Notre site web utilise la publicite pour se financer. Soutenez nous en desactivant votre bloqueur de publicite. Merci !

Monaco, ou le résultat d’un minutieux travail de sélection mené par la famille Lütje

Monaco
mardi 14 janvier 2025 Adriana Van Tilburg / Rolex Grand Slam

Ralf Lütje ne peut qu’être fier du travail accompli depuis plus de quarante ans. L’Allemand a fait naître l’excellent Monaco, qui a, à quinze ans, décroché son premier Grand Prix 5* en décembre dernier, sous la selle de Harrie Smolders, lors de l’étape du Rolex Grand Chelem de saut d’obstacles de Genève. L’éleveur d’outre-Rhin dévoile une partie des secrets de cette lignée maternelle.

Début décembre, le Grand Prix Rolex de Genève a délivré le vaillant Monaco N.O.P (Cassini II et Ulla x Contender), complice de longue date du Néerlandais Harrie Smolders. D’une régularité à couper le souffle, la perle de Ralf Lütje, son éleveur, semblait inlassablement cantonné à frôler la victoire, sans jamais vraiment l’atteindre. Deuxième à Bois-le-Duc, Ramatuelle, Lyon, Londres, Paris, Valkenswaard, Amsterdam, Genève et même Omaha et Leipzig lors des finales de la Coupe du monde de 2023 et 2022, le petit bai à l’énergie de feu et au talent débordant a enfin transformé l’essai, pour s’offrir, à l’aube de son seizième anniversaire, son tout premier Grand Prix 5*, et pas n’importe lequel ! 

En s'imposant à Genève, Monaco a également permis à son éleveur de toucher une prime, offerte par le concours. Une initiative à saluer ! © Mélina Massias

Pour que ce succès voit le jour au cœur de Palexpo, en Suisse, toute une série d’éleveurs ont apporté leur pierre à l’édifice, à commencer par la famille Kahlke, originaire de Rosengarten, dans le district de Stuttgart. En 1858, Jakob Kahlke fait l’acquisition de Stern, une jument née à Dithmarschen et qui deviendra la fondatrice de la Stamm 429, la lignée de Monaco. Jakob Kahlke vivait à Rosengarten et sa propriété est, aujourd’hui encore, dans la famille. Cette commune germanique est située au cœur de l’élevage Holstein, à seulement trois kilomètres de la station de monte de Haselau… qui entretient un lien étroit avec Monaco, à travers ses origines. L’étalon Heidelberg (Heimburg et Nachod x Nordmark), élevé par W. Schröder et décrit par le Docteur Dietrick Rossow dans le Hengstbuch der Holsteiner Warmblutzucht comme “un étalon compact, solide, doté d’un corps bien musclé, en particulier au niveau de l’emplacement de la selle, légèrement sur-développé, avec une base solide, des jambes droites, avec peu d’angulation au niveau du jarret, de l’amplitude, avec suffisamment de propulsion, un excellent père et producteur de juments de qualité”, se retrouve ainsi dans le papier de Monaco, via une certaine Marga, née en 1953 chez W. Schröder. Heidelberg fut stationné dans ce haras réputé et pratique de par sa proximité pour les éleveurs ayant contribué à la lignée maternelle de Monaco en 1944.



Rikona, la base d’un long processus de sélection

Tout comme Heidelberg avant lui, Ladykiller a aussi côtoyé le haras de Haselau, où le Docteur Gerd Möller a emmené sa jument Konnie. Le fruit de ce croisement a alors changé le destin de Ralf Lütje et sa famille. “Mon père a acheté Rikona (Ladykiller et Konnie x Fasolt, née chez le Dr. Gerd Möller), une jument née en 1979, lorsqu’elle était pouliche. Depuis, nous avons continué à élever à partir d’elle”, raconte celui qui a fait naître Monaco. “Mon père a croisé Rikona deux fois à Capitano. Il a baptisée la deuxième pouliche issue de ce mariage Wirtin II, en référence à une autre bonne souche que nous avons, la Stamm 2666. Capitano (Corporal et Retina x Ramzes, Stamm 104A, né chez Rheder Thormählen, ndlr), est le fils de Retina, une sauteuse incroyable que montait Fritz Thiedemann. Il était un vrai cheval de sport, et notre objectif a toujours été de produire des chevaux de sport. Mon père a fait naître Albrant, qui a réalisé une belle carrière en concours complet avec Herbert Blöcker, tandis que mon grand-père avait déjà développé cette souche.”

La lignée maternelle de Monaco s'est aussi illustrée grâce à plusieurs produits sur les terrains de complet. © Mélina Massias

Wirtin II fut adressée à deux reprises à Loutano (Landgraf I et Troja x Calypso I), un Holsteiner particulièrement compétitif en… dressage avec Margit Otto-Crépin et né chez Marlis Jürgens. De ce croisement est notamment née Hirtin III. “Loutano est l’un des rares étalons qui n’était pas stationné à Haselau. Nous avons dû nous rendre à Gross Buchwald, puisqu’à cette époque, le réfrigéré ou le congelé n’étaient pas des options ; seule la monte en main l’était”, précise l’éleveur, également à l’origine de Leopold W, propre frère de Hirtin III, qui a évolué jusqu’au niveau Grand Prix en dressage avec Antje Kim-Wilkens après avoir été formé par Detlef Nesemann. “Nous avons utilisé Loutano notamment en raison de ses allures. Les chevaux ont besoin d’élasticité dans leurs mouvements, et tous ceux que nous avons fait naître ont cette qualité. Hirtin III est la mère de Pur Lady (Carthago), qui a évolué à 1,50m avec Thomas Voss et a été élevée par mon défunt frère. Nous collaborions étroitement en matière d’élevage. Hirtin III est aussi la mère de Conelli 3 (Con Air) et Clivia (Calato), qui ont concouru jusqu’à 1,40m.” 

Et de détailler : “Initialement, nous avons croisé Hirtin III trois fois au Pur-Sang Heraldik (Caramel et Heraldika x Cale). Elle a transmis son excellent modèle et donné trois juments ‘State Premium’ : Nixe XIV, O-Lady et Pur Lady. Nixe XIV a été vice-championne de la région de Pinneberg. Elle n’était pas très grande, mais très bien faite, bougeait très bien et avec beaucoup de sang. Harrie Smolders a même souligné qu’il avait du mal à croire que Monaco soit par Cassini II tant il a de sang !” O-Lady, quant à elle, a donné à Ralf Cassinio (Cassini I), vu jusqu’à 1,60m avec Constanza Abdala ainsi que MK San Cero (Cero I), monté par Mark Todd en concours complet. 

“Ulla en a assez fait pour nous”

Mais parmi ces trois toutes bonnes juments, Nixe XIV a tiré son épingle du jeu, en devant, entre autres, la mère d’une certaine Ulla II en 2004. Cinq ans plus tard, cette dernière mettait au monde Monaco. “Nous avons également marié Nixe XIV à Contender (Calypso II et Gofine x Ramiro, Stamm 2472, né chez Niko Detlef), qui était stationné à Haselau. En tant qu’éleveur, on veut toujours choisir les meilleurs étalons pour sa jument. Nous avons rencontré un succès certain en utilisant Contender pour cette lignée. Tina III, par exemple, a été sacrée ‘State Premium’ et championne à Elmshorn. Malheureusement, nous avons eu moins de chance à l’élevage avec elle, mais l’élevage n’est pas qu’une histoire de réussites”, tempère Ralf Lütje. “Malheureusement, nous ne parvenons plus à remplir Ulla II, la mère de Monaco. Nous ne souhaitons pas avoir recours à l’ICSI ni aux transferts d’embryons avec elle : elle en a assez fait pour nous.” 

Depuis plus de quarante ans, la famille Lütje cultive les qualités de la souche de Monaco. © Mélina Massias



Outre Monaco, son tout meilleur représentant, Ulla II a également engendré Erroll Gobey, un propre frère du crack de Harrie Smolders qui évolue quant à lui en concours complet. Aux rênes de Bruce O. Davidson Jr., le Holsteiner, désormais âgé de quinze ans, a concouru jusqu’en CCI 4*-L outre-Atlantique. “Nous avons également une fille d’Ulla II et Catch (Colman et Pia LH x Calido I, né chez H.P. Loeding-Hasenkamp). Elle est ‘State Premium’ et a excellé dans son test de performance, obtenant une note finale de 8,75/10. Cette lignée est connue pour produire des chevaux avec d’excellentes allures. Nous avons toujours priorisé le fait de choisir nos étalons pour nos juments en fonction de leur modèle”, complète l’Allemand, qui explique également conserver ses poulains jusqu’à leurs trois ou quatre ans, afin de pouvoir faire un bilan vétérinaire et des radios avant d’orienter leur avenir. “Par le passé nous élevions six poulains par an, mais ces dernières années, nous avons réduit la voilure et avons un ou deux poulains par génération”, ajoute-t-il.

Des vétérinaires pessimistes

Si Monaco avait tout pour réussir côté génétique, tout aurait pourtant pu basculer du mauvais côté. “À un an et demi, Monaco est, un jour, rentré du pré avec un écoulement nasal important. J’ai appelé le vétérinaire, qui lui a injecté des médicaments. Il nous a prévenu que s’il n’y avait aucune amélioration sous quatorze jours, nous devrions mener des examens plus approfondis. Malheureusement, les choses ne se sont pas améliorées et le vétérinaire nous a suggéré de conduire Monaco en clinique. Là-bas, ils ont réalisé un petit trou dans son sinus frontal afin de le nettoyer. Il est resté sur place durant six semaines. Mais le vétérinaire a fini par nous appeler en nous disant qu’il n’y avait pas d’amélioration… Il avait perdu espoir pour Monaco”, se souvient l’éleveur, loin d’avoir dit son dernier mot. “Nous avons ramené Monaco à la maison, même si cet écoulement nasal a persisté durant l’hiver. Monaco est retourné au pré, et, progressivement, tous les symptômes ont fini par disparaître !” 

Treize ans et demi plus tard, au cours du dernier mois de quinzième année, Monaco était bien loin des préoccupations de son début de vie. Le bai a remporté le plus beau Grand Prix indoor du monde, en partie grâce au couple remarquable qu’il forme depuis 2017. “Monaco est le résultat d’un élevage soigneux et d’une sélection minutieuse d’étalons qui complétaient les juments de notre cheptel. Je dois aussi souligner le fait que Harrie Smolders est celui qui a mené Monaco à ce niveau. Il a peaufiné ses qualités”, admire Ralf Lütje. “Roland Metzler s’est chargé de l’éducation de Monaco dans ses jeunes années, avant qu’il ne soit repéré à trois ans par Alessandro Mingoli, qui l’a acheté un an plus tard.” Le fils de Cassini II a débuté sa carrière internationale en 2015, avec Bryan Mascenti, avant de rejoindre les écuries Evergate deux ans plus tard et d’être monté par Dimme d’Haese mais surtout Harrie Smolders et Jennifer Gates-Nassar, sa propriétaire.

Si le destin aurait pu mettre fin à tout espoir pour Monaco avant ses deux ans, il lui a finalement permis de rencontrer son cavalier : Harrie Smolders. © Mélina Massias

Un an et demi avant Monaco, un certain Stargold s’était offert les honneurs lors du mythique CHIO d’Aix-la-Chapelle, aux côtés de Marcus Ehning. La troisième mère de l’excellent bai, convalescent depuis plusieurs mois, a vu le jour à seulement quatre kilomètres de la ferme qui a vu grandir Monaco. Leurs deux lignées maternelles sont liées à la station de monte de Haselau. Grâce à Monaco et Stargold, cette région a désormais deux vainqueurs d’étapes du Rolex Grand Chelem de saut d’obstacles. “La souche de Monaco est un vrai produit de l’arrondissement Pinneberg, en Schleswig-Holstein”, achève Ralf Lütje.

Photo à la Une : Harrie Smolders et Monaco en scène à Genève, théâtre de leur plus belle victoire commune. © Mélina Massias