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“Les trois cavaliers britanniques ont fait preuve d’une détermination et d’un sang-froid remarquables”, Emeric George

podium
PARIS 2024 samedi 3 août 2024 Propos recueillis par Mélina Massias

Les premières médailles des épreuves de saut d’obstacles des Jeux olympiques de Paris ont été décernées. La Grande-Bretagne a dominé les Etats-Unis et la France, vendredi 2 août, tandis que certains favoris ont manqué leur rendez-vous versaillais.  Membre de l’équipe de France et habitué à côtoyer les prétendants aux titres olympiques chaque week-end, Emeric George dresse le bilan de chaque étape de cette échéance majeure pour Studforlife. Retour, dans cette troisième chronique, sur les enseignements de cette deuxième journée de compétition, où plusieurs couples se sont distingués, mais aussi sur les deux journées de repos accordées aux chevaux et cavaliers. 

Le parcours

“Nous avons assisté à une belle finale par équipes. Beaucoup de nouveaux obstacles ont été utilisés. Jeudi, le parc d’obstacles était joli, soigné, mais pas forcément très spectaculaire. C’était davantage le cas vendredi, avec notamment le premier étage de la Tour Eiffel ou le mur représentant le vitrail de Notre Dame. J’ai trouvé qu’il y avait de très, très beaux obstacles. Ces derniers semblaient très hauts, plus que la veille. Les verticaux étaient tous au-dessus d’1,60m, dès le numéro 2, ce qui n’est pas anodin. Ce sont les Jeux olympiques, ce n’est donc pas très surprenant. J’ai trouvé le parcours assez rectiligne, avec peu d’obstacles dans les courbes. Il était principalement constitué de lignes droites et de demi-tours. Le chronomètre était serré. Manifestement, les chefs de piste (Grégory Bodo et Santiago Varela, ndlr) ont cherché à faire du temps imparti un paramètre important. De fait, cela a diminué le risque de barrage que l’on avait imaginé. Le parcours était très bien et tous les chevaux ont bien sauté, sans catastrophe. Il y a tout de même eu des fautes, qui m’ont semblé assez ciblées, concentrées sur trois ou quatre points clefs : l’entrée du triple, le dernier double, ainsi que le mur de palanques derrière le triple. Il y a évidemment eu des fautes ci et là, mais j’ai quand même trouvé qu’il y avait trois ou quatre obstacles particulièrement fautifs. Dans l’ensemble, il n’y a pas eu de scores lourds. Alors que la dixième nation qualifiée pour la finale jeudi totalisait vingt points, les équipes à huit points ne pouvaient pas obtenir de médaille vendredi. Sur le plan comptable, cela est assez étonnant, d’autant que le parcours était nettement plus difficile que celui de la veille. Preuve que le format olympique, qui implique de débuter la compétition d’entrée sur un parcours de type Grand Prix, est particulièrement difficile. Dans l’ensemble, tous les chevaux ont semblé mieux sauter, être moins crispé et moins ému pour cette deuxième journée de compétition.”

L'étage de Tour Eiffel passé sans encombre pour le brillant Romeo 88, né Champion of Picobello, et Harry Charles, médaillés d'or par équipes. © Benjamin Clark / FEI



Le podium

“Les Britanniques ont mérité leur titre olympique. Je ne dirais pas qu’ils étaient au-dessus de tout le monde car les Etats-Unis étaient très proches, mais les trois cavaliers britanniques ont fait preuve d’une détermination et d’un sang-froid remarquables. J’imaginais que la course aux médailles serait serrée et elle l’a été. Les Britanniques ont réussi à se mettre au-dessus de la mêlée, donc chapeau à eux. 

Malgré un petit manque de réussite de Laura Kraut, les Etats-Unis ont livré trois très, très beaux parcours. Ils ont obtenu une très belle médaille d’argent, avec beaucoup de maîtrise aussi. 

La bataille pour le bronze a été très serrée. Je l’avais imaginé et cela s’est confirmé. Cela s’est joué à une demi-seconde : ce n’est vraiment rien ! Julien Epaillard a dix-sept centièmes d’avance sur le temps imparti. Il n’est pas passé loin d’ajouter un point de temps au compteur de la France. À l’inverse, Harrie Smolders et Uricas vd Kattevennen dépassent le temps accordé de soixante-quatre centièmes. Cela s’est joué à pas grand-chose. 

La médaille de bronze s'est joué à trois fois rien entre la France et les Pays-Bas. © Benjamin Clark / FEI

Le seul petit bémol que je pourrais formuler repose sur l’absence de barrage pour la médaille de bronze. Est-ce fair play ? En tant que Français, je ne vais pas m’en plaindre, mais, à la place des Pays-Bas, je n’aurais peut-être pas la même perception des choses. Perdre une médaille olympique pour une demi-seconde, ce qui équivaut à une foulée, en trois parcours… Ce n’est vraiment pas grand-chose. Tant mieux pour la France et tant mieux pour les chevaux, car un barrage leur aurait demandé des efforts supplémentaires et les Jeux olympiques ne sont pas terminés. Les équipes devaient avoir tous les détails du règlement en tête, donc charge à eux aussi de prendre les risques nécessaires. En préambule de la compétition, je pressentais qu’il faudrait être solide et efficace et cela s’est confirmé. Les neuf cavaliers qui sont montés sur le podium par équipes l’ont été et je pense qu’au vu de l’épreuve, c’est un podium mérité.” 

Pour quelques maigres centièmes, les Pays-Bas se contentent d'une médaille... en chocolat. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Des favoris passent à la trappe

“Avec un point de plus que la France et les Pays-Bas, l’Allemagne est cinquième. Même si elle a enregistré trois parcours très solides, elle a aussi fait tomber deux barres, une de plus que la France. Les voir cinquièmes est, quelque part, une surprise. Dans mon pronostic de jeudi, je les imaginais plus haut. Sur une manche, sans joker, cela ne tient à rien. C’est un peu la morale de cette histoire. 

Philipp Weishaupt et Zineday ont signé le seul sans-faute de la Mannschaft, pourtant souveraine la veille dans la qualificative par équipes. © Scoodpyga

Au rang des déceptions, il y a la Belgique, la Suède et l’Irlande. La Suède concède trois fois quatre points, avec des fautes plus regrettables les unes que les autres, notamment celles de Rolf Göran Bengtsson sur le numéro 1 et celle de Peder Fredricson sur la spa, deux obstacles plutôt anodins. Ces deux fautes sont certainement très facilement évitables. L’efficacité leur a manqué. King Edward, lui, a péché sur l’un des juges de paix du parcours. On l’avait vu assez ému jeudi, et on a retrouvé un très bon King Edward lors de cette finale, malgré ce petit quatre points. Ce cheval a déjà fait beaucoup dans sa carrière et cela peut peut-être expliquer cette faute. Le King Edward des championnats du monde de Herning ne l’aurait peut-être pas commise. 

J’avais placé la Belgique dans le groupe des challengers avant cette finale, mais j’aurais tout à fait pu les considérer comme favoris. J’avais trouvé les trois chevaux belges très en forme lors de la qualificative. Lors de la finale, il y a eu deux parcours à huit ans. Je pense que ce n’était plus arrivé à Ermitage Kalone depuis un an (le dernier parcours à deux fautes de l’étalon de dix ans remontait à décembre 2023 et était le troisième de toute sa carrière internationale à huit points ou plus, tandis qu’il n’avait plus renversé de barre depuis fin février 2024, ndlr) ! Concernant Quel Homme de Hus, je pense qu’il y a eu un petit peu de déconcentration de la part de Jérôme Guéry (une impression confirmée par le Belge lui-même en sortie de piste, ndlr) après sa première faute, car son cheval sautait bien. 
Fait rare pour être souligné, le jeune Ermitage Kalone a concédé huit points. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Pour l’Irlande, James Kann Cruz fait cinq points. C’est fou, parce qu’il réalise un bon parcours mais prend un risque sur le dernier, qui coûte cher à son équipe. Shane Sweetnam et Cian O’Connor, qui sont vraiment les deux piliers de cette équipe, ont été un peu en dessous de ce qu’on pouvait attendre d’eux, parce que ce sont vraiment deux super cavaliers, avec deux très bons chevaux.” 



Des parcours qui sortent du lot

“J’ai trouvé Daniel Coyle vraiment très, très bon. Sa jument, Legacy, sautait de manière remarquable. Si on doit retenir un parcours où il y a eu beaucoup, beaucoup de maîtrise, je pense qu’on peut donner la palme à Daniel Coyle. Il a peut-être livré le parcours avec le plus d’aisance. 

Daniel Coyle et Legacy ont fait forte impression à Emeric George. © Scoopdyga

La performance qui mérite d’être soulignée sur cette finale est celle d’Olivier Perreau. Dans ma première chronique, j’évoquais son rôle de remplaçant et sa solidité mentale. Il l’a démontré aujourd’hui. Il a été très bon, a vraiment bien monté sa jument, qui a très bien sauté aussi. Tous deux ont eu une vraie influence sur l’équipe de France. C’est la mention spéciale du jour. 

Quel moment pour Olivier Perreau et sa jument maison, Dorai d'Aiguilly ! © Scoopdyga

La prestation de Scott Brash m’a aussi marqué. Il avait une pression de dingue ! Avant lui, McLain Ward avait aussi fait une démonstration et le sans-faute était difficile à réaliser. Avec le format olympique, Scott Brash est rentré en piste en étant potentiellement champion olympique, mais il aurait pu en sortir en étant neuvième. À ce moment-là, il peut tout gagner ou tout perdre. Ce parcours-là est vraiment dur à faire et il l’a fait avec la manière. Au-delà de s’être montré solide et efficace, il a été remarquable dans son équitation. Il y a eu plein d’autres très bons parcours : j’ai trouvé celui de McLain Ward magnifique, Kim Emmen a été formidable, etc. Si je devais dégager des favoris pour l’individuel à l’instant T, je dirais Daniel Coyle, Philipp Weishaupt, et Ben Maher, dont la jument a vraiment très, très bien sauté aussi. Mais ils ne sont pas les seuls à avoir de sérieuses chances !”

Avec Jefferson, Scott Brash a impressionné Emeric George. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Deux jours de repos avant une nouvelle épreuve couperet

“Entre la finale par équipes et la première qualificative individuelle, il y aura deux jours de repos, un de plus que dans un championnat traditionnel. Sans que je puisse l’expliquer physiologiquement, il arrive que les chevaux ne soient pas forcément mieux après deux jours de récupération plutôt qu’un, même si cela peut sembler un peu paradoxal. Mais dans l’absolu, je trouve cela bien qu’il y ait deux jours de pause. Cela fait toutefois une grosse différence entre les chevaux qui ont sauté la finale par équipes et ceux qui vont entrer dans la compétition lundi. Je pense que les chevaux finalistes par équipes seront plus dans le coup. Il y aura certainement un paramètre fraîcheur qui entrera en jeu pour la finale individuelle, mais au stade des qualifications, je pense que les chevaux qui ont participé à la finale par équipes auront un vrai avantage. 

Ben Maher et Dallas Vegas Batilly n'ont pas fait tombé de barre depuis le début de la compétition. © Benjamin Clark / FEI

Pendant ces deux jours de repos, les chevaux qui ont sauté les deux premières journées de compétition devraient être dans de l’entretien physique. Samedi, je pense que la journée sera très light, puis il y aura sans doute un travail sur le plat un peu plus consistant dimanche, tout en restant dans de la gestion. Pour les chevaux qui n’ont pas encore concouru, il y aura eu un laps de temps assez conséquent entre la warm-up de mercredi et leur première épreuve. Je ne connais pas tous les détails des infrastructures sur place, mais je pense que les cavaliers auront la possibilité de ressauter quelques obstacles, peut-être une combinaison, ou de faire un petit travail de gymnastique dimanche. Si j’avais à gérer cette situation, je referais certainement quelques sauts, sans forcément qu’ils soient hauts.”

Photo à la Une : Les trois Britanniques Scott Brash, Harry Charles et Ben Maher célébrant leur médaille d'or olympique à Versailles. © Benjamin Clark / FEI