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“Mettre le tapis de l’équipe de France sur Grand Duc du Paradiso m’a rendue vraiment fière”, Sara Brionne (1/2)

Sara Brionne et Grand Duc du Paradiso ont honoré leur première sélection en Coupe des nations Séniors lors du CSIO 4* d’Avenches, bouclé par un double zéro.
Interviews jeudi 30 octobre 2025 Mélina Massias

Il y a des couples qui sortent de l’ordinaire. Sara Brionne et Grand Duc du Paradiso sont de ceux-là. Si le fils de Vagabond de la Pomme, né chez Jean Marie Lefevre, a d’abord fait ses gammes aux côtés de Luc Couteaudier, il accompagne sa jeune amazone depuis l’été 2022. En un peu plus de trois ans, tous deux ont connu une progression fulgurante, marquée par une saison 2025 exceptionnelle. Classée dans les temps forts des CSI 3* du Touquet, de Deauville, Saint-Lô, ainsi que dans ceux des CSI 4* de Cabourg, Chantilly, Deauville et Avenches, la paire n’en finit plus d’impressionner. Cette semaine, Sara Brionne et Grand Duc du Paradiso fouleront leur première piste 5*, à Lyon, après avoir porté les couleurs de l’équipe de France dans la Coupe des nations du CSIO 4* d’Avenches début septembre. La récompense d’une progression maîtrisée, planifiée et attendue. Grâce à une ouverture d’esprit salutaire, Sara Brionne, vingt-quatre ans, s’approche un peu plus chaque jour de son idéal, dans un système sur-mesure, dont elle a pensé les moindres détails pour permettre à ses partenaires de pleinement s’exprimer. Entretien.

Vous avez vécu une saison assez exceptionnelle, en enchaînant sept classements en autant de Grands Prix 3 et 4* disputés avec votre phénomène Grand Duc du Paradiso (Vagabond de la Pomme x Toulon), neuf ans. Quel bilan tirez-vous de cette année 2025, bien qu’elle ne soit pas encore tout à fait terminée ?

Si on m’avait dit que je ferais cela en début d’année, j’aurais signé d’emblée, même si on a toujours envie de plus ! Le couple que nous formons avec Grand Duc s’est endurci, solidifié. En parallèle, mon système continue de se construire au fur et à mesure, autour de et grâce à lui. Je retiendrais surtout l’expérience et la confiance que j’ai gagnées cette année.

Vous avez déjà vécu de belles années, notamment à poney. Diriez-vous tout de même que cette saison est la meilleure de votre jeune carrière ?

Oui, complètement ! Je n’ai jamais obtenu autant de résultats. En plus, il s’agit de ma première vraie saison à ce niveau. J’avais déjà sauté des Grands Prix 3 et 4*, mais de façon beaucoup plus sporadique. Chaque concours auquel j’ai participé avec Grand Duc cette saison était de ce niveau-là. Cela nous a donc permis d’évoluer à vitesse grand V. Chacune de nos sorties était ciblée : je savais exactement pourquoi je partais sur chaque parcours, ce qui a aussi contribué à notre réussite.

Charismatique, talentueux et doté d'un immense potentiel, le couple formé par Sara Brionne et Grand Duc du Paradiso fait tourner bien des têtes. © Cécile Sablayrolles / GRANDPRIX Events

“Tout ce qui s’est passé cette saison était la suite logique de notre progression”

En début de saison, imaginiez-vous connaître autant de succès ?

Oui. Tout ce qui s’est passé cette saison était la suite logique de notre progression. Je pense que cela explique aussi pourquoi nous avons tout fait avec sérénité. Je n’ai pas réalisé tout de suite l’envergure de notre performance à Avenches (le couple a signé un double sans-faute dans la Coupe des nations après avoir aussi réussi un parcours sans faute dans l’acte initial du Grand Prix, ndlr), car cela me paraissait cohérent par rapport au reste de notre saison. Celle-ci était dessinée comme cela depuis février. J’avais décidé de faire ces concours et imaginé qu’ils se dérouleraient comme cela. Seul le CSIO 4* d’Avenches est venu s’ajouter à notre programme. Pour le reste, je m’attendais honnêtement à obtenir de bons résultats. Après le CSI 3* du Touquet, je savais que nous en étions capables. J’ai la chance d’avoir l’un des meilleurs chevaux de France et je n’ai pas été surprise par nos résultats. Cela étant, j’ai éprouvé beaucoup de fierté à chacune de nos performances.

Grand Duc du Paradiso a été une sorte de "bouée de sauvetage" pour sa cavalière. © Pixels Events

Le CSIO 4* d’Avenches a marqué votre première apparition sous la veste de l’équipe de France Séniors. Que cela représente-t-il pour vous ?

Pour moi, il s’agissait également d’une suite logique, mais aussi d’une concrétisation. Mettre le tapis de l’équipe de France pour la première fois sur Grand Duc m’a rendue vraiment fière. Lorsqu’il est arrivé à mes côtés à six ans, je me suis raccrochée à lui comme à une bouée de sauvetage. Je ne traversais pas une très bonne période et nous avons avancé ensemble. Au-delà du sentiment de fierté et cette concrétisation de défendre les couleurs de la France, je suis surtout ravie de l’avoir fait avec autant d’aisance !

Cerise sur le gâteau de cette année de rêve, vous vous apprêtez à faire vos premiers pas au niveau 5* à Equita Lyon. Dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Il s’agit effectivement de mon premier concours 5*. Je participerais seulement aux épreuves intermédiaires, sur des hauteurs que Grand Duc et moi avons l’habitude de sauter. Forcément, Grand Duc n’a jamais concouru dans une ambiance comme celle d’Equita Lyon. Il n’a d’ailleurs fait qu’un seul indoor, il y a dix jours, à l’occasion de l’étape du Grand National de Saint-Lô (le duo y a disputé deux épreuves, dont une à 1,45m, conclue à la deuxième place, ndlr). Il peut être assez sensible à son environnement et je ne sais pas comment il va se sentir là-bas, mais je suis très contente de retrouver ce concours ! La dernière fois que j’ai foulé cette piste, c’était à l’occasion du CSI 2* avec mon ancienne jument, Kat Fois Deux Huit (Kannan x Pageno). D’ailleurs, cela ne s’était pas extrêmement bien passé (rires). Lorsque je regarde en arrière, je me dis que le chemin parcouru est quand même incroyable. Je n’ai plus concouru à Lyon depuis quatre ans et je reviens pour les épreuves 5* avec un cheval hors norme ! Mon but est de prendre de l’expérience avec Grand Duc. Nous n’avons encore jamais fait quelque chose comme cela. Nous allons essayer de travailler encore la vitesse et de nous amuser, car nous sommes aussi là pour profiter ! 

Sara Brionne a disputé son dernier Equita Lyon en 2021, dans le label 2*, aux rênes de Kat Fois Deux Huit. © Sportfot



La vitesse et le respect du temps accordé est-il encore, selon vous, le péché mignon de votre couple avec Grand Duc du Paradiso ?

Non. Par rapport à la précédente, j’ai écopé de beaucoup moins de points de temps dépassé cette année. C’est incomparable. Nous avons eu un déclic majeur après le Grand Prix 4* de Deauville, où notre point de temps m’est resté en travers de la gorge. En sortant de piste, je ne comprenais pas : pour moi, j’avais fait tout ce qui fallait. Finalement, Guillaume (Lamare, ndlr) et moi avons comparé mon parcours à celui de Kevin Staut et Visconti du Telman, qui n’est pas une jument intrinsèquement très rapide au sol. Et nous nous sommes aperçus que j’avais, certes, la bonne vitesse, mais que je ne serrais pas mes courbes. Dans chacune d’entre elles, j’étais au moins un mètre trop loin, ce qui explique la différence de chronomètre. J’ai profité de ma première épreuve, à 1,40m, à Avenches pour mettre les bonnes choses en place, avant de confirmer cela dans le Grand Prix. Finalement, le Grand Prix m’a majoritairement servi d’entraînement avant la Coupe des nations, dans laquelle je tenais à ne pas concéder de points de temps dépassé. Je crois que cela est devenu une habitude ! À Saint-Lô, nous avons terminé deuxième d’une Vitesse : nous n’aurions jamais pu le faire avant. Je ne dis pas qu’il ne nous arrivera plus jamais de nous faire piéger par le chronomètre, car cela peut arriver à tout le monde, mais je pense que nous avons passé un cap et que les clefs pour éviter que cela se produise sont acquises. La vitesse n’est pas notre point fort, mais n’est plus notre point faible.

La jeune Tricolore estime, à raison, avoir sous sa selle l'un des meilleurs chevaux de France. © Sportfot

“Je sais que sans Grand Duc, je ne serais pas celle que je suis aujourd’hui. Mais je sais aussi que sans moi, il n’en serait pas là non plus”

Après le CSI 5*-W de Lyon, avez-vous prévu d’autres compétitions avec Grand Duc du Paradiso ?

Non, après Lyon, Grand Duc aura trois mois sans concours. Si tout se passe bien, il reprendra la compétition au Sunshine Tour en février. Il devrait être prélevé durant l’hiver et j’espère qu’il aura le temps d’aller à la plage avant d’attaquer la saison 2026. Grand Duc n’a que neuf ans et c’est important pour moi de le laisser assimiler tout ce qu’il a fait cette année. Il a réalisé une saison incroyable. Et puis il reste davantage taillé pour les pistes extérieures que celles intérieures.

Compte tenu de votre régularité et de votre talent, le couple que vous formez avec Grand Duc du Paradiso est scruté à chaque entrée en piste. Ressentez-vous une pression supplémentaire liée à cela et si oui, comment la gérez-vous ? 

Au début, j’ai eu beaucoup de mal à la gérer. Jusqu’à cette année, on ne voyait pas Grand Duc et Sara Brionne, mais seulement Grand Duc. Pour moi, cela était assez compliqué, parce que je savais tout le travail que j’effectuais dans l’ombre. En selle, je n’étais pas assise sur son dos à attendre que les parcours se passent ! Et puis, souvent, les gens nous regardaient au paddock puis nous suivaient tous, en même temps, jusqu’à la piste. De fait, je n’arrivais pas à vraiment me mettre dans ma bulle. Cette année, j’ai beaucoup travaillé sur moi, notamment au niveau mental, et j’ai beaucoup évolué sur ce point. Je sais ce que je vaux, je sais ce que vaut Grand Duc. À Avenches, je ne me suis pas dit qu’on nous attendait au tournant et que tout le monde se demandait si nous allions tenir les deux manches, alors que je savais pertinemment que c’était le cas. J’ai vraiment réussi à me déconnecter de ça. Je sais que sans Grand Duc, je ne serais pas celle que je suis aujourd’hui. Mais je sais aussi que sans moi, il n’en serait pas là non plus. Je me sers finalement de cette forme de pression comme d’une force et je me dis “on nous regarde ? montrons-leur ce qu’on sait faire !” Et puis Grand Duc est un étalon : il aime bien être regardé ! (rires)

Avec Grand Duc du Paradiso, Sara Brionne entrevoit le très, très haut niveau, si bien que certains les imagine déjà défendre les couleurs de l'équipe de France en grand championnat. © Fabienne Bujard

Grand Duc du Paradiso doit aussi attirer les convoitises de nombreux acheteurs potentiels. Pour l’heure, il vous appartient à vous et à votre grand-père. Votre plan est-il de le conserver à long terme ou êtes-vous ouverts à le laisser partir si la bonne proposition se présente ?

Les occasions de le vendre se sont déjà présentées. À l’heure actuelle, Grand Duc va rester encore au moins quelque temps avec moi. Je ne peux pas prédire l’avenir et dire précisément jusqu’à quand cela sera le cas, mais je trouverais dommage de le laisser partir à ce stade de notre histoire et de voir quelqu’un d’autres l’accompagner dans toutes ses premières fois au niveau 5*.

Imaginer le laisser partir doit être d’autant plus compliqué que vous le montez depuis plus de trois ans maintenant…

Oui, c’est compliqué à envisager, mais je suis pratiquement sûre que cela arrivera un jour. Cela sera très dur… Je profite de tout, de chaque instant, de chaque concours à ses côtés, et je pense que cela joue aussi sur nos résultats.



“Au début, j’avais l’impression de ne pas être à la hauteur pour Grand Duc”

À quoi a ressemblé votre parcours avec lui, de ses six ans à ses premiers classements en Grands Prix 4* à neuf ans ?

Il m’a fallu beaucoup de patience ! Savoir que l’on monte un cheval aussi talentueux que lui, tout en lui permettant de grandir et évoluer à son rythme, peut être assez frustrant. Il y a eu beaucoup, beaucoup de travail sur le plat, beaucoup d’écoute. Je connais Grand Duc par cœur : j’essaie de tout comprendre de lui, que ce soit ses besoins physiques, psychologiques, physiologiques. Depuis trois ans, j’essaye de créer son système parfait. Je n’ai pas encore atteint la perfection, mais je m’efforce de m’en approcher petit à petit. Avec le temps, j’ai aussi appris à gérer son physique et son mental. Tout cela demande de la compréhension et de la confiance.

Grand Duc du Paradiso a connu une progression solide de ses six à neuf ans sous la selle de Sara Brionne. © Pixels Events

Que vous êtes-vous dit la première fois que vous avez rencontré Grand Duc ?

Lorsque je l’ai vu dans la salle de préparation, j’ai été impressionnée ! Il est imposant et assez grand, mais son regard a quelque chose de très spécial. J’accorde énormément d’importance au regard et je choisis beaucoup mes chevaux par rapport à ce trait là. Je trouve que les yeux d’un cheval veulent dire beaucoup. Ceux de Grand Duc sont fascinants. Son regard transmet énormément de choses et ses yeux sont la première chose que j’ai regardée. Ensuite, je me suis reculée et je me suis demandé si j’allais réussir à le gérer. Lorsque je l’ai monté et que j’ai commencé à sauter, j’ai senti qu’il avait quelque chose en plus, qu’il était hors norme. Je n’avais jamais monté un cheval de sa trempe avant. Mais je savais aussi qu’il y avait énormément de travail à faire et je ne savais pas où cela allait nous mener !

Vous avez donc toujours su qu’il était au-dessus du lot ?

Oui, toujours. D’ailleurs, le fait qu’il soit aussi hors norme m’a desservie au début. J’avais l’impression de ne pas être à la hauteur. J’ai dû travailler sur moi, prendre confiance, et instaurer un respect mutuel entre nous, afin que nous trouvions tous les deux notre place. Nous avons une relation très fusionnelle, mais Grand Duc reste un étalon de presque six cents kilos. Il faut le garder à l’esprit. Ce n’est pas un jouet !

Quels sont, selon vous, ses plus grandes qualités ainsi que ses défauts, s’il en a ?

Je sais que Grand Duc donnera tout pour moi. Si je lui dis “on y va”, il y va. Il est très sensible à ce qui l’entoure, aux énergies. Cela peut être autant une force qu’une faiblesse, mais dans son cas, la première option prime. Il sent quand les moments comptent et sont importants. Son respect est aussi une immense qualité. S’il commet une faute, il la corrige immédiatement, mais cela ne génère pas de peur chez lui. Un jour, nous avons manqué panacher. Et puis nous avons sauté l’obstacle suivant comme si de rien n’était ! Il ne s’est jamais arrêté et son respect va de pair avec son courage hors norme, ce qui est rare. J’ajouterai aussi sa force, car je crois qu’il peut tout sauter ! Concernant les défauts, il a quand même un sacré caractère, qu’il a parfois du mal à gérer, surtout à pied. Comme il a un côté très étalon, nous restons vigilants quand nous le manipulons. Nous devons lui imposer certaines limites, mais jamais par la force ou la colère. Mentalement et émotionnellement, il est très prenant, voire usant, notamment pour ma groom. Il est parfois pénible, mais je l’aime de tout mon cœur et on le pardonne ! Et puis, moi aussi il m’arrive d’être chiante ! Et il sait très bien me faire comprendre quand je le suis. (rires) 

"Je sais que Grand Duc donnera tout pour moi", savoure Sara Brionne. © Pixels Events

La seconde partie de cette interview sera disponible demain sur Studforlife.com…

Photo à la Une : Sara Brionne et Grand Duc du Paradiso ont honoré leur première sélection en Coupe des nations Séniors lors du CSIO 4* d’Avenches, bouclé par un double zéro. © Fabienne Bujard