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“Mon élevage est né d’une situation malheureuse, devenue heureuse”, Abdel Saïd (2/3)

Abdel et Gigi
mercredi 12 juillet 2023 Mélina Massias

Abdel Saïd est un passionné, un vrai. Toujours disponible et prêt à échanger, tant que le sujet a trait de près ou de loin aux chevaux, l'ancien représentant égyptien qui porte désormais les couleurs de la Belgique n'élude aucune question et leur trouve toujours des réponses argumentées et pertinentes. “Je crois fermement en ce que nous faisons, je sais combien nous aimons nos chevaux et je n’ai rien à cacher”, assure-t-il avec sérénité. Bien décidé à se donner les moyens de faire plus que de la figuration à très haut niveau, le trentenaire se reconstruit un piquet solide, pour lequel il nourrit déjà de grandes ambitions. À la tête d'une société de plus en plus reconnue dans le microcosme équestre, ce touche à tout à la sympathie non dissimulée a également décidé d'élargir son implication - déjà conséquente - dans l'élevage, en proposant un alléchant catalogue d'étalons. Entretien en trois épisodes.

La première partie de cette interview est à (re)lire ici.

Votre écurie prend, chaque année, du galon et de l’ampleur sur le marché mondial. Pour faire fonctionner une telle structure, il doit vous falloir une sacrée équipe ! Comment fonctionne votre système ?

Je suis très chanceux de pouvoir compter sur de super personnes, qui œuvrent dans tous les départements, de nos entraîneurs qui nous aident avec les clients, aux cavaliers en passant par tout le personnel administratif. Notre entreprise est très étendue. Nous faisons du coaching, du commerce avec l’achat et la vente de chevaux, prenons part au grand sport, et avons également nos étalons et notre élevage. En résumé, nous sommes impliqués dans plus ou moins tout ce que l’on peut faire autour des chevaux de sport ! C’est assez intense, mais je me sens vraiment chanceux d’être épaulé par tant de gens formidables.  Du côté de l’étalonnage et de l’élevage, j’ai un partenaire, Stud 111, qui gère tout à ce niveau-là, de la communication, à l’envoi des doses en passant par la récolte de la semence. De ce fait, je peux me concentrer sur le développement de la marque et offrir aux étalons la meilleure chance possible pour concourir et gagner en notoriété. Dans les écuries, j’ai des entraîneurs assistants, ainsi qu’un très bon cavalier, Samuel Hutton, qui évolue à nos côtés depuis maintenant dix ans. Samuel est un super mec. Il m’aide beaucoup avec les clients, pour trouver des chevaux, etc. Seul, sans toute mon équipe, je ne pourrais jamais faire tout cela.

Abdel Saïd en pleine réflexion à la reconnaissance. © Sportfot



“J’adore aller à Fontainebleau, où nous faisons souvent l’acquisition de quelques bons chevaux avec du sang français”

Quid de vos jeunes chevaux ? Placez-vous beaucoup d’espoirs en eux pour l’avenir ?

Avec les chevaux, il faut une part de rêve, mais aussi savoir revenir à la réalité au bon moment. Parfois, nous devons les vendre. Je pense que les garder trop longtemps n’est pas le meilleur moyen d’avancer. Aujourd’hui, entre le sport et l’élevage, nous avons environ cent vingt à cent trente chevaux. C’est un nombre élevé. Nous avons d’ailleurs étendu la partie élevage avec l’arrivée de notre catalogue d’étalons. J’apprécie particulièrement cette partie passionnante de mon métier, qui me fascine sincèrement. Cela m’intéresse profondément et je ne considère pas cela seulement comme une partie de mon métier. J’adore l’élevage. Le dimanche, ou pendant la semaine, lorsque j’ai terminé de monter mes chevaux, j’aime aller observer les jeunes chevaux. Je trouve cela captivant. Nous avons commencé à faire naître des poulains à partir de très bonnes juments, qui ont sauté 1,50 ou 1,60m, et/ou sont issues de très bonnes lignées. En parallèle, j’essaye d’acheter quelques poulains et des embryons avec de bonnes origines afin de faire un mélange avec nos propres étalons. Nous réfléchissons au meilleur croisement pour chaque jument et chaque étalon. Bien sûr, nous y allons à tâtons. J’adore aller à Fontainebleau chaque année pour la Grande Semaine de l’élevage, où nous faisons souvent l’acquisition de quelques bons chevaux avec du sang français. J’aime beaucoup les origines françaises, qui donnent certains des meilleurs chevaux qui soient. Je trouve aussi que l’association avec le sang belge est géniale. Personnellement, j’aime mixer un peu les courants de sang, mais, le plus important à mes yeux, est de partir d’une très bonne jument, ou au moins d’une bonne souche. Ainsi, on peut essayer d’en tirer le meilleur et construire quelque chose pour l’avenir. 

Abdel Saïd a souvent trouvé son bonheur au sein de l'élevage français. © Scoopdyga

Jusqu’à maintenant, nous avons été très chanceux avec l’élevage. Après un certain temps, on commence à se questionner, à se demander si cela en vaut la peine ou non. Mais C-Jay, notre étalon par Cumano, a déjà honoré beaucoup de juments cette année en Belgique. Il est né chez nous, tout comme Azur, son frère utérin par Asca, lui aussi âgé de six ans. Il semblerait que nous produisions quelques bons chevaux ! De plus, cela devient de plus en plus difficile de les vendre. Alors, je trouve que nous avons un bon équilibre entre les chevaux que nous faisons naître et ceux que nous continuons à acheter pour les former. C’est un bon compromis pour tendre vers la réussite. Je ne crois pas qu’il faille choisir entre l’un ou l’autre ; les deux vont ensemble.

C-Jay, l'un des fils de la génial Gigi van het Daalhof et Abdel Saïd. © Collection privée

Depuis combien de temps êtes-vous autant impliqué dans ce domaine ?

Je dirais que notre génération la plus âgée a huit ou neuf ans. Par le passé, nous avons fait un peu d’élevage par passion avec mes parents, lorsque j’étais jeune, mais cela ne compte pas vraiment. Mon élevage est véritablement né d’une situation malheureuse, devenue heureuse ! J’avais une jument, Gigi van het Daalhof (Kashmir van het Schuttershof x Clinton), en collaboration avec mes partenaires. Elle est la mère de C-Jay et était une sauteuse exceptionnelle. Elle était sans le moindre doute l’un des meilleurs chevaux qu’il m’ait été donné de monter dans ma vie, mais elle s’est blessée à tout juste neuf ans. J’étais dévasté. Toutefois, nous avons commencé à miser sur elle à l’élevage et, avec le temps, ses produits ont commencé à faire parler d’eux. C’est elle qui m’a motivé à me lancer dans l’élevage, et je suis ravi de la qualité qu’elle transmet à ses produits, surtout vu le contexte actuel. Malheureusement, les éleveurs amateurs ne sont pas toujours au fait du marché. Par conséquent, le prix ou leurs attentes envers leurs chevaux ne sont pas toujours réalistes par rapport à leur valeur. Lorsqu’ils en prennent conscience, il est parfois trop tard, leur cheval a raté une opportunité. Élever nous-mêmes nous donne plus de possibilités. Tous nos poulains ne deviendront pas des stars mondiales ; je le sais. Mais j’aspire à produire de bons chevaux, qui pourront être cédés à nos clients, peu importe leur niveau.

Lorsqu'il évoque son ancienne complice Gigi van het Daalhof, reconvertie en poulinière, Abdel Saïd ne tarit pas d'éloges. © Sportfot

Lorsque tout se passe bien, suivre l’évolution de ses poulains reste un chouette moment…

Oui, exactement ! Tout le processus est passionnant, de leur naissance à l’affirmation de leur caractère, jusqu’à les voir à deux ou trois ans, et constater leur développement. C’est le côté fascinant de l’élevage. Je dois évidemment penser à la commercialisation, pour trouver un équilibre financier avec les coûts qu’engendre cette activité, mais je fais tout pour donner à mes jeunes chevaux une vraie chance de faire leurs preuves.



“Je ne veux pas simplement profiter de ma marque pour vendre des saillies”

Comment est née votre collaboration avec l’élevage 111, à l’origine de plusieurs excellents chevaux, dont le brillant El Barone, ou encore Der Senaat et Cheyenne ?

J’ai commencé à collaborer avec Stud 111 il y a environ huit ans. J’étais même installé chez Victor et Harrie Theeuwes avant. Ce sont des gens fantastiques, de vrais Hommes de chevaux. Beaucoup de bons chevaux viennent de leur élevage. La vie a fait que nos chemins se sont un peu éloignés, et nous avons chacun continué de notre côté. Mais, lorsque j’ai voulu développer notre activité d’élevage, j’ai discuté avec Victor. Il était très motivé ! Nous avons des chevaux ensemble et avons été associés pendant longtemps. Alors, il était naturel de passer ce cap ensemble. Cela aurait été étrange que je fasse appel à quelqu’un d’autre ! Ce n’est que le prolongement de notre collaboration. J’ai notamment monté Imke 111 (Der Senaat 111 x Heartbreaker) de leur élevage. En tout, nous avons eu une dizaine de chevaux, que nous avons formé et vendus en partenariat. Ce sont des gens très droits et compréhensifs. Nous avons la même vision des choses, donc c’était tout vu !

Abdel Saïd monte également le jeune Bullseye 111, étalon de huit ans de l'élevage de Victor et Harrie Theeuwes, en alternance avec son bras droit, Samuel Hutton. Bullseye est un fils d'Imke 111, qu'a monté Abdel dans le passé. © Sportfot

Quelles sont vos ambitions pour les étalons de votre catalogue ? L’objectif est-il qu’ils se concentrent en priorité sur l’élevage ou envisagez-vous de leur donner une chance pour le grand sport ?

Stud 111 est co-propriétaire de Clown à mes côtés. Voilà aussi pourquoi notre partenariat est très intéressant ! Victor adore le sport. Il lui arrive même de conserver certains de ses jeunes pour les voir évoluer dans le sport avec de les vendre. Nous avons vu une opportunité avec ce catalogue. Ma première ambition est d’offrir de vrais bons étalons, qui sont doués en concours et issus de bonnes souches, aux éleveurs. C’est en tout cas mon but. Je ne veux pas simplement profiter de ma marque pour vendre des saillies, ni attirer les gens seulement avec des chevaux qui sautent de façon spectaculaire lors d’une présentation d’étalons. Il n’y a pas tant de structures professionnelles qui permettent d’effectuer tout le chemin, du début à la fin avec les jeunes, de leurs débuts en tant que reproducteurs jusqu’à atteindre le haut niveau dans le sport. Nous nous sommes dit que cela présentait un intérêt. Et, comme je l’ai déjà dit, j’adore cela ! C’est une vraie passion et je ne fais pas cela pour l’argent. Sinon, je n’élèverais pas de chevaux (rires), parce que le coût que cela représente est dingue. Actuellement, nous avons une moyenne de quinze à vingt-cinq naissances par an, mais nous attendons trente poulains l’an prochain. Cela est assez exigeant financièrement. 

Clown of Picobello est la co-propriété de l'élevage 111, partenaires d'Abdel Saïd. © Sportfot

Photo à la Une : Abdel Saïd et Gigi van het Daalhof, la jument qui a véritablement lancé son élevage personnel. © Sportfot

La troisième et dernière partie de cette interview est disponible ici.