Martin Fuchs étoffe encore un peu plus son palmarès en devenant le quatrième cavalier suisse à remporter le Grand Prix d’Aix-la-Chapelle

Il en rêvait depuis des années et l’a enfin fait. Au terme d’un barrage à onze, du jamais vu dans l’histoire récente du CHIO d’Aix-la-Chapelle, Martin Fuchs a triomphé dans le Grand Prix Rolex du plus bel événement équestre du monde, en selle sur son généreux Leone Jei. À sept jours de son trente-troisième anniversaire, et après Calgary et Genève, le Suisse a ajouté une nouvelle étape du Grand Chelem de saut d’obstacles à sa collection. Désormais, et pour égaler Scott Brash, il lui faudra parvenir à remporter coup sur coup celles de Calgary, en septembre, puis de Genève, en décembre. Avant cela, l’heure sera à la célébration au sein du clan Fuchs, vingt-et-un ans après le triomphe de Markus dans cette même épreuve. Sans démériter, bien au contraire, Laura Kraut et Steve Guerdat, dont les noms ne sont pas (encore) gravés sur le mur des vainqueurs, ont complété le tiercé gagnant en compagnie des brillants Baloutinue et Dynamix de Bélhème.
Comme toujours à Aix-la-Chapelle, la fête fut belle. Ni la pluie, ni le nombre - trop - conséquent de barragistes n’ont entaché le Grand Prix Rolex, point d’orgue d’une semaine attendue et savourée de tous les amoureux de grand sport. Pour autant, la copie de Frank Rothenberger, tout au long de la semaine, peut légitimement susciter des interrogations. Après une Coupe des nations jugée sévère par les uns jeudi, puis un Prix de Rhénanie-du-Nord Westphalie où le sans-faute était inaccessible ou presque - seuls Ioli Mytilineou sur La Perla vd Heffinck et Ben Maher, vainqueur aux rênes de Point Break, sont parvenus à sortir indemne de la première manche -, le temps fort individuel de l’événement a semblé, à l’inverse, trop peu relevé pour l’enjeu qu’il représente. Après les quatorze clear rounds initiaux, auxquels il convient d’ajouter deux parcours seulement sanctionnés par le temps accordé, onze couples se sont retrouvés au barrage, la seconde manche n’ayant joué qu’un rôle de figurante dans ce barème propre aux deux étapes extérieures du Rolex Grand Chelem de saut d’obstacles. Du jamais vu, tant le Grand Prix d’Aix-la-Chapelle est réputé pour être l’un des plus difficiles, convoités et prestigieux du monde. Ces dix-sept dernières années, jamais un barrage n’avait ouvert ses portes à autant de duos. Le plus conséquent remontait à 2008, où huit cavaliers et chevaux avaient joué la victoire, tandis que depuis 2007, en moyenne, les finales au chronomètre se disputaient entre quatre ou cinq paires. Qu’importe, la victoire décrochée par Martin Fuchs et Hay El Desta Ali, alias Leone Jei, dimanche 6 juillet, restera à jamais dans l’histoire.
Martin Fuchs ne le sait pas encore, mais il s'apprête à ajouter un nouveau Grand Prix à son palmarès, et quel Grand Prix ! © Mélina Massias
Plusieurs fois, le Suisse est passé tout près du Graal. En 2016, d’abord, où une défense de son cher Clooney 51 avant l’ultime oxer aux couleurs de Rolex lui avait coûté la première place, au profit de Philipp Weishaupt et LB Convall, seul autre couple à n’avoir renversé aucune barre en première manche. En 2019, ensuite, où ce même Clooney lui avait permis de terminer douzième, puis en 2021 et 2023, avec deux huitièmes places acquises aux côtés de Leone Jei, de nouveau quatrième l’an dernier. Cette fois était la bonne pour l’Helvète, qui a vécu quelques sorties compliquées à La Baule puis Saint-Gall, où L&L Upgrade et Commissar Pezi ont montré leur incompréhension et leur mécontentement en piste. Entouré de ses proches, Martin Fuchs a succédé à son oncle, Markus Fuchs, vainqueur de ce même Grand Prix en 2004 avec Tinka’s Boy, à son parrain, Willi Melliger, sacré en 1983 aux rênes de Van Gogh, ainsi qu’à Paul Weimer Hauptmann, qui avait écrit son nom au palmarès du Grand Prix en 1973 grâce à Fink. Forcément, ce succès avait un goût particulier pour Martin Fuchs, qui avait fait du Grand Prix d’Aix-la-Chapelle un objectif majeur avec son agile gris par Bears, alias Baltic VDL, né chez le regretté Gijs van Mersbergen. “C’est une journée géniale, remplie d’émotions. Gagner ici, à Aix-la-Chapelle, est quelque chose que j’ai essayé de réaliser de nombreuses fois. Je suis passé proche du but à plusieurs reprises. Leone sautait de manière incroyable et je me suis dit que cette tentative pouvait être la bonne. L’an dernier, je l’avais laissé tomber en commettant une erreur. Alors, j’avais à cœur de faire mieux cette fois. Hier soir, avant de m’endormir, j’ai regardé des vidéos de nos parcours ici, à Aix-la-Chapelle, à Leone et moi. J’ai essayé d’améliorer ce qui n’allait pas et cela a payé. C’est un moment spécial pour toute ma famille”, a réagi Martin Fuchs en conférence de presse. “Au barrage, j’ai pris tous les risques. Je sais que si je ne commets pas d’erreur, Leone laisse presque toujours toutes les barres sur les taquets. Je suis chanceux ! J’ai enlevé une foulée avant le double, qui était l’obstacle le plus difficile du barrage. Mais face aux meilleurs cavaliers et chevaux du monde, il me fallait tout tenter.”
L'infatigable Leone Jei a survolé les trois parcours de Frank Rothenberger, dimanche 6 juillet. © Mélina Massias
Le chronomètre de Martin Fuchs - 50’’29 - seule une personne est parvenue à l’approcher, et même à l’abaisser. Toutes les autres ont été distancées, d’une seconde pour les plus chanceuses, et de deux ou plus pour la plupart des autres. En selle sur Dynastie de Beaufour, Nina Mallevaey a une fois de plus briller. Déterminée, confiante et précise, la Tricolore a bluffé son monde et a bien failli empocher sa deuxième victoire de la semaine à Aix-la-Chapelle, après celle acquise la veille aux côtés de My Clementine. Mais la chance n’a pas tourné en la faveur de la Nordiste, qui n’a pu éviter une faute sur ce terrible double doré. Encore si proche du but, la championne de France en titre s’impose encore un peu plus comme la star du clan tricolore et la nouvelle coqueluche de tous les passionnés, qui assistent en direct à la naissance d’un phénomène. Sur sa puissante fille de Diamant de Semilly à l’expérience relative, Nina Mallevaey s’est classée cinquième en 50’’01. À la fois remarquable et frustrant, ce résultat s’inscrit dans la droite lignée de performances XXL, comme à Rotterdam, il y a quinze jours, ou encore à Rome, en mai dernier. Mais où s’arrêtera-t-elle ?
Nina Mallevaey continue d'impressionner et ne laisse que des miettes sur sa route. © Mélina Massias
Alors qu’il avait signé un excellent triple sans-faute sur Dynamix de Bélhème, toujours aussi formidable et agréable à observer, Steve Guerdat faisait grise mine en sortie de piste. Pourtant, le Suisse, lui aussi souvent passé proche de la victoire à Aix-la-Chapelle, venait de prendre les commandes du classement provisoire. Mais, déjà, l’ancien numéro un mondial savait que ses chances de victoires étaient faibles, voire nulles. “J’ai plein de raisons d’être heureux ce soir”, a-t-il toutefois tenté de relativiser. “Ma jument a très bien sauté, mais il y avait beaucoup de sans-faute et le barrage n’était pas idéal pour elle. Je savais que je n’avais pas de chance de m’imposer. Je n’ai pas réalisé le barrage parfait aujourd’hui, mais, même en le faisant, je n’aurais pu espérer que la deuxième place. Nous sommes tous des compétiteurs et j’aurais évidemment préféré être premier, mais si quelqu’un devait me battre, autant que ce soit Martin. Désormais, je sais ce qu’il me reste à faire : je dois continuer d’oser et apprendre à aller plus vite avec Dynamix, qui revient en pleine forme après une longue pause.”
Troisième, Dynamix de Bélhème pourrait bien prendre sa revanche en 2026 ! © Mélina Massias
D’abord battu par Martin Fuchs, qui a tenu la corde jusqu’à la ligne d’arrivée, Steve Guerdat l’a aussi été par Laura Kraut, qui a régalé le public avec son fantastique Baloutinue. La sympathique Américaine était même en passe de venir chatouiller le chronomètre du lauréat du jour, mais a choisi de prendre moins de risques pour la fin de son barrage avec son hongre de quinze ans, aussi fringant qu’à ses débuts. “Je suis très heureuse ! Lorsqu’il y a onze barragistes, ce qui est beaucoup, avec les meilleurs cavaliers du monde, il est facile de terminer bien au-delà de la deuxième place. Le double doré était le juge de paix de ce barrage. Il était difficile à sauter, et beaucoup de couples en ont fait les frais. Je n’ai pas pu voir le parcours de Martin, et je ne savais pas que j’étais en avance sur son chronomètre au temps intermédiaire. Mais, contrairement à lui, je n’ai pas voulu prendre tous les risques sur le double. De toute façon, je n’aurais jamais pu aller aussi vite que lui pour aborder le dernier !”, a analysé la championne états-unienne, qui espère bien revenir sur cette magnifique arène l’an prochain, notamment pour les championnats du monde, qui annoncent déjà un très, très grand moment d’histoire et de sport.
Laura Kraut et Baloutinue ont livré trois démonstrations au public aixois. © Mélina Massias
En équitation, la vérité d’un jour n’est pas toujours celle du lendemain. Stephan de Freitas Barcha en sait quelque chose. Eliminé dès la première manche de la Coupe des nations jeudi après une chute impressionnante sur la rivière avec Chevaux Primavera*Imperio Egipcio, le Brésilien a pris sa revanche, et quelle revanche, dans le Grand Prix. En signant l’un des quatre triple sans-faute du jour, le médaillé d’or des derniers Jeux panaméricains a réalisé ce qui s’apparente à la plus belle performance de sa carrière avec sa jument brésilienne de treize ans. Très en forme, en atteste sa deuxième place dans l’étape du Longines Global Champions Tour de Paris, Fasther a une nouvelle fois fait honneur à ses naisseurs, la famille Moerings, en décrochant une très belle sixième place avec Lillie Keenan, décidément très en forme à Aix-la-Chapelle, quelle que soit sa monture. Rapides, les deux complices supplantent les champions olympiques Christian Kukuk et Checker 47, les surprises Olivier Robert et Iglesias DV ainsi que Gerrit Nieberg et Ping Pong van de Lentamel, révélation, ou plutôt confirmation, de la semaine à Aix-la-Chapelle.
Ping Pong van de Lentamel, en route pour 2026 ? © Mélina Massias
Amoureux à la ville, Richard Vogel et Sophie Hinners se sont rangés aux rangs dix et onze avec leurs respectifs United Touch S et Iron Dames*Singclair, après avoir chacun concédé huit points.
Avec un point encaissé au premier tour, Sandra Auffarth avait le sourire en quittant la piste sur un sans-faute au second, avec son tout bon Quirici H, vainqueur du Grand Prix de l’Officiel de Suède l’été dernier. Douzième, l’Allemande a réussi une prestation quasi-impeccable, qui a dû séduire Otto Becker. Si les sans-faute ont été légion tout au long d’un après-midi fort pluvieux, les fautes ont, de fait, coûté cher. Ce fut le cas pour Nicola Philippaerts, Kent Farrington et Emilie Conter, qui ont rétrogradé en quatorze, quinze et seizième position aux rênes de Katanga vd Dingeshof, Contina, alias Greya, et Portobella van de Fruitkorf, tandis que Ben Maher, sanctionné dans l’acte initial avec Point Break, a pris treizième position sur Point Break après un sans-faute lors de leur deuxième passage en piste. Grégory Wathelet, seul cavalier à avoir été sanctionné d’une barre dans chaque manche, termine dix-huitième avec Bond Jamesbond de Hay et est précédé par le jeune Tom Wachman, associé à l’extraordinaire Tabasco de Toxandria, auteurs d’un premier tour crédités de trois points, puis d’un second pénalisé par une faute.
Quirici H, complice de Sandra Auffarth, n'aura pas effleuré une barre de ses deux parcours dans le Grand Prix Rolex. © Mélina Massias
Photo à la Une : Dimanche 6 juillet, Leone Jei a remporté, à treize ans, le septième Grand Prix 5* de sa carrière. © Mélina Massias
Les épreuves du CHIO d'Aix-la-Chapelle sont à (re)voir sur Clipmyhorse.tv.