être vendus ou prendre leur retraite, comme la géniale Gazelle Ter Elzen. © Sportfot

Semblant avoir trouvé la formule qui lui convient, Denise Moriarty semble partie pour continuer à vivre sa passion sans lassitude pendant de longues années. Elle se laisse d’ailleurs volontiers aller à une projection. Dans dix ans, “je ne me déplacerai sans doute plus autant en concours, mais je serai assurément toujours en lien avec les chevaux”, assure-t-elle avec conviction. À n’en pas douter, le numéro un mondial ne serait pas contre compter sur son bras droit encore un bon bout de temps.

Passionnément passionnée, l'Irlandaise ne se voit pas travailler et vivre loin des chevaux. © Sportfot

Photo à la Une : Denise Moriarty, Kent Farrington et leurs montures forment un trio de choc. © Mélina Massias