Vejer de la Frontera. Vilamoura. Riyad. Valkenswaard. Rien ne résiste à HHS Calais. À douze ans, l’immense et atypique bai au cœur plus grand que lui s’impose comme l’un des chevaux du moment. Pur produit irlandais, la pépite de Tom Brennan, sublimée par Michael Pender et ses propriétaires, Marion Hughes et Miguel Bravo, est en marche pour se hisser au rang de pilier de l’île d'Émeraude. Lauréat de cinq Grands Prix en l’espace de sept mois, le hongre découle d’une excellente lignée maternelle, cultivée avec brio du côté de Kilkenny depuis plus d’un demi-siècle. Légitimement, son entourage se donne le droit de rêver de Paris. Portrait.
Les première et deuxième parties de cet article sont à (re)lire ici et ici.
Après une septième place dans le Grand Prix 5* du Longines Global Champions Tour de Doha en mars 2022, Calais frôle le Graal lors de l’étape de Hambourg, où il s’incline face à Christian Ahlmann. Deux mois plus tard, l’ISH prend sa revanche à Valkenswaard, où il règne sans partage, avant d’enfoncer le clou à Riyad, quelques semaines après avoir brillamment honoré sa première sélection en Coupe des nations Seniors, au profit d’un convaincant sans-faute lors de la finale Longines du circuit, à Barcelone. Parti sur les mêmes bases en 2023, avec une victoire dans un Grand Prix 3* à Vilamoura, puis deux triomphes au niveau supérieur à Vejer de la Frontera, Michael et Calais devraient encore faire parler d’eux dans les semaines à venir.
Du caractère et de la volonté
Derrière l’athlète Calais, se cache une personnalité bien affirmée, comme chez beaucoup de cracks, et surtout une volonté impénétrable. “Le sentiment à l’obstacle a toujours été fantastique. Calais a une mentalité incroyable. À pied, il peut être un peu difficile, mais une fois en selle, il est toujours génial”, expose l’heureux cavalier du bai. “Il a un fort caractère !”, s’amuse, quant à elle, Marion, sa propriétaire. “Il est très proche de l’homme, mais, lorsqu’il descend du camion ou sort de son box, il lui arrive de se comporter comme un étalon. Il nous tire ! Si on ne fait pas attention, il pourrait partir avec nous au bout de la longe. (rires) C’est un grand cheval. Il est très long et prend beaucoup de place dans le camion, mais il est très courageux. C’est le cheval irlandais par excellence : on pourrait mettre une rivière sous un obstacle qu’il ne s’en inquiéterait pas. Il n’est pas anxieux ; il est pétri de moyens et respectueux. Il a sa propre technique, ce qui le rend un peu insolite dans ses jambes, mais il ne veut pas toucher les barres. Je pense que du fait qu’il ait été monté par Mikey depuis si longtemps, il a simplement envie de lui faire plaisir. Mikey croit beaucoup en lui. Je pense qu’ils ont une relation unique. J’ai monté Calais moi-même. Il paraît sans doute plus difficile qu’il ne l’ait réellement. C’est un cheval plutôt facile à monter, mais sauter 1,60m est ardu pour n’importe quel équidé. Calais a sauté un petit paquet de grosses épreuves et cela semble aisé pour lui. C’est un cheval fabuleux.”
Modeste, et un brin timide, Michael Pender ne trouve pas vraiment d’explication à ses nombreux succès… à part peut-être le talent de son formidable partenaire. “Nos performances ces derniers mois ont été incroyables, mais tout le mérite revient à Calais. Il se bat et fait toujours de son mieux. Et puis, il a un état d’esprit incroyable”, répète le jeune Irlandais. “Nous avons attendu Calais, qui est un grand cheval. Il a fallu du temps pour que son corps mûrisse et s’endurcisse. Il veut gagner autant que moi et je pense qu’il a tous les moyens du monde. Il peut sauter les parcours les plus impressionnants du monde et veut toujours être sans-faute. Parfois, il peut être un peu trop excité. Alors, mon plus grand défi est sans doute de le garder aussi calme que possible. Il a une vraie personnalité, adore recevoir l’attention de tout le monde et jouer avec tout ce qui trouve autour de lui aux écuries ! Calais veut tout dire pour moi. Sans lui, je n’aurais pas gagné tous ces Grands Prix et je ne serais pas dans la situation qui est la mienne aujourd’hui et ne pourrais pas accéder à tous ces concours et autres incroyables opportunités.”
La relève se prépare…
Il reste de longues et belles années à Calais, pour briller encore plus loin, encore plus haut. Pourtant, Marion, sa propriétaire, prépare déjà la relève. Au-delà de son propre élevage, la championne, consciente de la pépite qu’elle tient entre ses mains avec son immense bai, a saisi l’opportunité d’acquérir… sa sœur utérine ! “J’ai vendu à Marion une pouliche de quatre par Vigo d’Arsouilles avec la mère de Calais. L’affaire a été conclue le matin de la victoire de Mikey dans le Grand Prix de Riyad ! C’est une sauteuse fantastique, elle n’est pas très grande, mais vraiment géniale. Lorsque Calais gagne, ses propriétaires disent toujours combien ils sont chanceux de l’avoir acheté quand ils l’ont fait. Alors, là, ils voulaient absolument faire l’acquisition de cette pouliche avant le Grand Prix, parce qu’ils sentaient que Calais allait gagner. Nous avons regardé l’épreuve ensemble l’après-midi, et j’ai plaisanté en disant que le prix avait augmenté pour la jument après cette victoire”, s’amuse Tom, à l’origine de toute cette épopée. “Peu importe, je suis ravi. Cette jument est pleine et va pouliner chez Marion. De mon côté, j’ai encore un hongre par Carerra VDL (né Balou), qui prend trois ans cette année et n’a pas encore sauté, ainsi qu’un yearling, issu d’un étalon de Marion. Enfin, j’attends, d’ici un mois, un poulain par Aganix du Seigneur, le tout avec la mère de Calais. Je pense que cela sera un bon croisement. Obos Cruise est une formidable jument, mais elle est vraiment comme une ponette. Lorsque nos chevaux sont jeunes, nous les faisons sauter en liberté, juste pour voir s’ils ont une bonne technique. La sienne était des plus incroyables. Son passage de dos était absolument surnaturel. À côté d’elle, même Cornet Obolensky (né Windows van het Costersveld, ndlr) aurait semblé moyen ! (rires) Elle est formidable. Ses postérieurs montaient en l’air de façon stupéfiante. Elle retombait presque à la verticale, tant elle sautait haut. Et tout cela était évidemment naturel ; personne n’a tenté quoi que ce soit avec elle. Nous l’avons fait sauter en liberté deux fois et l’avons consacrée à l’élevage.” Et quelle bonne décision. Cette petite mais mighty grise, dont les ancêtres détiennent déjà un sacré palmarès, pourrait bien propulser l’élevage irlandais des Brennan dans une nouvelle dimension, eux qui font déjà partie des piliers de leur île.
… en attendant Paris !
Pendant que sa chère mère se porte comme un charme et profite pleinement des vertes prairies irlandaises, Calais, lui, a les yeux rivés vers quelques objectifs majeurs, dont les Jeux olympiques de Paris, prévus dans moins de cinq-cents jours. “Les Jeux olympiques sont un rêve pour chaque cheval que l’on fait naître. Tout ce que l’on veut, ce sont les Jeux. Alors, lorsqu’un cheval atteint le très haut niveau en saut d’obstacles, ce que Calais a désormais atteint, ce n’est que satisfaction. C’est toujours très plaisant lorsqu’un cheval que l’on fait naître et accomplit ce que l’on imaginait pour lui, d’autant plus lorsqu’on a identifié ce potentiel jeune. C’est fantastique pour notre élevage de voir nos protégés performer de la sorte”, se satisfait Tom, qui n’a, sans le moindre doute, pas fini de faire naître des cracks.
Après ses récentes performances, Michael ne peut renier son ambition de grand championnat. “Evidemment, cela est quelque part dans notre esprit. Tout doit se dérouler sans accroc jusqu’à l’échéance, mais j’espère que nous pourrons aider l’Irlande dans sa réussite. Si tout va bien, nous serons prêts au besoin pour les championnats”, assure le jeune homme, qui devra se montrer à la hauteur, dès ce week-end, pour le CSIO 5* de Rome. La sublime place de Sienne devrait convenir à merveille à son Calais, qui fera évidemment partie des favoris, dimanche, pour le Grand Prix.
“Nous adorerions entrer en considération pour les JO l’année prochaine”, avoue Marion. “Je suis consciente que l’équipe irlandaise est très forte et qu’il est toujours difficile de nourrir de tels objectifs, mais c’est notre souhait. Je sais que Mikey et Calais ne laisseraient pas tomber l’équipe, même aux Jeux. Ils sont capables de jouer leur carte sur une telle échéance. Le seul problème serait sans doute la concurrence en Irlande ! Et puis, tout est toujours une question de timing ; il faut que le cheval soit en forme au bon moment, que l’on ait les bonnes opportunités, etc. Mais dans tous les cas, nous voulons tenter notre chance. Mikey a tout le temps devant lui, mais pour les Jeux, il faut un cheval avec des moyens spéciaux, une grande amplitude et de l’expérience pour affronter les obstacles parfois originaux. Le niveau a tellement évolué… [...] Une autre ambition pour cette année serait de faire partie de l’équipe pour l’Aga Khan (la Coupe des nations de Dublin, ndlr). Ce serait énorme. Tous les cavaliers irlandais en rêvent. Mikey et Calais vont devoir se battre ; c’est encore plus difficile de faire partie de cette équipe que de celle envoyée aux Jeux (rires).”
Si HHS Calais traverse la Manche pour rejoindre Paris l’été prochain, aux côtés de Marion Hughes, Miguel Bravo, et Michael Pender, nul doute que Tom Brennan se joindra à la fête. “Tom a fait naître plein de super chevaux. C’est un éleveur fantastique et c’est formidable de l’avoir derrière Calais et moi”, glisse le discret Michael Pender. “Lorsque les résultats sont là, Tom est aussi heureux que moi. C’est génial. Il est près de la maison, ce qui est assez cool. Alors, parfois il vient rendre visite à Calais.” Pour sûr, le voyage jusqu’à Paris ne serait qu’une bouchée de pain pour toute cette équipe.
Photo à la Une : HHS Calais et son cavalier, Michael Pender, portant fièrement les couleurs de l'Irlande lors de la finale du circuit des Coupes des nations à Barcelone, en 2022. © Mélina Massias