Pour Hunter Holloway, la route vers les sommets de son sport semblait presque toute tracée. Pratiquement née sur un cheval, au sens littéral du terme, la jeune femme a connu une ascension constante et rapide, qui l’a menée, il y a dix jours, vers le plus beau résultat de sa carrière : une troisième place en finale de la Coupe du monde Longines. Passionnée, la native de Kansas semble déjà avoir vécu mille vies tant sa maturité et sa capacité à mener de front sa carrière, ses activités de coaching, son élevage et le business de ses écuries sont remarquables. Mais qui est vraiment cette jeune femme d’à peine vingt-six ans, qui a impressionné tout le monde par sa qualité d’équitation, sa détermination et sa volonté à toute épreuve dans le Nebraska ? Eléments de réponse.
À douze ans, lorsque les enfants de son âge goûtent aux premières joies de la compétition, Hunter Holloway affronte ses premiers parcours à 1,45 et 1,50m et décroche son premier Grand Prix national, doté de 25.000$. Treize ans plus tard, sa troisième place lors de la finale de la Coupe du monde Longines d’Omaha n’est, de fait, pas une surprise en soi. Sa maturité, son assurance et son talent n’ont définitivement pas attendu le nombre des années. À vingt-cinq ans, la jeune femme est sûre d’elle, sans toutefois dégagée la moindre once ni de suffisance ni de prétention. Son ascension, elle la doit à un environnement propice au progrès, certes, mais surtout à son abnégation et sa farouche volonté de réussir.
“J’ai grandi dans le monde des chevaux. Ma maman était cavalière et est entraîneur professionnelle et m’a encadrée durant mes années Juniors. La veille de ma naissance, elle est d’ailleurs tombée de cheval ! Si jamais quelqu’un se demande ce qui ne va pas chez moi, on jette la faute sur cet incident”, entame avec amusement la native du Kansas dans la narration de sa jeune carrière. “J’ai donc plus ou moins grandi sur le dos d’un cheval. Je n’ai jamais rien connu d'autre que cet univers. Et puis, je crois que j’ai toujours été un peu stupidement courageuse. Je n’ai jamais craint la hauteur d’un obstacle, ni de la technicité d’un parcours. Toute jeune, j’attaquais déjà les tracés tout en m’amusant. J’adore ce que je fais. Qu’est-ce que je fais pour m’amuser ? Je monte à cheval. J’aime simplement tous les aspects du sport.” Le ton est donné.
La rage de vaincre
Implantée sur le continent américain, entre les écuries familiales de Topeka et un second point de chute en Floride, Hunter Holloway n’a rejoint l’Europe qu’à deux reprises pour concourir à l’international. Une fois en juin 2014, pour un CSIO Jeunes Cavaliers, où elle faisait notamment équipe avec Wilton Porter, et Adrienne Sternlicht, médaillée d’or avec l’équipe nationale états-unienne lors des derniers Jeux équestres mondiaux de l’histoire, à Tryon, en 2018 avec la remarquable Cristalline et de quatre ans son aînée, puis une deuxième en avril 2021, pour la finale de la Coupe du monde Longines de Leipzig, la première de sa carrière. Déjà très remarquée dans ses jeunes années en Equitation - une forme de hunter propre aux Etats-Unis -, la jeune Américaine collectionne déjà les médailles et trophées. “Je pense que cette expérience a été un grand atout pour moi dans les fondamentaux de mon équitation. D’une certaine façon, les échéances de cette discipline nous apprennent à gérer la pression des grands événements, telles les finales de la Coupe du monde ou les Coupes des nations”, analyse-t-elle. “J’essaie de faire de mon mieux pour monter et m’adapter à chaque cheval. Chaque individu est différent et j’essaye de les laisser évoluer dans leurs styles respectifs. Je m’attache aussi à être aussi juste que possible dans mon équitation.”
Une dose de perfectionnisme et, après une seizième place des plus encourageantes pour une première tentative, voilà Hunter Holloway sur la troisième marche du podium de sa deuxième finale mondiale, à Omaha, à deux heures de ses terres natales, derrière deux des plus grands noms de la discipline, von Eckermann et Smolders. “C’était effectivement une bonne compagnie ! Cela peut difficilement être mieux (rires). Mais je prends le départ de chaque épreuve pour gagner. C’est mon état d’esprit, que ce soit une idée capillotracté ou un objectif réaliste. Je rentre en piste en pensant évidemment à bien monter dans un premier temps, mais un bon résultat vient d’un bon parcours, non ? Cela va de pair. J’étais ravie de ma performance à Omaha, je ne pouvais guère être plus heureuse”, sourit la jeune femme. “Mes deux expériences en finale de la Coupe du monde étaient très différentes, même s’il s’agit en soit du même événement. Pour ma jument et moi, Leipzig était notre premier grand championnat. Je crois en elle de tout mon cœur, mais faire quelque chose pour la première fois est toujours un peu plus stressant. À Leipzig, tout était nouveau. Une fois l’événement achevé, je me suis dit ‘ok, on recommence l’année prochaine, et on fera mieux. Voilà toutes les choses sur lesquelles nous pouvons progresser. L’entraînement commence maintenant.’ Cette année, je suis arrivée en sachant à quoi m’attendre. J’ai pu un peu mieux me préparer et je me sentais globalement plus confiante, parce que je l’avais déjà fait et ma jument aussi.”
Pepita Con Spita, une pépite parmi les pépites
Sa jument, justement, a marqué grand nombre d’observateurs lors de ses deux premiers championnats. Pepita Con Spita, douze ans, a vu le jour en Westphalie, chez Christiane Humburg. Un an auparavant, sa mère, Pamina, donnait vie à Checker 47, complice de Christian Kukuk, dans les prés de Wolfgang Kipp. Avant de croiser la route de son binôme en 2019, la fille de Con Spirit, étalon monté par Daniel Dassler, passe quatre années dans les écuries de l’Allemand. Céline Schradik et Toni Hassmann assurent sa formation, avant de passer le flambeau à la Belge Mélanie Gelin. Au Plat-Pays, la grise, qui combine les sangs de Cornet Obolensky (né Windows vh Costersveld, Acorado I, Come On, Baloubet du Rouet et Pilot, ne passe pas inaperçue. Fred van Straaten, cavalier établi aux Pays-Bas la repère, envoie une vidéo à son amie Hunter et lui assure avoir un bon feeling sur cette grise, qui n’a alors disputé qu’une poignée de parcours à 1,45m sur la scène internationale. “Je pense que tu dois la voir”, lui assure le pilote. Et le Batave ne s’y trompe pas.
“Je suis tombée amoureuse de Pepita dès que j’ai vu une vidéo d’elle. Je me suis juste dit qu’il me fallait cette jument (rires). C’était juste l’un de ces moments où toutes les planètes s’alignent. J’ai pu me rendre sur place, m'asseoir sur son dos, et je suis tombée encore plus amoureuse d’elle”, se remémore Hunter. “Je ne savais pas qu’elle deviendrait le cheval qu’elle est aujourd’hui. Evidemment, on en rêve toujours et on l’espère, mais pour un cheval de son calibre, je crois qu’on ne sait jamais vraiment de quoi ils sont capables avant qu’ils le prouvent ne tenant la pression dans des environnements stressants comme ceux d’une finale de la Coupe du monde, par exemple, où l’ambiance est forte. Et Pepita adore cela ! Cela ne fait que bonifier son talent. Cela a été déterminant avec elle. Elle ne fait que s’améliorer à mesure qu’elle prend de l’expérience.”
Avec sa princesse, l’amazone, qui fêtera son vingt-sixième anniversaire en décembre prochain, a pris son temps, ne jouant jamais la carte de la démesure. “Je pense que dans notre métier nos plus grands professeurs sont les chevaux. Mes plus grandes leçons de ma carrière m’ont été enseignées par les chevaux et les personnes qui m’ont aidée au fil du temps. Ces gens-là ont été d’une grande influence”, précise-t-elle. Outre Fred van Straaten et Brandie, sa mère, Hunter salue le rôle joué par Donald Stewart et le Portugais Luis Sabino, catalyseurs de son éclosion expresse. “Don a été une pièce maîtresse de ma carrière. J’ai commencé à monter avec lui dans mes années Juniors et il a toujours occupé une place centrale dans mon évolution depuis. Encore aujourd’hui, nous faisons beaucoup de choses ensemble, et je peux toujours lui passer un coup de téléphone. Depuis quelques mois, j’ai entamé une collaboration avec Luis Sabino. Il est incroyable. Je n’ai pas assez de choses positives à dire à son sujet ! Il est un très bon ami et un fantastique mentor et coach pour moi”, s’enthousiasme la médaillée de bronze de la dernière finale de la Coupe du monde.
Cheffe d’orchestre d’une petite entreprise qui ne connaît pas la crise
D’aussi loin qu’elle se souvienne, Hunter Holloway a toujours voulu écrire sa vie et son histoire au milieu des chevaux. C’est bien simple, il n’y a toujours eu qu’eux dans son esprit. “Je n’ai jamais imaginé faire quelque chose d’autre. Je vis et respire cheval depuis ma naissance (rires). Je n’ai simplement jamais voulu faire autre chose à côté des chevaux. Je les aime dans tous les aspects, et pas que sur le plan de la compétition. J’aime concourir, être compétitive, mais j’ai avant tout un grand amour des chevaux en tant que tels. Peu importe ce que j’aurais fait dans vie, j’aurais voulu qu’ils en fassent partie. Je suis heureuse et chanceuse de pouvoir en vivre et passer l’essentiel de mon temps auprès d’eux”, lance l’Américaine sans la moindre hésitation.
De fait, poursuivre l’activité familiale et embrasser tout un tas d'activités, que l’on imagine aisément plus chronophages les unes que les autres, lui a semblé tout naturel. Cavalière, la jeune femme assure également l’entraînement d’élèves, la vente des montures destinées au commerce, un volet élevage et qui sait, peut-être mille autres choses. “Je base mon fonctionnement sur ce dont mes chevaux et clients ont besoin, et j'établis mon programme à partir de là. Il est parfois difficile de jongler entre mes propres chevaux et ceux de mes clients, mais je ne saute que rarement à la maison, ce qui surprend pas mal de gens. Dylan Gamble (son petit ami et associé, ndlr) m’aide énormément dans le travail de mes chevaux, qu’il monte sur le plat. La plupart du temps, nous les faisons travailler ainsi, pour les garder en forme, musclés et heureux. Savoir que les chevaux sont montés et parfaitement traités me libère du temps pour enseigner. J’adore observer les chevaux et cavaliers évoluer, former un couple et changer avec le temps. J’apprécie vraiment être témoin des progrès d’un duo”, sourit celle dont l’emploi du temps semble presque aussi chargé que celui d’un ministre. “Enfin, lorsque je souhaite faire sauter mes chevaux, je prévois un jour ou deux dans la semaine. Nous nous occupons de cela le matin, puis je me concentre sur mes élèves ou une autre tâche l’après-midi.”
Fort heureusement, pour mener à bien toutes ses missions, la jeune femme dispose d’un soutien infaillible. “Il m’arrive effectivement d’être parfois stressée, lorsque j'essaye de jongler entre les écuries au Kansas, celle en Floride, les clients, les chevaux, la compétition ainsi que toute la gestion que cela implique, mais ma famille est d’une aide immense. J’ai également une super équipe et tous ces gens sont la colonne vertébrale de tout cela. Je sais que je peux compter sur eux, peu importe quand j’en ai besoin. C’est la clef de la réussite”, loue la jeune femme.
Assurer l’avenir
Et entre deux séances de coaching et de travail sur le plat, Hunter parvient encore à se démultiplier pour superviser l’élevage familial. Si les naissances ont été plutôt sporadiques ces dernières années, faute de temps (!), la machine est de retour sur de solides rails. “Nous faisons quelques transferts d’embryons avec nos bonnes juments. D’ailleurs, juste avant de partir pour Omaha, j’ai ma super huit ans, qui attaque ses premiers parcours à 1,40 et 1,45m qui était en chaleur ! Nous l’avons emmené juste avant mon départ chez notre vétérinaire. La semence est arrivée dans la foulée et nous avons eu un embryon. C’est très excitant, parce qu’elle fait partie de mes grands espoirs”, se projette l’actuelle cent cinquante-troisième meilleure cavalière du monde. “Ces deux dernières années, nous n’avons pas tellement pu nous concentrer sur l’élevage, parce que nous étions très occupés par ailleurs. Évidemment, le soin de nos chevaux est toujours notre priorité. Donc, si nous avons l’impression que nous ne pourrons pas gérer quelque chose, nous ne le faisons pas. Nous avons repris cette activité cette année et nous espérons voir naître entre quatre et six poulains l’an prochain.”
Pour ses choix de croisements, Hunter mise à la fois sur les pépites présentes dans ses écuries, dont Requiem J&F Campblanc (Quaprice Bois Margot, né Quincy x Calvaro), en qui elle fonde de grands espoirs, ainsi que sur des mâles plus confirmés, à l’instar d’Aganix du Seigneur, Faustino de Tilly ou bien encore l’excellent Chacco Blue II (né Chacco Rouge), le tout associé aux souches de ses stars, et des anciennes gloires de sa mère. Une belle histoire de famille(s) en somme.
Au-delà de l’élevage, ce piquet de jeunes pousses en formation constitue l’avenir de l’amazone. Si sa Pepita a encore de belles années devant elle, Hunter s’appuie aussi sur le vaillant Eastern Jam, un cheval sur lequel elle dit toujours pouvoir compter et qu’elle monte depuis sept ans. “Je le connais comme ma poche”, avoue-t-elle au passage, soulignant son souhait de préserver ses montures. “J’essaye de ne jamais trop concourir avec mes chevaux et d’opérer une rotation entre eux. J’ai un groupe de chevaux de huit ans et moins très intéressant. Je vais me concentrer sur eux, et tenter de leur donner de l’expérience cet été pour leur permettre de progresser, tout en préservant mes chevaux de tête pour certaines semaines.” Aux côtés d’Eastern Jam et Pepita Con Spita, la Selle Français Dana de Kerglenn, fille de Shana de Kerglenn, considérée comme l’une des meilleures poulinières de France débarquée dans ses écuries en 2021, poursuit aussi son bonhomme de chemin. “Mon objectif avec Pepita va être de me concentrer sur les grands événements par équipe. J’ai déjà hâte. Nous verrons comment évoluent les choses, mais c’est en tout cas mon objectif pour elle. Je vais continuer à me faire plaisir avec Eastern Jam et Dana, tout en formant la relève. Je suis impatiente de voir ce que le futur me réserve !”, s’enthousiasme Hunter Holloway, qui n’a pas fini de faire parler d’elle, avec, qui sait, peut-être un produit maison ou encore Paula Panther (née Pacoupa, Coupex), la fille de sa si chère Pepita Con Spita.
Photo à la Une : Le sourire d'Hunter Holloway en sortie de piste. © Sportfot