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“Les meilleurs chevaux ne sont pas tous issus des meilleures lignées du monde”, Tim Gredley (2/2)

Tim Gredley Tres Bien Aix-la-Chapelle
samedi 22 juillet 2023 Mélina Massias

Prédit comme relève du clan britannique il y a une vingtaine d’années, le discret et talentueux Tim Gredley a pris un peu de recul sur son sport… pour revenir tel un boomerang. Entre 2014 et 2022, le sympathique Britannique n’a pas disputé le moindre Grand Prix 5* et a même opéré un break total sur la scène internationale entre 2016 et 2019. Pourtant, depuis quelques mois, celui qui fut un temps jockey est un incontournable de l’équipe de Di Lampard. Quatrième du Grand Prix de Rome, 0+4 dans la Coupe à Saint-Gall, et présent à Aix-la-Chapelle aux côtés des brillants Scott Brash, Harry Charles et Ben Maher, l’heureux quadra a volontiers pris quelques minutes de son précieux temps pour revenir sur ce retour fracassant, évoquer ses chevaux de tête, dont le fabuleux Medoc de Toxandria, son intérêt pour le monde des courses ou encore sa farouche volonté de soutenir l’industrie britannique, en proie à nombre de problématiques depuis le Brexit. Rencontre, en deux épisodes.

La première partie de cette interview est à (re)lire ici.

Au-delà de votre talent et de votre travail, votre retour sur le devant de la scène est aussi dû à d’excellentes montures, dont votre cheval de tête, Medoc de Toxandria (Der Senaat 111 x Kelvin de Sainte Hermelle). Comment l’avez-vous rencontré et quelle a été votre première impression sur lui ?

J’ai eu beaucoup de chance grâce à un ami installé en Angleterre, David Simpson. J’ai acquis beaucoup de bons chevaux par son intermédiaire. Medoc était dans ses écuries et je l’ai vu. Je ne l’ai pas essayé, j’ai simplement adoré la façon dont il se comportait. Tous ceux qui disent qu’ils savent ce qu’ils font sont des menteurs. C’était tout une question de chance. Le timing était bon, puisque le cheval était là pour être vendu. Pour être franc, je n’essaye jamais les chevaux que j’achète. J’effectue simplement quelques recherches pour voir des vidéos et des choses comme cela. Pour moi, lorsque j’achète un cheval, il me faut beaucoup de confiance. Je connais David, et j’ai cru ce qu’il me disait. Il en a été de même avec mon autre bon cheval, Imperial HBF (Glasgow van’t Merelsnest x Original VDL, né Welcome), qui m’a été recommandé par Scott, via l’un de ses amis. J’ai juste été très chanceux, dans le sens où tout tombait au bon moment et que j’ai pu l’acheter à ce moment de ma carrière.

Medoc de Toxandria a signé une bonne seconde manche dans la Coupe des nations d'Aix-la-Chapelle, confirmant les bonnes impressions laissées à Rome puis Saint-Gall. © Mélina Massias

Quelles sont les principales qualités de Medoc ?

Son mental est formidable. Il veille sur vous. En sortant d’un Grand Prix 5*, c’est comme si de rien n’était. Il n’y a pas la moindre once d’adrénaline en lui. Sa volonté de faire plaisir est quelque chose que je n’ai jamais vraiment vu chez un cheval. Il n’est pas très classique ; il a un galop étrange et n’est sans doute pas le premier cheval que l’on achèterait pour faire du saut d’obstacles. Mais sa mentalité est sa principale qualité. C’est primordial aujourd’hui, d’autant plus dans des événements comme Aix-la-Chapelle. Lorsque je suis entré en piste pour la Coupe des nations, un Allemand venait de signer un sans-faute et les tribunes sont devenues folles. C’est une ambiance impressionnante à gérer pour un cheval et un cavalier. Medoc est le genre de cheval qui n’a pas de problème avec cela.

Un câlin en guise de "merci" après la quatrième place de l'excellent Medoc de Toxandria dans le Grand Prix du CSIO 5* de Rome. © Sportfot

“J’aimerais évidemment tenter ma chance et ambitionner les Jeux olympiques”

Avec un tel cheval, on doit nourrir de grands objectifs. Pensez-vous aux prochains championnats ?

Oui, je crois. Comme je l’ai dit, je voulais déjà passer le cap d’Aix-la-Chapelle et faire le point après cela. J’ai également un excellent cheval en Imperial. Je suis chanceux d’avoir deux candidats potentiels pour un championnat. Beaucoup de choses dépendront des circonstances, des forces en présence et autres. Je suis très heureux de la façon dont les choses se déroulent jusqu’à présent, et j’aimerais évidemment tenter ma chance et ambitionner les Jeux olympiques, mais chaque chose en son temps.

Pas le plus classique, Medoc de Toxandria n'en reste pas moins pétri de talent. © Mélina Massias



Quelle est l’histoire d’Imperial HBF ?

Il a été formé par un bon ami de Scott, Alex Barr, en Ecosse. Encore une fois, nous nous sommes rencontrés au bon moment. Imperial était à vendre. J’ai rencontré Alex et beaucoup aimé le cheval. Nous sommes tombés d’accord sur une offre d’achat. Imperial a sans doute une année de retard par rapport à Medoc. Il a disputé sa première épreuve à 1,60m aujourd’hui (vendredi 30 juin, laissant toutes les barres sur les taquets, ndlr), mais est encore un peu vert. Il n’a aucune malice en lui, seulement un manque d’expérience. Je pense qu’il est très prometteur pour l’avenir. Des parcours comme celui d’aujourd’hui (où le hongre a été surpris par un virage, concédant un refus et du temps, ndlr) ne vont que lui être bénéfiques à long terme.

Présent à Chantilly, Imperial HBF a déroulé un bon Grand Prix dans l'épreuve reine du CSI 4*, concédant quatre points seulement. © Mélina Massias

Votre piquet compte également le talentueux Guestlist (Cicero van Paemel x Eros Platiere), que vous avez récupéré en début d’année. Au-delà de ses qualités évidentes, ce charmant gris ne semble pas être le plus facile !

Non, ce n’est pas le plus simple, mais je dois dire qu’au-delà du petit couac que nous avons connu dans le Prix de l’Europe (où le gris a été surpris par la rivière, poussant son cavalier à abandonner sur le champ, malgré un superbe début de parcours, ndlr) il n’a été que très franc. Il n’est absolument pas méchant. Même s’il n’est pas le plus facile à monter, il a de sacrées aptitudes ! C’est un super atout dans mon piquet, notamment lorsque j’accorde du repos à Medoc ou Imperial. Je suis chanceux de l’avoir à mes côtés. Il a également une super tête. Je n’ai pas de doute avec lui, c’est un très bon cheval.

Extrêmement styliste, Guestlist continue son ascension vers le haut niveau et s'affirme comme un excellent atout dans le piquet de Tim Gredley. © Mélina Massias

Songez-vous à vendre l’un d’entre eux à plus ou moins long terme, ou entendez-vous les conserver dans vos écuries ?

On doit parfois se séparer de certains chevaux pour que cela fonctionne. L’un d’eux sera probablement vendu à un moment ou un autre, mais je suis dans la position confortable de pouvoir les conserver tous les trois pour l’instant. Si je veux essayer de prendre part à un championnat, je ne peux pas avoir cette prétention avec un seul bon cheval. Il faut toutes ces bonnes montures pour rester dans la course, pour continuer à participer à de beaux concours. On verra ce qui se passe. Il y a quelques personnes intéressées pour les acheter, mais nous verrons en temps voulu. Je ne suis pas pressé.

Imperial HBF a disputé son deuxième parcours à 1,60m à Aix-la-Chapelle. © Mélina Massias

“Quel que soit le niveau que Très Bien atteindra, il sera un très bon cheval”

Quid du jeune et très plaisant Très Bien (Toulon x Nabab de Rêve) ?

Encore une fois, il s’agit d’un cheval que j’ai acheté auprès de David Simpson. Je l’ai acquis lorsqu’il avait six ans. Je ne suis pas certain du niveau qu’il atteindra, mais quel qu’il soit, Très Bien sera un très bon cheval. Je ne sais pas encore s’il sera un cheval de Coupe des nations ou autre. En tout cas, il est très respectueux, a un super mental et est très bien né. Je suis juste très chanceux de compter aussi sur lui.

Petit par la taille mais grand par le talent, le bien nommé Très Bien, huit ans et déjà deuxième de son troisième Grand Prix 2* sur l'herbe de Chantilly Classic, a l'avenir devant lui. © Mélina Massias

Avez-vous d’autres jeunes chevaux sur lesquels vous espérez pouvoir compter dans le futur ?

Oui, nous en avons quelques-uns. J’ai acheté quelques très plaisants quatre ans à l’élevage Billy, de William Funnell. Ils ont désormais six ans. Je pense sincèrement qu’il est très important d'essayer de soutenir l’industrie britannique de saut d’obstacles. Tous les chevaux que j’ai avec moi à Aix-la-Chapelle viennent d’Angleterre. Avec ce qui se passe en ce moment, notre pays va être en difficulté, notamment en raison du Brexit et de ce qui va avec. Donc j’ai des chevaux qui arrivent. Le problème lorsqu’on prend part à ce genre de concours à haut niveau, c’est qu’on n’a pas vraiment assez de temps pour se concentrer sur eux. Alors, je les achète, je les laisse mûrir un certain temps et j’espère qu’ils seront prêts dans quelques années !

Sortie de piste en équipe, avec les grandes écuries de Chantilly comme décor. © Sportfot



Vous intéressez-vous à l’élevage de chevaux de sport, en parallèle de votre implication dans la gestion de votre cheptel de poulinières de course ?

Je pense que j’ai déjà assez de pain sur planche avec les courses (rires). Mais cela m’intéresse. Personnellement, je ne pense pas que les origines des chevaux d’obstacles jouent un rôle aussi important que celles des chevaux de course. Quoi qu’il en soit, je n’achèterais jamais un cheval pour ses origines, mais je ne refuserais pas non plus d’en acheter en raison de ses origines. C’est évidemment un facteur important, mais les meilleurs chevaux ne sont pas tous issus des meilleures lignées du monde. 

Le moderne Imperial HBF en pleine détente, samedi matin à Chantilly, avant le Grand Prix 4*. © Mélina Massias

“Je suis très ouvert au sujet de la santé mentale”

Vous évoquez les problèmes que rencontre le Royaume-Uni en raison du Brexit. Vous sentez-vous concerné par ce sujet ?

Être assis ici et dire que je ne suis pas inquiet serait un mensonge. Et je pense que cela ne serait pas utile. Les coûts des voyages grimpent en flèche. Bien que le Brexit ait formellement eu lieu il y a un moment maintenant, les gens prennent conscience depuis relativement peu de temps du problème, surtout pour les concours en Angleterre. Ils vont vraiment avoir du mal à attirer des compétiteurs étrangers, puisque cela n’a aucun intérêt pour eux. Malgré tout, il y a une très forte demande du public pour assister au sport. J’étais à Hickstead fin juin, et je n’ai jamais vu autant de monde et d’effervescence ! C’est aussi pour cela que j’ai envie de continuer à soutenir l’industrie et l’équipe britannique.

Une caresse pour Très Bien, impeccable sur la piste d'Aix-la-Chapelle. © Mélina Massias

En tennis, snooker et dans plein d’autres sports, les discussions au sujet de la santé mentale s’ouvrent de plus en plus. Les échanges se débloquent également dans les sports équestres depuis peu. Quel regard portez-vous sur cela ?

Je suis très ouvert sur ce sujet. J’ai eu mes propres problèmes par le passé. Je suis très chanceux d’avoir une famille formidable autour de moi. De mon expérience dans les courses, je sais que ces préoccupations sont de plus en plus acceptées. On convient que les gens peuvent rencontrer des difficultés et avec des problèmes. Le sport est un jeu de pression et il est très naturel pour les gens de rencontrer des difficultés. Avoir quelqu’un à qui parler régulièrement, ce que je fais, ne peut être que bénéfique pour avancer.

Récupération active pour le superbe étalon SBS Guestlist. © Mélina Massias

Bien que votre emploi du temps soit déjà bien rempli, appréciez-vous d’autres activités, qui n’ont pas trait au monde équestre ?

Je crois que je devrais répondre le golf, mais cela prend trop de temps à mon goût ! Donc non, pas vraiment. Les chevaux sont ma passion. Et si je ne suis pas en train de pratiquer le saut d’obstacles, je regarde les courses !


Récompense en fin de parcours pour le studieux Imperial HBF. © Mélina Massias

Photo à la Une : Une caresse bien méritée pour le bien nommé Très Bien après un double sans-faute dans la finale réservée aux chevaux de huit ans au CHIO 5* d’Aix-la-Chapelle. © Mélina Massias