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“Les chevaux sont toute ma vie, ce pour quoi je vis”, Jur Vrieling

Interviews jeudi 17 mars 2022 Mélina Massias

Depuis quelques mois, Jur Vrieling est de retour sous le feu des projecteurs. Fort d’une tournée plus que réussie aux Émirats arabes unies, le cavalier peut compter sur deux montures de Grand Prix, avec lesquelles il a enregistré plusieurs classements en 5*. À cinquante-deux ans, le Néerlandais, médaillé d’argent par équipe aux Jeux olympiques de Londres en 2012, puis d’or aux Jeux équestres mondiaux de Caen en 2014 et aux Européens d’Aix-la-Chapelle l’année suivante, est loin d’avoir dit son dernier mot. Avec les Mondiaux de Herning dans un coin de la tête, Jur Vrieling prépare savamment ses jeunes recrues pour le futur. Prônant l’écoute des chevaux, le Oranje s’est confié sans détour son son intense passion pour ses compagnons à quatre jambes.

Avant de terminer septième du Longines Global Champions Tour de Rome en septembre, votre dernier classement en Grand Prix 5* remontait au mois de mai 2019. Depuis quelques temps, vous semblez de retour en grande forme. Comment vous sentez-vous ?

Je me sens bien ! Ces résultats ont aussi été rendus possibles par mon sponsor, SF Equestrian, qui était prêt à acheter de bons jeunes chevaux pour moi. J’ai pu commencer à les former un peu l’an dernier et désormais, tout se met en place petit à petit. Les chevaux progressent et gagnent en expérience. J’espère que c’est le début d’une belle success story. 

Vous avez posé vos valises aux Émirats arabes unis cet hiver. Pourquoi avoir choisi cette tournée plutôt qu’une autre ?

En général, je ne participe que rarement à des tournées. Il y a assez d’autres bons concours. Nous avons regardé ce qu’il se faisait en Espagne, notamment au Sunshine Tour, qui est un bon événement. Nous y étions déjà allés (notamment en novembre 2020, ndlr). Finalement, nous avons choisi de nous rendre aux Émirats arabes unis. C’est une tournée assez onéreuse, mais aussi intéressante pour le commerce de chevaux.

IChabade de l'Esques, né chez Laurent Jamault, dans le Calvados, a déjà remporté quelques belles épreuves. © Sportfot

Quel bilan tirez-vous de vos résultats dans la péninsule arabique ?

L’an passé, nous avons acheté trois bons chevaux de neuf ans pour moi. Ils prennent dix ans cette année mais n’ont pas la plus grande expérience. Des chevaux comme Long John (Silver 3, Holst, Lasino x Corrado I), Chabada (de l’Esques, SF, Quebracho Semilly x Apache d’Adriers) et Griffin (van de Heffinck, sBs, Castelino van de Helle x Contact van de Heffinck) ont beaucoup appris lors de cette tournée. Nous avions ciblé les deux échéances de Doha pour Long John et espérions qu’il soit en forme. Nous l’avons vraiment préparé aux Émirats pour ces deux Grands Prix. C’était notre objectif majeur. À Doha, il a terminé septième du premier Grand Prix, puis troisième du second. On est toujours ravi lorsqu’un plan abouti. Ce n’est pas toujours le cas, alors il faut avoir un peu de chance. Tout a bien tourné et nous étions vraiment ravis.

Long John Silver semble monter en puissance de week-end en week-end. Quelle est son histoire et quels sont vos objectifs avec lui ?

Notre manager, Mounaim Dani, a repéré le cheval puis l’a acheté. J’ai ensuite commencé à le monter. L’année dernière, il a déjà participé à quelques épreuves du Global et tout est allé assez rapidement. Pendant l’hiver, j’ai pu prendre le temps de le connaître un peu mieux et de me concentrer sur les détails. Désormais, il est plus fort et un peu plus rapide. Nous ne sommes pas encore où nous voulons être, mais il progresse vraiment bien. Au fond de moi, je pense aux championnats du monde. Ce serait notre plus grand objectif. Mais bien sûr, de nombreux cavaliers néerlandais ont le même rêve, alors ce sera déjà assez difficile en soi. Malgré tout, j’ai prévu mon programme en fonction de cette échéance. Je ne disputerai pas trop de compétitions avec lui et me concentrerai davantage sur le fait de m’entraîner. Si nous ne sommes pas sélectionnés, ce ne sera pas grave. Rien ne nous aura été volé puisque nous aurons simplement l’opportunité de mieux travailler pour le prochain championnat.

Le prometteur Fiumicino van de Kallevalei, ici à Prague sous la selle de Jur Vrieling. © Sportfot

Outre Long John, Fiumicino van de Kallevalei (sBs, Plot Blue x Nabab de Rêve) fait aussi ses preuves au sommet du sport. Quelles ambitions nourrissez-vous avec lui cette année ?

Fiumicino est un très bon cheval et il a déjà rencontré du succès l’an passé. À Prague, lors des Plays-off, il a très bien sauté. Nous lui avons donné un peu de vacances car il a beaucoup donné l’an dernier, alors qu’il n’avait que dix ans. Le week-end dernier, il a fait son retour à Bois-le-Duc (le couple a conclu le temps fort dominical avec huit points, ndlr). Il ira à Paris (au Saut Hermès, ndlr) ce week-end, puis nous aviserons. J’espère pouvoir emmener Long John dans son ombre. Fiumicino a plus d’expérience, donc il peut affronter les épreuves majeures. J’espère que Long John prendra ensuite son relais. Avec deux très bons chevaux, on est beaucoup plus fort qu’avec un seul. Cela permet d'alterner entre chacun et de leur donner un peu de repos. C’est vraiment positif d’avoir deux chevaux comme eux en pleine forme.

“Je n’ai pas envie d’être un choix par défaut”

Votre dernière sélection en grand championnat remonte à 2018. Retrouver la veste de l’équipe hollandaise cet été à Herning serait une belle récompense pour vous…

Oui, et c’est mon objectif. Je suis très reconnaissant envers SF Equestrian qui me permet de monter de bons chevaux et d’avoir des chances de retrouver l’équipe néerlandaise. Maintenant, c’est à moi de jouer. Je travaille très dur pour y parvenir et que tout soit en ordre. Je n’ai pas envie d’être un choix par défaut ; je dois être suffisamment bon pour que les chevaux soient sélectionnés d’eux-mêmes. Je suis prêt à suivre les conseils des coaches et c’est à moi, en tant que cavalier, de gagner ma place dans l’équipe.

Jur Vrieling et Glasgow vh Merelsnest, ici aux Jeux équestres mondiaux de Tryon, en 2018. © Scoopdyga

L’équipe néerlandaise était extrêmement forte, voire imbattable entre 2012 et 2015. Après une période un peu en-deçà, les Oranje semblent être de retour sur le devant de la scène, notamment après la médaille de bronze décrochée par Maikel van der Vleuten et Beauville (Z, Bustique x Jumpy des Fontaines) à Tokyo, et la victoire collective lors de la finale des Coupes des nations Longines, à Barcelone, en octobre dernier. Comment expliquez-vous ce retour en force ?

Nous avons quelques jeunes cavaliers très forts et de bons chevaux. La jeunesse devient de plus en plus compétitive, à l’image de Kevin Jochems ou Sanne Thijssen qui font un excellent travail. Le niveau général est en train d’augmenter. Cela dépend également beaucoup des chevaux sur lesquels nous pouvons compter à l’instant T. En fin de compte, il faut vraiment d’excellentes montures. Sanne et Kevin ont gagné leur place dans l’équipe avec de nouveaux chevaux talentueux. Willem Greve aussi peut compter sur un bon cheval (Grandorado TN, KWPN, Eldorado vd Zeshoek x Carolus II, troisième du Grand Prix 5* de Bois-le-Duc, ndlr), tout comme moi avec Long John. Tout sera ouvert et nous devons nous concentrer sur notre travail. Je pense simplement qu’en ce moment, nous avons de meilleurs chevaux aux Pays-Bas.

La jeune génération semble effectivement extrêmement solide. Elle l’a d’ailleurs prouvé à Bois-le-Duc ce week-end. Cela vous motive-t-il davantage à rester dans la course pour les grandes échéances ?

Oui ! Quand j’étais plus jeune, nous devions nous frayer un chemin nous-même. Désormais, la jeune génération bénéficie d’excellents entraînements et a tout ce qu’il faut pour réussir. En cela, ils ont un avantage. Pour ma part, je dois continuer à performer. Je fais toujours partie des meilleurs, mais le niveau général est meilleur qu’il y a quelques années, notamment car il y a davantage de cavaliers talentueux.

“J’ai démarré ma carrière en débourrant de jeunes étalons”

L’an passé, vous êtes parvenu à concilier à la fois les Coupes des nations CSIO 3* et les étapes des circuits de Global Champions. Quel est le secret pour réussir à participer à toutes ces compétitions ?

Il est nécessaire d’établir un bon programme et de toujours prioriser le cheval. On peut participer à plusieurs concours, mais le plus important est de savoir comment se sent son cheval. Parfois, il faut faire des modifications avant les compétitions. Participer à de plus petits concours peut aussi s’avérer bénéfique. Avec Long John, nous étions vraiment focalisés sur Doha déjà deux ou trois mois à l’avance. Nous avons construit son planning en fonction de cela. Si l’on veut être compétitif sur tous les tableaux, il faut avoir un planning solide. Il faut également écouter ses chevaux, comment ils se sentent et ce qu’ils nous disent. Parfois, il faut revenir en arrière et passer à côté d’un très bon concours, car, sur le long terme, cela paiera. Quand les chevaux sont en forme, alors on peut continuer. Pour Long John, j’ai prévu ma saison en fonction des championnats du monde à Herning. Même si je ne suis pas encore sélectionné, je vais suivre mon plan. Il ne faut pas disputer trop d’épreuves ; si nous sommes retenus, je ne veux pas que mon cheval n’ait plus d’énergie et n’aime plus ce qu’il fait. Je dois donc l’écouter attentivement et aviser en fonction de lui. Parfois, faire moins de concours nous apporte plus de bénéfices.

Avec l'excellent Bubalu VDL, Jur Vrieling a participé à la médaille d'or collective des Pays-Bas lors des JEM de Caen, en 2014. © Sportfot

Comment fonctionne votre système actuel ? Le haras VDL, qui vous avait notamment confié les cracks Bubalu (ex Triumph, KWPN, Baloubet du Rouet x Nimmerdor), Zirocco Blue (ex Quamikase des Forêts, SF, Mr Blue x Voltaire) et Glasgow vh Merelsnest (BWP, Nabab de Rêve x Darco), vous soutient-il toujours ?

Oui, je collabore toujours avec le haras VDL. J’ai également quelques clients avec qui je travaille depuis près de vingt-cinq ans. Je monte des chevaux pour eux. J’essaye simplement de construire mon système à partir de là et de faire de mon mieux, en établissant des programmes de concours afin de trouver comment intégrer toutes les parties à cela. J’ai quelques étalons de VDL qui sont extrêmement talentueux. Nous allons construire leur carrière progressivement. Cela prendra plusieurs années, mais cela n’a pas d’importance dès lors que la qualité est au rendez-vous. Parfois, il faut prendre une pause et se concentrer à nouveau sur les plus jeunes, et c’est ce que je fais en ce moment pour VDL. J’adore les chevaux qui me sont confiés ; ils ont simplement besoin de temps.

Avant d’arriver à haut niveau, quel a été votre parcours avec les chevaux ?

Ma sœur et mon frère montaient un peu à cheval, mais je n’aimais pas du tout les chevaux au départ ! J’ai vraiment commencé l’équitation à treize ans. Ensuite, je suis parti chez la famille van de Lageweg, au haras VDL, pour débourrer les étalons de trois ans et demi. J’ai fait cela pendant quelques années et c’est comme cela que je gagnais ma vie. Progressivement, ils ont continué à me confier des étalons à monter. J’ai commencé comme cela et je continue à débourrer mes propres chevaux car j’aime vraiment cela. Certains disent que c’est dangereux, mais, en quelque sorte, il s’agit une passion.

“J’ai beaucoup de respect pour Roger-Yves Bost”

Au fil des années, le sport a évolué. Aujourd’hui, les questions de bien-être animal sont de plus en plus importantes, pour les acteurs du sport mais aussi pour la société en général. Après plus d’une décennie passée à haut niveau, comment appréhendez-vous cette thématique ?

Cela rejoint ce que j’explique sur le fait d’écouter les chevaux. Ce que l’on peut faire, à quelle intensité et à quelle fréquence dépend de ce que chaque cheval nous dit. Il faut vraiment se concentrer là-dessus. Lorsque l’on fait bien les choses avec eux, ils aiment leur travail. On ne connaît le succès que lorsque les chevaux apprécient ce qu’ils font. Plus ils sont heureux, plus les résultats sont au rendez-vous. Ce n'est pas facile, mais il faut établir une relation avec eux. Ainsi, ils se sentent en confiance et nous donneront tout. Si l’on est inoffensif avec eux, alors nous pouvons travailler ensemble. Il est important de prendre le plus grand soin de nos chevaux.

Jur Vrieling et Long John Silver 3 en sortie de piste à Doha. © Sportfot

En dehors des chevaux, trouvez-vous le temps d’avoir d’autres centres d’intérêt ?

Non, pas vraiment. Les chevaux sont toute ma vie, ce sont mes amis ; ils sont tout pour moi. Et mon chien aussi, je ne dois pas l’oublier (rires) ! C’est une vie que nous choisissons et qui nous plaît. J’aime toujours autant passer du temps avec mes chevaux, à les entraîner. J’ai toujours dit que j’arrêterai de monter lorsque je ne prendrai plus de plaisir à faire travailler mes chevaux. Le succès que l’on veut obtenir en compétition ne peut venir que de l’entraînement et de la relation que l’on tisse avec nos montures. Il n’y a pas de meilleure façon de connaître ses chevaux, ce qu’ils aiment, ce qu’ils ressentent, qu’en les entraînant. Nous passons beaucoup de temps avec eux et nous apprenons à les connaître, à appréhender leurs réactions. J’adore cette part de mon métier. Mon corps est encore en pleine forme et je m’amuse en montant à cheval, alors, je continue ! Les chevaux sont vraiment toute ma vie et ce pour quoi je vis. Cela peut peut-être paraître un peu stupide. Les gens disent souvent “oh, Jur, tu es toujours avec les chevaux, toujours aux écuries”, mais c’est simplement ce que j’aime. Quand je vois quelqu’un comme Roger-Yves Bost être toujours en train de travailler avec ses chevaux, aider pour le travail d’écurie et tout faire pour ses compagnons, j’ai beaucoup de respect pour lui. Il est toujours ami avec ses chevaux et travaille énormément. Il est l’un de mes exemples.

Photo à la Une : Jur Vrieling et Long John Silver 3 au Longines Paris Eiffel Jumping. © Scoopdyga