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“Les championnats d’Europe de La Corogne sont dans un coin de ma tête”, Nina Mallevaey (2/2)

 Après avoir défilé en tête du tour d’honneur des championnats de France Pro Elite, Nina Mallevaey rêve d’en faire de même lors d’un grand championnat.
vendredi 9 mai 2025 Mélina Massias

Excellente lors de ses jeunes années, Nina Mallevaey gravit les marches du haut niveau avec la même réussite. Après une expérience enrichissante au sein des écuries Chev’El, la jeune femme de vingt-cinq ans s’est formée auprès d’Éric Lamaze, grâce auquel elle a croisé la route de la famille Rein, propriétaire de ses complices à quatre jambes. Épanouie, l’actuelle cinquante-sixième mondiale et leader du classement des cavaliers de moins de vingt-cinq ans s’affirme, semaine après semaine, comme la relève de la veste bleue de l'équipe de France. Ses classements en Grands Prix 5* ces derniers mois, ainsi que son titre de championne de France Pro Élite, décroché à Fontainebleau fin avril, aux rênes de l’excellente Nikka vd Bisschop, qu'elle a retrouvée sous sa selle en début d’année, en sont la preuve. En plus de l'olympique fille d’Emerald van’t Ruytershof, la Nordiste peut aussi compter sur Dynastie de Beaufour, qu’elle a guidée sur ses premiers Grands Prix 5*. En retour, la Selle Français par Diamant de Semilly lui a permis d’honorer ses premières sélections en Coupes des nations CSIO 5* la saison dernière. De bon augure, donc, pour les prochaines grandes échéances, dont les championnats d'Europe de La Corogne, dès cet été, et pour lesquels Edouard Couperie, nouveau sélectionneur des Bleus, aurait tout intérêt à tester de nouvelles paires. Quoi qu’il advienne, Nina Mallevaey, discrète mais dotée d’un caractère de battante, savoure chaque jour le bonheur de vivre un rêve éveillé, qu’elle ne compte pas laisser en sommeil. Elle revient sur son sacre bellifontain, évoque son parcours, son piquet de chevaux, sa philosophie et ses ambitions de médailles. Entretien.

La première partie de cette interview est à (re)lire ici.

Vous semblez avoir la capacité de faire couple très rapidement avec n’importe quel cheval. Quel est votre secret ?

Je n’ai pas vraiment de secret. J’essaye surtout de développer une très bonne relation avec tous mes chevaux. J’aime passer beaucoup de temps avec eux à pied, pour apprendre à connaître leur personnalité, tous les détails qui deviennent très importants lorsqu’on les monte. Je pense avoir une bonne relation avec chaque cheval, et peut-être que cela m’aide à mieux les comprendre.

Que ce soit avec Dynastie de Beaufour, Nikka vd Bisschop ou ses autres chevaux, Nina Mallevaey a toujours une relation privilégiée avec chacun d'entre eux. © Mélina Massias

“Avoir une bonne relation à pied et connaître son cheval est primordial”

Cette volonté de passer du temps à pied avec vos chevaux, d’apprendre à connaître les moindres facettes de leurs personnalités, ne vient-elle pas aussi du fait que vous avez longtemps évolué sans groom ?

C’est possible. Jusqu’à mes dix-huit ans, j’ai toujours tout fait seule, avec l'aide de mon papa et ma maman. J’ai toujours été très proche de tous mes chevaux. Cela me semble très important. Il ne faut pas simplement faire attention au travail sous la selle ; il faut faire attention à tout et passer du temps avec eux. Cela me vient peut-être de l’éducation que m’a inculquée mon papa, et de ma passion pour l’animal. Avoir une bonne relation à pied et connaître son cheval est primordial. Cela permet de savoir comment il se sent. 

Jusqu'à ses dix-huit ans et son arrivée au sein des écuries Chev'El, la Nordiste a évolué sans groom, s'occupant elle-même de ses chevaux, avec l'aide de ses parents. © Mélina Massias

Quelles sont, selon vous, vos principales qualités en tant que cavalière et, s’il y en a, les défauts ou plutôt points faibles sur lesquels vous devez progresser ?

Cette relation que je peux avoir avec mes chevaux est sans doute un atout. J’ai aussi eu la chance de monter tous types de chevaux depuis mes débuts. Cela m’a appris à faire confiance à mon instinct, mon feeling. Tous les chevaux sont différents et être capable de s’adapter à eux est important. Concernant les défauts, j’en ai plein ! Lorsque j’étais plus jeune, mon plus gros défaut était de mettre un peu trop de pression dans les dernières foulées avant les obstacles. J’ai beaucoup travaillé là-dessus, afin d’être plus fluide dans les virages et de rassembler le galop dans les trois dernières foulées, afin de donner une meilleure propulsion à mes chevaux. J’espère que ce défaut s’atténue ! Ma position n’est pas parfaite et j’ai encore beaucoup de choses à travailler.

Ici avec le prometteur Destine To Be, la championne de France en titre reste déterminée à progresser et évoluer encore davantage. © Sportfot



“Helena Stormanns est l’une des meilleures coaches que j’ai eues jusqu’à présent”

Comment fonctionne votre système, en particulier votre collaboration avec la famille Rein ?

Cela fait maintenant trois ans que je monte leurs chevaux. Nous sommes basés aux Pays-Bas la majeure partie de l’année, puis nous allons en Floride, à Wellington, pendant trois à quatre mois, de fin novembre à fin mars en général. Tara et Mark Rein ont des écuries à Wellington et cela leur permet de voir leurs chevaux une partie de l’année, puisqu’ils sont installés aux Etats-Unis. De notre côté, cela nous permet de profiter des concours en Floride, à Wellington et Ocala notamment. Ce sont de super expériences ! Nous sommes entraînés par Helena Stormanns qui est, je pense, l’une des meilleures coaches que j’ai eues jusqu’à présent. Elle est très positive dans sa manière de nous faire progresser et donne beaucoup de confiance à ses cavaliers. Elle nous prodigue des conseils très importants. Et lorsque les choses se déroulent moins bien, elle nous dit également ce qui ne va pas, ce qu’il faut améliorer, mais toujours d’une manière positive. Elle n’est jamais énervée et nous évoluons dans un environnement très sain. Tara et Mark sont, eux aussi, incroyables ! Ils nous soutiennent énormément et nous mettent peu de pression, ce qui nous permet de travailler en confiance. Je monte avec Cassidy Rein, la fille de Tara et Mark. Elle est basée avec nous en Europe la plus grande partie de l’année, puis se rend à Wellington. Nous nous épaulons beaucoup. Cassidy a vingt et un ans et évolue au niveau 2* ainsi que sur le circuit Jeunes cavaliers. Nous nous entendons très bien et elle est un super soutien. Nous sommes tous assez jeunes dans l’équipe et l’ambiance est très chouette. Nous nous entendons tous très bien. 

J’aimerais en profiter pour remercier tous les gens qui m’entourent, ainsi que tous ceux que j’ai croisés dans ma jeune carrière, qui m’ont apporté énormément, aidée à être là aujourd’hui, dont la famille Rein, toute l’équipe qui nous entoure, mes parents et tous ceux qui m’ont soutenue jusqu’à présent.

Après avoir connu différents entraîneurs, Nina Mallevaey bénéficie désormais des précieux conseils d'Helena Stormanns. © Mélina Massias

Avez-vous l’intention de poursuivre cette belle aventure à long terme ou songez-vous à d’autres projets ?

J’aimerais évidemment rester à leurs côtés ! Tara et Mark Rein sont incroyables et font énormément pour moi.

Qu’avez-vous appris du système américain ?

Il y a de nombreux systèmes différents, mais, en fin de compte, le fonctionnement aux Etats-Unis est assez similaire avec ce que l’on peut voir en Europe. La monte américaine est peut-être plus dans le mouvement en avant, mais c’est aussi le cas de l’équitation de beaucoup de cavaliers européens. En étant à Wellington trois ou quatre mois consécutifs, entourée de cavaliers de très haut niveau, j’ai acquis une grande expérience. Cela m’a fait grandir et progresser. 

Le très prometteur Mr. Cornike effectue sa formation entre le continent américain et l'Europe. © Sportfot

“J’essaie de toujours aller dans le sens du cheval”

Le cap entre les années Poney, Junior et Jeune cavalier et le plus haut niveau s’avère souvent difficile. Qu’est-ce qui rend cette transition particulièrement délicate ?

Dans mon cas, encore une fois grâce à mon papa et les personnes que j’ai croisées et qui m’ont fait confiance, je n’ai jamais vraiment eu à vivre la transition entre les poneys et les chevaux. J’ai très vite monté à cheval. En 2010, nous avons rencontré Stéphane Asseman, qui m’a confié sa jument, Belucky (van't Ongereet, Quick Star x Nimmerdor, ndlr). Elle a été ma première jument et m’a donné le goût de la compétition. C’était une jument avec un cœur en or et elle adorait par-dessus tout aller vite ! Elle m’a appris à gagner des épreuves et m’a permis d’être vice-championne de France Amateur 1 en 2010, à dix ans. Puis, grâce à François Pelamatti, j’ai retrouvé le circuit Poney. Les familles Brault et Tachet m’ont, à leur tour, confié de super poneys. Mais en parallèle, je n’ai jamais cessé de monter à cheval. Ne pas me cantonner seulement aux poneys m’a énormément aidée. Lorsque j’ai eu seize ans, je n’ai pas eu à vivre cette transition. Lorsque cela est possible, mêler équitation à cheval et à poney me semble être l’idéal. Passer des catégories Jeunes à Sénior est une marche énorme à franchir. Il faut beaucoup de travail, mais aussi être bien entouré, avoir le bon système et les chevaux qui permettent d’accéder au plus haut niveau. C’est un tout, qui n’est pas simple à mettre en place. Mais tout est possible. Il faut être passionné, courageux, travailler et savoir saisir les opportunités qui s’offrent à soi. 

Grâce à Belucky van't Ongereet, Nina Mallevaey a, très tôt, appris à se montrer compétitive. © Sportfot

Comment qualifieriez-vous votre philosophie, votre façon de travailler avec les chevaux ?

Je dirais que mon approche est plutôt naturelle, assez simple, basée sur mon feeling et ma passion pour les chevauxJ’essaie de ne pas trop me prendre la tête, de toujours aller dans le sens du cheval, de comprendre mes montures et de travailler avec elles. 

Vous semblez d’un naturel plutôt réservé, mais incarnez plus que jamais la relève et l’avenir du clan tricolore. Comment le vivez-vous ?

Je ne sais pas trop… Lors de la conférence de presse des championnats de France, à Fontainebleau, Pénélope Leprevost a dit quelques mots à mon sujet. J’étais complètement choquée par ce qui se passait ! Pénélope était mon idole lorsque j’étais petite. Être assise à côté d’elle et entendre ce qu’elle a dit de moi m’a beaucoup touchée. Je suis effectivement assez réservée, surtout quand je ne connais pas trop les gens, et assez discrète, mais j’ai aussi du caractère. À travers mon éducation, j’ai appris à ne jamais rien lâcher, à travailler, être courageuse et aimer ce que je faisais. Mon papa m’a toujours dit de m’investir pleinement dans ce que je ferai, peu importe la voie que je choisirai. Alors, j’ai gardé cette persévérance, et la passion des chevaux. Travailler tous les jours avec eux est un rêve. Les montures qui m’accompagnent en ce moment sont incroyables et je pense vraiment sentir qu’elles aiment ce qu’elles font. Ce sont de vrais athlètes, qui savent qu’ils sont bons, et cela rend les choses encore plus incroyables.

Discrète, la Nordiste ne manque pas de caractère ni de détermination ! © Mélina Massias



“Représenter son pays est ce qu’il y a de plus beau et j’espère pouvoir continuer de le faire dans le futur”

Les sports équestres sont de plus en plus scrutés et décortiqués par le grand public, notamment sur tout ce qui concerne bien traitance animale. Quel rôle la jeune génération, dont vous faites partie, a-t-elle à jouer pour garantir un avenir sain et viable à l’équitation ? Par quoi cela doit-il passer ?

Nous avons, comme tout le monde, un grand rôle à jouer. Nous avons beaucoup à apprendre des chevaux. L’équitation nous enseigne des valeurs essentielles comme le respect, l’humilité, la patience, le courage. La relation que l’on a avec un cheval repose sur la confiance et le respect mutuel. Nous devons mettre en avant notre passion, notre amour et notre respect pour les chevaux. Ce sont des athlètes à part entière. Ils reçoivent des soins en adéquation avec leur vie d’athlète de haut niveau. Certains peuvent penser que la compétition n’est pas une bonne chose, mais je pense pouvoir dire que mes chevaux adorent cela ! Lorsqu’ils voient ou entendent le camion démarrer dans la cour, tous semblent impatients d’embarquer ! Quand ils arrivent en piste et qu’il y a une vraie atmosphère, comme ce fut le cas à Fontainebleau par exemple, ils se grandissent et savent que c’est le moment de performer. Ils se donnent à fond et je pense qu’ils aiment ce qu’ils font. Comme dans tout, il y a aussi des abus, qu’il faut corriger. Il faudrait peut-être aussi montrer davantage la vie de nos chevaux. Chez nous, ils vont au paddock tous les jours et sortent très régulièrement en forêt, par exemple. Tous sont suivis par un ostéopathe et un vétérinaire, afin qu’ils soient au mieux. Des nutritionnistes s’occupent aussi de leur alimentation, de façon à ce que tout soit bien adapté pour eux. Ils ont des suivis de sportifs de haut niveau. Nous devrions peut-être promouvoir cela davantage auprès du grand public. C’est une question délicate, mais nous, en tant que jeunes, devons sans doute être plus démonstratifs sur ces thématiques. 

"L’équitation nous enseigne des valeurs essentielles comme le respect, l’humilité, la patience, le courage", dit la championne de France. © Mélina Massias

L’an dernier, vous avez bouclé vos premières Coupes des nations Senior lors des CSIO 5* de Hickstead puis de Dublin, avant d’être à nouveau sélectionnée en début d’année, cette fois à l’occasion de l’étape de la Ligue des nations Longines d’Ocala. Que représente l’équipe de France à vos yeux ?

L’équipe de France représente énormément pour moi. J’ai eu la chance d’en faire partie à de nombreuses reprises plus jeune et d’être toujours très bien accompagnée par le staff fédéral, que ce soit Olivier Bost, Maryline Millet Lesage, Bertrand Poisson, Sophie Dubourg, et maintenant Édouard Couperie. J’ai toujours eu une super relation avec tout le monde et ils m’ont beaucoup apporté, notamment en me donnant ma chance étant plus jeune. Retrouver l’équipe de France en Sénior, à haut niveau, et revoir tout le monde est spécial ! Représenter son pays est ce qu’il y a de plus beau et j’espère pouvoir continuer de le faire dans le futur.

Grâce à Dynastie de Beaufour, Nina Mallevaey a fait ses premiers pas avec l'équipe de France Sénior en 2024. © Mélina Massias

“Je n’ai encore jamais fait de championnat Sénior, j’ai besoin de me forger en Coupes des nations, mais les Européens de La Corogne sont dans un coin de ma tête”

Compte tenu de vos performances, vous pouvez légitimement ambitionner de prendre part à de grands championnats avec la veste bleue de l’équipe de France. Les prochains championnats d’Europe, prévus cet été à La Corogne, sont-ils un objectif pour vous ?

Ils sont dans un coin de ma tête. Je sais que j’ai deux bonnes juments avec Dynastie et Nikka, et qu’elles sont complètement capables de prendre part à une échéance comme celle-ci. C’est à moi d’être à la hauteur. Je n’ai encore jamais fait de championnat Sénior, j’ai besoin d’expérience et de me forger en Coupes des nations au plus haut niveau, mais les Européens sont dans un coin de ma tête.

Quel sera votre programme dans les prochains mois ?

Je suis au Touquet Classic, pour le CSI 3*, cette semaine, puis j’irai à Kessel, pour un autre CSI 3*, où je monterai sûrement Dynastie et Nikka dans deux épreuves. Si My Clementine se sent bien au Touquet, elle fera également le Grand Prix 3* de Kessel. Ensuite, j’irai à Rome avec Dynastie et Nikka pour le CSIO 5*. La suite de l’année est encore un peu un point d’interrogation. Nous irons peut-être à La Baule, mais le programme reste à définir.

Le CSIO 5* de Rome sera l'un des prochains rendez-vous de Nina Mallevaey et ses deux juments de tête. © Mélina Massias

À long terme, quels sont vos rêves ?

Que tous mes chevaux soient en forme, que nous réalisions de bonnes performances et que j’arrive à me faire une place pour sauter des grands championnats ! Il n’y a rien de mieux que de porter la veste de l’équipe de France. J’aimerais continuer à évoluer à haut niveau, tout en amenant mes jeunes montures à ce niveau. Participer aux championnats d’Europe Sénior ou aux Jeux olympiques et y décrocher des médailles est un de mes rêves.

En dehors des chevaux, avez-vous d’autres loisirs, d’autres passions ? 

Les chevaux occupent vraiment la plus grande partie de ma vie, mais je consacre aussi du temps au renforcement musculaire. L’équitation est un sport qui peut être assez difficile pour le dos, donc j’accorde une grande importance au gainage, au renforcement musculaire et à la proprioception. Cela me permet d’être en bonne santé et en bonne forme physique.

A vingt-cinq ans, Nina Mallevaey espère bien agrandir sa collection de médailles. Et elle semble bien partie pour. © Mélina Massias

Photo à la Une : Après avoir défilé en tête du tour d’honneur des championnats de France Pro Elite, Nina Mallevaey rêve d’en faire de même lors d’un grand championnat. © Mélina Massias