“Le sentiment qui vous envahit en tant que propriétaire lorsque votre cheval gagne est indescriptible”, Frans Lens
Propriétaire de plusieurs chevaux évoluant sous les selles de la grande famille des Philippaerts depuis une dizaine d’années, Frans Lens évoque son rôle de l’ombre et sa passion sans faille pour ses complices à quatre jambes. Après avoir vu passer les cracks H&M Chilli Willi et Katanga v/h Dingeshof, qui disputera les championnats du monde de Herning la semaine prochaine, ou encore la futur star H&M Miro, pour lequel il ne tarit pas d’éloges, aux rênes des aînés de la fratrie, Nicola et Olivier, le Belge s’émerveille toujours des résultats de ses protégés, qu’il aime apprendre à connaître individuellement. Après s’être essayé à l’élevage quelques années, le dévoué homme de cheval revient sur les jalons marquants de son aventure équestre et livre ses secrets pour former les meilleurs couples possibles.
Quel est votre premier souvenir avec les chevaux ?
Il y a plus de trente ans, un centre équestre a ouvert près de chez nous, à côté de Liège. À l’époque, il s’agissait de la plus grande structure équestre construite en Belgique. J’y ai emmené ma fille, Elke, et elle a eu un coup de foudre. J’ai alors pu voir à quel point elle aimait les chevaux. Je lui ai donc acheté une petite jument, prénommée So Brave. Elles ont gagné de nombreuses compétitions ensemble et nous avons ensuite rencontré Eric Wauters (éminent cavalier belge, notamment champion national et médaillé olympique lors des Jeux de Montréal, malheureusement disparu en 1999, ndlr). C’est là que tout a commencé. Le saut d’obstacles ne passait pas beaucoup à la télévision ; lorsque c’était le cas, ce n’était que pour cinq ou dix minutes de temps d’écran. Mais je me souviens qu’en 1992, l’épreuve de jumping des Jeux olympiques de Barcelone a été diffusée en entier. Ce fut un événement marquant pour le secteur de l’équitation en Belgique.
Vous soutenez la famille Philippaerts depuis de nombreuses années. Comment êtes-vous devenu un des plus grands propriétaires du milieu équestre ?
Il y a deux raisons principales. La première est ma rencontre avec Eric Wauters et la seconde réside dans le fait que je cherchais toujours de meilleurs chevaux pour ma fille. À l’époque, il était plus facile de trouver de bons chevaux, car ils étaient moins nombreux. Aujourd’hui, vous pouvez avoir plus de cent chevaux dans un élevage, âgés de six à huit ans, qui pourraient tous devenir des champions. Il faut donc avoir de la chance pour trouver l’un des meilleurs. Au début, j’avais des chevaux qui concouraient au niveau national, puis ils ont progressé jusqu’en épreuves internationales. Je n’ai jamais eu l’ambition d’acheter des chevaux toujours meilleurs dans le but de les revendre. Au contraire, je souhaite les conserver et les faire progresser. J’en tire une immense satisfaction et cela a toujours été mon objectif.
Quel moment dans votre carrière de propriétaire vous a rendu le plus fier ?
Deux moments sont particulièrement remarquables à mes yeux. Le premier regroupe tous les succès rencontrés par Olivier Philippaerts et Carlito C (BWP, Kannan). J’ai élevé ce cheval moi-même et j’étais d’autant plus fier de lui. Il a gagné les Derbies des Masters de Spruce Meadows et du CHIO d’Aix-la-Chapelle. Ces deux souvenirs ont été incroyablement forts pour moi.
Le second comprend toutes les victoires de Nicola. Il a gagné des Grands Prix 5* ainsi que les championnats de Belgique. Il connaît encore beaucoup de réussite avec Katanga v/h Dingeshof (BWP, Cardento x Tornado) en ce moment. Le couple qu’ils forment tous les deux a été formidable dans le Grand Prix Rolex d’Aix-la-Chapelle cette année (ils ont terminé troisièmes, derrière Gerrit Nieberg et Scott Brash, ndlr), tout comme il l’avait déjà été aux championnats d’Europe Longines l’été dernier. Tous deux s'apprêtent désormais à participer aux championnats du monde de Herning. Je pense qu’ils ont une chance, non seulement en individuel, mais aussi en équipe. Je suis donc très optimiste. C’est un véritable championnat et la concurrence sera rude.
“Aujourd’hui, les chevaux doivent avoir toutes les qualités”
Quelles qualités recherchez-vous chez un cheval que vous achetez dans l’objectif qu’il évolue au plus haut niveau ?
Aujourd’hui, ils doivent avoir toutes les qualités : la rapidité, l’intelligence, les moyens, la réactivité, le sang, etc. Lorsque j’ai commencé, il y a trente ans, les cavaliers avaient davantage d’importance. Dans un groupe de quarante pilotes, seuls cinq étaient peut-être en mesure de gagner. Aujourd’hui, trente-huit sur ces quarante peuvent prétendre à la victoire. Il faut donc que les chevaux aient un maximum de qualités pour espérer l’emporter. En Belgique, nous avons beaucoup de bons chevaux. Il est donc difficile de choisir les meilleurs. Ludo Philippaerts (qui sera le consultant de Studforlife durant les championnats du monde de Herning, ndlr) a actuellement entre douze et quinze chevaux de huit ans extrêmement talentueux. Il a un don pour repérer le potentiel d’un cheval et, généralement, lorsqu’il me dit qu’un cheval est bon, il devient excellent.
À quel point est-ce important pour vous de former un bon couple entre le cavalier et sa monture ? Comment savez-vous qu’un cheval sera un bon partenaire pour son pilote, et inversement ?
Tout d’abord, le cavalier doit être en mesure de percevoir le talent et le potentiel du cheval. Il faut ensuite qu’il aime le cheval. Sinon, je ne l’achète pas. Si le cavalier n’a pas un bon sentiment, c’est terminé pour moi. Essayer le cheval sous la selle au moins une ou deux fois me paraît extrêmement important. Pourtant, Ludo n’a jamais monté Katanga v/h Dingeshof avant de l’acheter ! Je crois que personne ne peut prévoir quel cheval de huit ans deviendra un gagnant en Grand Prix 5*, mais on peut avoir une bonne impression sur un cheval. Malgré tout, le chemin est long avant qu’il ne devienne un champion.
Comment fonctionne votre partenariat avec la famille Philippaerts ? À quoi ressemble la relation entre propriétaire et cavalier ?
Je suis en relation avec la famille Philippaerts depuis dix ou douze ans maintenant. Nos rapports sont excellents. J’ai connu Ludo avant la naissance de ses enfants, il y a près de trente ans. Il a aujourd’hui un bon nombre de montures de talent, prêtes à passer au niveau supérieur. Nous travaillons très bien ensemble et il en a toujours été ainsi. J’ai confiance en Ludo. Il excellent dans la découverte des meilleurs chevaux et a désormais quatre fils qui évoluent dans le milieu. De fait, il doit trouver des chevaux de qualité pour eux et il continue de le faire. Il a du talent et un don pour repérer les bons chevaux.
“Je pense que H&M Miro va devenir une star”
Combien de chevaux possédez-vous actuellement ? Lequel de vos jeunes a, selon vous, le potentiel le plus important ?
Je suis actuellement propriétaire de six chevaux. J’en ai toujours possédé entre six et huit à la fois. Je préfère avoir un petit nombre de chevaux afin d’être capable de les connaître individuellement, de découvrir leurs traits de personnalité respectifs et leurs particularités. Je ne fais plus d’élevage. Par conséquent, mes plus jeunes chevaux ont entre sept et huit ans en ce moment. Selon moi, H&M Miro (BWP, Diamant de Semilly x Kannan, dix ans et récent troisième du très difficile Grand Prix 5* de Monaco, ndlr) est celui qui a le plus grand potentiel. Il est sous la selle d’Olivier et je pense qu’il va devenir une star.
Quelle est votre principale ambition en tant que propriétaire ?
De prendre du plaisir, mais aussi d’avoir de la réussite et d’essayer de gagner. Avec mon équipe, nous avons remporté de nombreux Grands Prix 5*, ainsi que les championnats de Belgique. Aujourd’hui, l’objectif serait de sortir victorieux un Grand Prix Rolex ou les Jeux olympiques. Nous avons manqué le rendez-vous des JO deux fois en raison de blessures. Cette échéance représente un grand rêve, mais il faut rêver en grand, car il arrive parfois que les rêves se réalisent.
Le sentiment qui vous envahit en tant que propriétaire lorsque votre cheval gagne est indescriptible. La joie que j’ai ressentie quand Olivier a gagné les Derbies au CHIO d’Aix-la-Chapelle et aux Masters de Spruce Meadows était vraiment incroyable. J’étais extrêmement nerveux avant le CHIO d’Aix-la-Chapelle cette année, mais la troisième place de Nicola est exceptionnelle. Aix-la-Chapelle et Spruce Meadows sont à l’équitation ce que le Tour de France est au cyclisme ; tout le monde veut y participer et performer.
Parmi les chevaux dont vous avez été propriétaire, duquel ou desquels êtes-vous le plus fier, et pourquoi ?
C’est une question très difficile car j’ai eu la chance d’avoir beaucoup de chevaux très talentueux. J’ai eu huit chevaux qui ont concouru en Coupe des nations et H&M Miro portera ce nombre à neuf. Les très bons chevaux sont nombreux en Belgique. Alors, en avoir autant qui ont défendu les couleurs de mon pays est incroyable. C’est un grand honneur pour moi.
H&M Chilli Willi (Holst, Casall x Lord, décédé lors d’un accident en mars 2021, ndlr) était un cheval exceptionnel, et aujourd’hui, Katanga v/h Dingeshof montre un grand talent. Elle a déjà accumulé de bons résultats au cours de sa carrière, y compris le bronze en individuel et par équipe aux championnats d’Europe Longines l’an dernier, une quatrième place dans le Grand Prix de Rome, et une troisième position dans le temps fort d’Aix-la-Chapelle. Ce ne sont là que quelques-uns de ses succès de ces derniers mois. Elle est le cheval d’une vie, mais Ludo me dit toujours qu’il peut m’en trouver d’autres.
“Eric Wauters a été une grande source d’inspiration”
Le Rolex Grand Slam est-il selon vous une bonne chose pour le monde du saut d’obstacles ?
C’est exceptionnel. Le Rolex Grand Slam est le plus grand événement qui soit jamais arrivé dans le milieu du jumping. Tous les cavaliers veulent participer aux Majeurs. On m’avait proposé Hello Sanctos (ex Sanctos van het Gravenhof, sBs, Quasimodo van de Molendreef x Nabab de Rêve), le cheval avec lequel Scott Brash a gagné réalisé le Grand Chelem Rolex (qui consiste à remporter au moins trois épreuves du circuit consécutivement, ndlr). Le regarder gagner était véritablement magique. Il n’y a rien dans le milieu de l’équitation qui puisse être comparé au Rolex Grand Slam.
Quelle est votre compétition préférée parmi les quatre Majeurs du Rolex Grand Slam, à savoir Bois-le-Duc, Aix-la-Chapelle, Calgary et Genève, et pourquoi ?
Sans doute le CHIO d’Aix-la-Chapelle et les Masters de Spruce Meadows. Nous avons eu de nombreux succès dans ces deux concours, ce qui leur donne une valeur encore plus particulière. La joie que j’ai pu tirer de ces compétitions est vraiment incroyable, et le public y est phénoménal. Nicola veut aller à Calgary cette année, mais nous devons être très prudents avec Katanga v/h Dingeshof. Elle a eu un emploi du temps extrêmement chargé avec le CHIO d’Aix-la-Chapelle et d’autres compétitions plus tôt dans la saison, et elle est maintenant sélectionnée dans l’équipe de Belgique pour les championnats du monde, j’ai donc peur que cela soit trop pour elle. Mais c’est le rêve de Nicola. Nous baserons donc notre décision sur la performance de Katanga lors des Mondiaux. Olivier pourrait aller à Spruce Meadows (où il était devenu le plus jeune vainqueur du Grand Prix 5*, en 2012, en compagnie de Cabrio van de Heffinck, ndlr), mais cela reste à confirmer.
Quelle personne représente votre plus grande source d’inspiration ?
J’ai rencontré tellement de grands cavaliers et de grandes personnalités qu’il m’est difficile d’en nommer une seule, mais Eric Wauters a été une grande source d’inspiration. Il a été un grand ami et il m’a beaucoup appris. Aujourd’hui, Ludo est à son tour une grande source d’inspiration. Et il faut dire qu’ils sont tous deux des maîtres dans leur domaine, des puits de science en matière de chevaux et d’équitation.
Quel est le meilleur conseil que vous ayez jamais reçu ?
Eric Wauters, aujourd’hui disparu, me disait souvent : “Ne te fatigue pas trop à chercher un cheval, un jour le bon cheval viendra jusque dans tes écuries.” Je pense qu’il avait tout à fait raison. Ludo me dit toujours : “Je vais te trouver un autre très bon cheval”, et c’est toujours le cas. Il possède vraiment un incroyable talent pour cela. Il est tellement difficile de trouver un cheval de 5* et pourtant, il continue à y parvenir !
Photo à la Une : Frans Lens. © Dirk Caremans / Hippofoto
Rolex Grand Slam